Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Le gros Bob qui, pour une raison inconnue, avait délaissé le bar pendant quelques jours, voulut les taquiner comme il avait coutume de faire chaque fois qu'il découvrait une nouvelle tête. Il les entreprit d'abord à un concours de bras de fer qu'il ne gagna que d'extrême justesse à la surprise générale. Mécontent de ne pas emporter le franc succès auquel il était habitué, il provoqua, dans la foulée, les nouveaux à une lutte "amicale". En fait d'amicale, le gros Bob essaya toutes les vacheries grossières qu'il connaissait, ce qui ne l'empêcha pas de se retrouver le cul par terre sous une tempête d'applaudissements. Laurent fit taire les spectateurs et déclara qu'il y avait match nul car "il avait bien vu que le gros avait glissé". L'honneur sauf par ce pieux mensonge, les pintes de Foster's avaient coulé et Laurent sut qu'il venait de se faire un ami. L'amour propre à Coober Pedy, ça a plus de valeur qu'une virginité et ça dure plus longtemps.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 133
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Lexique des termes typiquement australiens page 137.
Du même auteur :
Polars australiens :
- Mine de Rien, BoD, 2019
- On a fait la bombe !, BoD, 2019
- La seconde mort de Michèle, BoD, 2019
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
À Paraître prochainement (extrait)
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Et bientôt un nouveau roman : Pigeon vole (extrait)
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
À voir la couleur du ciel, le vent de sable n'allait pas tarder à balayer la ville. Le thermomètre indiquait 50 degrés, une banale température de saison. Les hommes termites de Coober Pedy se terraient dans leurs "dugouts", enfouis dans les entrailles rouges de la terre aride où ils s'escrimaient à creuser des galeries à la recherche de la mythique opale.
Comme la très grande majorité des prospecteurs, Peter s'était emménagé son dugout avec un confort monacal. Tous les mineurs d'opale avaient toujours vécu terrés ainsi depuis que les vétérans avaient découvert en Europe les tranchées de la Première Guerre mondiale. Tous, à l'exception des commerçants grecs et chinois et de quelques familles arrivées récemment et qui avaient choisi de vivre dans des préfabriqués et de bénéficier de l'air climatisé. Pourcentage infime des cinq mille habitants que compte la capitale mondiale de l'opale.
Au retour du supermarché, Peter s'arrêta chez "les filles" afin de les inviter à souper le prochain vendredi. Jane et Simone faisaient quelques envieux. Elles avaient bien, comme tout un chacun, creusé leur appartement dans le sol, mais luxe suprême, elles y avaient inclus une piscine. Pas un bassin olympique bien sûr, mais un "baigne-cul" de trois mètres sur quatre qui semblait surréaliste dans ce décor lunaire à dix mètres sous terre.
L'appartement comprenait une cuisine salle à manger, une chambre et une salle de séjour dans laquelle trônait la piscine. Des alvéoles en forme de placards fermés par des rideaux et creusés dans les parois faisaient office de mobilier.
Par principe, nul ne pénètre jamais dans le dugout d'autrui sans y être expressément invité, mais ce qui protégeait Jane et Simone des incursions des duggers mâles, c'était plus le pistolet qui ne les quittait jamais et leur réputation de" gouines" que l'étroitesse du puits d'accès.
Malgré la vie de bagnard, le conglomérat disparate d'hommes de toutes origines et les beuveries du pub, la vie était relativement tranquille. Deux ou trois meurtres "accidentels", quelques gueules cassées et trois vols sans importance avaient ponctué l'année, rien de très exceptionnel, une saison calme en somme.
Les Yougoslaves étaient sans conteste les mal aimés, sans justification réelle, une simple réputation qui leur collait à la peau : chacun son juif. Les très rares Français, malgré leur grande gueule légendaire, et les Polonais pour leurs cuites tonitruantes ne venaient qu'après. Rudy l'Autrichien, l'ancien légionnaire, avait lui aussi la réputation de picoler, mais lui, au moins, n'avait pris qu'une seule cuite dans sa vie et c'est toujours la même qu'il réchauffait. À la différence des polacks, il n'emmerdait jamais personne sous l'emprise de l'alcool.
Dans quelques semaines, les acheteurs chinois allaient arriver comme chaque année avec leurs valises pleines de billets et leurs petites balances. Ils envahiraient "I ‘Opal Inn Hôtel", achetant honnêtement des pierres aux prospecteurs. Pas à un cours élevé, mais sans jamais tricher, ni sur le poids, ni sur la qualité. Alors, même si les cours n'étaient pas au plus haut, ça valait mieux que de déclarer les opales au gouvernement qui prélevait 60 % de taxe.
