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Quatre-vingt-seize adolescents embarquent à bord du vaisseau spatial Terra en direction de Gaia, une autre planète. Un rêve qui va bientôt virer au cauchemar lorsque ces jeunes entreront en contact avec les habitants des lieux. Embarquons au cœur de cette aventure périlleuse aux issues inattendues. Allons à la rencontre d’une myriade d’espèces, aussi bien végétales qu’animales, qui instaureront une nouvelle chaîne alimentaire où l’humain n’a peut-être pas la première place et devra s’incliner devant l’intelligence d’une nouvelle race.
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Seitenzahl: 479
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Eurydice De Forest
Gaia
Reflet de Terra
Roman
© Lys Bleu Éditions – Eurydice De Forest
ISBN :979-10-377-2892-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Gaia, planète sauvage, exotique, explorable et tant convoitée. C’est sur ce rêve inaccessible que tous les regards sont tournés aujourd’hui ! Plus précisément sur le vaisseau baptisé Terra qui s’apprête à transporter quatre-vingt-seize jeunes à travers l’espace jusqu’à cette destination paradisiaque.
En effet, il y a de cela cinquante ans, le projet Gaia a été lancé en vue de coloniser cette terre. Partant à bord du vaisseau immatriculé 385A, ces quatre-vingt-seize jeunes gens n’ont pas été choisis par hasard, tant s’en faut. Ils sont issus de familles présidentielles. Ce choix a été effectué en pleine connaissance de cause et approuvé par les habitants de la Terre entière. Cette sélection a été promulguée avec soin, mettant en avant les avantages de tels candidats. Et pour cause, ces fils et/ou filles de dirigeants mondiaux ont toutes les qualités requises pour nous représenter sur cette nouvelle planète. Ils sont les plus à même d’illustrer leur nation respective, de plus, ils sont en voie de devenir des leaders de cette future terre et pour ce, en suivant l’exemple de leurs parents. Pour se montrer à la hauteur des espoirs de la Terre, ils ont dû suivre maints cours et apprentissages complexes durant les deux années écoulées.
Car n’oublions pas que pour tout paradis, il existe un enfer. Ainsi, pour affronter la face sombre de cette planète où rodent certainement des prédateurs – remettant en doute la position de l’Homme dans la chaîne alimentaire –, ils ont enduré de nombreux entraînements. Ces derniers ont pour but de survivre dans un espace inconnu. Pour cela, des cours corsés sur l’adaptation en milieu dangereux et notamment sur le maniement d’armes leur ont été enseignés. Poussés dans leur retranchement, formés à la dur dans un camp spécialisé, ils sont aujourd’hui aptes à se défendre. Toutefois, pas de quoi s’alarmer, ces entraînements étaient sévèrement contrôlés pour que ces adolescents sachent combattre en considération des règles et tuer qu’en cas d’extrême nécessité et ce, toujours dans le respect de la vie. De ce fait, ils savent utiliser avec sagesse et modération les artilleries et ne courent donc aucun risque de devenir des tueurs, ou même des meurtriers ! Et l’inverse ne se produira pas, ils ne seront tués ni par l’air ambiant – puisque la nouvelle planète est habitable et parfaitement respirable (elle a toutes les qualités requises pour abriter la vie) – ni par d’éventuels habitants sanguinaires. Nous nous en remettons aux scientifiques pour ce qui concerne ce domaine, ils ont observé ce territoire et peuvent affirmer qu’il n’est pas encore peuplé. Il y a bien sûr une vie extraterrestre mais il s’agit là de végétaux et quelques animaux, pas d’activité intelligente n’a été analysée ni même repérée. Heureusement, sinon ce serait une mission suicide ! En revanche, la cryogénisation, quant à elle, comporte certains dangers. Malgré l’avancée scientifique, ce processus nécessite, pour le moment, essentiellement des adolescents, en vue d’une optimisation de survie maximale.
L’étude des symptômes de la cryogénisation sur le corps humain s’est avérée moins néfaste pour des adolescents, en raison de la vigueur et de la croissance du corps. L’organisme n’étant pas encore arrivé à sa forme définitive, ceci facilite la réadaptation après une période de sommeil aussi longue. Mais de toute manière, ces jeunes explorateurs sont pareils à une équipe de reconnaissance afin d’attendre que le risque soit inférieur à deux pour cent (seuil actuel). À ce moment, des agriculteurs, scientifiques et toutes les personnes nécessaires pour faire de cette planète un véritable jardin d’Eden, partiront avant l’arrivée des civils. Les scientifiques, agriculteurs, bâtisseurs et le monde épauleront ces jeunes colons par l’intermédiaire d’une base de données. Implantée dans le vaisseau, celle-ci abrite le savoir de toute notre espèce qui y est stockée à jamais. Un peu comme le vieux procédé Google, ils pourront faire des recherches dans cette base de données afin de se renseigner.
Ainsi, en ce jour historique, à seulement dix-sept heures du départ, nous voilà rassurés à propos de l’avenir de ces quatre-vingt-seize représentants de notre bien-aimée Terre.
Adélaïde M.,
11/03/2783.
Rédactrice en chef du journal T-M Intergalactique.
Point de vue de Gabriel
Alors que nous survolions le complexe en périphérie de Imperia, je pus constater la foule médiatique devant les portes principales du vaisseau Terra. Ce dernier, vu du ciel, reflétait les rayons du soleil sur ses parois métalliques teintées d’argent. La finesse de son aspect était éberluant au vu de son envergure plus que conséquente ; aussi long que le célèbre Titanic, aussi large que la fameuse pyramide de Khéops, et aussi haut que le divin Christ Rédempteur. Sa carrure était surmontée d’un époustouflant dôme en verre. Offrant un panorama d’exception, ce dernier avait la faculté de se couvrir d’un épais volet métallique lors du lancement et de l’atterrissage pour éviter qu’un tel choc ne fracasse le vitrail. Cette protection servait, de surcroît, à le protéger des nombreux astéroïdes. Toutefois, pour ce genre de situation, des boucliers se déployaient une fois le vaisseau lancé dans l’espace. Cette sculpture n’était pas la seule à même d’émerveiller les habitants de la Terre, qui suivaient en direct chez eux. Figuraient notamment de grandes vitres qui scintillaient de mille feux.
Tout à mes pensées, une petite secousse se fit ressentir et je remarquais que notre transport aérien était en train de se poser sur la vaste plateforme d’atterrissage. Celle-ci abritait déjà les véhicules de diverses nations. J’imitais mon père en mettant alors pied à terre. Ce dernier prit la direction du hangar situé aux sous-sols alors que je l’interrogeais du regard :
— Viens, mon fils, le protocole a prévu une entrée donnant directement accès à la salle de cryogénisation.
Je souriais, heureux d’apprendre que je n’aurais pas à déambuler au milieu de la horde composée de journalistes. Nous arrivâmes bien vite devant les immenses portes du premier sous-sol du navire spatial. Celles-ci étaient ouvertes, laissant apercevoir des familles présidentielles. Nous pénétrâmes sans prononcer un mot. La vaste pièce qui s’étalait sous mes yeux me parut irréelle. Cet effet était sûrement dû aux innombrables modules de cryogénisation qui étaient répartis au milieu de la salle, en colonne. N’ayant ni valise ni effet personnel à mes côtés, puisque ceux-ci avaient déjà été embarqués hier, je fus directement interpellé par un médecin. Le même qui m’avait fait passer une série de tests médicaux tout au long de l’année écoulée.
