4 camions 4 épouses - Sékou Sidibe - E-Book

4 camions 4 épouses E-Book

Sékou Sidibe

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Beschreibung

Une saga familiale africaine.

L’auteur dresse le portrait d’une famille africaine, à travers le parcours de Kabakoulou et de ses enfants, de leur jeunesse insouciante et tumultueuse à leurs responsabilités croissantes de jeunes adultes. Tout en finesse et suggestion, il nous offre une saga intemporelle qui nous montre que finalement, quand tout change rien ne change, et que face à la mort nous restons tous égaux, tous pareils. Les mêmes.

Découvrez l'histoire d'une famille confrontée aux joies et aux malheurs de la vie !

EXTRAIT

Des fois, je réfléchissais trop. J’avais des céphalées monstres.
Qui étais-je ? D’où venais-je ? Et vers quelle direction allais-je ?
Foule d’interrogations. Aucune réponse.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Originaire de la Côte d'Ivoire, Sékou Sidibe vit actuellement en Ile-de-France. ll est practicien hospitalier à l'hôpital d'Argenteuil, dans le service d'imagerie médicale et de diagnostic. 4 camions 4 épouses est son premier roman.

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SEKOU SIDIBE

4 CAMIONS

4 ÉPOUSES

À NELLY

20 SEPTEMBRE 1999

J’ai une histoire. C’est la mienne. Qu’à cela ne tienne, je la veux comme un partage. Un partage avec vous. Un monde entre nous.

Je la veux d’une lumière pour une époque. Des époques. Pour notre époque. Pour aujourd’hui et pour demain. Pour le futur comme pour le passé. Pour le temps, à jamais.

Je sais qu’il y a tant d’histoires. D’autres histoires de d’autres cieux. Des histoires d’autres auteurs. Je sais aussi des histoires d’autres continents. N’empêche, moi l’Africain, je conte la mienne. Cette différence qui fera corps avec d’autres êtres. Nuances d’esprits. Un mélange qui se mélange, à moi, à nos histoires lointaines et pourtant communes. Je chante dans cette narration une mer d’indifférence, source ma foi de notre vraie ressemblance. Au-delà de nous, la peur que la mer nous évoque à cause de son caractère d’inconnu et de mystérieux. Cette mer d’eau immense, sans fin, sans début, qui taille et assaille notre intérieur, laissant l’extérieur, nous regardant frileux, tremblotants d’énigme. C’est le pas. Le pas qu’il faut faire vers d’autres horizons, vers d’autres générations. Le pont.

Je traverse la mer, les mains et les pieds nus. Je n’ai en ma possession que mon histoire et mon désir de l’autre. Je marche sur la mer, la belle inconnue et mystérieuse. Je la sens, elle me sent. C’est le constat, la main dans la main. J’y arrive pourtant à faire ma marche équilibrée, opposée à toute chute grâce à mon âme vide, remplie, envahie par ce que je crois juste et bon pour autrui. Moi.

Ensemble à nous écouter, on écoute l’autre, on ne tombera pas, on ne discutera pas dans cette mer vaste et sans limites.

La mer des autres. Des autres cachés à la lumière de leur obscurité. Vaste champ d’embrouilles mis au jour par nos histoires, par mon histoire.

« Tu ne seras jamais comme moi, c’est pour cela qu’on se ressemble. C’est aussi pour cela qu’on vivra ensemble éternellement. C’est encore pour cela qu’on offrira ensemble aux générations futures un environnement sain et propre.

Je n’ai pas de doute. Je sais que je peux lever mon chant ; trop d’oreilles, beaucoup d’oreilles m’écoutent et m’écouteront. Je sais aussi que le mur qui se dresse, qui se dressera entre la vérité et le mensonge, ce mur et ses auteurs feront chou blanc, tant vos oreilles entendent mon histoire.

Débute la narration… Que les tam-tams résonnent. Ouvrez vos oreilles. Tout doucement, le silence descend. Quelques bruits… Des voltiges ; des mouches. Le vent traverse les branches, des tabourets écorchent le sol sec. Des mois… de nombreux mois, pas de pluie. Nos yeux n’ont pas vu de pluie, nos récoltes ne sont pas bonnes, nos enfants sont faméliques. Des ventres gros comme des balles de foot. Nos bêtes laissent des ossements aux rives… de nos sources… jadis.

Calamités reçues, données par nos fous devanciers, mauvais legs ? Que pouvons-nous ? Sinon accepter et gêner. Espérer une nouvelle donne. Tenter une reconquête de notre espace, de notre environnement. Redonner cette verdure en échange à ce désert qui avance. C’est à nous de refaire du charme à notre forêt luxuriante qui nous échappe. Que de reconquêtes ! Cet autre amour mérite son défi. Aimons notre nature pour encore nous aimer nous-mêmes et aimer davantage nos générations futures.