Peter était tombé sur un filon. C'est du moins la rumeur qui courait en ville sous le manteau. Bien sûr, ici, personne ne faisait part de ses trouvailles, vu que les fusils étaient plus nombreux que les coffres-forts. Aussi, chacun gardait sa langue et cachait son trésor dans un endroit secret.
Parfois, quelques imprudents, exultant après des années de vache maigre, payaient des tournées générales ou s'offraient les filles du pub, ce qui expliquait "l'accident". On les retrouvait le lendemain, écrasés au fond d'un puits alors que leur dugout avait été minutieusement fouillé.
À l'exclusion des deux lesbiennes, de quelques épouses ou compagnes de prospecteurs atteintes du virus de l'opale, et des commerçantes, la gent féminine ne représentait qu'un très faible pourcentage de la population. Pour vivre à Coober Pedy, il ne fallait pas être trop porté sur le sexe.
Peter, comme 95 % des mineurs, vivait seul. Il était l'unique visiteur que recevait le couple Jane Simone. Autrefois, il y avait bien eu le vieux Ben, mais celui-ci était parti avec le pharmacien de Brisbane.
Le pharmacien était l'exemple même des miracles et des légendes qui entretiennent l'espoir au cœur des prospecteurs. Partageant ce côté aventurier qui sommeille au fond de chaque Australien, le pharmacien avait un jour réalisé tous ses biens. Il avait vendu sa maison victorienne et sa très belle pharmacie située en plein mail de la capitale queenslandaise. Il avait acheté un bulldozer, loué une concession et s'était mis à décaper sa zone de prospection. Allez savoir pourquoi le vieux Ben et lui avaient sympathisé ! Le potard engloutit toutes ses économies en 6 mois sans trouver le moindre bulder prometteur. Un jour, qu’il pensait être le dernier des prospecteurs, il versa le reste du gasoil dans le bull et décida de l'envoyer en ligne droite se perdre dans le bush. Le miracle fut qu'au passage, il entama une veine et découvrit une fortune. Le chemist repartit pour Brisbane où il fit construire deux buildings dans Ann Street. Le vieux Ben l'accompagna engagé comme surveillant de travaux.
Mais les miracles n'ont lieu qu'une fois. Ils servent à alimenter les rêves des forçats de l'opale qui espèrent toujours en leur étoile et au filon salvateur. Quand on découvrit Peter, mort au pied de son dugout, la rumeur de sa découverte s'enfla, et, pour chacun, celle-ci expliquait le meurtre. Pas un mineur d'opale qui ne rêva de fouiller en douce son domaine pour récupérer le magot qui ne pouvait pas, maintenant, lui être de quelque utilité. Nul doute que le meurtre était lié aux opales et l'unique question qui parcourait les têtes était la suivante : l'assassin a-t-il, oui ou non, déjà raflé la mise ?
Parmi ces hommes rudes, les larmes sont encore plus rares que la pluie sur le pays. Si personne ne pleura vraiment Peter, les deux copines pourtant en furent très affectées et réclamèrent une enquête. Conséquence, Peter ne put être rituellement enterré à la sauvette, à l'entrée de la ville, sous deux pelletées de terre poussiéreuse et la traditionnelle croix portant mention "mort accidentelle" à la suite du nom ou du surnom de l'intéressé et précédant la date du décès.
Franck, le sergent de police, dut transmettre le rapport au Comté et il lui était bien difficile de conclure à une mort naturelle ou accidentelle, quand la trace du coup de poignard en plein cœur sautait aux yeux. Dans le fond, il ne comprenait pas pourquoi les deux lesbiennes avaient réclamé une enquête car, en raison de leurs proches relations avec Peter, elles étaient les mieux placées pour avoir recueilli des confidences sur ses découvertes et devenir, de ce fait, le centre des soupçons.
Jane ne quittait pas souvent Coober Pedy. Il y avait bien dix ans qu'elle n'avait pas mis les pieds à Sydney. Elle dut admettre qu'en une décennie, la ville avait sacrément évolué. Ce qui la surprit le plus fut sans doute la façon dont les femmes s'étaient adaptées à la mode. Une mode australienne qui avait rapidement fait son trou dans le milieu de la couture internationale, y apportant une touche toute personnelle.