— Ah monsieur Ygé, vous voilà ! s’exclama-t-il, un sourire rassurant et chaleureux sur le visage.
Il salua promptement mon père en inclinant la tête, puis rebraqua son regard sur moi, avant de poursuivre :
— Si vous voulez bien me suivre.
Je lui emboîtais le pas, suivi par mon père qui ne bronchait toujours pas. Je ne lui en tins pas rigueur, je savais que s’il était dans cet état c’était qu’il ne souhaitait pas se laisser aller à la tristesse et verser des larmes en public. Nous nous dirigeâmes donc vers le fond de la salle en zigzaguant entre la foule de personnes ou plutôt d’adolescents accompagnés de leurs parents, des dirigeants. Je saluais brièvement les têtes familières et adressais un sourire poli aux parents. Mon père en fit de même, ne s’arrêtant pas pour échanger ne serait-ce qu’une poignée de main avec ses collègues, nous arrivâmes donc vite aux cabinets médicaux. Une petite cinquantaine y figuraient, nous pénétrâmes à la suite du médecin dans l’un d’eux. Y était installé le strict minimum, à savoir, une table d’examen, un ordinateur, des ustensiles médicaux, un meuble bas à tiroirs et un paravent.
— Voulez-vous bien vous changer ? me demanda le docteur en me tendant une combinaison grise simple et unie.
J’acquiesçais et allais prendre place derrière le paravent. Une fois la tenue enfilée, je m’observais dans le miroir sur pied, une dernière fois. Je devais avouer que cette combinaison était comme une seconde peau. Mais sans me sentir étriqué ni même dénudé, elle en était même étonnamment agréable et confortable. Je savais qu’elle était faite pour garder ma chaleur corporelle intacte, alors je m’en satisfaisais. Je ressortis et tendis mes vêtements pliés au docteur, y compris mon caleçon et mes chaussettes car ces derniers furent remplacés par d’autres, conçus exactement comme la combinaison. Mon père m’observa sans ouvrir la bouche. Je sentais dans ses yeux de la fierté mais également du chagrin, je détournais le regard, pour le moment. Je m’installais sur la table d’examen pour passer un dernier test. Celui-ci finit, je me relevais :
— Très bien, aucun souci niveau médical. Je vais vous laisser un moment d’intimité, seul à seul.
Sur ce, le médecin partit et le silence reprit ses droits. Il était entrecoupé par les bruits de pas de mon père qui s’approchait, je le fixais dans les yeux, ces yeux pareils aux miens.
— Je tenais à te transmettre ceci.
Il sortit délicatement de la large poche de son manteau bleu marine un paquet soigneusement emballé. Il le regarda un instant, un sourire flottant sur ses lèvres desséchées, puis il releva les yeux pour me le tendre. Ne sachant quoi dire, je le pris doucement et le maintins devant moi prêt à l’ouvrir, mon père m’interpella :
— Je préférerais que tu l’ouvres plus tard… lorsque tu seras déjà loin.
Sa voix rauque m’indiqua la teneur de sa souffrance. Je fis un pas vers lui, pour le prendre dans mes bras :
— Oh papa, je murmurais, ému. Je ne serais jamais loin de toi.
Mon père sourit en émettant un soupir joyeux :
— Tu me rappelles tellement ta mère… elle serait fière de toi, mon fils.
Je resserrais mon étreinte et sentis mes yeux s’embuer, mon père, lui, avait déjà versé une larme sur mon épaule.
— Moi aussi je suis fier de toi, Gabriel.
Je fis un pas en arrière, plantant mon regard dans celui de mon géniteur :
— Merci.
Sur ce, le médecin revint et mon père posa sa main droite sur mon épaule, la pressant affectueusement.
— J’espère vous avoir laissé assez de temps, nous interrogea du regard l’homme.
Devant nos hochements affirmatifs, il continua :
— Parfait, alors monsieur Ygé, pourriez-vous, je vous prie, retirer vos effets personnels afin de les ranger dans cette pochette, dit-il en sortant ce petit rangement en tissu d’un des tiroirs bas du meuble en bois.
Je fis ce qu’il demandait en retirant la montre en argent que mon père m’avait donné lorsque j’avais reçu la lettre d’admission à cette mission spatiale. Il m’avait assuré ce jour-là qu’elle continuerait à fonctionner sur Gaia puisqu’il avait demandé qu’elle soit connectée à l’heure du vaisseau, lui-même calé sur l’horaire de la Terre. Plus précisément de la France, en ce qui me concerne. J’ajoutais dans la pochette le cadeau encore empaqueté de mon père avant de refermer hermétiquement la trousse. Je voulus la rendre au médecin mais celui-ci m’expliqua :
— Oh non, ne me la rendez pas, elle est à ranger dans le seul petit compartiment de votre module de cryogénisation.
— Oh… entendu, merci, dis-je avant de sortir du cabinet.
— Je vous en prie, et bon voyage, m’encouragea-t-il, le sourire aux lèvres1.
Je me dirigeais doucement mais sûrement vers mon « lit » de cryogénisation où m’attendait un ingénieur technicien. Celui-ci me sourit, confiant, avant de nous adresser un salut :
— Bonjour messieurs.
Nous répondîmes poliment, puis après ce bref échange cordial, nous attaquâmes le vif du sujet :
— Je viens de vérifier une dernière fois le système et je peux vous affirmer que tout est en règle. Je vais vous demander maintenant de bien vouloir patienter avant que l’appel ne débute.
Fébrile, j’allais me retourner quand l’ingénieur m’interrompit :
— Avant ceci, vous pouvez d’ores et déjà ranger votre pochette personnelle.
Je me retournais, contrit de l’avoir interrompu, il me montra où poser mon précieux bien :
— Regardez, appuyez votre paume gauche sur le scanner bleu électrique.
Je suivis ses instructions et un tiroir métallique s’ouvrit en silence devant moi, je pus sans mal y placer ma trousse où figuraient les couleurs du drapeau français. J’étais rassuré de savoir mes effets personnels en sûreté. Je pus donc, le cœur sensiblement plus léger, rejoindre mes amis avec qui je discutais. Pendant ce temps, mon père était parti saluer les dirigeants des quatre-vingt-quinze autres pays. L’appel commença, par ordre alphabétique. Au bout de quelques minutes, ce fut mon tour :
— Gabriel Sébastien Louis Ygé ! énonça l’ingénieur technicien.
Je m’approchais anxieux et soucieux, mon père dans mon sillage, me pressa l’épaule et me sourit, son regard chargé d’amour me poussant à avancer, la tête haute et le cœur léger. Tout se déroula très vite, on commença par me demander de prendre place dans le cercueil vitré et congelé qui était vraiment inconfortable. Puis on remonta la manche droite de ma combinaison souple pour me planter une seringue dans le coude, au niveau des veines. Celle-ci contenait un liquide blanchâtre pour permettre à mon corps la cryogénisation puis une deuxième piqûre suivit, au niveau du pouls pour agréer le sommeil de longue durée. Je commençais à ressentir des étourdissements, ma vision se brouillait lorsque mon père se pencha au-dessus de moi pour m’embrasser doucement le front. Ce geste affectueux m’émut, il me replongea en enfance, du temps où j’en recevais chaque soir avant de m’endormir. Aujourd’hui, c’était aussi pour me souhaiter une bonne nuit et un au revoir qui ne durerait, hélas pas qu’une seule nuit. Avant de fermer définitivement les yeux, j’eus le temps de croiser le regard de mon père qui m’adressa un hochement de tête, les larmes dévalant ses joues. Heureusement, nous avions déjà fait nos adieux bien avant ce moment déchirant et j’avais eu le temps d’éponger tous mes pleurs sur l’épaule paternelle. J’avais confié toutes mes angoisses, mes peurs, mes doutes, ma culpabilité de le laisser seul, sur Terre. Mes sentiments avaient été dévoilés et mon père m’avait rassuré, réconforté, tellement qu’aujourd’hui je pouvais partir la conscience tranquille. Ce fut donc l’âme en paix que je m’abandonnais au néant, au long sommeil qui m’attendait, impatient.
