Une brève histoire des colonies françaises - Michel Paufique - E-Book

Une brève histoire des colonies françaises E-Book

Michel Paufique

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Beschreibung

Dans un style journalistique factuel, presque télégraphique, Michel Paufique a voulu retracer en détails l'histoire des colonies françaises.

Michel Paufique (1923-2015), passionné d’histoire et d’architecture, a parcouru le monde toute sa vie professionnelle. Au soir de sa vie, il a cherché à retracer « une brève histoire des colonies françaises ». Dans un style journalistique factuel, presque télégraphique, il a cherché à extraire et restituer, pour chaque pays, la petite histoire qui conduit à la grande, l’évènement, la personnalité, l’échange verbal, ce point d’inflexion où le temps libère l’action qui change le cours de l’histoire.
On se surprendra à aimer découvrir ces chroniques, on se laissera prendre par la main par ce conteur malicieux, on se surprendra à imaginer sa voix, son sourire et son regard d’un bleu espiègle et bienveillant.
Et puis la magie opère, on commence à comprendre comment et parfois sur quel coup de dés, le destin des peuples à disposer d’eux-mêmes s’est joué.

« Un coup de dés jamais n'abolira le hasard » Stéphane Mallarmé

Laissez-vous surprendre par les chroniques historiques de ce conteur malicieux, pour comprendre comment et parfois sur quel coup de dés, le destin des peuples à disposer d’eux-mêmes s’est joué.

EXTRAIT

Colbert, par souci d’efficience, préconisa la suppression de la peine de mort, au profit de celle des galères. Il ignorait sans doute la monstruosité de la condition de ces malheureux rivés à leurs rames et des coups qu’ils recevaient.
Mais, en parallèle, on éduqua des recrues pour devenir matelots et l’on forma des cadres.
Des hommes de mérite furent engagés : Abraham Duquesne, élevé au rang de marquis mais jamais maréchal de France, parce que protestant. Jean Bart, petit fils d’un corsaire de Dunkerque, plein d’aplomb. Il répondit au roi qui lui disait « Jean Bart, je vous ai nommé chef d’escadre », « Sire, vous avez bien fait ».
L’œuvre de Henri IV, Richelieu et Colbert fut immense.
Le Canada, malgré son climat rude, ses forêts, attirèrent quelques artisans.
Champlain remonta le Saint Laurent et fonda Québec en 1608. Lieutenant général en 1620 puis gouverneur en 1633, il assura l’essor de la nouvelle colonie qu’il administra pendant 29 ans et y mourut.
Les compagnies commerciales, dont on attendait beaucoup, vacillèrent. Elles n’eurent ni les hommes, ni les ressources nécessaires, pour mener à bien la gestion d’un territoire plus grand que la France.
A partir de la fin du règne de Louis XIV, l’Angleterre commença à tisser des liens avec l’empire colonial français.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel Paufique (1923-2015) a parcouru et séjourné pour des motifs professionnels, pendant 23 ans de nombreux pays, Brésil, Iran, Maroc, Algérie, Europe.
Passionné d’histoire et d’architecture, il s’est livré à la retraite à ses « chères études » et s’est penché plus particulièrement sur la Seconde Guerre mondiale et la colonisation puis la décolonisation.
Son histoire personnelle a été marquée par la Seconde Guerre Mondiale qui a troublé ses études (de 17 à 22 ans) et ses activités professionnelles qui l’ont conduit au Maroc en 1956 pendant les premiers troubles, et en Algérie, trois ans après son indépendance. Ces expériences expliquent sans doute son intérêt pour les événements relatés dans cette étude.

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Michel Paufique

Une brève histoire des colonies françaises

Préface

Michel Paufique (1923-2015) a parcouru et séjourné pour des motifs professionnels, pendant 23 ans de nombreux pays, Brésil, Iran, Maroc, Algérie, Europe.

Passionné d’histoire et d’architecture, il s’est livré à la retraite à ses « chères études » et s’est penché plus particulièrement sur la Seconde Guerre mondiale et la colonisation puis la décolonisation.

Son histoire personnelle a été marquée par la Seconde Guerre Mondiale qui a troublé ses études (de 17 à 22 ans) et ses activités professionnelles qui l’ont conduit au Maroc en 1956 pendant les premiers troubles, et en Algérie, trois ans après son indépendance. Ces expériences expliquent sans doute son intérêt pour les événements relatés dans cette étude.

Dans son manuscrit, se trouvait cette annotation :

« J’ai essayé de restituer, dans leur époque, des personnages qui ont eu une influence : politique, militaire, artistique, scientifique… J’ai aussi donné quelques définitions. 

Toutefois, parmi ces personnages marquants, seuls les plus connus y figurent, en particulier aux xviiie, xixe siècles et durant la IIIe République. Ces périodes connurent un véritable foisonnement d’hommes de génie, injustement passés dans l’oubli, et qui ont cependant énormément apporté à leur pays. »

Plus qu’aux conquêtes, il s’est attaché à la personnalité de grands explorateurs (Jacques Cartier Savorgnan de Brazza etc.…) de quelques grandes figures indigènes, de médecins partis dans les colonies (le Dr Schweitzer, Calmette, Yersin) et rapporte des échanges épistolaires ou verbaux savoureux.

L’étude s’arrête pour chaque ancienne colonie à son indépendance. Les chiffres de population cités ici datent des années 1960 et ont donc quintuplé, voire davantage en Afrique notamment.

Laurence, sa fille

Remerciements

A Jean-Pierre Gérault, son filleul, sans qui ce document n’aurait jamais été imprimé en la mémoire de Michel, mon époux.

A Michel Huer qui a, patiemment dactylographié la seconde partie de ce manuscrit.

Jeannine Paufique.

Généralités

Quelques rappels historiques

Définition : territoire occupé et administré par une nation en dehors de ses frontières et demeurant attaché à la métropole par des liens étroits.

Rome, comme Athènes, s’emparèrent de terres étrangères, les mettant en culture en y installant des colons : c’était la colonisation.

Cette colonisation a pris diverses formes suivant les époques. Imposer sa domination à d’autres peuples a été le moteur de l’expansion quel qu’en soit le motif : impérialisme religieux des Arabes, des Chrétiens contre les Infidèles, que l’on appela « Croisades ».

Naissance et réalisation des Croisades :

C’est avec Charlemagne (742 – 814) – Roi des Francs (768 – 814) – Empereur d’Occident (800 – 814), que se manifesta pour la première fois en France, la passion du lointain.

L’Empereur avait rétabli l’ordre en Occident, avait combattu la piraterie et les Arabes en Espagne : ainsi le commerce avait repris. Marseille importait du Levant et exportait des céréales du sol gaulois. Son auréole s’étendait jusqu’à Bagdad et Jérusalem. Le Khalife de Bagdad Harun-Al-Rachid, avait accordé à l’Empereur un droit de protection des lieux saints de Palestine et la propriété du Saint-Sépulcre. Charlemagne exerça son droit par l’entremise du Patriarche de Jérusalem. Il fit fonder dans la ville sainte, un hôpital, une basilique, une bibliothèque. Il envoya des subsides en Palestine et en Syrie, pour les jalonner de maladreries (léproseries).

Ainsi, les pèlerins affluèrent de plus en plus nombreux chaque année ; quelque fois le marchand se dissimulait sous la robe d’un prieur. Les Francs étaient impatients d’aller en Terre Sainte. Durant trois siècles, l’élan anti-islamique ne fit que croître.

En 1096, et pendant deux siècles jusqu’en 1270, huit croisades se déroulèrent avec des itinéraires différents : l’Italie et Brindisi, les Côtes Dalmates, les Balkans, la Hongrie, la Macédoine, la Rhénanie, Constantinople.

La première masse (1ère croisade) à faire le voyage, fut une troupe de vagabonds pensant glaner les moissons et acquérir les trésors mirifiques de l’Orient. Des villes, des régions furent mises à sac.

Les croisés présentaient leur marche comme un chemin vers Dieu, mais on voit s’y affirmer la vocation coloniale de la France.

Les princes installèrent sur place des états sur le modèle féodal : ils se proclamèrent roi de Jérusalem, prince d’Antioche, comte de Tripoli, avec bien sûr une pyramide de vassaux. La croisade devint vite synonyme de colonisation. En effet, ces « pieds noirs » d’Orient s’enracinèrent et firent souche. Ils construisirent des forteresses défiant les siècles. Ils cultivèrent, commercèrent, s’adaptant au climat, adoptant un autre style de vie, épousèrent des femmes de ces pays, côtoyèrent l’Islam, qu’ils étaient venus combattre.

Puis les années s’écoulèrent, entrecoupées de succès et de revers dans chaque camp. Les musulmans, sur place, étaient avantagés, les chrétiens, éloignés de possibles renforts, s’affaiblirent et les territoires conquis se réduisirent, Jérusalem et Saint Jean d’Acre furent perdus.

A la fin du XVe siècle, la colonisation prit une autre forme, avec les grandes découvertes des navigateurs espagnols ou portugais.

