Erymande - Sylvie Souillac - E-Book

Erymande E-Book

Sylvie Souillac

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Beschreibung

Dans un petit village perdu dans la montagne, cinq adolescents se retrouvent, chaque été, chez leurs grands-parents. Là-bas, à Erymande, ils feront la rencontre de Barberine, une très vieille femme qui a programmé pour eux des aventures incroyables depuis des centaines d’années. Elle les propulsera dans une autre dimension où ils réaliseront que chaque acte peut avoir des conséquences dramatiques. Dans ce monde attribué à Jacou, entre drôleries et surprises, ils vivront une expérience hors du commun qui les transformera pour toujours.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Passionnée par le comportement humain, Sylvie Souillac s’est donné la mission, à travers sa plume, de faire comprendre à la jeune génération les conséquences de leurs actes sur la vie des autres.

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Sylvie Souillac

Erymande

Roman

© Lys Bleu Éditions – Sylvie Souillac

ISBN :979-10-377-6433-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Erymande

An 1000

Cette histoire prend sa source dans le ventre d’une montagne dinosaure de pierre, posée au bord d’une rivière aux eaux tumultueuses et furieuses durant les grosses pluies.

Ainsi, pendant des siècles et des siècles, ont-elles creusé dans la roche une succession de grottes plus ou moins grandes.

Tandis qu’une multitude de filets d’eau perpétuels déposaient délicatement sur leurs parois en fines couches divers minéraux aux différentes couleurs : Jaune, verte, rose, orange, albâtre, etc.

D’innombrables gouttes à gouttes artistiques, délicates, dans un rythme ininterrompu, façonnaient au fil du temps qui passe des stalactites et stalagmites œuvres merveilleuses et incroyables.

Certaines de ces créations scintillent à la lumière du soleil et de la lune au zénith qui pénètre par une cheminée ouverte sur le ciel dans une de ces salles profondes et obscures.

Voici les aventures fantastiques de cinq adolescents qui reviennent de là où personne n’est jamais allé.

C’est dans cette caverne un soir de pleine lune qu’ils font tous un étrange serment à une très vieille femme qui se nomme Barberine. Elle porte les stigmates du temps, tel un arbre millénaire qui a traversé bien des foudres et des tempêtes. Elle est ridée comme une vieille pomme et voûtée comme si elle portait le monde sur son dos.

Mais, qui est-elle ?

D’où vient-elle ?

Elle leur avait dit avoir plus de mille ans. Une bizarrerie qu’aucun n’avait voulu croire, jusqu’au retour de cet incroyable voyage.

Le serment :

Lisa, la malicieuse.

— Ce jour de l’an mille, moi Lisa donne mon accord pour que dans mille et trente années ma descendante fasse le grand voyage.

Babou l’intellectuel.

— Moi, Bambou, concède volontiers qu’un enfant de ma filiation accomplisse le grand voyage.

Niolas, l’aventurier.

— Moi Niolas, je souhaite que mon descendant visite son univers.

Jacques, l’insouciant.

— Oyé ! Moi Jacques, plus tard, je n’veux pas de rejeton, mais si le hasard m’en refourgue un, il visitera comme moi, son dingo de monde. Il n’y a pas d’raison !

Après un fou rire, un long silence empreint de gravité s’installe. Tous attendent la voix de Syle.

Syle, le craintif.

— Syle à toi ! insiste la vieille femme.

Le jeune garçon se montre hésitant car cette aventure l’a terrifié.

— Allez !

— Oui… Mais…

— Quel pleutre ! chuchote Bambou l’intellectuel du groupe.

— Et, arrête un peu de piailler comme un seigneur ! C’est quelle causerie ça, le pleutre ? lui demande Jacques.

— Un pleutre est un homme sans courage.

— Sans courage toi-même et de la tête aux panards puants qui crèche dans tes groles trouées. Toi aussi t’as eu la trouillas plus d’une fois dans cette histoire ! Non ?

— Cessez vos querelles ! intervient Lisa.

La vieille guide prend la parole et leur explique avec douceur et fermeté.