En jeans, seins libres sous un chemisier de tissu indien transparent, elle se sentit tout à coup décalée dans le temps. Elle découvrit avec surprise le monorail et l'aménagement moderne de Darling Harbour, construit sur l'emplacement de l'ancien port de commerce.
Elle avait comme adresse du consulat français celle de Georges Street, au-dessus de la station de métro de Wynyard Station, qui était désertée depuis 9 ans déjà. Heureusement, la nouvelle location au 31 de Market street n'était qu'à deux blocs de là.
Au vingtième étage, il y avait deux portes vitrées au fond du couloir de droite. À gauche, celle du service des visas ; à droite, celle des bureaux consulaires. La porte des visas était ouverte en permanence et les visiteurs étaient accueillis par un garde armé assis à une table. La porte des locaux administratifs, par contre, était fermée en permanence. Après avoir sonné, il fallait indiquer dans l'interphone la raison de sa visite. Jane s'entêta à déclarer qu'elle voulait rencontrer le consul ou le vice-consul sans donner d'autres explications à la secrétaire qui, elle, persistait à requérir l'objet de la visite. Dialogue de sourds. Jane faillit renoncer. En désespoir de cause, elle déclara qu'elle camperait devant la porte jusqu'à ce qu'un responsable en sorte. La secrétaire partit parlementer et un homme de quarante-cinq ans aux tempes grisonnantes vint regarder Jane à travers la porte vitrée. Sans doute lui sembla-t-elle inoffensive car il entrouvrit celle-ci.
– C'est pourquoi Mademoiselle ?
– C'est important et c'est secret. Je veux parler au Consul.
– Je suis le Consul, et vous qui êtes-vous ?
– Moi ce n'est pas important, il s'agit de documents que je souhaiterais vous remettre.
– Des documents ?
– Oui, mais je veux vous voir en privé.
Après une seconde d'hésitation le Consul la fit pénétrer dans le sas d'entrée. Ils traversèrent le hall d'attente équipé de quatre fauteuils et de trois bureaux d'accueil séparés entre eux par une vitre. La porte du fond donnait sur le bureau du Consul.
– Je vous accorde deux minutes, Mademoiselle. J'ai un rendez-vous très important.
– Ça suffira. Voilà, je suis mineur d'opale à Coober Pedy. L'un de mes amis vient d'être assassiné. Il m'avait confié un sac d'affaires personnelles parce que dans mon dugout il était sans doute plus en sécurité que dans le sien.
Elle tira de son sac une enveloppe brune épaisse de deux centimètres et la déposa sur le bureau.
– Dans ses affaires, il y avait ceci. Je pense que cela vous concerne. J'espère que l'on découvrira son assassin. J'ai d'ailleurs réclamé une enquête.
– Vous avez réclamé une enquête ?
– Oui, Coober Pedy n'est pas Sydney. Si personne ne moufte, toutes les morts sont accidentelles.
– Et la mort de votre ami ne l'est pas ?
– On ne se suicide pas d'un coup de couteau en plein cœur.
– Et ces papiers…
Le Consul vérifiait les documents. Il se tut soudain. Le contenu l'avait accaparé. Il ne s'aperçut pas du silence qui régnait dans la pièce, pas plus du fait que plus de vingt minutes s'étaient écoulées depuis qu'il s'était plongé dans la lecture du dossier.
– Qui, à part vous, est au courant de cela ?
– Vous et mon amie, mais elle ignore le contenu. Elle ne comprend pas le français.
– Votre amie ?
– Ma compagne, on nous surnomme "les gouines". Nous avons un dugout à Coober Pedy et Peter était notre seul ami.
Le Consul ne laissa paraître aucune réaction. Que la fille lui annonce être en ménage avec une copine n'avait rien de surprenant en Australie où la liberté des mœurs ne pose aucun problème.
– Je vous demande de n'en parler à personne.
– Croyez-vous que j’aie envie de me faire descendre ?
– Et pourquoi êtes-vous venue me voir ?
– Ces documents vous concernent bien ? Et puis ma mère était Française, mais ne prenez pas ça pour un quelconque patriotisme étroit. Moi je suis Australienne, mais je n'aimerais pas que l'assassin de Peter continue de couler des jours heureux.
À Paris, en ce début de mois de février, il fait douze degrés, peut-être quatorze dans le bureau, mais guère plus. Le Général Berthoumieux relit pour la troisième fois le dossier qu'il a reçu de Sydney. L'interphone grésille.
– Mon Général, Laurent Marchand est arrivé.
