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L’ouvrage explore l'histoire d'Ebol-woo, la capitale régionale de la région du Sud et de la communauté Ekang en Afrique centrale. Il retrace son évolution depuis sa création en 1896 en tant que base militaire, puis en 1913 en tant que circonscription administrative. L'ouvrage présente une approche multidisciplinaire, offrant à la fois des éléments historiques et anthropologiques. Il souligne l'importance de préserver le patrimoine de cette ville dans le contexte de la mondialisation, alors que le Cameroun s'engage dans la décentralisation pour renforcer l'unité nationale et la coexistence pacifique entre les régions. L'histoire d'Ebol-Woo montre comment cette ville cosmopolite a été façonnée par les missionnaires, le colonialisme et les populations autochtones.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Emmanuel Emérantien Ndjakomo est prêtre du diocèse d’Ébolowa au Cameroun. Ancien professeur de philosophie, il est titulaire d’une licence en théologie et de deux masters, en philosophie et en égyptologie. Dans "Histoire de la région du Sud Cameroun", il met en valeur l’héritage historique des peuples Ekañ.
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Emmanuel Emérantien Ndjakomo
Histoire de la région
du Sud Cameroun
Tome II
Ebol-Wo’o, capitale régionale et chef-lieu
du département de la Mvila, 1895 – 2020
Essai
© Lys Bleu Éditions – Emmanuel Emérantien Ndjakomo
ISBN : 979-10-422-0540-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
– Dictionnaire des proverbes Boulou, Ifrikiya, Yaoundé 2016.
– Jeux traditionnels Ekañ, symbolique et richesse d’une culture, Kiyikaat, Québec, 2020.
– Dictionnaire des proverbes Ekañ, Le Lys Bleu Éditions, Paris, 2022.
– Histoire de la région du sud, Tome I, Encyclopédie du peuple Ekang et assimilés, Le Lys Bleu Éditions, Paris 2023.
« Parmi les nombres défis dont l’africain noir se doit de palier pour entrer en dialogue avec ses congénères, comme partenaire sérieux, pour une rencontre interculturelle, il faut guérir de la « paupérisation anthropologique ». L’annihilation et la paupérisation anthropologiques désignent les crimes de la traite esclavagiste et les méfaits du colonialisme en Afrique ».
Père Engelbert Mveng et Lipawing,
Théologie, libération et cultures africaines,
Éditions Clé et Présence Africaine, Yaoundé-Paris, p. 33
AC : Archives Coloniales
ADTPS : Archives de la Délégation départementale des Travaux Publics du Sud ;
AN : Assemblée Nationale ;
AEF : Afrique Équatoriale française ;
AN Y : Archives Nationales de Yaoundé ;
ALCAM : Assemblée Législative du Cameroun ;
ALCANOR : Assemblée Législative du Cameroun Oriental ;
AMADR : Archives du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural ;
APE : Archives de la Préfecture d’Ebolowa ;
ARCAM : Assemblée Représentative du Cameroun ;
ATCAM : Assemblée Territoriale du Cameroun ;
BAD : Banque Africaine de Développement ;
BDC : Bloc Démocratique Camerounais ;
BEPC : Brevet d’Études Primaires et Elémentaires ;
BIAO : Banque Internationale de l’Afrique Occidentale ;
CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle ;
CAIPE : Centre d’Appui aux Initiatives Paysannes d’Ebolowa ;
CANADEL : Centre d’Accompagnement de Nouvelles Alternatives de Développement Local ;
CMU : Commune Mixte Urbaine
CMR : Commune Mixte Rurale
CPE : Commun de Plein Exercice
CEPE : Certificat d’Études Primaires et Elémentaires ;
CES : Collège d’Enseignement Secondaire ;
CEPFPSA : Centre Privée de Formation des Professionnels de la Santé ;
CETIC : Collège d’Enseignement Technique Industriel et Commercial ;
CMA : Centre Médical d’Arrondissement ;
CNO : Comité national d’Organisation ;
COOP/Mut : Coopération et la Mutualité ;
CVUC : Communes et Villes Unies du Cameroun ;
CS : Case Santé ;
CSI : Centre de Santé Intégré ;
DJALOSUP : Association des Chercheurs de l’Enseignement supérieur Natifs du Dja et Lobo ;
DIPES II : Diplôme de Professeur de l’Enseignement Secondaire Deuxième Grade ;
DMI : Diplôme de Moniteur Indigène ;
ECT : École Coloniale Technique ;
EP : École Publique ;
EPA : Église Presbytérienne Africaine ;
EPC : Église Presbytérienne camerounaise ;
ENS : École Normale Supérieure ;
ETA : École Technique d’Agriculture ;
FCFA : Franc des Colonies Françaises d’Afrique ;
FCFA : Franc de la Communauté française d’Afrique ;
FENASCO : Fédération Nationale des Sports Scolaires ;
FIDES : Fonds d’Investissement de Développement Économique et Social ;
FIDES : Fonds d’Investissement Économique et Social ;
FOM : France d’Outre-Mer ;