***
Comblé, je me promenais avec maman, guérie, quand soudain une explosion retentit non loin, elle nous fit trembler, nous tombâmes sous son assaut. Les tympans sifflants, je vis ma mère, étendue à mes côtés, le corps ensanglanté, ses beaux yeux verts me fixant, sans me voir.
Je crus halluciner mais une atroce douleur me fit retrouver l’usage de mon corps paralysé depuis longtemps. J’ouvris tout doucement les paupières en papillotant aveuglé par la lumière soudaine ! J’entendis un énième bruit, le son d’une chute suivit d’un petit grognement mécontent, je tournais doucement la tête vers la source de ce raffut, à ma droite. Ce fut avec surprise que je vis un deuxième cercueil semblable au mien, d’où venait de tomber un jeune homme aux cheveux bruns. Celui-ci venait de s’asseoir par terre en frottant sa tête apparemment douloureuse. Il releva cette dernière pour braquer ses yeux verts sur moi.
Mais… je le connaissais ! Je fronçais les sourcils et cherchais frénétiquement dans ma mémoire pour mettre un nom sur ce visage familier. Ah j’ai trouvé !
— Gabi ! s’exclama le brun en me dévoilant ses dents éclatantes dans un immense sourire joyeux et contagieux !
Je grimaçais légèrement devant sa voix rauque pourtant forte qui broya mes pauvres oreilles déjà traumatisées. Il se releva difficilement en s’agrippant aux bords de son « lit » gelé. Il se dirigea vers moi d’une démarche chaotique. Alors je m’exclamais à mon tour, d’une voix tout aussi déshydratée :
— Jack !
Je me redressais en grognant de douleur avant qu’il ne vienne m’étouffer dans une étreinte. Je souriais, heureux de retrouver là mon meilleur ami ! Je tentais de parler malgré ma gorge plus que sèche :
— Tu sais Jackie, comment je t’ai reconnu ? lui demandais-je hilare.
Il comprit ce que j’articulais avec peine, mieux encore, son traducteur me comprit. En effet, toutes les paroles que Jack disait étaient enregistrées dans un petit appareil très performant pas plus gros qu’un ongle. Ce dernier se trouvait juste derrière l’oreille. Une fois les paroles transcrites elles étaient immédiatement traduites dans la langue maternelle de l’interlocuteur, soit le français pour moi en ce moment. Tout ce programme était tellement rapide que l’on ne se rendait plus compte que Jack parlait américain. Ce dernier me répondit, méfiant :
— Nan, mais je vais bientôt le savoir apparemment !
— Ouais, en fait c’est grâce à ta démarche digne d’un alcoolique qui a eu le don de faire ressurgir en moi des souvenirs de soirées plus qu’agréables… lâchais-je, une lueur moqueuse dansant dans mes yeux sombres.
Jack me regarda, les sourcils arqués, ce furent les yeux dans les yeux que nous nous mîmes à rire comme des fous. Les souvenirs se lisant parfaitement dans nos regards complices ! Nous fûmes toutefois interrompus dans notre crise par une voix bien reconnaissable :
— Eh bien alors en voilà une manière de se dire bonjour !
Nous nous retournâmes pour pouvoir nous plonger dans la contemplation de trois belles filles et d’un jeune homme tout aussi ravissant mais indéniablement moins attirant pour nous. Ce fut d’ailleurs Jack qui se leva, s’assura de marcher dignement vers la magnifique brune aux yeux noisette, une fois proche, il vint poser délicatement sa bouche sur la sienne pour un baiser des plus passionnels et attendrissant. J’arquais mes sourcils en échangeant un regard lourd de sens à la merveilleuse blonde aux yeux bleu gris. Celle-ci secoua sa tête de gauche à droite en souriant avant de s’approcher de moi. Me positionnant devant le cercueil gelé sur lequel j’étais resté assis, je pus déposer soigneusement mes mains sur ses hanches alors qu’elle posait les siennes sur mes épaules. Puis dans un commun accord, nous penchâmes nos têtes l’une vers l’autre pour qu’il s’en suive un baiser langoureux. Je goûtais avec plaisir le parfum des lèvres de ma copine, celui-là même qu’il m’avait été interdit de déguster pendant deux cents ans de sommeil. Cette fois, rien ne pourrait me séparer d’elle. Lorsqu’enfin nous nous détachâmes l’un de l’autre, je jetais un coup d’œil aux deux autres tourtereaux qui heureusement en avaient fini, car mes deux derniers compagnons débarquèrent en s’exclamant :
— Hey !
Kaitlyn et Zeus se joignirent à nous pour un câlin collectif.
Jack était incroyablement sympathique, il était le fils du président des États-Unis. C’était le mec le plus cool qu’il m’eut été donné de voir. Je pouvais vous l’assurer car je le connaissais depuis la maternelle. Aurelia était sa petite-amie de longue date, elle était notamment la fille du président italien, je l’ai connu lors des entraînements il y a maintenant un an. J’ai fait la connaissance d’Akane, sa meilleure amie et fille du dirigeant du Japon, par la même occasion. Il faut dire qu’il était difficile de les rencontrer l’une sans l’autre, elles étaient toutes deux inséparables ! Zeus, quant à lui, était le fils du dirigeant de la Grèce ; mais aux vues de son prénom très célèbre-grâce à son apparition dans les mythes grecs et surtout à son attribution au fameux dieu de la foudre et du tonnerre-nous savions d’ores et déjà d’où il provenait ! C’était également mon ami de longue date, depuis l’école primaire. Accompagnés de Jack, nous étions toujours fourrés ensemble, à faire, pendant la plupart du temps, des sottises ! Et c’était encore aujourd’hui d’actualité ! Parfois, mon trio était en présence d’Alexis, qui était le fils du président de la Russie, nous nous étions liés d’amitié lors d’une conférence à Saint-Pétersbourg et je peux vous dire que la vodka s’en souvient ! Pour ce qui était de ma rencontre avec les deux sœurs britanniques, Ashley et Kaitlyn, j’avais ouvertement dragué la première dans une soirée en boîte à New York, il y a de cela presque un an. Je ne savais alors pas encore que j’allais la revoir par la suite chez moi en France. Eh oui, mon père l’avait invitée, elle et sa famille, les dirigeants de l’Angleterre, à passer un séjour amical dans notre humble demeure. J’avais failli m’étouffer à l’époque lorsque je l’avais vue débarquée dans le salon. Le fait qu’elle m’ait rembarré m’avait déjà laissé ahuri, car j’avais fait confiance à Jack et Zeus, qui m’avaient soufflé que cette fille semblait intéressée et que c’était la proie idéale pour tester mon charme (je peux vous dire qu’ils avaient regretté amèrement cette blague !). Mais en plus, elle ne l’avait pas fait de manière tendre ! Loin de là, Ashley s’était penchée vers moi à tel point que ses lèvres avaient frôlé mon oreille, et elle m’avait murmuré d’une voix sensuelle « je ne serais pas la prochaine dans ton lit… trouve quelqu’un d’autre » avant de renverser d’un trait sa boisson sur ma tête. Je m’en souviendrais toute ma vie ! Heureusement avec le temps, j’avais réussi à la faire succomber. La preuve, nous étions en couple depuis cette fameuse cohabitation chez moi.