Je chante une envie qui coule dans mes veines, comme un rêve, comme un nouvel état d’esprit, la fin de l’apoptose de nos forêts.

Souffle vent amer, ton torrent envahisseur et répulsif sur ces gens amis des déchets toxiques.

Nous comptons sur toi pour les emporter hors des limites de notre continent. »

Frou-frou, entra en lice, le Mandé Alpha. Un grand boubou, quel beau boubou ! Stupéfaite…

La foule admirait, quel beau boubou, quelle belle broderie ? ! Les traits étaient majestueux, la démarche du Mandé Alpha était souple, gracieuse et conquérante.

Le torse bien droit, les yeux bien fixés sur sa chaise royale qui l’attendait. Un autre vent souffle. Encore un autre vent.

–Un de plus ! souffla un octogénaire.

Il en a vu plus d’un. Celui-là il ne ressemblait pas aux autres.

Enfin… un grand bruit. Quelques pleurs d’enfants. Des corps tressaillaient… L’orage retentit. Événement. Des mains tremblantes se levèrent au ciel. Encore des supplices, toujours des prières. L’Afrique qui demandait encore, encore et encore. Peut-être enfin… une pluie. Oui à l’orage, une pluie battante donnait la réplique. Ce jour-là, au village, face à la folle pluie, la folie de la population était perceptible par n’importe quel étranger, même les malvoyants.

On courrait de gauche à droite, il fallait profiter au maximum. On remplissait tout. Rapidement des digues avaient été conçues pour réceptionner le plus d’eau. Il était certain, ce jour au moins, il n’y avait aucun doute, tous les enfants du village avaient pris une douche ! Certitude.

Le bonheur a été de courte durée. Le manque d’eau a été trop long. Le besoin d’eau était trop dense. Rapidement, dans un laps de temps, toute l’eau s’engouffra dans un sol avide, et quelques heures après on avait l’impression qu’il n’avait pas plu depuis des lustres.

Aujourd’hui encore, au moment où j’empruntais la voix du griot, l’orage grondait, grondait.

Il y avait un événement, venez, accourez, pressez-vous. Il y avait un événement. Je craignais pour les moribonds, pour les malvoyants, pour les malentendants.

Les premières loges étaient remplies de bien-portants, de bien-voyants, de bon-entendants.

Que la voix du griot me serve de caisse de résonance pour tous ceux-ci. Pour ceux de l’auditoire si loin du Mandé Alpha, pour ceux de la génération future si loin du Mandé Alpha.

À ses fils, à ses petits-fils, à ses arrière-petits-fils, le Mandé dit l’événement.

–Nooonn ! lança le Mandé. Que personne ne bouge, la pluie attendra la fin de notre conciliabule. Parole de Mandé. Parole à respecter.

Depuis l’aube des temps, la voix des griots, chantée ou parlée, nous berçait ou nous enseignait l’histoire du mandingue.

Avec elle nous savions notre glorieux passé. Elle nous enseignait encore l’épopée de Soundjata Keita, elle étendait les limites de l’empire du Soudan.

Avec elle, resterait en mémoire, dans notre mémoire, et dans celle de nos générations à venir, notre origine. Il avait eu l’histoire, il y a l’histoire, il aura l’histoire. Le griot nous tenait le lien qui devait rester solide entre ces trois temps : le présent qui se sert du passé pour nous construire notre futur. Le Mandé Alpha tenait ce lien dans sa voix.

D’un bras levé au ciel, au-dessus de l’assistance, sous le grand fromager la pluie stoppa net.

À quelques mètres, au loin, la pluie tombait. Toujours stupéfaite… la foule regarda l’eau s’infiltrer dans le sol si dur. Personne ne comprenait pourquoi au-dessus, au-dessous, autour de l’assistance aucune goutte ne tombait, ne ruisselait… présence du Mandé. Absence de pluie. Le Mandé avait convoqué son monde, bon gré, mal gré, le Mandé Alpha parlera à son monde.

La pluie tombait, tombait toujours. Il fera jour tout le jour. Mandé Alpha nous éloignait du noir… de l’obscurantisme.

–Ouvre ta bouche mutisme. Parle donc. Ton peuple… Ô ! Ton peuple est accroché à ta bouche. Parle donc ! Le tonnerre gronde, les éclairs, partout des éclairs traversent le ciel. Tremblement de terre … séisme. L’Apocalypse. Non.

Le Mandé Alpha fit un pas. Deux pas… trois pas. Il revint s’asseoir sur sa chaise majestueuse.

Stupéfaite, la foule, entre intrigue et admiration, ouvrit de grandes oreilles et de grands yeux.