– Faites-le entrer Carole…
– Bonjour Laurent.
– Bonjour mon Général. Vous étrennez une chambre froide ? C'est vrai que le froid conserve.
– Gardez vos réflexions désagréables. Je sais bien que vous visez mon fauteuil, mais je ne suis pas encore décidé à vous le laisser. Mais vous avez raison, il gèle. Pas de chance, la chaudière est encore en panne. Vous, par contre, vous serez toujours un privilégié, en Australie en ce moment, c'est l'été. Vous allez encore pouvoir vous prélasser au soleil !
C'était un rituel entre les deux hommes. Il existait depuis longtemps, ce jeu qui cachait mal un sentiment de respect et d'amitié partagé. Peut-être le patron des services spéciaux voulait éviter de songer aux risques qu'il faisait encourir à ses agents. Il savait qu'une fois encore Laurent allait sans doute risquer sa vie, et que c'est si facile d'envoyer quelqu'un d'autre au casse-pipe.
– Décidément, Laurent, vous êtes devenu "le" grand spécialiste de l'Australie. Mais je ne pense pas que ce soit pour vous déplaire ?
– Exact, mon Général, j'aime ce pays rude et sauvage aux grands espaces, c'est le far-West, le dernier pays libre.
– Vous allez être servi question Far West. Cette fois vous partez pour Coober Pedy, capitale mondiale de l'opale, ville minière troglodyte. 50 degrés. 5 000 habitants : Cayenne !
– Et je peux savoir pourquoi ?
– Bien sûr, comme tous les prospecteurs, pour aller chercher des opales… Mais je serais vous, je ferais appel à votre copain espagnol, ce ne sera peut-être pas inutile que quelqu'un protège vos arrières.
– Et à part ça, je peux connaître l'objet de ma mission ?
– Voici le dossier. Il a été remis par chance à notre Consul de Sydney. Peter, un chercheur d'opale assassiné, avait réuni un faisceau de preuves concernant une implantation secrète de missiles dans le sous-sol australien. Il semblerait qu'il s'agisse d'un travail de fourmi réalisé par des chinois.
– J'ignorais que nous avions un agent là-bas.
– Nous n'avions pas d'agent. Il s'agit d'un ancien du service depuis longtemps rayé des cadres. Mais on ne perd pas ses bonnes habitudes et sa curiosité, même retiré du circuit.
– Pourquoi le dossier nous est-il parvenu ?
– Je pense en fait que, tombé sur un truc tordu, notre ami n'a pu s'empêcher d'enquêter pour son compte et de constituer un dossier qu'il envisageait sans doute de nous transmettre, ou de remettre aux autorités australiennes, lorsqu'il aurait peaufiné son enquête. Premier coup de chance pour nous, son rapport était rédigé en français. Second coup de pot, la personne à qui il l'avait confié est de descendance française. C'est elle qui a remis le dossier à notre consulat, dans l'espoir que nous réagirions pour venger ce meurtre, supposant que son copain travaillait officiellement pour nous.
– Mais pourquoi ne refilez-vous pas l'affaire aux Aussies ? Elle ne nous concerne pas.
– Vous voyez, Laurent, c'est le genre de question qui prouve que vous n'êtes pas encore tout à fait mûr pour occuper mon fauteuil. Vous devriez savoir qu'il est toujours bon de connaître ce qui se passe ailleurs et d'avoir toujours quelques monnaies d'échange en réserve. Je vais vous donner deux exemples. Vous connaissez les réactions violentes de l'Australie à l'égard de la France lors des essais nucléaires dans le Pacifique. Je sais que le Président a annoncé qu'il n'y en aurait plus, mais sait-on jamais ! Imaginons que nos militaires le convainquent qu'il est indispensable d'effectuer un nouveau dernier essai. Un dossier bouclé comme celui-ci pourrait nous permettre de négocier avec le gouvernement australien des réactions gouvernementales très, très modérées vous ne croyez pas ?
Deuxième exemple : en ce moment, la France négocie d'importants contrats commerciaux avec la Chine, bien évidemment nous avons de nombreux concurrents. Face à des tractations difficiles, si nous glissons à nos interlocuteurs chinois que nous avons confidentiellement l'exclusivité d'un tel dossier en notre possession et que nous sommes prêts à leur remettre, avec la signature des contrats, vous ne pensez pas que ça pourrait aider à obtenir la signature de ces contrats ?
– C'est un peu tordu ça comme démarche ?