J’étais très heureux de revoir tous mes compagnons, néanmoins, j’étais épuisé. Ces retrouvailles n’avaient pas arrangé mon cas ; je sentais mes membres engourdis peser deux fois leur poids. Quant à mon cerveau, j’avais l’horrible impression qu’il était sur le point d’exploser ! Ne parlons même pas de mes pensées encore toutes embrouillées par la cryogénisation dont je venais seulement de sortir ! La torpeur, également bien présente, recouvrait une bonne partie de mes fonctions cérébrales. Aussi récapitulais-je la situation dans laquelle nous étions :
— Donc, si je comprends bien, l’on s’est tous réveillés sans incident, dis-je en évaluant rapidement le nombre de gens autour de nous.
Ces derniers festoyaient leur retrouvaille, joyeux comme je l’étais mais aussi fatigués. Leurs traits tirés et leurs yeux plissés aux cernes impressionnants en attestaient. Après ce bref constat, je repris en fixant mes amis :
— On arrive dans combien de temps exactement ?
— En fait, on arrive dans quatre semaines et demie, annonça Kaitlyn, par conséquent nous avons le temps de visiter le vaisseau et de…
— Se rouler des pelles, ajouta Zeus avec un sourire coquin en arquant les sourcils, inquisiteur.
— Je pensais plutôt à s’endormir dans un bon lit douillet, contredit la sœur d’Ashley.
— Cependant, rien ne nous empêche de nous allonger au côté d’une jolie fille, approuva Jack, venant épauler son ami d’enfance.
Je soupçonnais, depuis un bon bout de temps, Zeus d’avoir plus qu’un faible pour Kait et de le dissimuler derrière des taquineries de bad boy intéressé. Je ne pouvais lui en vouloir, Kaitlyn était splendide, pas étonnant puisqu’elle était le portrait craché de sa sœur jumelle Ashley ! Ashley était sortie cinquante-sept secondes et treize microsecondes avant Kaitlyn ! Techniquement, cela faisait de ma petite amie l’aînée, ce qu’elle n’arrêtait pas de répéter à sa sœur afin de la taquiner. Littéralement, il était impossible de les reconnaître si on ne les connaissait pas ! De ce fait, leurs descriptions dans les médias étaient très brèves et n’usaient jamais de leur prénom ! Astuce bien utile pour ne pas se tromper. Mais cette absence de prénoms avait engendré un surnom universellement employé pour les désigner : Les sœurs britanniques. Si elles apparaissaient à la une des journaux, c’était dû à leurs parents. En effet, leurs géniteurs étaient les Smyth, leur mère, la présidente du Royaume-Unis et leur père, un ancien journaliste tombé amoureux de la figure présidentielle de ses magazines. Je souris à Ash, avant d’affirmer en me levant tant bien que mal :
— Maintenant que je suis ranimé, je vais pouvoir récupérer mes effets personnels, vous devriez en faire de même.
— Affirmatif, chef ! répondit Jack, moqueur.
— Mais n’oublions pas de nous restaurer après le repos et cette mission de haute importance, capitaine, intervint Kaitlyn.
L’air sérieux qu’elle prit pour nous déblatérer cette explication savante, me rappelait Miss Granger dans Harry Potter, au tout début du premier volet, lorsque Emma Watson commente le faux plafond de Poudlard. Peut-être cette impression était due à l’accentuation que notre amie anglaise avait apportée sur le surnom de capitaine. Au lieu de le prononcer avec moquerie, comme Jack, elle en donnait un sens puéril, pour se rire de nous, de notre humour immature.
— Il est conseillé de prendre des forces à la suite de la cryogénisation et ainsi faire fonctionner le système digestif, resté trop longtemps inactif, continua Kaitlyn d’un ton posé comme ceux employés pour la narration. Cette intonation ne signifiait qu’une chose : elle était lancée dans sa remarque et ne s’arrêterait – à notre plus grand malheur – qu’une fois satisfaite de son commentaire !
Perdant le fils de son monologue comme beaucoup d’entre mes amis – excepté Zeus – je m’occupais donc d’extraire rapidement mes affaires. Je pris délicatement la pochette dans mes mains froides pour l’ouvrir et contempler, indécis, ma montre en argent, et le cadeau resté secret de mon paternel. Las, je ne sortis que ma montre que je réussis difficilement à accrocher à mon poignet droit. Je souris en voyant que mon accessoire fonctionnait effectivement bien dans le vaisseau, alors même que nous étions au beau milieu de l’espace. Je perdis le fils de mes pensées à cause d’un murmure près de mon oreille gauche. Mon prénom fut prononcé d’une voix chargée de lassitude qui n’en perdit pourtant pas sa douceur, ce timbre me fit frissonner. Je retrouvais vite le sourire devant le visage angélique de mon amour. La joie de Ash était tellement communicative que mon rictus n’en fut qu’accentué ! La belle Britannique m’entoura de ses bras si légers, et vint poser ses lèvres exquises sur les miennes dans un geste suave. S’ensuivit un baiser chaste. Toutefois, mon cœur s’embrasa de mille feux, et un désir jusqu’à là inerte vint prendre vie ! Celui-ci s’accrut par la réaction de Ashley qui vint nicher son visage au creux de mon cou, me chatouillant adorablement de son petit nez si doux. J’en profitais pour faire de même et humais ainsi son délicat parfum, provenant essentiellement de la divine senteur de son corps tout en beauté. On pouvait dire que ma petite copine savait y faire pour me redonner la joie de vivre et éloigner de moi les pensées les plus sombres.
Je me penchais vers elle, les yeux braqués dans les siens aux iris si particuliers ; tellement sublime de leur couleur bleu gris. Ne la quittant pas des yeux, je venais passer ma main dans son dos, effectuant des cercles apaisant sur le tissu souple de sa combinaison. Malheureusement, je ne pus lui procurer ces caresses que brièvement car mes pauvres bras ne le supportaient déjà plus. Alors, nous nous regardâmes de nouveau et je raclais ma gorge avant d’articuler avec peine :
— Hum… tu venais me voir pour quoi ?
— Oh… c’était simplement pour que tu m’accroches ce collier, s’il te plaît, me répondit-elle.
Elle me tendit une délicate chaîne, au bout de laquelle pendait un cœur de saphir. Celui-ci était finement enlacé à la première lettre de l’alphabet qui était recouverte d’une délicate couche d’or. Cette lettre signifiait à la fois l’Amour mais symbolisait plus précisément le A de Ashley. Je souris devant ce joyau, gage de mon amour. Mes lèvres s’étirèrent de plus belle en visionnant mentalement le souvenir lié à ce cadeau.