D’abord Christophe Colomb (génois) navigua de Méditerranée vers l’ouest et découvrit les Antilles et l’Amérique centrale, croyant arriver aux Indes. Parti de Palos (sud de l’Espagne) avec l’appui de Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, il découvrit le nouveau monde et baptisa les indigènes « indiens ».

Henri le Navigateur, vers l’Afrique, découvrit Madère (première île colonisée par les Portugais en 1418), le Sénégal en 1445 et les Açores en 1457.

Barthélémy Dias (portugais) doubla le Cap des Tempêtes, futur Cap de Bonne espérance en 1485.

Vasco de Gama (portugais) joignit Calicut, port au sud-ouest des Indes en 1491.

A qui appartiendraient les terres découvertes ou à découvrir ?

L’attribution des terres nouvellement découvertes fut soumise à l’arbitrage du pape Alexandre VI Borgia. Il était espagnol. La bulle du 4 mars 1493 avantagea, bien sûr, l’Espagne. Les Portugais protestèrent.

Le 7 juin 1494, un traité fut signé à Tordesillas (ville dominant le Douro dans la province de Valladolid) entre les rois catholiques et Jean II de Portugal, qui stipula « que les terres situées au-delà de 370 lieues à l’ouest du méridien des Açores et des Iles du Cap Vert, seraient espagnoles, et jusque-là seraient portugaises. »

Puis Alvares Cabral (portugais) découvrit le Brésil en 1500. Dans son équipage figurait un matelot Amerigo Vespuci qui donna son prénom à un continent !

Magellan (portugais) donna son nom à un détroit et débarqua aux Philippines en 1521.

Alphonso de Albuquerque (portugais) conquit Goa et Ceylan en 1570.

Le traité de Tordesillas semblait complètement oublié !

Cortes (espagnol) conquit le Mexique.

Tous ces conquistadors rentrèrent avec des galions bondés d’or, d’argent et de bois rares.

Et les français ? Nul ne se souciait d’eux dans le partage entre « cousins » de la péninsule ibérique. Les français étaient-ils effacés de leurs souvenirs ?

En effet, Charles VII, Louis XI, regardaient vers le levant. Marseille était leur port.

Charles VIII s’était laissé prendre au mirage italien ; de plus il fallait régler le conflit avec les anglais et lutter contre la maison de Bourgogne.

François 1er, roi très chrétien qui règne de 1515 à 1547, n’était pas satisfait du traité de Tordesillas et ne se gênait pas pour le dire :

« Le soleil lui pour moi comme pour les autres, je voudrais voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde. »

Il estimait que l’or et les trésors ramenés des Amériques devaient aussi se déverser dans les cassettes du roi de France.

Jean Ango, puissant armateur dieppois, le pensait aussi. Il avait intérêt à voir les cales de ses navires bien remplies. François 1er et Jean Ango, oubliant Marseille, regardèrent vers l’Atlantique. Le Havre fut fondé, mais pour aller où ?

Les marins bretons, dieppois et basques, avaient l’habitude d’aller pêcher sur les bancs de Terre-Neuve ; l’Atlantique nord n’était pas une voie inconnue pour eux. Au sud, dans les mers chaudes, les espagnols et les portugais étaient chez eux.

Le roi du Portugal, à grand renfort d’écus, avait fait du ministre de la marine de François 1er Brion Chabot, son homme lige. Ce dernier, également ami du roi de France, approuvait les visées françaises, estimant ne pas gêner les portugais.

La flotte française se reconstituait peu à peu. Charles Quint était menaçant, Henri VIII Tudor avait besoin de terres. François 1er, jaloux de son ennemi Charles Quint se tourna vers de nouvelles régions. Pour cela, il accorda aux armateurs et marins, pleine protection royale et obtint du sultan Soliman des accords qui donnèrent au commerce français une situation prépondérante.

Jean Ango équipa des escadres avec des navigateurs qui s’illustrèrent au Brésil, aux Moluques au Canada.

Giovanni Da Verrazano (italien au service de François 1er) d’abord bloqué en Norvège, trouva une route de dégagement par l’ouest en 1524, atteignit Madère, puis la Floride, remonta jusqu’à Terre-Neuve, reconnut l’estuaire de l’Hudson.

Il prit possession au nom de François 1er des îles de Terre-Neuve et de la côte est canadienne.

François 1er donna à l’entreprise coloniale française, un tournant décisif. Jacques Cartier entra en scène.

Le 20 avril 1534, il dirigea une expédition dans le but de trouver :

1.un passage vers l’Asie

2.de l’or et d’autres richesses.

Il revint le 5 septembre 1534, sans avoir atteint les objectifs fixés. Il repartit en 1535 sans pouvoir remonter le Saint-Laurent. En 1541, pour la troisième fois, il s’aventura dans le Labrador ; il fonda la première colonie française, à proximité de ce que sera le Québec. Il remonta le Saint-Laurent pour aboutir à l’Océan Pacifique, traversa des forêts géantes et croisa des tribus cultivant la vigne, le maïs, le melon et la courge. Il remonta jusqu’à Hochelaga (Montréal) et découvrit là un remède inespéré : une infusion de bourgeons et d’écorces qui guérissait le scorbut.

Malheureusement, Cartier ramena un coffre de diamants – reconnus faux – Il fut déjugé, disqualifié et l’on cessa de croire au Canada !

Jean-François de la Roque de Roberval, qui était parti en avril 1542, comme Gouverneur, tenta de créer un modeste établissement. Il échoua et le Canada fut abandonné. A la fin du xvie siècle, malgré les efforts de François 1er, le bilan français n’était pas brillant.

-les Espagnols avaient la majeure partie de l’Amérique Centrale et du Sud ainsi que des îles (Cuba)

-les Portugais, étaient au Brésil, également sur les côtes de l’Afrique et avaient abordé l’Extrême-Orient (Goa, Ceylan)

-les Anglais se manifestaient sur le littoral Nord-Américain.

-les Français n’avaient rien : échec de la colonisation par Roberval, illusion des diamants de Cartier.

Les guerres de religion avaient détourné les esprits de la colonisation.

Il fallut attendre les règnes d’Henri IV, Louis XIII et Louis XIV.

Le grand siècle

Le 1er janvier 1600, il n’y avait rien, ou presque rien. Un siècle plus tard Henri IV, Richelieu et Colbert avaient œuvré. La France tenait enfin le Canada, une partie de Saint-Domingue, les Antilles, le Sénégal, Madagascar, la Guyane, et elle apparaissait dans l’Océan Indien.

Henri IV regardait vers l’outremer, alors qu’au lendemain des guerres de religion, il devait ressouder l’unité nationale, soutenir les catholiques, défendre les protestants. Quant à son surintendant Sully, il ne jurait que par « labourage et pâturage » et tenait serrés les cordons de la bourse.

Certains disaient qu’Henri IV « s’occupait de ses favorites » ! En fait, il voulait que la puissance française équilibre celle de l’Espagne et du Portugal et contrecarre l’Angleterre et les Provinces Unies.

Richelieu et Colbert eurent les mêmes objectifs, mais leurs coudées étaient moins franches que celles d’Henri IV. Ils devaient affronter le Cabinet Royal, où se prenaient les grandes décisions. Cependant Louis XIII et Louis XIV, eurent l’intelligence de comprendre que leurs deux ministres œuvraient pour leur gloire.

Armand du Plessis de Richelieu, n’oubliait pas qu’il était Prince de l’Eglise ; il avait souligné au roi la nécessité de la conversion des peuples enlisés dans l’infidélité et la barbarie.

Le Canada devint donc le domaine réservé des catholiques. Colbert, par la suite s’en plaignit : « trop de moines, pas assez de laboureurs ».

Richelieu et Colbert utilisèrent deux grands outils pour réaliser leurs ambitions commerciales. Si une marine faisait défaut, une colonie était un enfant perdu, elle n’avait pas de protection et ne pouvait effectuer de commerce. Elle était condamnée à péricliter ou à tomber dans d’autres mains.

Richelieu et Colbert firent donc créer 75 compagnies, vassales du Roi, mais suzeraines des colonies. Chacune de ces compagnies commerciales devint propriétaire de domaines à exploiter, tout trafic étant soumis à leur autorité, mais dans la plupart des cas elles furent éphémères.

Cependant, de vastes campagnes de propagande furent lancées pour recruter des volontaires pour les colonies ; on prêchait même l’appel jusqu’en chaire.

Il ne faut pas oublier l’importance des missionnaires dans l’œuvre de colonisation. Déjà, au xvie siècle, ils s’aventurèrent en Extrême Orient et arrivèrent à convertir des brahmanes. Ils allèrent, par milliers à travers les continents à l’est comme à l’ouest.