En l’année deux mille trente, une nuit de pleine lune d’été, je serais là pour accueillir dans ce même village vos cinq descendants. J’ai absolument besoin de toutes vos approbations pour inscrire le renouvellement de cette histoire dans le futur.

— Bon, moi Syle… je… je suis d’accord, lâche-t-il enfin.

— J’espère que ton descendant ne sera pas aussi poltronneux que toi ! Lui adresse Niolas.

— Oui, moins couard.

Barberine agacée par les chamailleries des jeunes garçons pointe tour à tour un doigt sur leurs lèvres et, les soudent.

— Les voilà muets pour un petit moment ! J’espère que je n’aurais pas à renouveler cette sorcellerie plus tard.

— Ils vont rester muets jusqu’à la fin de leurs jours ? demande Lisa, inquiète.

— Non, juste le temps pour eux de se calmer et pour moi de mener à son terme cette programmation.

Elle sort de sa poche une petite pyramide de cristal qu’elle enferme précieusement dans ses mains tremblantes.

Quelques petites secondes passent avant qu’une lumière blanche, d’une puissante intensité, jaillit d’entre ses doigts pour illuminer toute la grotte. Les enfants sont étonnés de ne pas être aveuglés par celle-ci. Elle les envahit et leur fait ressentir un profond bien être.

Les bouches envoûtées sont délivrées de leur enchantement, mais n’ayant pas apprécié le châtiment, elles restent sagement silencieuses. Au bout de quelques petites minutes, la lumière disparaît comme elle est venue absorbée par le cristal.

Les enfants sont impressionnés devant les pouvoirs de la vieille femme.

Elle fait péniblement quelques pas vers une anfractuosité de la grotte pour y déposer avec une extrême délicatesse le précieux objet.

Puis, après un court recueillement, elle aussi fait sa promesse.

« Moi, Barberine fille de l’univers, je fais le serment de traverser les siècles pour accompagner et éclairer les futurs élus ».

Et de poursuivre en les pointant tous du doigt, d’une voix puissante « Quant à vous, vous devez emporter le précieux secret d’Erymande dans la tombe, compris ? ». Devant son visage de sorcière effrayante, les cinq font un oui enthousiasmé de la tête.

Méfiez-vous de la laideur, car l’imperfection peut cacher des trésors inestimables.

Malgré les maladresses de la jeunesse, Barberine voit la pureté en ses cœurs. Alors, elle va leur faire un cadeau avant de disparaître de leurs vies, car à travers les expériences qu’ils ont vécues, leurs esprits se sont éclairés.

Maintenant, ils savent que chaque pensée, chaque agissement ont des effets dans leur vie, sur le monde et au-delà. Ils ont le devoir de transmettre ce message qui traversera les générations jusqu’à l’époque fatidique. Cela ne va pas être facile, bien et mal en chaque être sur cette terre vont mener une lutte interminable jusqu’au règne de la paix.

— Suivez-moi ! leur ordonne-t-elle gentiment.

Munis de leur torche, ils traversent plusieurs galeries souterraines et arrivent à la dernière salle vers la sortie. L’ambiance y est un peu angoissante. Les ombres des statues de pierre invitent toutes sortes de démons dans l’imagination des enfants. Ils s’assoient bien serrés les uns contre les autres devant la silhouette de la reine des lieux. À leur grande stupéfaction, une immense paroi blanche s’anime derrière elle et comme au cinéma qui n’existe pas à cette époque, ils vont assister au film de l’évolution de l’humanité, puis à l’histoire de leur descendant mille et trente années plus tard.

Erymande

An 2030

Jacou a treize ans. Il est le descendant de Jacques. C’est le cadet de la bande. Ses cheveux sont châtains et ses yeux noirs. Son nez en forme de trompette dénonce son tempérament coquin. Petit pour son âge, mais Pas du tout complexé, car il voit sa petite taille plutôt comme un atout qui lui permet de se faufiler partout.

Le train arrive en gare, il embrasse furtivement ses parents et s’y engouffre suivi d’un accompagnateur de la compagnie de chemin de fer. Il s’assoit, sur la banquette ouvre son gros sac de voyage d’où il extirpe son doudou porte-bonheur, une écharpe à l’effigie de son équipe de football préférée.