Le griot à côté du Mandé :

–Afô… Kouman. En ka Djaraba… kouman. Bi lom fôlo. A lom sela… kouman.

D’un geste vif, de bout en bout sur ses genoux, le griot empila le bout de son boubou. L’histoire. L’histoire de Kabakoulou. Nos oreilles l’entendront.

Le Mandé Alpha :

–Djeliba ?

–Name !

–Djeliba m’écoutes-tu ?

–Name. Djaraba. Je t’écoute, comme j’ai écouté ton père, ton grand-père et ton arrière-grand-père. J’écouterai tout le temps Djaraba… Afô.

Le Mandé Alpha le Djaraba leva une main, un oiseau dans le ciel se leva. Sa deuxième main se leva, un autre oiseau se leva. Bénédictions. Il y avait des signes. Il y avait des signes qui ne trompaient pas. Le Mandé Alpha avait la bénédiction. Le Djeliba savait, comme dans la nuit des temps nos ancêtres savaient sans la météorologie la tombée d’une pluie ou non. Ou encore sans échographie, l’on prédisait le sexe des enfants à naître. À tout cela la raison revenait sans doute à Lavoisier pour nous avoir enseignés que rien dans ce monde ne se crée ni ne se perd mais plutôt que tout se transforme. On tournait toujours autour de la même chose, on les améliore. Le monde restait le monde. Et personne ne pouvait empêcher à la mode des années cinquante de nous rejoindre en plein xxie siècle. Personne ne pourra arrêter la machine du temps et le monde tournera toujours. Haro aux politicards sous nos tropiques. Haro aux scientifiques à la science sans conscience. Enfin merde…

La narration, son début s’approchait et la foule en salive. Au cœur de l’auditoire trois femmes levèrent un chœur. Une mélopée se leva dans l’air, se mélangeant, confondant tout le monde en émoi.

Une voix se leva plus haut perchée que les autres. C’est Tiranké. Dieu lui-même l’avait dotée de ces cordes vocales-là. Elles nous donnaient de l’émotion, ouvraient notre âme à l’attention, nous rapprochait de la narration.

–Caution !

Les dernières notes tombaient. Djeliba se leva.

–Caution ! il répéta.

Commença l’épopée du Mandé ; le Djaraba. Brève répétition à la foule.

« Pré bande ! Non pas un pré bande. Le Djeliba vivait bien, se nourrissait bien… conter les éloges des grandes familles, des familles nobles et braves, était sa seule sève. Caution, Djeliba avait sa raison, que de charlatans ne rencontrons-nous pas aujourd’hui. Comparaison n’était pas raison, mais vite Djeliba avec sa vérité permettait d’éviter cette liaison avec le grand Mandé Alpha. Le Djaraba et les autres ; les griots par civilités, les griots pour le ventre, c’était comme le jour et la nuit, la différence était grande et fort immense. La caution de Djeliba était donc opportune. Un chat est un chat et rendons toujours à César ce qui est à lui. »

Au cœur de la foule, les trois femmes entrèrent en chœur encore une fois et cela toutes à la fois. Que l’audience prête sa bonne foi.

Le Mandé Alpha mordit un coup de sa cola, le chœur donna un holà à son chœur… Doucement… Subtilement on comprenait, l’heure était aux événements, l’heure de la narration. Ses doigts se perdaient dans sa barbe fournie, rougie par le henné.

Lui seul avait une barbe de cet acabit. Tous savaient qu’il y avait jour et jour. Un jour se levait comme partout dans ce monde. On sortait tous de notre lit au petit matin, qu’on fût Chinois ou Bantous d’Afrique du sud.

« Cette vérité était aussi vraie, qu’on fût riche, puissant et méprisant, qu’on fût pauvre, faible et mendiant pour notre soupe. »

Le jour commençait toujours par une matinée et finissait toujours par une soirée. Irréversible. Sous la houlette de Mandé, tous savaient ici que cette journée n’aurait pas sa pareille. Et on était tous tétanisés, scotchés aux lèvres du Djaraba.

–Quelles lèvres ? ! ! pouvait-on s’exclamer.

Tant la cola les avait rendus intrigantes et dégoûtantes.

Ce jour, bien des gens le garderont au fond de la mémoire pour le conter à leur descendance.

Ce jour où il y a eu soleil et où il n’y a pas eu soleil. Ce jour où l’on a vu la pluie sans vraiment la voir. Ce jour sans pareil, qui nous fit vibrer dans nos entrailles, personne n’ira flirter avec monsieur l’oubli.

–Djaman… Foule !

Kabakoulou… silence. L’intrigue commençait.

–Kabakoulou… avance. Le Djeliba, le grand griot.

–Name. Name.

–Afô… Kouman kélé. Tché kélé.