Richelieu et surtout Colbert, reconstituèrent la marine et construisirent des Ports :

–Dunkerque devint port de guerre

–Brest et Toulon furent transformés par Vauban

–Rochefort fut créé

–Marseille devint l’arsenal des galères

–Lorient prit de l’extension

Colbert, par souci d’efficience, préconisa la suppression de la peine de mort, au profit de celle des galères. Il ignorait sans doute la monstruosité de la condition de ces malheureux rivés à leurs rames et des coups qu’ils recevaient.

Mais, en parallèle, on éduqua des recrues pour devenir matelots et l’on forma des cadres.

Des hommes de mérite furent engagés : Abraham Duquesne, élevé au rang de marquis mais jamais maréchal de France, parce que protestant. Jean Bart, petit fils d’un corsaire de Dunkerque, plein d’aplomb. Il répondit au roi qui lui disait « Jean Bart, je vous ai nommé chef d’escadre », « Sire, vous avez bien fait ».

L’œuvre de Henri IV, Richelieu et Colbert fut immense.

Le Canada, malgré son climat rude, ses forêts, attirèrent quelques artisans.

Champlain remonta le Saint Laurent et fonda Québec en 1608. Lieutenant général en 1620 puis gouverneur en 1633, il assura l’essor de la nouvelle colonie qu’il administra pendant 29 ans et y mourut.

Les compagnies commerciales, dont on attendait beaucoup, vacillèrent. Elles n’eurent ni les hommes, ni les ressources nécessaires, pour mener à bien la gestion d’un territoire plus grand que la France.

A partir de la fin du règne de Louis XIV, l’Angleterre commença à tisser des liens avec l’empire colonial français.

La France ne s’intéressait pas qu’au Canada. La Guyane s’élargissait, la Guadeloupe prospérait grâce à la traite des noirs amenés d’Afrique ; également la partie occidentale de Saint -Domingue, cédée à la France par le traité de Ryswick (signé à la fin de la guerre de la ligue d’Augsbourg).

On installa des comptoirs en Gambie et on offrit une île au roi : Madagascar en 1665, ainsi que des îles adjacentes : les Mascareignes, (incluant l’île Bourbon, actuelle Réunion, l’île Maurice, Rodrigues et Saint-Brandon) mais Madagascar fut abandonnée en 1774.

La Guyane ne fut pas très estimée en raison de son climat malsain : chaud par sa latitude et humide par la proximité de l’océan.

La Martinique, par contre, fut mise en valeur par Colbert (culture de la canne à sucre) et devint un centre commercial, militaire et politique dans tout le secteur.

La fin des colonies 

Après le grand siècle, Louis XV, enfant, monte sur le trône en 1715. Ce fut une succession difficile. La France sortait de la guerre affaiblie. Il régna d’abord sous la régence de Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV ; dans cette période de plaisirs et d’insouciance, la royauté n’incarnait plus l’autorité du pouvoir. On le considéra donc comme le premier responsable du sort malheureux réservé au domaine colonial.

Mais il y avait d’autres responsables : Montesquieu, Voltaire, Diderot, Bernardin de Saint-Pierre.

En effet, dans les « Lettres Persanes », Montesquieu écrivait : « L’effet ordinaire des colons est d’affaiblir les pays d’où on les tire, sans peupler ceux où on les envoie ».

Voltaire, peu inspiré en politique et ayant soutenu le militarisme prussien, écrivait : « Je voudrais que le Canada fut au fond de la mer glaciale, même avec les Révérends Pères Jésuites du Québec. »

Diderot, dans l’Encyclopédie, prophétisait la fin des colonies : « L’intérêt des colonies est de se rendre indépendantes. Elles tâcheront de le devenir toutes les fois qu’elles n’auront plus besoin de protection ».

Bernardin de Saint-Pierre se croyait obligé d’affirmer une bonne foi patriotique : « Je croirai avoir rendu service à ma patrie, si j’empêche un seul honnête homme d’en sortir et si je puis le déterminer à y cultiver un peu plus dans quelque lande abandonnée ».

L’un d’eux ne disait-il pas : « Si un tahitien débarquait sur vos côtes et s’il y gravait sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : « ce pays appartient aux habitants de Tahiti », qu’en penserait-tu ?

Les français devenaient réticents devant le fait colonial. Ils admettaient volontiers que la France put être heureuse sans le Québec. Ils étaient casaniers et peu motivés pour s’expatrier. Ils avaient des circonstances atténuantes : pourquoi déserter la douce France pour la vallée du Saint-Laurent enneigée les trois quarts de l’année. Par contre, les immigrants britanniques, de leur côté, arrivaient nombreux, trouvant là-bas, un ciel plus agréable que le leur.

Au milieu du xviiie siècle, des Côtes de Virginie à la Nouvelle-Ecosse, les anglais étaient près d’un million, les français, soixante mille. La France devait défendre ses frontières, plutôt que de songer à secourir ses lointaines possessions.

L’indomptable William Pitt (le Churchill de l’époque) et l’Angleterre protestante, aspiraient à l’hégémonie Outre-Mer. Le destin de l’Empire Colonial français paraissait inéluctable.

Tout débuta par un scandale politico-financier d’où la notion de colonie sortit compromise.

L’écossais John Law, financier d’avant- garde, remplaça l’argent liquide par du papier monnaie et des actions de la Compagnie d’Occident, créée en 1717, pour l’exploitation du Sénégal, des Antilles, du Canada et de la Louisiane. Il promettait de fructueux dividendes. En France, on se précipita, se pressa au siège de la Banque, rue Quincampoix, pour souscrire ; en 1719, la Banque Law, devint la Banque Royale.

Les échos du Mississippi, rapportés à Paris furent désastreux. On espérait des roches de diamants, des montagnes d’or et des grottes d’émeraude. Les malheureux colons n’y découvrirent que des terres marécageuses. Aussitôt, la panique s’empara des actionnaires, le système s’écroula et le 1er novembre 1720, Law s’exila. Ce fut un immense gâchis.

Cependant, tout ne fut pas négatif. La Compagnie des Indes put donner une nouvelle impulsion aux colonies d’Amérique. Lorient, le principal port de transit en sortit renforcé.

La Louisiane gagna quelques 3000 colons de plus. Des centres d’agriculture et de commerce y furent fondés, les esclaves débarquèrent pour la culture du riz, du maïs, du tabac, du coton et de l’indigo.

Le traité d’Utrecht en 1713 plaça les possessions françaises au Canada dans une situation délicate. La vallée du Saint-Laurent, entre la baie d’Hudson et le littoral nord américain était entre les mains des anglais. Cependant, le Canada, la Louisiane et les Antilles connurent des années de prospérité. Les français s’aventurèrent même vers l’ouest et buttèrent sur les Rocheuses. Des planteurs firent fortune, mais à partir de 1750 (guerre de sept ans 1756-1763) l’Angleterre s’empara de l’Acadie ; l’affrontement se généralisa et Paris y envoya Louis-Joseph Montcalm. Le rapport de forces penchait en faveur des anglais. Montcalm ne voulut pas faillir, il prit l’offensive et s’empara de plusieurs forts, mais ses auxiliaires massacrèrent 2000 prisonniers anglais.

Les anglais se renforcèrent et le front français fléchit. Montcalm envoya Bougainville en France demander des renforts ; il y reçut une volée de bois vert. Le ministre lui dit : »on ne cherche pas à sauver les écuries quand le feu est dans la maison. »

Voltaire, dans Candide écrit : « Vous savez que ces deux nations (France et Angleterre) sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre, plus que tout le Canada ne vaut. »

Au retour de Bougainville en 1759, la campagne s’ouvrit mal. La famine sévissait, les troupes étaient mal équipées ; le 13 septembre 1759, Montcalm fut blessé et mourut la nuit suivante. Le Canada était perdu.

Choiseul, à Paris, écrivait à une amie : « J’ai appris que nous avons perdu Montréal et par conséquent tout le Canada. Si vous comptez sur nous pour les fourrures de cet hiver, je vous avertis que c’est en Angleterre qu’il faut vous adresser. »

Après cette guerre de Sept Ans, l’Angleterre obtint :

– le Canada, y compris l’île de Cap Breton (au sud du golfe du Saint-Laurent)

– la rive gauche du Mississippi

– la Dominique

– les comptoirs d’Afrique occidentale, sauf Gorée

– les Indes

L’Angleterre s’était donc appropriée la plus grande partie de nos colonies. Choiseul entendait prendre sa revanche. Pour entretenir et commercer avec nos colonies, il fallait une flotte importante et forte. Il entreprit donc de reconstituer la marine. Il fit mettre en chantier un vaisseau avec 74 canons et obtint, en même temps des financiers et des Fermiers Généraux, les fonds nécessaires à la construction immédiate de trois autres vaisseaux et d’une frégate. Par la suite, il obtint un programme général pour 95 vaisseaux de ligne et 45 frégates.

Il réorganisa les arsenaux maritimes : Brest, Rochefort, Toulon, Marseille et Lorient. Il réforma le corps des Officiers de Marine et congédia les incapables.