Une fois ma mission accomplie, je déposais un petit bisou dans le cou tendre de Ash qui frissonna de plaisir. Liant sa main à la mienne, elle m’entraîna à sa suite rejoindre nos amis à la sortie de la salle, j’eus juste le temps d’attraper ma pochette avant que nous ne fûmes dans le large couloir bien éclairé du vaisseau. Là, nous nous dirigeâmes à droite, suivant les autres adolescents à qui nous avions amicalement adressé la parole en quelques mots traditionnels. Nous montâmes de vastes escaliers dignes d’un palais, qui nous menèrent au rez-de-chaussée, plus spécifiquement, dans le grand hall. Ce vaste espace nous laissa cois. Il accueillait les drapeaux de tous les pays participants au voyage, bannières suspendues à la magistrale voûte du plafond, rappel de la diversité mais aussi de notre association, l’union fait la force. Il contenait également une fontaine et deux, trois arbres. Et plus spectaculaire encore que ces végétaux, la vue spatiale éblouissante que nous offrait ce vaste lieu ! Ce fut grâce à cet accès sur le vide de l’espace que nous vîmes pour la première fois Gaia. Bien entendu, ce n’était qu’un point lumineux scintillant dans le néant nous entourant, mais c’était une étincelle d’espoir se rapprochant à une vitesse jamais atteinte, une rapidité ayant pour valeur cinquante millions de kilomètres par heure. Cette vélocité était celle de notre vaisseau, bien plus rapide que la fusée Saturn V de la mission Apollon 10 au XXe siècle.
Restant ébahis devant ce spectacle ne dévoilant pourtant pas concrètement notre futur chez nous, nous prîmes place sur de larges bancs en bois massifs disposés autour des grands végétaux. Finissant par nous lasser de cette vue, nous observâmes plus distinctement le hall. Ce dernier donnait accès à l’ascenseur que nous attendions patiemment, dodelinant de la tête lorsqu’enfin il redescendit. Nous y montâmes tranquillement et appuyâmes pour le dernier étage. Le dring de l’ascenseur nous réveilla, nous qui étions appuyés sur les barres métalliques fixées dans la machine. Une seule pensée en tête, notre lit, qui nous donna le courage d’avancer.
Descendus de la cabine, nous nous arrêtâmes, nos chemins se séparaient au début du couloir.
— Bon… eh bien superbe, nous voilà prêts à nous détendre dans un bon lit ! approuva Jack. Je rajouterais, juste comme ça, que mon lit doit être assez large pour accueillir une âme égarée. Donc n’hésitez pas à m’y rejoindre, fit-il audacieux, en jetant un coup d’œil à sa petite amie tout sourire.
Cette dernière lui donna un coup de coude en riant, nous secouâmes la tête, désespérés de voir un jour changer ce célèbre dragueur.
Nous nous donnâmes rendez-vous à treize heures, soit dans quatre heures, pour partir nous rafraîchir au réfectoire. Pendant ce temps, Zeus, Aurelia, Kaitlyn, Ashley et moi allions nous reposer dans nos chambres situées dans l’aile ouest du vaisseau. Prenant ce couloir situé devant nous soit en face de l’ascenseur, c’était la direction réservée aux fils et filles de dirigeants du continent Européen. Nous laissâmes nos compagnons derrière nous. Jack partit vers l’aile sud, corridor situé à notre gauche, réservé aux enfants du continent Américain ; l’aile nord, à droite, était dédiée aux adolescents du continent Asiatique comme Akane et Alexis. Quand je fus arrivé devant ma porte, je fis signe à mes amis et j’entrais dans le dortoir cinquante-cinq où était scotché le célèbre drapeau bleu, blanc, rouge. Ce que je découvris me stupéfiât : c’était une immense pièce donnant sur une mini cuisine en bois clair, avec bar, chaises hautes, frigo, micro- ondes et tout l’ustensile de cuisine merveilleusement assorti d’un beau gris sombre. Juste à côté, une vaste pièce éclairée donnait sur un grand salon richement meublé. Y figuraient de confortables fauteuils d’un jaune foncé rayonnant – mettant une touche agréable de couleur – entourant un splendide canapé blanc tournant, quoiqu’un peu trop grand, au centre de la salle. En son sein, une petite table basse en bois clair – rappelant celui de la cuisine – accueillait un plateau chargé de petits cadeaux de bienvenue. Un grand écran plat noir était fixé en face, sur tout le pan du mur ! Des tableaux représentant de magnifiques paysages étaient accrochés sur les deux murs restants, ils offraient une décoration simple et chic. Je remarquais des shōji (du chinois « barrière de bambous »), ces parois faisant office de portes étaient constituées de papier washi translucide monté sur une trame en bois. Provenant de l’architecture traditionnelle japonaise, ces barrières de bambous étaient magnifiques. Je m’y approchais pour les faire coulisser doucement et dévoiler une splendide chambre. Je faillis tomber n’ayant pas remarqué les quelques marches descendant vers cette pièce. Ce dénivelé était ingénieux, non pas pour faire chuter tout intrus – d’ailleurs les personnes entrant dans ma chambre pouvaient être filtrées si je le désirais, à l’aide d’un mécanisme sur le côté droit de la porte permettant de régler l’ouverture automatique. Cette différence de niveau offrait une vue d’ensemble sur la chambre et accentuait ainsi sa vastitude. Faisant quelques pas, j’observais en silence – trop ébloui pour m’exclamer oralement – un ample lit double contenant une multitude d’oreillers brodés, positionné au fond de la pièce, le mur faisant office de chambranle. Deux tables de nuit en bois gris étaient disposées de chaque côté de ce dernier, elles accueillaient d’élégantes lampes de chevet bordeaux. Couleur utilisée pour le moelleux tapis à droite du lit. Une baie vitrée – donnant sur l’espace – sur ce même côté, et de l’autre un shōji avec une ramure en fer noire servant de cloison à la salle de bains. Mais aucune de mes valises en vue ! Je m’avançais donc vers une petite porte qui coulissa doucement révélant un dressing où m’attendaient toutes mes affaires bien pliées et repassées. Éparpillées dans ces immenses armoires vitrées. Émerveillé par ce somptueux appartement je n’entendis pas Jack arriver, je me retournais vers lui et le vis bouche bée, en train d’admirer ma chambre. On aurait dit qu’il voyait le paradis ! Je ne pus retenir mon rire plus longtemps :
— Hé Jack ! je claquais des doigts devant ses yeux pour le faire revenir à la réalité.
— Ho Gabi ! C’est incroyable cet appart’ ! Dis-moi ça te dérangerait si on échangeait ? s’exclama-t-il en prenant déjà place sur mon lit, il y a un instant encore impeccable !
— Pourquoi il est comment ton dortoir ? lui demandais-je en rigolant.
Je m’asseyais à ses côtés sur le matelas assez ferme.
— C’est tout pourri ! fit-il avec une grimace, il n’y a qu’un lit, une armoire et un lavabo.
— Tu es sérieux ou tu te fiches de moi ? m’exclamais-je.
— Je me fiche de toi ! rigola-t-il.
Je mimais un coup de poing dans sa tête et il s’esclaffa de plus belle.
— Non mais plus sérieusement, si on échangeait ? Ainsi, je ne serais pas loin d’Aurelia, hum ? fit-il d’un air innocent.
— Ouais, bien sûr, et vous allez faire quoi, l’un à côté de l’autre ? lui demandais-je tout aussi angélique.