–Frêle mogô, venu en basse côte. Sué de sa sueur, pleuré beaucoup de pleurs, rencontré tant de rancœurs.

« Il se mit au labeur, tant pis aux causettes, tant pis aux disettes, tant pis aux risettes… pour avoir son bonheur, être à l’honneur, donner de la hauteur à lui, à sa famille, à ses ascendants et aujourd’hui à ses descendants. Le pari avait de la peine. Chaque jour suffisait sa peine. Kabakoulou, sa peau noire d’ébène sous le soleil, sous la pluie courrait, courrait, courrait. Courrait toujours pour avoir du pain pour toute sa cour. Que de bouches à nourrir ! Tout ce monde à soigner. Que d’âmes à instruire ! Que le poltron pour fuir ! Kabakoulou n’avait pas fui. Kabakoulou suivait son destin, ferait son festin, d’autres bénéficieraient de son labeur et de son fruit. Ce moment était à nos pieds… Ce moment était à ses pieds. À Kabakoulou et à ses pieds. La fenêtre s’ouvrit, une bouffée d’air, la voix suave et chaude de Tiranké et ses deux consœurs montaient le chœur. On s’étouffait d’émotions, véritable opéra au cœur… Non ! Près de la populace. »

Après… quelques minutes plus tard, l’oreille du peuple écoutait. Le Djeliba, avide de parole depuis, entra en lice.

–Que je reçoive la foudre si je coupe la parole au Djaraba. Il y a histoire sous histoire. Cette sous-histoire qui se féconde à la sur-histoire pour encore nous éclairer.

–Eh ! Djeliba. Je peux accepter que les autres t’attendent mais épargne-moi cette patience, lance le Mandé Alpha.

Le Djeliba insista pour sa virgule, une parenthèse qui ne pouvait aller sans faire corps avec la vie de Kabakoulou. Entre griots, une complicité qui faisait le lit de l’harmonie ne pouvait s’installer dans une maison sans le souvenir ancien et vieux des liens ancestraux qui liaient toutes ces grandes familles d’humbles orateurs. Sans le dire, sans le faire remarquer, Djeliba savait lire dans les yeux de Djaraba. Et Djaraba savait quand Djeliba lui céderait la parole. Ils avaient en commun la parole, ils se la partageaient fort bien. Pour eux c’était un art. Parler était un art. Jouer avec les mots et susciter à temps où à propos de l’émotion, de l’intrigue était dans leurs cordes.

« D’autres fortunés, d’autres trop vite fortunés.

D’autres ; d’autres qui ne coulaient aucune goutte de sueur. D’autres ; d’autres qui se levaient un matin, un seul matin, et se trouvaient nez à nez avec dame fortune, partageaient le lit ensemble, traversaient des nuits éclairs, montaient et descendaient à la même cadence, soufflaient le même souffle, écoutaient la même musique, comptaient les mêmes étoiles, caressaient les mêmes pactes, liés au diable, liés à des envies.

Cette nuit, personne, ni moi-même ne pouvait s’empêcher de voler, de s’oublier entre rêves et cauchemars.

La réalité a l’irréel, des pas franchis aussi rapidement que la parole qui plane comme un vent de mensonges.

La calomnie. La vache qui ne peut donner du lait que quand sa voisine souffre. Quand la maison d’en face pleure de misères. De souffrances.

Vite partit le coup. C’était bien lui, l’autre qui m’empêchait d’évoluer. C’était rien, je tapais fort, si bien fort sur ma poitrine vide, remplie d’un cœur noir… cette histoire ne s’arrêtera pas là.

C’est ainsi que doucement le bateau avait coulé. Je m’étais perdu dans des eaux terribles. L’amitié avec le diable me saisit le cou, le souffle coupé, je me donnai de l’air en m’oxygénant à l’air des choses des ténèbres. Le pacte lié. Le nouvel associé du diable devait bien jouer son rôle.

Aux voisins, à mes collègues… gare à vous désormais…

J’avais mon jeu. La nuit je m’enfonçais dans les maisons. Je m’installais entre les maris et leurs femmes. Aux maris jaloux, je les laissais pour morts roués de coups invisibles.

Naissaient à ce jeu, des enfants unijambistes, anencéphales et autres malformations. Des enfants avec deux doigts de mains en moins, avec deux doigts de pieds en plus, des enfants qui louchent. Des enfants aux becs de lièvre, que sais-je encore…

À ce jeu naissaient des fortunes qui chatouillaient la langue aux pécores, qui demandaient et redemandaient de médire, toujours et encore de médisances.

Des fortunes qui donnaient naissance à des monstres.

C’était le pacte signé !