Il fonda un corps de troupes spécialisées pour défendre les colonies ; il créa une véritable infanterie de marine vouée au service des possessions d’Outre-Mer. Malheureusement, il ne parvint pas à harmoniser l’armée de terre avec l’armée navale ; les soldats se prenaient de querelle avec les marins. Il mit au pas les compagnies qui ne songeaient qu’à s’enrichir.

Psychologiquement :

–il s’employa à redonner confiance aux Comptoirs des Indes,

–il réglementa la traite des Noirs

–il créa un Bureau des Colonies au Ministère de la Marine et se chargea de leur administration

–il autorisa juifs et protestants installés dans les colonies à pratiquer leur religion

–tous les ports coloniaux furent améliorés

Hanté par la nécessité de défendre la Martinique et la Guadeloupe, il entreprit de faire de la Guyane, une terre de peuplement de secours où furent stockés vivres et munitions.

Grâce aux efforts de Choiseul, les îles connurent un regain de prospérité.

Malgré le déclin des colonies, de grands noms d’explorateurs hardis restent célèbres :

René-Robert Cavelier de la Salle avait fondé Chicago, La Mothe Cadillac, et Détroit en 1701.

En 1718, les français avaient établi une colonie à Mobile et la Nouvelle-Orléans.

En 1730, Varennes avait découvert le Lac Winnipeg, laissant à ses fils l’honneur d’atteindre les Rocheuses.

En 1735, avaient commencé les premières explorations scientifiques. Charles-Marie de la Condamine, mathématicien, ami de Voltaire, avait pour mission d’effectuer des relevés à l’équateur ; Maupertuis, lui était allé en Laponie cartographier le Grand Nord !

De la Condamine était parti avec une équipe d’astronomes, de botanistes et de mathématiciens en direction de Quito. Il y découvrit la magnificence des plantes exotiques, vanillier, ananas, cacaotiers, acacias... Il rassembla aussi une collection prodigieuse de serpents inconnus et d’oiseaux aux mille couleurs.

Avec sa caravane, de la Condamine parvint, le 26 mars 1726, grâce à une éclipse de lune, à déterminer la position exacte de la côte. Ce furent les premières informations recueillies pour l’établissement des cartes d’Amérique du sud.

Ensuite, il s’engagea dans la jungle, prit une route inexplorée et découvrit la forêt vierge.

Fasciné par les propriétés du « lait » qui coulait des hévéas, il se fabriqua un sac imperméable à l’eau, trouva du platine, monta à plus de 4000 mètres et découvrit la chaîne des Andes.

Pendant deux années, de la Condamine et ses compagnons levèrent des cartes, comparèrent les températures, déterminèrent les pressions atmosphériques, étudièrent le magnétisme, la gravitation, la vitesse du son et démontrèrent que l’hypothèse de Newton sur l’aplatissement des pôles était exacte, ce que confirma Maupertuis parti lui, vers le Pôle Nord.

L’esclavage

Les sociétés antiques ont pratiqué l’esclavage. Divers motifs ont conduit à priver l’homme de sa liberté et de le considérer comme une marchandise.

En Égypte pharaonique, les esclaves étaient peu nombreux, bien traités et différaient peu du fellah.

Par contre, dans le premier royaume de Babylone, l’esclave était acheté, vendu, marqué et considéré comme un bien mobilier.

En Grèce, les esclaves en zone rurale étaient peu nombreux, même dans les grands domaines et leur emploi restait lié aux cultures délicates (vignes, cultures maraîchères). Par contre dans les mines, les travaux publics, la main d’œuvre servile l’emporta très vite sur le travail libre.

A Rome, les esclaves furent utilisés très tôt et à partie du IIIe siècle avant J.C., l’expansion romaine, provoqua un afflux massif d’esclaves, ce qui entraîna la désagrégation de la petite propriété, remplacée par de vastes domaines, amenant un danger de révoltes.

Au Moyen-Age, dans la société rurale, il n’y eut plus d’achats massifs d’esclaves. Le mot latin « servus » perdit peu à peu son sens et fut remplacé par « serf ». Au Xe siècle, apparut le mot « slavus » (en latin médiéval), rappelant que les populations slaves des Balkans fournissaient l’essentiel des masses serviles. Le mot slavus devint esclave.

Malgré l’église, qui n’acceptait la réduction en esclavage que des turcs et des sarrasins, le fructueux commerce continuait. C’est le monde musulman qui devint à cette époque l’utilisateur essentiel des esclaves.

A partir du XIIe siècle, l’esclavage disparut en Europe, mais au XVIe siècle, la découverte de l’Amérique le fit renaître outre-mer, où les indigènes asservis, décimés, devinrent l’objet d’une traite régulière. L’une des plus importantes migrations humaines qui ait existé, commença alors.

Deux mille africains noirs, par an, furent transplantés aux Amériques, à bord de navires négriers. Entassés dans l’entrepont, ils ne voyaient pas le jour durant la traversée.

Les français métropolitains se partageaient entre le « pour et le contre ».

« Le contre » : principalement la morale. Un père de l’église a écrit : « L’esclave noir serait presque réduit à la condition de bête de charge. Quelques racines font toute sa nourriture, ses vêtements sont de méchants haillons, ses maisons ressemblent à des tanières, les meubles consistent en quelques calebasses. Son travail est continuel, son sommeil fort court. Nul salaire, vingt coups de fouet pour la moindre faute. »

« Le pour » : l’esclavage est un élément essentiel de la prospérité de la colonie. Un esclave noir est plus heureux en colonie que dans son Afrique natale où sévissent en permanence, guerres tribales, razzias, famines et épidémies. Les maîtres abusifs sont rares en terres françaises et l’esclave servant un français est moins malheureux que celui qui sert un anglais, un hollandais ou un espagnol.

La preuve en fut l’afflux de noirs évadés des colonies anglaises, hollandaises ou espagnoles, au point que le gouverneur de la Martinique dut prendre des mesures préventives contre « cette flatteuse immigration ».

A l’arrivée de chaque « garnison », les éléments les plus fins et les plus souples étaient réservés pour le travail domestique, les autres envoyés sur les plantations ; ils étaient d’abord mis au repos, baignés, rasés, frottés à l’huile de ricin (pour éviter le scorbut?). Nourris de galettes de manioc ou de farine imprégnée d’huile de maïs, ils étaient mis au travail huit jours plus tard, auprès d’anciens qui les conseillaient et leur enseignaient le catéchisme.

Les cases étaient très simples mais cependant bien closes, les noirs étant frileux.

Dans cette société à caractère patriarcal, le maître exerçait la justice et tous les arbitrages.

Des rapports entre satrapes blancs et esclaves noires, naît une classe plus ou moins proche de la race blanche qui a été qualifiée par une gamme de noms : octavon, sang mêlé, quarteron, mulâtre,…c’est une petite bourgeoisie, mal vue des blancs comme des noirs, mais elle fera sa place au soleil.

Un édit de 1778, interdisait le mariage entre noires et blancs (cependant prévu par le « Code noir » de Louis XIV) qui ne visait qu’à interdire le concubinage. Les noirs et mulâtres ne pouvaient se faire appeler Monsieur ou Madame, ni exercer les métiers d’avocats, médecins, pharmaciens, orfèvres, et étaient exclus de toutes les fonctions publiques.

Des gens s’élevèrent contre le servage. Les Encyclopédistes professaient que sous toutes les latitudes, les hommes de toutes races pouvaient prétendre aux mêmes droits et au même respect.

Un poète a dit : « J’entends de la cale monter les malédictions des enchaînés, les hoquets des mourants, le bruit d’un qu’on jette à la mer, l’aboi d’une femme qui souffre. »

Estimation de ces déportations par an:

–au XVIe siècle : 7.000

–au xviie siècle : 15.000

–au xviiie siècle : 30.000

–première moitié du xixe siècle : 150.000

–en 1850/-60 : 50.000

–en 1860/-65 : 2.000 une fois la traite interdite.

Sur trois siècles et demi on arrive à des totaux effrayants :

–13.250.000 déportés

–44.166 navires négriers

La Seconde République, dont la durée fut des plus courtes, a vu l’abolition de l’esclavage, cette abolition étant réclamée par beaucoup. Le décret du 27 avril 1848, émis à l’initiative de Victor Schoelcher, sous-secrétaire d’État aux Colonies, rendit leur liberté aux hommes de couleur. Il accorda la citoyenneté française pour ces hommes et femmes, un enseignement primaire et secondaire, dans les vieilles colonies. Bien entendu, ces réformes, à leurs débuts, ne pouvaient trouver l’accord les nantis !

Faidherbe, débarquant en Martinique, découvrit un peuple fêtant ces mesures libératoires, fêtes dont il s’est souvenu !

Malheureusement, bien après le décret de Schoelcher, la traite continua. Des goélettes furent spécialement construites, parcourant les mers, pour ce commerce. Les équipages se tenaient à l’avant des bateaux et, à l’arrière, derrière de solides cloisons percées de meurtrières, étaient stockées des armes et munitions, et « ailes de pigeons » (appareils composés de 4 pointes de fer très aiguës) de telle sorte que, jetées à terre, il y avait toujours une pointe en l’air. En les répandant sur le pont, cela suffisait à arrêter toute rébellion.

