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"""Chatterton"", le chef-d'œuvre littéraire d'Alfred de Vigny, est un roman captivant qui nous plonge dans l'univers sombre et mystérieux du poète anglais Thomas Chatterton. À travers cette œuvre, Vigny nous offre une exploration profonde de la solitude, de la créativité et de la quête de reconnaissance artistique.
Le récit nous transporte dans le Londres du XVIIIe siècle, où Chatterton, jeune poète talentueux et incompris, lutte pour survivre dans un monde qui ne reconnaît pas son génie. Entre réalité et fiction, Vigny tisse une trame complexe où se mêlent les destins tragiques de Chatterton et de son alter ego, Alfred de Vigny lui-même.
À travers une écriture poétique et envoûtante, Vigny explore les thèmes de l'art, de la passion et de la mort. Il nous plonge dans les tourments intérieurs de Chatterton, qui se débat entre sa soif de reconnaissance et sa solitude profonde. Le roman nous invite à réfléchir sur la condition de l'artiste, sur la difficulté de trouver sa place dans la société et sur la quête éternelle de sens et de vérité.
""Chatterton"" est un roman qui ne laisse pas indifférent. Il nous transporte dans un univers à la fois sombre et fascinant, où se mêlent la beauté de la poésie et la cruauté du monde. À travers cette œuvre, Vigny nous offre une réflexion profonde sur l'art et sur la condition humaine, nous invitant à nous interroger sur notre propre quête de sens et de reconnaissance.
Extrait : ""KITTY BELL (à sa fille, qui montre un livre à son frère) - Il me semble que j'entends parler monsieur; ne faites pas de bruit, enfants. (Au Quaker.) Ne pensez-vous pas qu'il arrive quelque chose ? (Le Quaker hausse les épaules.) Mon Dieu ! votre père est en colère ! certainement, il est fort en colère ; je l'entends bien au son de sa voix. Ne jouez pas, je vous en prie, Rachel."""
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Seitenzahl: 90
Veröffentlichungsjahr: 2015
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CHATTERTON.
UN QUAKER.
KITTY BELL.
JOHN BELL.
LORD BECKFORD, lord-maire de Londres.
LORD TALBOT.
LORD LAUDERDALE.
LORD KINGSTON.
UN GROOM.
UN OUVRIER.
RACHEL, fille de Kitty Bell, âgée de six ans.
SON FRÈRE, jeune garçon de quatre ans.
TROIS JEUNES LORDS.
DOUZE OUVRIERS DE LA FABRIQUE DE JOHN BELL.
DOMESTIQUES DU LORD-MAIRE.
DOMESTIQUES DE JOHN BELL.
UN GROOM.
La scène représente un vaste appartement ; arrière-boutique opulente et confortable de la maison de John Bell. À gauche du spectateur, une cheminée pleine de charbon de terre allumé. À droite, la porte de la chambre à coucher de Kitty Bell. Au fond, une grande porte vitrée : à travers les petits carreaux, on aperçoit une riche boutique ; un grand escalier tournant conduit à plusieurs portes étroites et sombres, parmi lesquelles se trouve la porte de la petite chambre de Chatterton.
Le Quaker lit dans un coin de la chambre, à gauche du spectateur. À droite est assise Kitty Bell ; à ses pieds un enfant assis sur un tabouret ; une jeune fille debout à côté d’elle.
Le quaker, Kitty Bell, Rachel.
Il me semble que j’entends parler monsieur ; ne faites pas de bruit, enfants. (Au Quaker.) Ne pensez-vous pas qu’il arrive quelque chose ? (Le Quaker hausse les épaules.) Mon Dieu ! votre père est en colère ! certainement il est fort en colère ; je l’entends bien au son de sa voix. – Ne jouez pas, je vous en prie, Rachel. (Elle laisse tomber son ouvrage et écoute.) Il me semble qu’il s’apaise, n’est-ce pas, monsieur ? (Le Quaker fait signe que oui, et continue sa lecture.) N’essayez pas ce petit collier, Rachel ; ce sont des vanités du monde que nous ne devons pas même toucher. – Mais qui donc vous a donné ce livre-là ? C’est une Bible ; qui vous l’a donnée, s’il vous plaît ? Je suis sûre que c’est le jeune monsieur qui demeure ici depuis trois mois.