D’autres ; d’autres sans suer aucune goutte de sueur, installaient entre eux la fortune un poulet tout noir et un grand feu tout rouge, au-delà du feu rouge, si on retrouvait le poulet tout noir, on avait la richesse qui reflétait sur le miroir, si du feu tout rouge, on avait le reflux du poulet tout noir vers nous, on empruntait le couloir, tout droit vers la tombe. Que de pactes !

C’était le prix à payer. Bien des saints parmi nous acceptaient ce marché. Il paraît que ce que nous donnait la nature n’était pas à nous. Ce que nous donnaient nos envies et nos fantasmes était à nous. Infecte. »

Le Djeliba avala un coup de salive, sa gorge humide, ré-lubrifiée, reprit la parole avec la bénédiction du Djaraba.

–Que Kabakoulou serve d’exemple.

Il se tut, regarda le Djaraba, la foule avec lui fixa Djaraba.

Djaraba mordit un nouveau coup dans sa cola. Il avala son jus, rejeta ce qui en restait et commença à narrer.

« Kabakoulou tout un destin, Kabakoulou tout un esprit. Ce courage se lit… déjà dans la prunelle des jeunes gens. On nargue l’insolite pour porter la bague de l’élite. Du rêve à la réalité, il y a un pas. Un pas qui appartient à Kabakoulou. Un pas que Kabakoulou réalise. Il sait, il l’a toujours su. Demain ne lui appartient pas. On le ronronne, on le cartonne, on le martèle… cet esprit. Et encore, encore et encore des saints ne l’ont pas encore compris.

Des ingrédients. Subtile mélange de faux et de vrais. Se surpasse et prend place comme une montagne imprenable, la table de notre incertitude. À quand ce quand ? Ce quand de notre temps, ou bien autant que possible on aura ce qui nous manque tant. Notre fierté qui fume sans fin.

De douces nuits, je n’ai que cela en rêve. Au-delà de mon oubli, me surprennent et me réveillent, avec mon myocarde tout blâmé, des idées de maladies inimaginables. Des parasites, des microbes, des virus, me parcourant le corps, me bouffant tout mon cerveau. Je crains et je fais peur à tout mon entourage. Je décolle de mon lit à un mètre en altitude, mais n’empêche, elle me suit.

D’antibiothérapie à la corticothérapie, je passe sans oublier mon arrêt au carrefour de la radiothérapie, mais encore elle me suit. Elle m’accompagne sans mon vouloir. Je la veux hors de mon être sans le pouvoir. Et partout ! Des tonnes de cauchemars. Que de vies perturbées ! Je te veux, lancer ma main dans ce vide à la recherche de toi. N’importe quoi ! Ma nuit s’éclaire. Embrouilles. De nouveau un paysage ténébreux, affreux, apeuré, je crie et je reste incompris.

Mille nuits, mille jours de galère. Vache période !

J’ai sonné. J’ai tapé. Je me suis coupé. On m’a empoisonné. Pourtant je suis libre. Mon esprit vole, passe entre les mailles de leur filet et court vers mon dû. »

Kabakoulou tint une voix forte et bien perchée.

« Va ! … Cours ! …

Et doucement elle s’éloigne encore une fois, comme étouffée par un mur installé entre moi et mon moi de demain. Ce demain qui fait si peur.

Un lendemain sans pluie, avec un énorme soleil sur la plage à Assini. Les yeux dans le sable, le sable chaud sous mes pieds nus. Je prends mon pied face à ces créatures en bikini courant, hurlant çà et là. Hystérie. Un flash. Non je suis présent, vraiment vivant à l’heure des êtres vivants à sucer, peut-être ; non à croquer à pleines dents, sûr, à cette vie.

Il y a une ballade qui revenait, remplissant mes oreilles. Mon corps en frémissait, fouetté par cette brise, comment ne pas être avec son être aimé, à souffler très loin au-delà de cette mer toute la misère du monde.

Mes poumons étaient bien remplis, gorgés de bols d’air frais.

Aucun espace de mes alvéoles ne contenait encore des gaz toxiques de nos automobiles. Pollution ! Oui encore une merde de notre grande civilité, de notre modernisme.

Je n’imagine pas que le soleil va finir par tomber, que la plage va se vider tout doucement, qu’il va falloir retourner à la réalité. La jungle. Où attendent des singes, des lions, des rapaces voraces prêts à bouffer le peu du bout de ma vie. C’est terrible, j’ai peur et je m’isole seul sur cette plage. J’ai peur de mes semblables, il y a des mains tout autour de moi, de nombreuses mains qui m’attirent, qui me font signe de venir.

“Viens !”

Quand je lève la tête, impossible à mes yeux de regarder une seconde ces visages sortis de la série des Scream.

Mon corps finit par résister. Ma révolte était farouche et d’autres songes me couraient à l’esprit. »

Tout paraissait figé, le calme saisissant, le maître prêche, on l’écoutait… religieusement.