— Comment ? s’insurge l’homme qui l’accompagne, tu ne portes pas les couleurs de notre région !

— Ils sont trop nulos ! lui répond-il du tac au tac.

— Tu n’as pas tort, mon garçon ! chez qui vas-tu passer tes vacances ?

— Chez mes grands à Erymande.

— Erymande ? je ne connais pas.

— Tu m’étonnes, mec, c’est total paumé !

— Tu ne t’y ennuies pas trop ?

— N-O-N ! s’exclame-t-il. Là-bas, j’ai mes meilleurs potes.

— Cela ne t’embête pas si je ferme l’œil, j’ai peu dormi cette nuit.

— Vas-y, mec ! t’as fait la teuf ?

— Le mariage de mon frère.

Jacou regarde par la vitre du train. Son esprit vagabonde sur les multiples paysages qui défilent à l’allure du TGV. Il est heureux et pressé de revoir bientôt ses amis, dont Nicolas qui est le descendant de Niolas. Il a les cheveux blonds frisés et ses yeux sont d’un bleu très clair. C’est l’aventurier du groupe comme son lointain ancêtre. Il peut rester des heures durant aux aguets pour apercevoir des animaux sauvages afin de les prendre en photo. Il porte toujours un sac à dos équipé de cordes et de lampes de poche car il est aussi passionné d’escalade et de spéléologie comme son père avec lequel il partage ses passions.

Bambou lui est le descendant de Babou. Il est originaire d’une île lointaine où le soleil donne à ses habitants une belle couleur café. Depuis ses quatre ans, sa mère institutrice lui lit une page du dictionnaire tous les soirs. Il a donc un vocabulaire très riche ce qui agace fortement Jacou.

Le grand Sike à douze ans mesure déjà un mètre soixante-quinze. On lui prédit les deux mètres à l’âge adulte. Mais, comme son ancêtre Syle à son âge, il n’est pas encore très courageux.

Il se passionne pour les jeux vidéo et venir passer un mois de vacance d’été chaque année chez ses grands-parents à Erymande est un dilemme. Il aime se retrouver avec ses potes, mais il est privé d’ordinateur tout comme ses camarades car la connexion internet est totalement impossible en ce lieu.

Puis il y a Lesia. Une brunette piquait de taches de rousseur avec de grands yeux noirs. Elle est toute fine comme une danseuse. Sa tenue préférée est le treillis. Elle aussi porte un sac à dos. Mais le sien comporte tout un complet de survie en forêt.

La pluie s’est soudain mise à tomber très fort contre la vitre du train. Jacou allongé sur la banquette la tête sur son sac joue avec son écharpe et se souvient de l’histoire que lui a racontée un jour sa grand-mère.

« Il y a longtemps maintenant les grands-parents de tes camarades, ton grand-père et moi sommes partis faire une randonnée en haute montagne, quand au-delà des sentiers battus nous avons découvert les vestiges d’un hameau.

Cet endroit nous a complètement envoûtés. Nous y sommes revenus afin de faire les démarches pour acheter les ruines. Nous avons tous rebâti chaque maison avec la même ferveur, celle de redonner à Erymande son âme d’antan ».

Une mission bien accomplie. À la tombée de la nuit, les fantômes du passé errent dans les ruelles escarpées et les escaliers étroits sous porches.

Une petite chapelle, surmontée d’un clocher domine le site. L’ascension pour y parvenir est si ardue qu’elle décourage le plus fervent pèlerin de s’y rendre. Aussi est-elle devenue au fil des ans le point de rendez-vous des enfants, assurés de ne jamais être importunés par leurs aïeux.

De cet observatoire vertigineux, ils surplombent les profondes gorges où l’eau ne court plus dans son lit en saison sèche, mais stagne en formant d’innombrables petits bassins.

La terre est rare en cette contrée sauvage. Il y a bien un champ sous le hameau, mais celui-ci est inculte, semé d’herbes rares et de cailloux qui semblent se multiplier d’une année sur l’autre.