Oui, maman.
Oh ! mon Dieu ! qu’a-t-elle fait là ! – Je vous ai défendu de rien accepter, ma fille, et rien surtout de ce pauvre jeune homme. – Quand donc l’avez-vous vu, mon enfant ? Je sais que vous êtes allée ce matin, avec votre frère, l’embrasser dans sa chambre. Pourquoi êtes-vous entrés chez lui, mes enfants ? C’est bien mal ! (Elle les embrasse.) Je suis certaine qu’il écrivait encore ; car, depuis hier au soir, sa lampe brûlait toujours.
Oui, et il pleurait.
Il pleurait ! Allons, taisez-vous ! ne parlez de cela à personne. Vous irez rendre ce livre à monsieur Tom quand il vous appellera ; mais ne le dérangez jamais, et ne recevez de lui aucun présent. Vous voyez que, depuis trois mois qu’il loge ici, je ne lui ai même pas parlé une fois, et vous avez accepté quelque chose, un livre. Ce n’est pas bien. – Allez… allez embrasser le bon quaker. – Allez, c’est bien le meilleur ami que Dieu nous ait donné. (Les enfants courent s’asseoir sur les genoux du quaker.)
Venez sur mes genoux tous deux, et écoutez-moi bien. – Vous allez dire à votre bonne petite mère que son cœur est simple, pur et véritablement chrétien, mais qu’elle est plus enfant que vous dans sa conduite, qu’elle n’a pas assez réfléchi à ce qu’elle vient de vous ordonner, et que je la prie de considérer que rendre à un malheureux le cadeau qu’il a fait, c’est l’humilier et lui faire mesurer toute sa misère.
Oh ! il a raison ! il a mille fois raison ! – Donnez, donnez-moi ce livre, Rachel. – Il faut le garder, ma fille ! le garder toute ta vie. – Ta mère s’est trompée. – Notre ami a toujours raison.
Ah ! Kitty Bell ! Kitty Bell ! âme simple et tourmentée ! – Ne dis point cela de moi. – Il n’y a pas de sagesse humaine. – Tu le vois bien, si j’avais raison au fond, j’ai eu tort dans la forme. – Devais-je avertir les enfants de l’erreur légère de leur mère ? Il n’y a pas, ô Kitty Bell, il n’y a pas si belle pensée à laquelle ne soit supérieur un des élans de ton cœur chaleureux, un des soupirs de ton âme tendre et modeste.
(On entend une voix tonnante.)
Oh ! mon Dieu ! encore en colère ! – La voix de leur père me répond là ! (Elle porte la main à son cœur.) Je ne puis plus respirer. – Cette voix me brise le cœur. – Que lui a-t-on fait ? Encore une colère comme hier au soir… (Elle tombe sur un fauteuil.) J’ai besoin d’être assise. – N’est-ce pas comme un orage qui vient ? et tous les orages tombent sur mon pauvre cœur.
Ah ! je sais ce qui monte à la tête de votre seigneur et maître : c’est une querelle avec les ouvriers de sa fabrique. – Ils viennent de lui envoyer, de Norton à Londres, une députation pour demander la grâce d’un de leurs compagnons. Les pauvres gens ont fait bien vainement une lieue à pied ! Retirez-vous tous les trois… Vous êtes inutiles ici. – Cet homme-là vous tuera… c’est une espèce de vautour qui écrase sa couvée. (Kitty Bell sort, la main sur son cœur, en s’appuyant sur la tête de son fils, qu’elle emmène avec Rachel.)
Le quaker, John Bell, un groupe d’ouvriers.
Le voilà en fureur… Voilà l’homme riche, le spéculateur heureux ; voilà l’égoïste par excellence, le juste selon la loi.
Non, non, non, non ! – Vous travaillerez davantage, voilà tout.
Et vous gagnerez moins, voilà tout.
Si je savais qui a répondu cela, je le chasserais sur-le-champ comme l’autre.
Bien dit, John Bell ! tu es beau précisément comme un monarque au milieu de ses sujets.