La cola avait rougi ses dents, ses lèvres avaient encore quelques résidus de cola, surtout la lèvre inférieure…

Il s’éclaircit, une, deux, trois fois la gorge et reprit son sacer… son histoire.

« Kabakoulou et sa nouvelle femme ont une fille. Elle fut nommée Ouri, Ouribella. Elle apporta la joie dans la maisonnée.

Kabakoulou en entrant chaque soir oubliait la fatigue, il était très fier, très fier de sa progéniture. Il était plus ardent à la tâche. Des mois s’écoulèrent, Ouri avait maintenant deux ans. Son père, Kabakoulou et ses affaires ont le vent en poupe. Son épouse Mâh a sa deuxième grossesse, Kabakoulou épouse sa deuxième épouse. Il vient aussi d’acheter son deuxième camion. On est dans le meilleur des mondes. Kabakoulou et son monde quittent leur cagibi, pour une maison plus décente. Mâh aura une fausse couche, Aïda, sa deuxième épouse mettra au monde Fadel. Fadel, le deuxième homme de la maison. Fadel le futur chef de famille. Le monde de Kabakoulou s’agrandit, la fortune de Kabakoulou suit la même taille. Kabakoulou a son troisième camion, Kabakoulou compte sa troisième union. La plus coquette de ses femmes. Fifi, elle rime avec la fortune. C’est le piment qu’il faut à la maison. Kabakoulou sans le chercher, sans le vouloir se trouve enfin face au diable.

Un diable bien masqué au demeurant. »

–Hum ! s’inquiéta un jeune homme dans la foule. Que cherche-t-il Kabakoulou à vouloir autant de femmes ? !

Interrogation.

–Il n’y a pas de fumée sans feu. On verra bien ce que Kabakoulou cherche ! remarqua un autre jeune homme.

« C’est ainsi qu’est la vie, celui qui a la pipe n’a pas de tabac, celui qui a le tabac n’a pas la pipe. Tout le monde aimait Kabakoulou. Tout le monde l’enviait. L’admiration des hommes pour son être est grande. Sa fortune dans le village personne ne l’avait encore eue. Mais lui Kabakoulou aime autre chose, envie autre chose. Son admiration est trop grande pour ses propres rêves.

« Des vagues se remplissent dans sa tête. Il a des folies. Avoir la plus belle voiture. Être en compagnie des plus belles femmes. Il en abusait tellement que le rêve lui-même le fuit. Avoir, toujours avoir. Avoir, encore avoir, c’est là toute sa vie. La vie d’un jeune homme qui court, trébuche, tombe et se relève. Un jeune homme qui rencontre des amitiés pendant qu’il en perd certaines. Des amours qui prennent aussi cette tendance, aujourd’hui heureux, demain sans amour. Il a pourtant aimé cette fois. Elle et lui c’était l’amour de l’autre quand l’autre était absent. Lui seul, juste piégé entre deux êtres admirables. Trop d’amour, absence de décision. Le temps qui court après les solutions. L’âme trop éprise vit le bonheur absolu. Tantôt, on improvise des bains de nuit, enlacés l’un contre l’autre dans cette cuvette remplie d’eau chaude. On va l’un contre l’autre, le souffle entrecoupé, je la sens comme perdue, la tête enfouie dans l’eau, perdue pour jamais. Brusquement je la vois secouer, en salve, tout en s’agrippant plus fort à mon corps. Comme un coup de sabre qui arrête une vie, je la sens tout relâcher soudainement et de tout son corps elle se laisse submerger par l’eau. Je disparais rapidement et l’autre m’accueille à bras grand ouverts. L’infidélité me sourit à me couper le souffle. Le sourire trop grand m’engloutit de faux bouts et de doux plaisirs. J’oublie tout, mon être, mon orgueil, mon moral. Un vent sec souffle, et me réveille. Je secoue fortement la tête comme pour me remettre sur les rails pour affronter la réalité. Ma tête est lourde. J’ai des céphalées. Tellement il y a des choses qui me la tournent ma pauvre de tête.

« Tout soudainement, on a eu une secousse. Comme venue de nulle part, une soucoupe extraterrestre nous arrache du sol vers une autre destination. Nos pas y sont assurés par la narration du Djaraba. Le Mandé Alpha nous plonge dans la nuit des songes de Kabakoulou. Il y fait noir, tout est sombre. Il y a juste une lumière qui éclaire ce cul-de-sac où nous baignons. C’est la tempête dans la tête de Kabakoulou au lendemain de son troisième mariage. Il court chercher deux colas, du sable blanc, et un coq blanc et revient voir Ibou le grand marabout.