— Eh bien…
— Oui, je vois, pas des choses très catholiques ! D’ailleurs, elle ne t’a pas rejoint dans ton vaste lit, l’interrogeais-je en étirant bien le vaste.
— Non, elle m’a dit que le mieux se serait de nous reposer tranquillement…
Il grimaça au souvenir de cette phrase traduisant un refus, cependant son sourire revint au galop :
— … mais elle a ajouté, qu’avec mon corps divin, se serait mission impossible pour elle ! Là-dessus, je la comprends tout à fait !
Devant mon air sceptique, il me le prouva :
— Mate-moi ce corps d’Apollon, dit-il en se levant difficilement, pour se placer en face du miroir sur pied situé près de mon dressing. Il souleva à moitié son t-shirt, m’exposant ainsi à la vue de ses abdominaux bien sculptés.
Je le fixais, hilare :
— Pauvre Jackie, il essaie de se persuader de sa corpulence exquise !
Après avoir reçu un coup d’oreiller, et que mes éclats de rire se soient calmés, je m’allongeais en étoile de mer sur mon matelas. C’était sans compter sur l’intervention de l’américain qui vint me pousser pour se faire une place. Ce fut tranquillement et confortablement installés que nous sombrâmes dans un sommeil sans rêve.
Toujours profondément assoupis, la bave aux lèvres, mon corps à moitié dans le vide à cause de Jack qui prenait toute la place… Ce fut dans ce cadre merveilleux que, quatre heures plus tard, nous fûmes dérangés par Zeus :
— On se réveille les marmottes !
Grognant, Jack et moi plaçâmes nos oreillers sur nos têtes pour dormir encore.
— Très bien, vous avez gagné, je vous laisse dormir. Mais… le jeune grec sourit fier de son coup à venir. Mais… Aurelia et Ashley ne seront pas contentes d’apprendre que vous avez eu la flemme de vous lever !
Cette phrase fut le déclencheur, Jack et moi ouvrîmes précipitamment les yeux avant de nous redresser. Mais c’était sans compter sur nos esprits vifs et vengeurs, le pauvre grec reçut deux oreillers dans sa petite mine auparavant souriante. Une bataille de polochons s’en suivit, essoufflés, nous nous stoppâmes dans nos jeux d’enfants pour nous allonger. Néanmoins, nous revînmes vite à nous et d’un commun accord nous nous précipitâmes pour foncer comme des dingues dans le long corridor. Nous finîmes par faire un dérapé, nos baskets glissant et crissant sur le parquet impeccable, pour réussir à tourner à l’intersection et nous retrouver, haletants, devant les portes de l’ascenseur. Appuyant comme des malades sur la touche d’appel, nous prîmes notre mal en patience, priant pour que nos amis ne nous étripent pas à cause de nos dix minutes de retard. Ah, quel malheur que la distraction d’une bataille d’oreillers ! Poussant un soupir de détresse devant la lenteur inattendue de l’engin mécanique, nous tournâmes les talons, sans même nous consulter, pour nous élancer à vive allure dans l’escalier de marbre. Les dévalant plus vite que nos jambes ne le pouvaient. Ce fut à ce rythme effréné que nous perdîmes Zeus. Le pauvre grec rata les deux marches qu’il sautait et finit sa course étalé sur le sol. Ayant entendu et vu cette dégringolade, Jack et moi, comme les deux meilleurs amis que nous étions, détournâmes le regard pour continuer notre cavalcade. Arrivés dans le réfectoire, nous nous stoppâmes en dérapant sous le regard surpris des adolescents déjà présents dans la salle. Sans nous en soucier pour un sou, nous balayâmes la pièce du regard. Ce fut avec étonnement que nous ne vîmes point nos petites amies ni même un seul de nos compagnons ! Nous nous tournâmes donc vivement vers Zeus qui venait de pénétrer à son tour dans la cantine en trottinant. Il s’arrêta à un mètre de nous, en retrait, les mains posées sur ses genoux, la bouche ouverte et la respiration sifflante. Alors que nous l’observions en silence, les sourcils arqués, en attente d’une explication. Comme Zeus ne nous regardait pas, prostré comme il l’était en quête de son souffle, l’américain prit la parole :
— Eh bien, où sont-elles ?
Le jeune grec se redressa, les mains dorénavant posées sur ses côtes, il balaya la cantine des yeux pour finir par retomber sur nous, qui le fixions toujours assoiffés de réponses.
— Ah, elles ne sont pas là ?
Sans blague… ! Je me retins de laisser un commentaire désobligeant franchir mes lèvres et décidais plus simplement de les pincer. Fronçant les sourcils, le jeune grec prit une expression de réflexion avant d’écarquiller ses prunelles comme pris d’une soudaine illumination :
— Eh bien il est possible qu’elles m’aient prévenu qu’elles auraient un peu de retard car elles devaient aller faire je ne sais plus quoi…
Il lâcha cette information négligemment, le sourire aux lèvres :
— Parce que tu es passé les voir ? demandais-je surpris.
— Ben oui… Je suis allé voir Kait pour… pour… enfin… mais elle était en compagnie de sa sœur. Je suis resté tout de même et puis, après Aurelia a débarqué dans la chambre et j’ai commencé à m’éclipser quand elles ont parlé de vêtements, de maquillage pour savoir ce qu’elles avaient spécifiquement emporté.
Jack et moi échangeâmes un long regard chargé de sous- entendu, et d’un commun accord nous voulûmes fondre sur notre jeune ami grec mais de nouvelles arrivantes nous en empêchèrent. Ce fut avec surprise que les filles, Aurelia, Ashley et Kaitlyn pénétrèrent dans la cantine et se positionnèrent à un mètre de moi et Jack. Sauvé par le gong, Zeus avait fait un pas en arrière pour prendre place aux côtés des filles, le lâche ! Il nous regardait maintenant d’un air narquois, nous faisons un clin d’œil, bien protégé par la présence de nos petites amies. Alors que nous fulminions de voir Zeus nous narguer ainsi, les filles prirent la parole :
— Désolées pour le retard, nous avions bien besoin de nous doucher pour enlever les sensations d’engourdissement restantes. Nous en avons profité pour nous changer, nous n’allions pas remettre nos combinaisons encore odorantes des divers liquides de la cryogénisation, s’excusa Aurelia avec un petit sourire.
Puis elles nous observèrent, nous détaillant de haut en bas d’un œil critique, je résistais à la gêne que me procurait cette analyse détaillée que me conférait Ashley, Jack, lui ne pouvait s’empêcher de gigoter sous le regard de braise de l’Italienne. Quant à Zeus, sa position auprès des filles ne lui permit en aucun cas d’échapper à cet examen visuel que Kait se chargea d’effectuer. Il était vrai que nous aurions sûrement dû accomplir un brin de toilette ! Nos combinaisons empestant bien les produits de cryogénisation, nos cheveux foncés par le manque d’hygiène étaient restés plaqués à la suite des longues années où nous étions endormis dans une même position ! Et ce n’était certainement pas le petit somme dans mon lit qui les aura rendus plus volumineux ! Sans parler de notre haleine qui ne devait pas être des plus agréables ! De véritables petits cochons ! Aussi pour me rassurer me dis-je que mon charme ne devait en être altéré ! Mal à l’aise, ce fut Jack qui détourna l’attention générale :
— Bon, eh bien… tout ça m’a donné faim !