Comme vous êtes quaker, je ne vous écoute pas, vous ; mais, si je savais lequel de ceux-là vient de parler ! Ah ! l’homme sans foi que celui qui a dit cette parole ! Ne m’avez-vous pas tous vu compagnon parmi vous ? Comment suis-je arrivé au bien-être que l’on me voit ? Ai-je acheté tout d’un coup toutes les maisons de Norton avec sa fabrique ? Si j’en suis le seul maître à présent, n’ai-je pas donné l’exemple du travail et de l’économie ? N’est-ce pas en plaçant les produits de ma journée que j’ai nourri mon année ? Me suis-je montré paresseux ou prodigue dans ma conduite ? – Que chacun agisse ainsi, et il deviendra aussi riche que moi. Les machines diminuent votre salaire, mais elles augmentent le mien ; j’en suis très fâché pour vous, mais très content pour moi. Si les machines vous appartenaient, je trouverais très bon que leur production vous appartînt ; mais j’ai acheté les mécaniques avec l’argent que mes bras ont gagné : faites de même, soyez laborieux, et surtout économes. – Rappelez-vous bien ce sage proverbe de nos pères : Gardons bien les sous, les schellings se gardent eux-mêmes. Et à présent qu’on ne me parle plus de Tobie ; il est chassé pour toujours. Retirez-vous sans rien dire, parce que le premier qui parlera sera chassé, comme lui, de la fabrique, et n’aura ni pain, ni logement, ni travail dans le village.
(Ils sortent.)
Courage, ami ! je n’ai jamais entendu au parlement un raisonnement plus sain que le tien.
Et vous, ne profitez pas de ce que vous êtes quaker pour troubler tout, partout où vous êtes. – Vous parlez rarement, mais vous devriez ne parler jamais. Vous jetez au milieu des actions des paroles qui sont comme des coups de couteau.
Ce n’est que du bon sens, maître John ; et quand les hommes sont fous, cela leur fait mal à la tête. Mais je n’en ai pas de remords ; l’impression d’un mot vrai ne dure pas plus que le temps de le dire ; c’est l’affaire d’un moment.
Ce n’est pas là mon idée : vous savez que j’aime assez à raisonner avec vous sur la politique ; mais vous mesurez tout à votre toise, et vous avez tort. La secte de vos quakers est déjà une exception dans la chrétienté, et vous êtes vous-même une exception parmi les quakers. – Vous avez partagé tous vos biens entre vos neveux ; vous ne possédez plus rien qu’une chétive subsistance, et vous achevez votre vie dans l’immobilité et la méditation. – Cela vous convient, je le veux ; mais ce que je ne veux pas, c’est que, dans ma maison, vous veniez, en public, autoriser mes inférieurs à l’insolence.
Eh ! que te fait, je te prie, leur insolence ? Le bêlement de moutons t’a-t-il jamais empêché de les tondre et de les manger ? – Y a-t-il un seul de ces hommes dont tu ne puisses vendre le lit ? Y a-t-il dans le bourg de Norton une seule famille qui n’envoie ses petits garçons et ses filles tousser et pâlir en travaillant tes laines ? Quelle maison ne t’appartient pas et n’est chèrement louée par toi ? Quelle minute de leur existence ne t’est pas donnée ? Quelle goutte de sueur ne te rapporte un schelling ? La terre de Norton, avec les maisons et les familles, est portée dans ta main comme le globe dans la main de Charlemagne. – Tu es le baron absolu de ta fabrication féodale.
C’est vrai, mais c’est juste. – La terre est à moi, parce que je l’ai achetée ; les maisons, parce que je les ai bâties ; les habitants, parce que je les loge ; et leur travail, parce que je le paye. Je suis juste selon la loi.
Et ta loi, est-elle juste selon Dieu ?
Si vous n’étiez pas quaker, vous seriez pendu pour parler ainsi.
Je me pendrais moi-même plutôt que de parler autrement, car j’ai pour toi une amitié véritable.
S’il n’était vrai, docteur, que vous êtes mon ami depuis vingt ans et que vous avez sauvé un de mes enfants, je ne vous reverrais jamais.