Les armateurs, les capitaines des navires avaient des complicités auprès des fonctionnaires :

Quand les bateaux arrivaient, on embarquait un peu de fret et, à quelque distance, on embarquait le « bois d’ébène » en évitant les croiseurs anglais. Vers 1875, le trafic se fit à partir de Madagascar et du Mozambique.

Le contrôle, dans ces bateaux était pour le moins grotesque. L’enquêteur, à peine monté à bord, voyait sortir de tous les coins une foule de noirs de tous âges, toutes tailles des deux sexes, qui ne figuraient pas au rôle de l’équipage.

« Qu’est-ce que tout ce monde-là, » demandait l’enquêteur

« Il nous faut des gens pour soigner les bœufs «

« Et les femmes ? »

« Elles veulent venir avec leurs maris. Quant aux petits ils sont avec leurs mères. »

Et le capitaine de s’empresser d’inviter l’enquêteur à boire à la santé de la République. Le cynisme était de règle, les navires négriers narguaient les interdictions et le blocus des puissances occidentales. Les marchés d’esclaves se tenaient à ciel ouvert ; les plus belles « pièces » étaient vendues aux enchères, après avoir été palpées comme des bêtes.

Au xixe siècle, l’est de l’Afrique vivait de cette traite vers l’Inde et la Chine. La chasse s’intensifiait, mais jamais l’esclavage ne fut éradiqué. Jusqu’à nos jours, les textes abolissant l’esclavage sont périodiquement rappelés ou renouvelés : une ordonnance date de 1980 !!

L’esclavage existe encore en Mauritanie et même en France. Des diplomates « emploient » des jeunes filles sans papiers, qui ne peuvent sortir, sont parfois battues et sans salaire.

Essayons de trouver une note plus gaie : la situation au Libéria, contrée découverte par les portugais au XVe siècle, (dite la côte du « poivre »), fréquentée par les français, les hollandais et les anglais.

En 1822, la Société Américaine de Colonisation, y installa des esclaves noirs libérés, malgré l’hostilité des autochtones. Cette zone proclamée indépendante et pourvue d’une constitution de type nord-américain (1847) a été reconnue par presque toutes les grandes puissances, sous le nom de LIBERIA.

Le nom de sa capitale, Monrovia a été donné en l’honneur du Président Monroe. Les frontières ont été définitivement fixées par les accords signés en 1885, 1892, 1910 entre la Grande-Bretagne et la France.

Les débuts furent difficiles. On accusa les noirs américains (8.000 en 1848) d’opprimer les indigènes (35.000) et de pratiquer le travail forcé.

C’est Firestone qui lança le pays en obtenant 400.000 hectares pour y planter des hévéas.

Une phrase d’Abraham Lincoln résume la bassesse et l’horreur de l’esclavage :

« Si l’esclavage n’est pas mauvais, rien n’est mauvais. »

Le bagne

Au début de la Troisième République, on ne parlait des colonies en métropole, qu’à propos du bagne de Nouvelle-Calédonie, où furent envoyés les « communards » en 1873, ceux qui avaient échappé à la peine de mort. Quatre mille condamnés prirent la mer dont Louise Michel et Henri Rochefort.

Louise Michel, la « Vierge Rouge » de la Commune, à 43 ans, voyait la mer pour la première fois. La houle, les cyclones, les rivages, tout l’enchantait. Quel beau voyage, disait-elle ! Derrière les grilles, dans l’entrepont, dans la « cage aux femmes », elle fut l’une des rares condamnées à conserver le moral.

Henri Rochefort, journaliste, pamphlétaire, accablé de condamnations, qui s’était enfui à Bruxelles, car il approuvait la Commune, fut envoyé, lui aussi, en Nouvelle-Calédonie.

Sur le bateau « La Virginie », la discipline était clémente, car son titre de Marquis, sa renommée, intimidaient officiers et geôliers. Le capitaine était pour lui toute indulgence.

Quand les bateaux arrivèrent, il y avait déjà 800 déportés, les déportés simples (subissant les peines les moins lourdes) étaient libres sur place, les autres étant enfermés dans une enceinte fortifiée.

Tous accoururent accueillir les nouveaux arrivants, vétérans des barricades de 1848, blanquistes, instituteurs des écoles populaires, en somme le tout Paris faubourien !

Louise Michel fut l’institutrice des enfants de déportés, retrouvant sa première vocation et évitant ainsi l’internement. Elle jardinait, herborisait, apprenait les rudiments des dialectes de l’île, s’initiait aux coutumes des tribus. Un soir, la nuit tombée, elle rejoignit des Canaques qui palabraient autour d’un feu ; ils furent médusés de voir une femme seule, sans arme et qui baragouinait leur langue.

Elle leur raconta la guerre de 1870 entre « bons Blancs » et « mauvais Blancs ».

L’évasion était-elle possible ? Première difficulté : l’eau ; nombreuses noyades et une forêt encore plus hostile que l’océan. De plus, une prime était octroyée aux indigènes qui ramenaient des fugitifs et les gardes-chiourmes faisaient rigoureusement leur métier.

On apprit un jour que Rochefort, Grousset et Jourde, ainsi que trois autres condamnés s’étaient évadés. Quel prodige ! Le Gouverneur fut immédiatement révoqué !

Grousset, publiciste, homme politique, membre de la Commune qui avait pris part au gouvernement de la Commune en1871, déporté en 1872, rentra en France après l’amnistie de 1879.

Jourde, employé de banque, membre de la Commune, délégué aux finances, rentré du bagne, s’exila en Belgique, et revint en France après l’amnistie.

En 1878, une révolte canaque éclata. Aussitôt les proscrits se séparèrent en deux camps :

–les plus révolutionnaires, les anarchistes, dont Louise Michel, prirent parti pour les rebelles,

–la plupart, par réflexe de race, prirent parti pour l’armée qui massacrait les tribus.

On attendait l’amnistie. En 1879, Mac-Mahon abdiqua et fut remplacé par Jules Grévy. En septembre 1879, un petit nombre de condamnés fut amnistié.

En 1880, Henri Rochefort créa le journal « l’Intransigeant ». Louise Michel, de retour en France, fut déçue des désordres où s’engluaient les Républicains. Elle prononça ces mots célèbres : « Ah ! que la République était belle sous l’Empire ». Elle reprit sa croisade révolutionnaire, fut emprisonnée à Clermont, puis à Saint-Lazare.

En 1880, on ne parlait plus de l’île aux Communards en Nouvelle-Calédonie. Il ne restait plus que des condamnés de droit commun.

Napoléon Ier et les colonies

Après sa campagne d’Egypte, Napoléon avait gardé la nostalgie des espaces dorés de l’Orient. Son premier objectif : s’assurer la maîtrise de la Méditerranée. C’est la raison pour laquelle, il maintint des troupes à Livourne, à Ancône et en Corse. Il projeta la conquête d’Alger, nomma un Ambassadeur à Constantinople, le Général Brune, pour prendre les chrétiens du Levant et les Lieux Saints sous sa protection. Il envisagea de conquérir l’Inde, mais les Anglais occupant le Cap, verrouillèrent la route de l’Extrême Orient. Il signa avec le Shah, un traité garantissant l’intégrité de la Perse et l’acquisition de la Géorgie. Il envoya une mission topographique pour étudier les moyens de conduire en Inde, une armée débarquée à Alexandrette en Syrie, par une voie détournée.

En 1811, il tenta de nouer de nouveau une alliance en Arabie, pour préparer une offensive contre la Turquie.

Sous le Consulat, à la Paix d’Amiens en 1802, l’Angleterre avait reconnu à la France, ses droits de pêche à Terre-Neuve, la possession des îles Saint-Pierre et Miquelon, de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe, de Gorée et de cinq Comptoirs en Inde.

Poussé par Joséphine, qui avait été élevée en Martinique, il y rétablit la traite et l’esclavage.

En 1801, l’Espagne avait remis la Louisiane à la France. Les Français, groupés à Saint-Louis, en Nouvelle Orléans, cultivaient le coton, l’indigo et la canne à sucre. Le Général Victor était sur place. Mais les Anglais ayant repris Terre-Neuve et Sainte-Lucie, la flotte française fut détruite par Nelson.

Bonaparte, ne voulant pas que la Louisiane tomba aux mains des anglais, la vendit aux Etats-Unis pour 80 millions de francs.

En Martinique en 1809, en Guadeloupe en 1810, l’Empereur avait pris des établissements ainsi qu’au Sénégal. Dans l’Océan Indien, il perdit les îles Mascareignes, l’île Rodrigues, l’île de France (actuelle île Maurice), l’île Bourbon (actuelle Réunion) et Tamatave (actuel port de Toamasina à Madagascar).

Le congrès de vienne et ses conséquences.