–Ibou mon grand marabout de tous les temps ; voilà mon songe, voilà mes offrandes. J’ai besoin de toi pour guider mes pas. J’ai peur. J’ai vraiment peur.

–Arrête tes pleurs, fais d’un oubli tes pleurs. Ces choses-là laissent-les aux femmes. Laisse-moi faire de tes songes les miens, tu me diras si ma force est grande ou pas ?

–Je t’écoute Ibou mon grand marabout.

–Drôle de nuit, n’est-ce pas ?

–Drôle de nuit, susurra Kabakoulou.

–Drôle de nuit, Kabakoulou, une ombre de cauchemar. De puissants crocs tentent de fendre ta chair. Irrésistible ascension, te dis-je. Tellement tu te sens géant. Le mont Ivresse. Personnifié. Tellement la force des gens sans visage, sans nom est maigre. Une barre de glace au soleil. Tu cours. On court, tu es poursuivi. Encore des secousses sous ton drap. Tes jambes tentent la démêlée. Non, ils sont entremêlés tes pieds avec cette couverture, avec cette descente dans les méandres. Une chauve-souris fait se répandre un bruit bizarre et strident dans le gros arbre, dehors, devant la maison. Tu as des sons dans la tête, de l’intérieur comme de l’extérieur. Tu es loin d’être un outsider dans ce combat. Tu te bats. Tout ce branle-bas s’arrose de ta sueur qui plonge ta literie dans un océan qui t’emporte loin. Au-delà, là où vont les gens qui ont la foi. Dieu t’a vraiment donné de la Foi. Ce n’est pas Ophélie Winter qui s’y opposerait. Tout est une question de feeling. Des vacarmes me reviennent, ils t’ont enfin rejoint. Ils, avec des galops retentissant de leurs chevaux de guerre qui sonnent à ta muraille.

–Tu laisses tomber ta fougue ? Te demandais-tu ?

Tu prends le large par la fenêtre, d’où tu les vois faire d’un seul feu ton portail. La forteresse, ta faiblesse tombe avec ta fuite vers une cavale sans fin. L’orgueil bouillonne en toi, il est à cent degrés Celsius et cela se lit dans tes yeux. Tes yeux qui comme deux boules de feu, chargent leur chaleur insupportable. Ils fondent comme une barre de glace sous le soleil. La nuit avance. Le combat se relance, cette fois. Tyson ne fera pas d’une bouchée son alter ego sur ce ring. Cette fois cette montagne de rivalité, de sorcellerie accouchera bien d’une souris.

–Ibou, c’est cela même. T’es bien embaumé par ce parfum que j’inhale depuis. Que de sueurs froides ! J’ai eu chaud et j’ai toujours chaud. Mon salut c’est toi.

Kabakoulou se perd en parole, comme un saint en branle avec sa drogue, Kabakoulou est fiévreux de peur. La peur panique.

–Bissimilaï, je suis l’unique, le grand, le plus grand, gronda Ibou.

–Éloigne-toi de ta peur, n’es-tu pas venu me voir ? rassure Ibou.

D’un coup sec le marabout, dans la magie d’un tribun, arrache la tête du coq, il dessine des graffitis sur le sol avec le sang de l’animal. Il boit les dernières gouttes qui ruissellent du corps inerte du pauvre bipède. Des sons étranges sortent de la gorge d’Ibou. Des bruits à faire pâlir et faire fuir des non-initiés.

Kabakoulou reçoit en pleine figure sans aucune sommation les dernières gouttes de sang mélangées à de la cola que Ibou lui crache au compte de la science. Kabakoulou est coopératif bien obligé, c’est le prix pour sa guérison. C’est le rituel. Du sang de volaille en plein visage. C’est sa peur, Kabakoulou accepte volontiers cet usage. Des jours passent, puis des semaines, Kabakoulou oublie ce cauchemar. Mâh, la première épouse et sa fille Ouri. Aïda, la deuxième épouse et son fils Fadel. Fifi, la troisième épouse, enfin… toute la maison avec Kabakoulou retrouve le bonheur. La quiétude.

« Des songes, rien que des songes. Reviens en moi quand le sommeil me surprend. Je ne peux rien c’est toujours le même schéma. J’accepte. Je me rappelle. Un soir, au village, une boum. La fête. Pour nous écarter de la soirée, nous que les grands considéraient comme trop jeune pour participer à ces choses. Un décret sorti de leur dernière réunion nous refusait la cour tenant lieu de dancing. Le libéré “que ceux qui n’avaient pas de pantalon pouvaient garder le lit”.

« À cette époque, à notre âge, personne de ma génération n’avait un pantalon, on était tous taillés à la culotte avec les torses nus. La chasse, notre dada. Qui de nous tuerait le plus de margouillats dans la journée. C’était le pari. Alors comment faire, on avait tant envie de faire comme les grands. On voulait aussi danser au son de “Rabadenin”. On voulait aussi être “colé-colé” avec les filles, voir cette sensation, avoir le bonheur des grands à chaque lendemain de ces fêtes.