À l’arrivée de l’automne, tous les habitants d’Erymande désertent les lieux. Ils redescendent dans leur demeure principale jusqu’à l’été suivant, fuyant chaque année les frimas de l’hiver extrêmement rude ou la montagne devient véritablement inhospitalière.

Cependant, à l’écart du monde une très très vieille femme y vit en solitaire depuis des temps immémoriaux…

***

Il est midi, le garçon vient de finir le sandwich que lui a préparé sa mère pour le voyage. Le train arrive enfin à destination. Son voisin a ronflé pendant tout le trajet et Jacou énervé de l’avoir supporté, le secoue vivement pour le réveiller.

Ils descendent sur le quai où les attendent les grands-parents du garçonnet. L’accompagnateur à moitié endormi les salue mollement avant de s’éloigner en traînant les pieds.

— Ils sont là mes potos ? Leur demande Jacou.

— Tu pourrais dire bonjour, vilain garnement ! dit en souriant sa mamie.

— Ha, ces jeunes ! rajoute son papi en lui tapotant le dos.

— Alors ? insiste-t-il.

— Oui ! et je peux te dire qu’ils sont impatients de te voir, ils t’attendent, comme chaque année.

Sa mamie lui tend un petit papier plié en quatre sur lequel il peut lire :

« Rendez-vous à quatorze heures pile à la chapelle. Aucun retard ne sera toléré ! à plus ! ».

— N’allez pas faire de bêtises !

— Ho, mémère, tu ne vas pas m’saturer, j’suis en vacance !

— Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler mémère, sale gosse ! Je ne suis quand même pas si vieille, se fâche-t-elle.

— Ok !

Le véhicule grimpe sur la petite route sinueuse, une heure durant laquelle Jacou est toujours insupportable avant d’exploser de joie en apercevant enfin Erymande.

— Yes ! s’exclame-t-il.

À peine garé sur le parking à l’entrée du hameau, il se précipite à l’extérieur de la voiture et respire profondément le nouvel air de ces vacances.

— Allez viens petit ! lui dit son grand-père en l’attrapant par le cou.

— On va faire un dilos, vous me traitez plus de petits et moi je dis plus que vous êtes des vieux.

— C’est d’accord, mon grand ! lui répond en riant son papi.

***

L’horloge d’Erymande vient de sonner un premier coup.

Il reste aux cinq compagnons quelques secondes pour se rejoindre à la chapelle. Celui qui arrivera le dernier aura un gage. Ça, c’est la règle.

Dans leur course folle, ils se réjouissent de se revoir après une année qu’ils jugent tous bien trop longue.

Ils grimpent les uns derrière les autres. C’est à bout de souffle qu’ils touchent au but et se tapent dans la main pour confirmer leur solide amitié.

Bambou est encore en retard. Comme à chaque fois, il est le dernier.

— Il aime trop les gages ! lance Nicolas.

— Voué ! approuve, Jacou.

— On va lui en trouver un trop fun, cette fois ! annonce malicieusement Lesia.

Ils sont tous les trois pendus à ses lèvres.

— Il devra… aller… frapper… à la porte de « la Tordue » ! déclare-t-elle fièrement.

Ils se regardent les yeux écarquillés et frissonnent épouvantés par cette annonce déraisonnable et complètement folle, mais en même temps si excitante.

« La tordue », comme ils l’ont surnommée, leur a toujours fait peur. Ils savaient qu’elle existait, les grands-parents les avaient mis en garde :

« Surtout, ne descendez jamais à la rivière ou la sorcière vous emportera ».

En leur faisant une description inquiétante du personnage :

« Sa peau est toute fripée, ses doigts sont très longs et noueux, son dos est tellement bossu qu’elle ne peut pas regarder le ciel ».

Elle vit cachée dans une petite masure en pierre appuyée sur les parois de la falaise, sous le village, au-dessus du torrent qui cette année meurt de soif.

Jusque-là, ils n’ont jamais eu l’idée de s’approcher d’elle.