Après 1815, la France retrouva ses frontières de 1789. L’Outre-Mer fut très touché; les anglais, les portugais et les espagnols occupaient nos colonies. Cependant, grâce à Talleyrand, le Congrès de Vienne, nous restitua les possessions de :

–la Martinique et la Guadeloupe

–la Guyane

–les Comptoirs de l’Inde

–Saint-Pierre et Miquelon

–L’Ile Bourbon, devenue Ile Bonaparte sous l’Empire et Ile de la Réunion sous la République

–Les Comptoirs du Sénégal

–La partie occidentale de Saint-Domingue

Furent perdues :

–Tobago et Sainte-Lucie dans les Antilles (Trinidad)

–Rodrigues et les Seychelles

–l’Ile de France (devenue Ile Maurice)

La France garda ses droits sur Madagascar et les droits de pêche sur Terre-Neuve.

Le Congrès de Vienne, sur intervention anglaise, prohiba la traite qui était d’une grande importance économique.

La notion de domaine colonial fut conservée.

On récupéra d’abord le Sénégal. Le Colonel Schmaltz, naufragé de la Méduse, se présenta à Saint-Louis le 11 juillet 1816, mais ne recouvra cette ville que le 25 janvier 1817, et Gorée le 15 février de la même année. Les Portugais renâclaient en Guyane. Louis xviii menaça d’employer la force ; la récupération intervint en 1818.

Ces colonies, redevenues françaises furent administrées par une série d’ordonnances de 1825 à 1828. Ces ordonnances, se retrouveront dans d’autres possessions et seront appelées

« Charte des Colonies ».

L’autorité de la Métropole y était prépondérante :

–le Gouverneur, désigné par Paris en était le rouage principal

–un Conseil privé était constitué de fonctionnaires

–un Conseil Général était composé de membres d’avantage désignés qu’élus

Ces deux Conseils n’émettaient guère que des avis !

Tout le Second Empire colonial français a reposé sur ces principes intangibles.

Tous ces territoires ne furent mis en valeur que partiellement. La traite nourrissait les comptoirs africains, et l’esclavage, les îles.

Ce fut au Sénégal que les efforts les plus conséquents furent faits pour une mise en valeur.

Le Colonel Schmaltz, grand optimiste, comptait y produire du coton, du café, de l’indigo et du sucre dans la vallée du fleuve. Il sous-estima la sécheresse et les menaces des Maures, éternels ennemis des sédentaires.

Un proverbe disait : « Si tu rencontres sur ton chemin le Maure et la vipère, tue le Maure »

Puis le marin Boué-Willaumez parcourut le Golfe de Guinée et, ainsi, de proche en proche, la présence française s’élargit en Afrique Occidentale.

Ensuite, ce fut Caillié qui, se faisant passer pour un arabe, gagna Tombouctou (20 avril 1822), et fut le premier européen à pénétrer dans cette ville. Puis, il atteignit le Maroc (Rabat ou Tanger), et ramena une profusion de renseignements sur la topographie, la géologie, la climatologie et l’ethnologie de ces régions. René Caillié fut le premier grand explorateur français en Afrique.

Napoléon III et les colonies

Après la deuxième République, la colonisation cessa d’être une entreprise commerciale pour devenir une œuvre nationale et humanitaire.

On rétablit les députés coloniaux à raison de trois pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion (le nom définitif de l’Ile Bourbon), de deux pour la Guyane, le Sénégal et les Comptoirs de l’Inde.

On envoya comme colons, des chômeurs parisiens des Ateliers Nationaux, mais sans succès, tant le « Titi » parisien, parut peu doué pour la culture du coton et de la canne à sucre.

Des subventions furent prévues pour les colons ruinés par l’abolition de l’esclavage.

Le Prince Louis-Napoléon Bonaparte, maître absolu de la France après le coup d’état du 2 décembre 1851, Empereur sous le nom de Napoléon III, ne fut pas, du point de vue colonial, en rupture de sentiments avec cette romantique République, dont il fut l’ unique Président, lorsque, d’entrée de jeu, il s’affirma comme un monarque « colonialiste libéral » et même comme un grand colonial.

Pour garantir un Grand Empire Colonial, l’Empereur dégagea les crédits nécessaires pour constituer une marine ultra-moderne, mit en chantier de gros cuirassés à hélices (15 étaient en service en 1855), des vapeurs, des transports de troupes, et de plus, il équipa une infanterie de marine.

C’est à lui que nous devons des liens particuliers avec le Liban.

Durant le Second Empire, il y eut des Français partout ; la race la plus casanière, la plus attachée à sa ferme, sa maison, à son mas, se révéla l’une des plus aventurières, ivre d’espaces, de hasards. Le goût du lointain, qui était resté des croisades et s’était transmis avec les Cavelier de la Salle, les Montcalm et les Jean Bart, s’affirmait pleinement à nouveau.

Après la défaite de 1871, on se tourne vers l’Afrique.

Certes, la France s’installa à Hanoï et dans le Pacifique, mais elle avait déjà planté des jalons en Afrique : l’Algérie, le Sénégal, Obock (port des territoires des Afars et des Issas), les Comptoirs de Gorée.

A défaut de pouvoir couper en deux ce continent en reliant Saint-Louis à Djibouti (ce qui devait provoquer ultérieurement Fachoda), elle s’empara du Tchad, épicentre de l’Afrique, pour former peu à peu un empire de 11.200.000 km2, bien que l ’Afrique ait été pour les Européens, une terre inconnue. Sa géographie et son histoire étaient une énigme. On ne connaissait rien de l’intérieur du pays et de sa population. De gigantesques obstacles barraient les accès. Une exception notoire existait : l’Afrique australe. Au milieu du xviie siècle, les Hollandais avaient pris possession du Cap et s’étaient infiltrés dans l’arrière-pays. Mais, en 1802, les Anglais les avaient relayés, provoquant un exode massif vers l’intérieur appelé le grand Trek-Trek, (exode en hollandais).

L’Afrique était peu peuplée ; la traite, les épidémies, l’absence d’hygiène, décimaient une population déjà clairsemée. La traite chrétienne à l’ouest, musulmane à l’est, avait décimé ses enfants. Comptabilité difficile : combien de noirs étaient partis pour les « Amériques » ? Au xviiie siècle, plus d’un royaume s’était formé avec pour unique ambition et unique ressource l’approvisionnement des négriers.

Mais au xixe siècle l’Europe s’était ressaisie, l’esclavage n’était plus de mise. Anglais et français pourchassaient les derniers contrebandiers de l’odieux trafic, pour compenser le manque à gagner de la disparition de l’ancien négoce. L’agriculture se développait : l’arachide et l’huile de palme. Cependant, en Afrique Occidentale, les caravanes continuaient d’écouler ivoire et esclaves.

Le Continent, dit « noir », ne pouvait être regardé comme un bloc cohérent et soudé, la masse suivait ses meneurs, le cannibalisme et les sacrifices humains, n’avaient pas disparu. Dès lors, les plus forts s’appropriaient de larges parcelles ; la Conférence de Berlin l’autorisa en toute liberté.

Conférence de Berlin (15.11.1884 – 26.2.1885)

L’essor industriel, l’impérialisme grandissant, conduisirent l’Europe, après 1870, à s’intéresser à l’Afrique. En Europe, les différentes nations avaient des difficultés intérieures :

–la Russie avec la Sibérie et les Balkans

–l’Empire austro-hongrois se repliait sur lui-même

–l’Espagne n’était plus qu’une ombre

Les États intéressés étaient donc peu nombreux :

–l’Angleterre, première puissance industrielle et maritime

–l’Allemagne, que sa victoire sur la France, autorisait à regarder loin

–l’Italie, encore mal affermie, était attirée par la rive africaine

–la France, après sa défaite, regardait vers l’Afrique.

Deux pays, plus modestes, se faufilaient :

–la Belgique, entraînée par le roi Léopold II,

–le Portugal rappelait sa présence plus que centenaire.

Bismarck, l’homme fort de l’époque, rassembla les divers partenaires pour codifier la partie engagée et procéder au découpage africain. La conférence qui réunissait l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal s’ouvrit sur ces paroles :

« En ouvrant cette conférence, le gouvernement impérial a été guidé par la conviction que tous les gouvernements invités, partagent le désir d’associer les indigènes d’Afrique à la civilisation, en ouvrant l’intérieur de ce continent au commerce, en fournissant à ses habitants les moyens de s’instruire, en encourageant les missions et entreprises de nature à propager les connaissances utiles, en préparant la suppression de l’esclavage, surtout la traite des Noirs. »

Hypocrisie ou sincérité, les deux sans doute, car chacun était là pour fixer les règles d’un jeu permettant se servir en toute impunité.