Sourire enjôleur aux lèvres, il tourna les talons en vue de se sustenter et ajouta après avoir exécuté son mouvement :
— J’en vois deux là-bas qui ne nous ont pas attendus pour se goinfrer !
Sur ce, il prit la direction du premier self en effectuant un signe jovial vers le fond du réfectoire. Je suivis, comme tous, Jack et vis les deux individus coupables d’impatience ; il s’agissait d’Alexis et d’Akane. Je les saluais à mon tour, surpris de les trouver déjà attablés, et surtout de ne pas les avoir remarqués à mon arrivée en furie. Pour notre défense, il fallait avouer qu’ils avaient trouvé la table la plus éloignée de l’entrée et l’une des rares dissimulée derrière un self. D’ailleurs, s’ils ne s’étaient pas levés pour nous faire signe, nous ne les aurions pas vus !
Tout en marchant vers le plus proche distributeur, je pris le temps de bien observer la salle de restauration.
Il n’y avait aucun cuisiner pour préparer les plats, ni même de robots aussi bien évolués, non, la douce saveur qui s’échappait des assiettes enfumées, provenait des huit selfs. Ces derniers étaient en fait des touches tactiles qui distribuaient, selon la volonté de la personne, la nourriture voulue. Ils étaient au nombre de huit dispatchés dans la vaste salle. La nourriture qu’ils distribuaient provenait d’une réserve stockée dans la salle juste derrière.
Jack, Zeus et moi ne nous priâmes point pour tester ces engins, presque tous, pour commander une tonne d’aliments. Une fois tous servis, nous rejoignîmes nos deux amis qui s’étaient chargés, entre temps, d’ajouter une table non loin pour agrandir le nombre de places. Ce fut ainsi que nous pûmes tous nous installer à notre guise pour commencer à déguster lentement les mets succulents :
— Alors, vous ne nous aviez pas vus entrer dans la salle tout à l’heure ? interrogea Jack en buvant une gorgée de jus d’orange.
— Non, on n’a pas une très bonne vue sur l’accès à la cantine, répondit simplement Alexis en fusillant Akane de ses yeux gris.
Cette dernière s’étouffa avec son plat alors que des gloussements fusaient autour de nous.
— Ce n’est pas ma faute si j’avais besoin de calme et d’espace, assez loin des autres jeunes qui n’arrêtent pas un instant de bavarder ! Je viens tout juste de sortir d’un long sommeil, je n’ai en aucun cas envie de me retrouver dans un lieu bruyant !
Alors que le jeune russe levait les yeux au ciel, Aurelia vint soutenir sa meilleure amie :
— Moi je suis complètement d’accord avec Akane, le calme, le silence, c’est quelque chose d’essentiel et…
— On vient de sortir d’un long repos paisible, tranquille, sans bruit ! On ne va pas replonger dans le silence ! argua brusquement Zeus, pour soutenir à son tour son ami, en coupant au passage la parole à Aurelia qui haussa les sourcils, stupéfaite et contrariée.
— Et puis, tu n’aurais pas été un peu trop réceptive au silence pesant qui règne dans les jardins japonais ? Tu sais là où tu as pris des cours de méditation zen ? renchérit Jack en fixant sa petite amie d’un air moqueur.
— Mais ça n’a rien avoir ! s’écria l’Italienne, détournant son regard du grec pour venir foudroyer son petit ami. Mais puisque tu en parles, sache que c’est très reposant, cultivant et épanouissant ! Je remercie cent fois Akane de m’avoir proposé cette activité lors de mon séjour !
— Oui, c’est bien ce que je dis, trop de silence tue le silence ! grommela l’américain, les sourcils froncés.
— Cette phrase est ridicule ! désapprouva Akane.
— Parfaitement ! Si c’est ça, moi j’affirme que trop d’amour tue l’amour ! lança malicieusement Aurelia, son regard braqué dans celui de mon voisin de table, qui s’était arrêté de manger pour relever ses yeux verts, et croiser le sourire éclatant de sa copine.
— Je retire ce que j’ai dit, murmura Jack un minuscule sourire aux lèvres.
Zeus, à gauche de son ami, le fixa, éberlué :
— Bah… commença-t-il.
Mais il fut soudainement coupé par Aurelia :
— Bzzzz, fit-elle.
Tous se retournèrent vers cette dernière, les yeux écarquillés, une expression faciale d’incompréhension et de surprise mêlées, et la bouche entrouverte. Ce fut le dieu du tonnerre qui referma la sienne en premier, avant de la rouvrir tout aussi rapidement dans l’idée de continuer sa phrase :
— Alors tu… recommença-t-il en fixant Jack.
— Bzzzz, refit l’Italienne, dardant ses yeux noisette et sa mine innocente sur Zeus.
Ce dernier se retourna brusquement vers elle pour lui lancer :
— Mais qu’est-ce qui te prend l’abeille ?
Le surnom déplaisant mais mérité ne fit qu’agrandir le sourire hypocrite de l’insecte en question :
— Mais c’est toi mon problème. Tu m’as coupé la parole tout à l’heure, alors je te rends la pareille.
Lorsque nos rires se furent calmés, nous entamâmes réellement nos plats, les mets dans nos assiettes eurent vite fait de disparaître – malgré le conseil de manger doucement pour réadapter nos estomacs – alors qu’une conversation simple débutait.
Parlant principalement de banalités, cette dernière était pourtant conviviale, dynamique et jouissante, sûrement parce que cela faisait tellement longtemps. Nous restâmes donc un bon moment autour de cette table, puis une fois repus, nous décidâmes de commencer le long marathon qu’était la visite du navire spatial. Une fois la table débarrassée, Ashley, Aurelia, Akane, Jack et Zeus se mirent d’accord pour faire un tour aux toilettes nous laissant donc en plan (moi, Alexis et Kaitlyn). Alors qu’ils tardaient à revenir, je commençais à sortir de la pièce pour longer le couloir menant aux escaliers et à l’ascenseur. Je jetais un coup d’œil à ce dernier, où un groupe d’adolescents étaient en train d’y monter, voyant mes amis sortir de la cantine, je sus qu’on n’aurait jamais le temps d’y grimper. Alors je leur souris et leur adressais même un clin d’œil, Akane repéra l’engin sur le point de se fermer et moi, tout près.
— Je t’interdis de faire ça Gabi ! dit-elle assez fort pour que le son de sa voix me parvienne.
Mon rictus n’en fut qu’accentué et comme un gamin je fonçais, parcourant en un rien de temps la distance mini mime qui me séparait de l’élévateur. J’en franchis le seuil et me postais pile derrière les portes pour ainsi adresser un dernier sourire narquois à mes compagnons d’infortune, qui avaient fait l’effort inutile de courir pour me rattraper :
— Raté, dis-je les yeux brillants de malice.
Et les portes se fermèrent sur cette belle image !
Je relâchais mes épaules, fier de mon coup ! Alors je tournais la tête toujours aussi radieux pour me vanter auprès de mes camarades de transport. Mais mon air suffisant disparut aussi vite à la vue desdits compagnons.