« À chacun son pantalon ce soir. Tous pour un. Dieu pour tous. À l’heure “H”, à la minute près, l’entrée était filtrée et dans la queue nous étions tous barrés. On avait des pantalons qui pouvaient nous arriver jusqu’au cou. Pour les ramener à notre taille on les pliait jusqu’aux genoux. Quand nous arrivâmes à l’entrée, le portier du jour était un gros gaillard. C’était lui qui avait emporté le combat de lutte de cette saison. Il commença à se tordre de rire. À chacun, il donna des tapes et vite fait on nous renvoya tous auprès de nos mères. Guéguerre. Revanche. Oui.

« Toute la nuit, pendant qu’on se trémoussait dans le dancing, nous étions restés dehors en tristes observateurs. C’est ainsi que vers deux heures du matin, en tout cas très tard dans la nuit, on a eu l’arme de notre revanche. Deux silhouettes s’enfonçaient dans le noir. Vite, très vite on reconnut le grand lutteur de l’heure avec la fiancée de son meilleur copain, celui avec qui il partage la même parcelle pour les travaux champêtres.

« N’est-ce pas celle-là qui chaque jour leur apporte de l’eau fraîche et de la nourriture aux champs. Sa douceur, sa chute de reins évitant les herbes sur le sentier qui mène à la plantation, avaient toujours mis l’eau à la bouche de notre gros gaillard. Quand la porte de la case fut fermée sur le couple, on alla faire un tel tapage que nous avons eu accès au dancing. Tout de suite je reconnus le fiancé cocu. Il ne me fallut pas un quart de seconde pour tout lui raconter. Le piège venait de se fermer autour de celui qui en début de soirée nous avait porté des coups. La soirée fermait aussi ses portes. Tout le monde fut alarmé. L’infidélité se pardonnait difficilement. On apprêta bâton, fouet, cravache et que sais-je encore. Comme on allait à la guerre, la foule comme un seul homme se dirigea vers la case, le lieu du crime. On vérifia que les deux portes étaient bouclées, qu’il n’y avait aucune issue de fuite. La porte vola, on surprit les deux bannis dans leur dernière quête du plaisir ultime. La fille dans ces cas, ne recevait presque pas de réprimande, mais l’homme… je ne vous dis pas ! Même avec les biceps de Stallone, dans ces genres de situation vous devenez très faible. Les coups pleuvaient, on le traîna hors de sa case. Direction fut prise vers le centre du village, la place publique. La place du marché. La honte. La jurisprudence en la matière n’avait pas gardé en mémoire une personne qui resta au village après ce forfait.

« Les affaires roulent, roulent tellement bien que Kabakoulou avait un nouveau camion. Son quatrième. Des amis, des frères, des cousins de Kabakoulou, n’arrêtaient pas à chaque visite, à chaque rencontre de lui faire des éloges, les uns à propos de sa fille qui ma foi, incarnait la déesse de la beauté. Les autres, une fille qu’il reconnaissait comme la bonté personnifiée. Ce n’était pas de la querelle ! Quand on connaît le saint, on sait l’honorer. Kabakoulou avait sa quatrième locomotive. Qui sera sa quatrième femme ? »

Le temps s’est figé. L’assistance est bouche bée. Fascination. Subjuguée, la foule tenait son menton dans la main avec le coude fléchi sur sa cuisse. Le Djeliba se fit entendre.

–Ah ! Les femmes… pouvait rengainer le sieur Biton Coulibaly…

–Ah ! Les hommes…

–Il faut qu’on se lève.

« Du haut de ses un mètre soixante, Mâh se tenait debout. Elle, Aïda et Fifi se devaient de penser à elles. À elles et à leurs enfants. Kabakoulou n’allait pas continuer sa collection…

–L’abîme appelle l’abîme, pesta Aïda.

« Avant de rattraper son foulard qui tombait. Ce n’était pas des paroles de pies. Des paroles dans l’air. Mais de vrais cauchemars à l’horizon pour le… pauvre Kabakoulou. Encore une fois, il leur aurait fait dresser ses tifs, tant pis pour sa soif. Ce quatrième verre ne servira pas l’apéritif.

« Une force étrange émanait de l’homme à sa seule vue. Il avait de l’aura, n’empêche cette fois, c’était l’ornière, Mâh et Aïda, n’accepteraient aucune lumière à cette sombre envie de leur époux. Leur mari, leur père et leur homme, avait tout compté, pesé et divisé. Pour une fois, cette tâche leur incombait. C’était leur droit, au nom d’un devoir pour leur progéniture. »