Le 26 février 1885, la conférence clôturait ses débats, dégageant les grands principes suivants :

–liberté commerciale du bassin du Congo

–liberté de navigation, même en temps de guerre sur le Congo et le Niger, suivant les principes équivalents appliqués en Europe (Danube)

–liberté religieuse

–interdiction de la traite des Noirs

–nécessité de notifier aux puissances signataires toutes les annexions de nouveaux territoires, qu’ils proviennent d’acquisition ou de prise de possession,

–nécessité de maintenir dans les territoires ainsi annexés, une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis,

–droit de pousser les limites d’une zone maritime acquise jusqu’aux limites terrestres d’autres possessions européennes.

Dans cette conclusion, chaque puissance européenne, bénéficiait de zones d’influence, qu’elle pouvait contrôler de par son implantation existante.

Les colonies sous la Troisième République :

Après la défaite de 1871, la France, abattue, escomptait retrouver outre-mer, la puissance perdue en Europe. Le parti colonial de la Troisième République fut un courant de pensée qui se manifestait concrètement par des associations à l’audience et à l’efficience certaines.

L’idéalisme y côtoyait l’affairisme. Le développement industriel avait pris son essor sous le Second Empire, imposant la recherche de nouveaux marchés ; les colonies répondaient à ces exigences.

Les maires et les notables des villes de Nantes, Bordeaux, Marseille firent partie ou appuyèrent les comités coloniaux à partir de 1880.

Gambetta disait à la fin du xixe siècle : « La colonisation est la forme expansive d’un peuple, c’est la puissance de reproduction, c’est sa dilatation et sa multiplication à travers les espaces » et ajoutait « Il faut tâter d’une politique, conquérir ou gagner par d’habiles neutralités, l’équivalent de ce que nous avons perdu. »

En d’autres termes, compenser la perte de l’Alsace-Lorraine par des acquisitions outre-mer.

Il avait aussi une arrière-pensée : « Si à un moment donné, nous ne happons pas notre part de colonies, l’Allemagne, l’Angleterre s’en saisiront. »

Cette opinion n’était pas générale. Tous ceux qui, comme Gambetta et Jules Ferry, voulaient planter le drapeau en Tunisie, en Indochine ou au Soudan, n’avaient pas la partie facile.

Deux voix se dressaient pour les accabler et les condamner : Paul Déroulède, l’agressif chef de file de la Ligue des Patriotes, et Clémenceau, toujours hostile à ce qui n’émanait pas de lui. Il lança : « Puissent les colonies plutôt que la frontière » !

De grands noms de la littérature se prononcèrent pour ou contre la colonisation.

Gustave Flaubert y était opposé.

Anatole France, opposant farouche, disait : « La politique coloniale est la forme la plus récente de la barbarie « et ajoutait : »La politique coloniale ne finira-t-elle jamais ? »

Victor Hugo, au contraire, s’exprimait en 1876, avec lyrisme : « Allez, peuples ! Versez votre plein dans cette Afrique et, du même coup, résolvez vos questions sociales : changer vos prolétaires en propriétaires. »

Ernest Renan, rejoignait les colonisateurs : « La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est inévitablement vouée au socialisme, à la guerre du riche et du pauvre. »

Même Louis Blanc, socialiste, estimait l’action coloniale nécessaire.

La colonisation s’amplifia jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, avec « l’objectif » constant d’élever, instruire, éduquer, donc d’assumer une mission civilisatrice, selon les propos tenus par les tenants de l’action coloniale.

Certains disaient : « La France sera sauvée par ses colonies. » On donna à ces « héros » coloniaux l’image de saints laïcs, imprégnés de leurs devoirs et de leur mission, la colonisation étant présentée comme une école.

Lyautey le croyait et déclarait : « Je suis un colonial convaincu, parce qu’au sortir de la métropole rongée par les dissensions intestines, j’ai trouvé dans nos colonies la plus belle école d’énergie, celle où se retrempe, où se refond la race comme dans un creuset. »

Lyautey était sincère et n’eut pas à se plaindre des colonies, elles l’ont tiré de la routine des garnisons métropolitaines, lui ont ouvert des horizons et apporté la renommée.

L’esprit des croisades, qui n’était pas totalement dépourvu de charité chrétienne, n’était pas mort dans la France du xixe siècle. Le renouveau de la foi et de la pratique religieuse au lendemain de la tourmente révolutionnaire, avait engendré la création de multiples œuvres missionnaires : prêtres, religieux et religieuses étaient à pied d’œuvre en Asie et en Afrique.

Au xviie siècle, la foi était rayonnante, avant le creux de la révolution. Au Canada, les prêtres s’étaient joints aux expéditions :

–le Père Vimont à Ville Marie, future Montréal,

–le Père Marquette, fidèle compagnon de Joliet, dans sa marche vers le Mississippi (première découverte de ce fleuve)

–la Mère Marie de l’incarnation, à l’origine des premiers établissements hospitaliers

–le Père Alexandre de Rhodes, qui évangélisa le Tonkin et la Cochinchine en 1660.

Puis, en 1774, Pigneau de la Behaine, avait pénétré en Cochinchine. Revenu en France, il avait fait signer à Louis XVI, un traité avec le roi local. Il en résulta que les communautés indochinoises se tournèrent plus volontiers vers les français que vers les mandarins annamites.

La Mère Jahouvey (1779-1853) que Louis Philippe appelait « un grand homme » s’était installée au Sénégal, puis en Guinée. Son action contre l’esclavage lui valut le nom de « Mère des Noirs ».

Monseigneur Douarre et quatre maristes s’étaient installés en 1843 en Nouvelle Calédonie.

Monseigneur Bessieux (1872) dirigea une mission catholique au Gabon. Après la défaite de 1871, la France avait envisagé d’abandonner le Gabon. L’amiral gouverneur le consulta et il lui répliqua : « Amiral, nous sommes ici à un poste qui, tôt ou tard, s’ouvrira sur un immense continent. Si vous partez, Amiral, comptez sur nous pour maintenir haut et ferme, le drapeau de la France ».

Le Marin, ébranlé, trancha : « La France reste au Gabon »

En l881, Brazza envoya le Père Augouaro, sur les bords du Stanley Pool (bord de mer du Congo) baptisé « zouave pontifical » ; ignorant le repos et surnommé par les indigènes Diata- Diata (vite-vite), il négocia, l’acquisition de Pointe-Noire, permettant la réalisation d’une base pour la Marine et, surtout, le rachat de plusieurs milliers d’esclaves.

Au Dahomey, ce fut le Père Dorgère, dont le gouverneur, l’amiral Cuverville, dira :

« La robe d’un religieux avait produit au Dahomey, l’effet que n’avait pas obtenu une expédition de guerre ; c’est-à-dire la pacification des esprits et le retour aux sympathies françaises, sans ressentiments ».

Combien d’autres portèrent la bonne nouvelle et furent oubliés. Mgr Kobès, au Sénégal, le Père Kieffer, au Congo, Mgr Gaspar en Annam, Mgr Charbonnier en Cochinchine, Mère Aurélie de Vialar, en Algérie (probablement à proximité de Tiaret), le Père de Villèle, à Madagascar, etc.

Deux personnalités se détachent : le Cardinal Charles de Lavigerie et le Père Charles de Foucault :

–Le Cardinal de Lavigerie, convié par Mac-Mahon, à venir à Alger, pour être le pasteur des ouailles européennes, ne l’entendit pas de cette oreille. Il se trouva confronté à une misère extrême : la famine de 1867, l’épidémie de choléra faisaient de nombreuses victimes parmi la population indigène. Monseigneur Lavigerie vint en aide à ces malheureux, se préoccupant principalement des enfants. L’œuvre du Cardinal sera exposée dans le chapitre Algérie.

–Charles de Foucault, d’une famille fortunée, entra à Saint-Cyr auprès de Driant (qui sera tué au Fort de Douaumont, à Verdun), de Pétain et de Laperrine.

A sa sortie de Saint-Cyr, les frasques commencèrent et se poursuivirent à Sétif. L’armée le rejeta pour son inconduite. Lorsque la guerre reprit dans le sud oranais, de Foucault reprit du service. Attiré par le pays, il démissionna et explora le Maroc, faisant de discrets relevés, rentra en France et rédigea la relation de son exploration qui remporta un vif succès.

La ferveur religieuse des Musulmans, l’amena à s’interroger. Après des années de retraite, il fut ordonné prêtre, à 43 ans. Il s’installa à Beni-Abbès, très au sud de Colomb -Béchar. Ascète, mystique, prêtre voyageur, il ignorait le repos, vivait dans un gourbi de roseaux. Quelques dattes, du café étaient sa nourriture. Heureusement Laperrine lui envoyait du lait, du sucre, mais sa foi « l’alimentait et le soutenait ».

Malgré sa vie de méditation, il recueillait et nourrissait les plus démunis ; il rachetait les esclaves et les libérait. En 1905, il s’installa A Tamanrasset où il soigna, éduqua et réconforta. Son Dieu est un Dieu d’amour et de charité.

Il écrivait beaucoup à sa sœur, Mme de Buc, à sa cousine, Mme de Bondy, à ses amis

militaires ; il resta « un militaire plein de rigueur ».