Ma mine s’obscurcit car Klaus, fils du président d’Allemagne ; la personne la plus exécrable que je connaisse ; me regardait un sourire carnassier déformant sa bouche. La seule pensée qui me vint fut : coincé avec le requin ! Suivi d’un : Sauve qui peut ! Et de l’émotion s’accompagnant, à savoir l’épouvante. Il faut avouer que sa tête faisait peur ! Il s’en était fallu de peu pour qu’un cri ne m’échappe. Il était juste derrière moi, à moitié avachi contre le mur de l’ascenseur dans une posture réfléchie et sûrement prévue pour le mettre en valeur. Il souhaitait sans aucun doute être comparable à un mannequin appuyé sur un parapet gravé de peinture. Mais en le dévisageant de haut en bas, je fus en mesure de voir la nette différence entre un mannequin et Klaus. Ce dernier n’avait aucune prédisposition pour ce métier ! Bon j’abusais bien sûr, l’allemand n’était pas mal du tout niveau physique (si on était attiré par les déchets), en revanche niveau mental… Alors que je commençais à remarquer que j’étais toujours en train de l’observer, j’esquissais une grimace pour bien lui montrer le dégoût qu’il m’inspirait. Puis constatant qu’il ouvrait la bouche, je décidais de lui griller la priorité :
— Salut Klaus, content de te revoir !
— Oh pitié ! épargne-moi tes salutations ! répondit méchamment Klaus.
— Bon d’accord alors je refais : oh non pas toi, j’aurais préféré que tu restes congelé à l’état passif ! dis-je en gardant le sourire, bien décidé à le faire rager en me montrant insupportablement poli et joyeux. Que puis-je faire pour toi ?
Il esquissa à son tour une simagrée avant de répondre :
— C’était pour te demander d’éviter de faire des gaffes comme tu en as l’habitude et de plutôt te contenter d’être mature, en bref d’être un mec de dix-sept ans. Tu penses pouvoir y arriver ? Ou c’est trop dur ? Parce que, ne nous voilons pas la face, mais ton papa n’est plus là pour rattraper tes erreurs. Sur ce, je te laisse méditer et réfléchir à ce que je viens de te dire, même si je doute que tu en sois les capacités.
Puis sans attendre de réponse, il partit en me bousculant, me donnant un coup d’épaule qui se voulait violent, suivi de près par ses deux acolytes : Elias et Nathanaël. Le premier était le fils de la présidente de la Norvège quant au second, il était celui de la dirigeante suédoise. Ces deux femmes politiques étaient toutes deux de grandes amies de longue date, il n’était donc pas étonnant que leurs fils soient devenus aussi proches. Sans compter qu’ils avaient tous trois fait leur maternelle ensemble. Mais ils avaient dû manquer des cours aux vues de leur intelligence limitée.
Alors que je les regardais partir, je fis un pas, sortant de l’ascenseur et leur criais avec sarcasme :
— Ravi de t’avoir revu ! Passe une bonne journée !
Je le vis esquiver un geste de la main ou plus particulièrement du doigt qui se voulait provocant. J’hésitais réellement à ajouter qu’il passe le bonjour de ma part à ses parents mais j’imagine qu’il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin. Cependant, lui ne s’était pas privé de me rappeler gentiment l’absence de mon père, alors pourquoi moi, je devrais me retenir ? Je savais déjà la réponse à ma question bien évidemment : pour ne pas être méchant, ni même lui ressembler, éviter de commettre les mêmes erreurs et de ne pas rendre coup pour coup, je valais mieux que ça. Enfin, je devrais valoir mieux mais personne n’était parfait alors je marmonnais dans ma barbe (inexistante) :
— Certes, je fais des gaffes, mais moi je profite de la vie, pas comme certains qui se cachent dans les jupons de leur mère, à les suivre comme des petits chiens…
Énervé malgré moi, je pensais encore aux propos de Klaus. Il était vrai que je faisais plein de sottises, que je m’amusais beaucoup avec mes amis mais je n’étais pas pour autant un enfant mal éduqué et irrespectueux. Je faisais attention un minimum à l’image que je livrais en tant que fils du dirigeant de la France. Je ne disais pas que j’étais un ange ni même un gentleman néanmoins l’image que je rendais, illustrée dans les journaux et dans les magazines n’était pas néfaste. Bon, on disait souvent de moi que j’étais blagueur mais cela était plutôt normal pour un garçon de mon âge. Je ne ressortais pas à la une comme un chaud lapin qui passait d’une fille à une autre, non j’étais en couple avec Ashley, même si on vantait parfois mon physique avantageux. Chose à laquelle je ne m’habituais pas, j’étais même très gêné de lire certains articles me concernant. Au contraire de Klaus qui se plaisait à renvoyer l’image d’un séduisant jeune homme célibataire, implacable dans son rôle de fils du dirigeant de l’Allemagne. Irréprochable. Portrait complètement inexact, inapproprié.
Heureusement, je pouvais toujours compter sur mes amis pour me sortir de l’esprit pareille rencontre désagréable.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’interrogea Ash en sortant tout juste de la cabine qui avait eu le temps de faire un aller-retour sans que je m’en rende compte.
Elle se plaça devant moi pour braquer ses yeux dans les miens. Mais heureusement, l’aspect sombre de mes prunelles ne laissait rien transparaître si ce n’était une indifférence. Je clignais des yeux et inspirais pour remarquer que mes amies m’observaient en attente d’une réponse valable. Leurs expressions inquiètes me firent chaud au cœur. Alors, ne voulant pas les préoccuper avec ceci – qui n’était, je tiens à le préciser, qu’un regrettable désagrément – je leur affirmais nonchalant :
— Oh rien, je suis juste, comme souvent, perdu dans mes pensées.
Les filles me regardèrent un instant, insistantes, non dupes de mon petit mensonge, de ma demi-vérité. Mais me voyant imperturbable, elles abandonnèrent en entendant nos amis monter les marches ou plutôt les entendant souffler comme un bœuf à la suite de cette ascension accablante d’un seul étage.
— Bon… eh bien superbe, nous voilà prêts à commencer une bonne visite ! s’exclama Akane qui venait de finir la montée des escaliers, se portant comme un charme, aux côtés de trois guimauves : Zeus, Alexis et Jack.
— Mais tu es une grande malade ! J’ai l’impression de cracher mes poumons ! se récria Alexis de manière hachée.
L’interpellée sur le point de répliquer fut devancée par Ashley :
— Que veux-tu, nous sommes bien plus endurantes que vous !
— Oh la bonne blague ! rigola ironiquement le jeune russe.
— J’avoue, c’est du n’importe quoi, nous sommes parfaitement aptes à monter un ridicule escalier comportant pas plus de trois marches ! affirma avec vantardise Jack en bombant le torse. Et pour vous le prouver, en parfait gentleman que je suis, je vous propose humblement mes services de guide touristique !
— Oh l’horreur ! souffla Zeus, désespéré.
— On ne souffle pas ! On ne rechigne pas les bonnes manières de son meilleur ami ! Et puisque tu as l’air enthousiasme, tu seras mon assistant ! lui rétorqua Jack d’un air charrieur et provocateur.
— Je n’arrive pas à croire que je t’ai accepté comme ami !
— Rectification ! Je t’ai accepté comme ami ! Ne retourne pas la situation à ton avantage ! s’écria l’Américain d’un air faussement outré. Allons Sancho, ouvre la voie et tiens-toi prêt à ouvrir les portes !
— Eh du con ! ce sont des ouvertures automatiques !
On entendit alors pouffer derrière eux, gêné, Sieur Don Quichotte se passa une main dans les cheveux et marmonna :
— Oui bon… euh… on y va ?
Sans attendre de réponse, Jack commença à avancer dans ce long couloir.
Nous passâmes toute