Cette année, pour la plupart d’entre eux, ils vont être en quête d’émotions fortes et ils sont prêts à tout pour faire de ces vacances les meilleurs de leur vie. La peur sera l’amie de l’aventure.

— Salutations ! désolé, je suis encore le dernier, s’excuse Bambou, en touchant la main de ses amis.

— Tu peux l’être, vieux ! lui dit Sike avec un petit sourire en coin.

— T’as raisin, bouffon ! ajoute Jacou.

À tour de rôle, ils se remémorent les anciens gages avant d’être interrompus par Lesia.

— Passons aux choses sérieuses ! lance-t-elle, plus malicieuse que jamais.

— Quelle épreuve m’avez-vous choisie ? demande Bambou, loin de se douter de ce qui l’attend.

— Jusqu’à aujourd’hui, tes gages étaient nuls, lui répond-elle.

— Je suis tout ouïe, rétorque-t-il plaisantin.

— Tu iras frapper chez la Tordue, lui annonce tragiquement Lesia.

— Êtes-vous sérieux ? s’inquiète-t-il en les voyant faire le signe oui de la tête.

Dans le plus grand secret, les cœurs battent très fort.

Cependant, l’excitation et la curiosité s’immiscent doucement au sein de leurs angoisses les contraignant à maintenir le choix de cette terrible épreuve. Quant à Bambou, il est bel et bien coincé par la deuxième règle du clan :

« Celui qui refuse d’accomplir la sanction est immédiatement exclu du groupe ». Bambou est capable de tout afin d’éviter l’expulsion.

— Dois-je y aller présentement ? interroge-t-il en bombant le torse pour se donner du courage.

— Tu vas vraiment le faire ? s’étonne Sike, d’une voix chevrotante.

— C’est inévitable, si je veux demeurer parmi vous !

— Voué, mec, demeure, demeure, t’as toujours ta tronche de dictionnaire se moque gentiment Jacou.

— Cette nuit, la lune sera presque pleine ! fait remarquer Nicolas.

— Les grands-parents ont organisé un repas et une soirée tarots sur la place, ajoute Lesia. Ils nous ficheront la paix comme ça !

— Bon ! j’acquiesce pour ce soir ! déclare Bambou.

— J’acquiesce ! j’acquiesce ! c’est quoi encore ce complément d’objet ? s’énerve Jacou.

Devant le mutisme de la troupe, Bambou explique :

— Cela signifie : oui, ou être d’accord. D’autre part, ce n’est pas un complément, mais le verbe acquiescer.

— Stop l’instit, l’école est finie, c’est les vacances de mon cerveau, Ok ? lui lance Jacou.

— Si nous allions reconnaître les lieux en attendant ce soir, propose Lesia. Nous avons encore toute l’après-midi.

— Yes ! j’vais chercher le casse bide ! j’l’ai oublié, lance Jacou en dévalant la pente de la chapelle à toute vitesse.

— Rendez-vous sur la place, les mecs !

À tour de rôle, les mamies confectionnent pour le petit groupe d’excellents goûters puis attendent l’appréciation des enfants. Les garnements s’amusent à leur attribuer une note, histoire d’entretenir une gentille compétition entre elles.

Quelques minutes plus tard, Jacou revient avec un gros sac à dos bien joufflu. Sa mémé ne lésine pas sur la quantité connaissant l’appétit d’ogre de son petit-fils et celui encore plus gros du grand Sike.

— Qu’est-ce qu’elle nous a fait ? ne peut s’empêcher de demander ce dernier avec gourmandise.

— Des zizis de moineaux confits !

Les jours heureux sont de retour et les rires, sans aucune retenue, résonnent au cœur des montagnes d’Erymande.

Sike dont le ventre gronde s’empresse de réitérer sa question et Jacou de lui répondre.

— Ma mémé m’a dit : « Ce sont des pâtes molles, baignées dans la sueur de trolles ».

— Il a vraiment le don de nous écœurer celui-là ! dit Lesia.

— Nous devrions aller de l’autre côté de la rivière et repérer notre observatoire pour ce soir. Propose Nicolas.

— Vous projetez de m’épier ? demande Bambou.