Lapperine l’amena au cœur du Sahara ; il y devint l’agent de renseignement des officiers français. Il était écouté, vénéré, mais sa voix criait dans le désert ; elle attirait les cœurs, mais pas les âmes. La grande guerre était déclarée ; devait-il partir au front ou tenir les populations dans le calme ? Il choisit et écrit à sa cousine :

« Vous sentez ce qu’il en coûte d’être ici, si loin de nos soldats et de la frontière, mais mon devoir est, avec évidence, de rester ici pour aider à y tenir la population dans le calme. Je ne quitterai pas Tamanrasset jusqu’à la paix. »

Il avait probablement raison ; les italiens, dans le sud de la Tripolitaine, pliaient devant les turcs et leurs alliés, les semoussis. En 1916, la menace des semoussis se précisait, alors qu’il écrivait à Laperrine, au front : « Ici grand calme, excellente attitude de la population. »

Sa modestie lui interdisait de préciser qu’il était le grand responsable de l’attitude des touareg.

Le 1er décembre 1916, il écrivait et travaillait à ses études de la langue touareg ; il était 19 heures, une quarantaine de semoussis firent irruption, lui attachèrent les mains dans le dos et pillèrent le peu qu’il possédait. Deux méharistes arrivèrent et furent tués. Le gardien du Père de Foucault prit peur et tira, l’ermite fut tué !

Jules Ferry

Il y eut des missionnaires en Asie, en Afrique et si en France, il y avait des opposants, il y eut aussi des pionniers, peut-être parmi les plus grands : Jules Ferry, géant à deux titres : créateur de l’école primaire gratuite, laïque et obligatoire d’une part et colonisateur d’autre part, en faisant face à l’Allemagne, l’Angleterre et les autres puissances.

Lorrain, né en 1832 à Saint-Dié, excellent élève en droit, il fut un modèle pour son goût du travail, sa sobre passion pour l’action persévérante, sa droiture, sa ténacité, son caractère inflexible, son ardent patriotisme. Il a porté ses convictions inébranlables dans sa foi républicaine, positiviste et anticléricale.

Adversaire de l’empereur, mais tenant tête en 1871 aux émeutiers, dont il réprouvait les outrances et les méfaits, impuissant à dominer les fureurs, il quitta l’Hôtel de Ville et se joignit aux anti-communards à Versailles.

Ses adversaires s’employèrent à rappeler la cruauté dont il usa à l’Hôtel de Ville, qui lui avait valu le surnom de « Ferry-Famine ».

En 1879, après avoir pris le Ministère de l’Instruction Publique, d’une main ferme, il devint le père d’un formidable empire.

Il combattit fermement le Duc de Broglie et son Ministre des Affaires Etrangères, le Duc Decazes, qui avaient une politique d’abstention systématique en matière coloniale. Il émit cette évidence : « Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l’activité qu’elles développent ; rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l’écart de toutes les combinaisons européennes….de toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, pour une grande nation, c’est abdiquer, c’est descendre du premier rang, au troisième ou quatrième ».

Le partage de l’Afrique

Toutes les puissances européennes se tournaient vers l’Afrique.

Joseph Chamberlain, en Angleterre, se faisait l’apôtre de sa foi en la race anglaise. Il disait : « En premier lieu, je crois en l’Empire Britannique et en second lieu, je crois en la race britannique ».

En Russie, les tsars poussaient armées et colons vers l’est lointain : la Sibérie, l’Arctique et le Pacifique.

En Allemagne, Bismarck qui avait longtemps boudé le colonialisme, se laissait enfin convaincre par des hommes de premier plan, pour fonder une ligue coloniale (1882).

En Belgique, Léopold II, s’imposait comme l’un des plus grands colonisateurs. Toujours le même prétexte : « Plus que nulle autre, une nation manufacturière et commerçante comme la nôtre, doit s’efforcer de s’assurer des débouchés à tous les travailleurs, à ceux de la pensée, du capital et des mains. »

La Grande Bretagne occupait : la Gambie – la Sierra-Léone, la Côte de l’Or (Ghana), le Nigeria, puis à l’est : l’Ouganda, l’Afrique Equatoriale (Kenya), le Zanzibar ; enfin au sud : le Bechuanaland (actuel Botswana), la Rhodésie et l’Afrique du Sud, après une guerre acharnée contre les Boers (1899-1902).

L’Allemagne, s’adjugeait le Togo, le Cameroun, le Sud-Ouest Africain et l’Afrique Orientale (Tanganyika).

L’Italie s’était octroyé l’Erythrée, la Somalie, la Libye.

Le Portugal s’était implanté en Angola et au Mozambique.

La Belgique occupait le Congo.

Et la France ? Que disait Jules Ferry : « Un mouvement irrésistible emporte les nations européennes à la conquête de terres nouvelles. De 1815 à 1850 l’Europe était casanière, aujourd’hui ce sont des continents que l’on annexe. C’est l’immensité que l’on partage et particulièrement le Continent Noir. »

L’Allemagne, les Etats-Unis, s’entourèrent de barrières douanières. L’économie de la France avait besoin de vastes débouchés ; en conséquence sa politique coloniale était fille de sa politique industrielle.

Colonialisme de droite ou de gauche ? Disons pour moitié. Jules Ferry pouvait argumenter dans un esprit de gauche, lorsqu’il proclamait qu’il s’agissait d’apporter liberté et justice à des peuples victimes de despotisme et d’arbitraire.

Quelle que soit la colonie, Jules Ferry instaura ses actions sur trois axes :

–Axe politique : l’abstention mène à la décadence, les nations ne sont grandes que par l’activité ; l’expansion coloniale s’impose d’autant plus à la France, que celle-ci doit rétablir un prestige international trop gravement atteint en 1870.

–Axe humanitaire : les nations européennes ont, envers les peuples indigènes, un devoir supérieur de civilisation… La race supérieure ne conquiert pas pour le plaisir, dans le dessein d’exploiter le faible, mais bien pour le civiliser et l’élever jusqu’à elle.

–Axe économique : la question coloniale, c’est pour un pays comme le nôtre, pour la nature de ses industries, la grande exportation et les débouchés. Là où est la prédominance politique, là également est la prédominance économique. »

Quelques généralités sur les « amies » de la France : l’Angleterre et l’Allemagne

A la fin du xixe siècle, l’Angleterre dominait le monde, grâce à son empire colonial et sa puissante flotte. Elle était maîtresse de l’Atlantique. On a vu ci-dessus ses possessions africaines, auxquelles il faut ajouter les Antilles – Java – Les Moluques – Singapour et Hong-Kong. Ne détenait- elle pas 60% de l’énergie mondiale en charbon – acier ?

Après l’armistice de 1918, l’Allemagne payait la défaite du premier conflit mondial. Guillaume II s’était servi en Afrique et en Océanie, domaine représentant 2.600.000 km2 et peuplé de 11 millions d’habitants. Le colonisateur allemand n’avait pas toujours employé la méthode douce. Dénoncer cette brutalité permit de refuser à l’Allemagne la vocation coloniale et de l’exproprier en toute légalité.

Un article du Traité de Versailles stipulait :

« Hors de ses limites en Europe, l’Allemagne renonce à tous ses droits, titres et privilèges sur, ou, concernant tous territoires lui appartenant à elle, ou à ses alliés. »

La Turquie était visée. C’était l’Empire qui, des siècles durant, fit trembler l’Europe dans le plateau d’Asie Mineure.

Les empires coloniaux en 1939

Superficie en Km2 Population

Empire britannique 35.000.000 400.000

France 12.500.000 67.800

Pays-Bas 2.000.000 48.000

Portugal 2.000.000 8.700

Belgique 2.400.000 8.500

USA 1.800.000 12.000

Japon 300.000 21.000

Italie 1.500.000 1.600

Espagne 370.000 850.000

Importance et portée de la colonisation

Quels furent l’importance et la portée de cet épisode pour l’Europe et pour l’Afrique ?

Le partage de l’Afrique se déroula souvent en marge de la politique européenne, n’occupant qu’une petite place parmi les nombreuses préoccupations des hommes politiques.

Au plan économique, l’expansion coloniale ne revêtit une certaine importance en Afrique, qu’après la 1ère guerre mondiale, elle alla en augmentant entre les deux guerres.

Le commerce et les investissements s’accrurent, des millions d’Européens s’y installèrent temporairement ou définitivement.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la période coloniale s’acheva rapidement, alors que paradoxalement, le colonialisme commençait à s’imposer en Europe. C’est à ce moment que les français commencèrent à s’intéresser à leur empire ; la période coloniale était révolue, ce qui était généralement accepté, à l’exception de l’Algérie et de l’Indochine. Puis l’opinion publique se désintéressera de l’Afrique, qui devint synonyme de catastrophes et redevint ce qu’elle avait été avant le partage, un continent auquel l’Europe s’intéressait peu.

La colonisation avait accéléré la modernisation sociale et économique des pays conquis en même temps que la perte de leur souveraineté.