— On s’en fout d’tes pieds ! dit très sérieusement Jacou.

— Je ne t’ai pas parlé de mes pieds ! se fâche Bambou. Je veux simplement savoir si vous m’espionnerez ?

— Oui ! lance Lesia. Nous serons de l’autre côté de la rivière pour « t’épier », éclate-t-elle de rire.

— Et si la sorcière le chope, l’enferme chez elle et lui arrache les yeux ? s’inquiète Sike.

— Je vous préviens ! je m’y rends à une seule condition.

— Laquelle ? demande Lesia.

— Que vous veniez me secourir, s’il y a un problème.

— Eh ! c’est toi qui as un gage, pas nous ! se défend Sike.

— Tais-toi ! Bambou a raison. Approuve Nicolas. Vous êtes tous d’accord pour aller à son secours ?

Ils se tapent dans la main en signe d’approbation Sike le dernier.

— Maintenant, allons-y ! ordonne-t-elle.

Ils descendent la petite route tortueuse, traversent un champ d’herbes sèchent et cheminent sur un petit sentier jalonné de cailloux jusqu’à la rivière.

Le soleil vient de tomber derrière les montagnes. À cette altitude, son absence rafraîchit subitement l’air obligeant les enfants à enfiler leurs pulls.

Ils avalent comme des gloutons les délicieux beignets parfumés à la fleur d’orangé de mémé Lison et attribuent à ceux-ci un quinze sur vingt en imaginant les diverses réactions que cette évaluation va pouvoir déclencher.

Avant de poursuivre, Jacou jette machinalement à terre l’emballage de son goûter.

— Eh ! C’est quoi ton délire ? la planète n’est pas une poubelle ! réagit immédiatement Nicolas.

— C’est vrai ! approuve Sike.

— Ramasse ! ordonne Lesia qui sent poindre la dispute.

— Vas-y toi-même !

— Allez Jacou, fais pas ta mauvaise tête, intervient Bambou. Après nous traverserons la rivière et nous envisagerons la suite.

Il s’exécute contraint par ses amis. Néanmoins, vexé de les avoir tous contre lui, il s’en prend à Bambou.

— Qu’est-ce que t’as toi, avec ton visagerons la suite ! imitant son accent pointu.

— Tu ne sais pas ce que ça veut dire, envisagerons ? veut le ridiculiser Sike.

— Vas-y ! vas-y ! monumental bouffon !

— Cela veut dire qu’avec nos visages nous communiquerons en faisant des grimaces. Comme ça, montre-t-il en se livrant à des mimiques rigolotes.

Le fou rire est général devant les singeries de Sike.

Bambou met immédiatement fin à cette séance.

— Envisager est un verbe, et il signifie : Examiner ou projeter.

— C’est gonflant ! tu m’fais d’la peine, mec. Moi, j’m’éclate, avec des Mangas, pendant que toi tu délires avec ton dico ! lui adresse Jacou.

— Je lis aussi des livres d’aventures, se défend Bambou.

— Bon, on continue ! s’impatiente Lesia.

Jamais auparavant ils n’avaient eu le courage de s’approcher si près de la demeure de la vieille femme. Toutefois, ils ont grandi et ce ne sont pas leurs jambes flageolantes ni leurs sueurs froides qui vont les arrêter.

Ils descendent quelques rochers puis traversent le lit de la rivière avant d’escalader quelques gros blocs. Après maints efforts ils arrivent sur une plate-forme rocheuse, s’y allongent à plat ventre, les uns contre les autres et estiment avec stupeur la profondeur vertigineuse du canyon qu’ils surplombent. En face de l’autre côté se trouve la modeste maisonnette à moitié troglodyte.

— Le point de vue est remarquable ! apprécie Bambou.

— Chut ! elle va nous entendre, ça résonne, murmure Lesia.

Ils considèrent attentivement la petite maison de pierres.

À côté de la porte à droite un lilas soutient au bout de son unique branche une grappe de fleurs mauves et quelques feuilles.

Sur la gauche, une petite grotte abrite une table sur laquelle repose un tas d’herbes et un gros matou noir.