CGT : Confédération Générale des Travailleurs ;
GIC : Groupe d’Initiative Commune ;
HC : Hôpital Catholique ;
HD : Hôpital de District ;
INS : Institut National de Statistique ;
ISPDA : Institut de Promotion Sociale et de Développement Appliqué ;
KPDC : Kribi Power Developement Company ;
Km : Kilomètre ;
Km² : Kilomètre carré ;
MINAGRI : Ministère de l’Agriculture ;
MANC : Mouvement d’Action Nationale Camerounais ;
Mgr : Monseigneur ;
MPA : Mission Presbytérienne Américaine ;
MPF : Mission Presbytérienne française ;
ONU : Organisation des Nations Unies ;
OSSUC : Office du Sport Scolaire et Universitaire du Cameroun ;
PAK : Port Autonome de Kribi ;
PCD : Plan de Développement Communal ;
PDUE : Plan du Développement Urbain d’Ebolowa ;
PFNL : Produit Forestiers Non Ligneux ;
PNDP : Programme national de Développement Participatif ;
PSC : Parti Socialiste Camerounais ;
Pr : Professeur ;
PV : Procès-verbal ;
RACAM : Rassemblement Camerounais ;
RDPC : Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais ;
SOCAPA : Société camerounaise des Produits Africains ;
SAP : Sociétés Africaines de Prévoyance ;
SDN : Société Des Nations ;
SIP : Sociétés Indigènes de Prévoyance ;
S.M : Sa Majesté ;
SOCOODER : Société Coopérative de Développement Rural ;
SOCOOPED : Sociétés Coopératives d’Épargne et de développement ;
SODECAO : Société de Développement du Cacao ;
SOMUDER : Société Mutuelle de Développement Rural ;
TIC : Technologies de l’Information et de la Communication ;
UCA : Union des Coopératives Agricoles des planteurs de cacao et de café du Centre ;
UCA-Sud : Union des Coopératives Agricoles de cacao et de café du Sud ;
UC : Union camerounaise ;
UDEAC : Union Douanière et Économique des États de l’Afrique Centrale ;
UDEFEC : Union Démocratique des Femmes Camerounaises ;
UFATKO : Union Fraternelle Kolo Beti ;
UNICOOPLACAM : Union des Coopératives des Planteurs du Cameroun ;
UPC : Union des Populations du Cameroun ;
UGTK : Union Générale des Travailleurs Kamerounais
UTB : Union Tribale Bantou ;
UTNK : Union Tribale Ntem-Kribi ;
SADEL : Service d’Appui au Développement Local.
Le contexte historique est réel et fondamental à comprendre, nous dit le Rev. Père Engelbert Mveng, l’esclave, la colonisation, l’expérience d’un demi-siècle d’indépendance donnent au contexte africain toute son originalité. L’analyse de ce contexte est accablante et aboutit à des multiples fragilités de l’Afrique dans les domaines politique, économique et culturel :
« La dépersonnalisation de l’homme africain sous le régime colonial a été un dépouillement de tout ce qu’il était, de tout ce qu’il avait, de tout ce qu’il faisait et la réduction en un état d’indigence et de misère que nous appelons l’état de paupérisation anthropologique. »1
Devant le constat de ce savant et natif du Sud, nous avons trouvé qu’il est temps de passer à l’action pour remédier à cette situation mortifère. En ce moment où notre pays fait un saut qualitatif et quantitatif sur la décentralisation qui devient une réalité vécue et tangible, ce livre, qui scrute non seulement l’αρχή (commencement) de la ville d’Ebol Woo, mais aussi les coins les plus disparates de la région qui ont marqué cette partie du triangle national, que nous appelons à juste titre « Cameroun en miniature ». Il est le deuxième Tome d’une série de publications dont l’objectif est d’écrire l’histoire soit du peuple ékañ et de la région. Ebolowa est vieille de 128 ans. Cette localité a commencé à tronquer progressivement sa tenue traditionnelle pittoresque avec l’irruption inopinée du missionnaire blanc Dr Good, implanté à Nkongmekak, en 1894 et qui veut étendre sa mission au cœur de la forêt dense équatoriale, et partant, dans la localité de Kama, en1895. Ce village anonyme deviendra plus tard ; Nkol-Ebol-Woo, Ebol-woo, puis Ebolowa avec l’occupation française. La rencontre entre les Bulu de Kama et cet être étrange appelé à juste titre « Nnanga Kôn » (Albinos-revenant). Ce fait historique va perturber l’accalmie et les mentalités des autochtones, condamnés à se livrer bataille pour se frayer un passage sur ce chemin qui mène à la mer, afin d’y trouver du sel, denrée précieuse pour ceux qui vivent de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Le travail conjugué des missionnaires MPA et de l’administration allemande sera à l’origine de la création de la capitale régionale. Et quand son fondateur Von Hagen est obligé de quitter la localité le 19 -01-1916, elle avait fière allure et comportait plusieurs bâtiments qui continuent de faire la fierté de ses habitants d’hier et d’aujourd’hui.
La fourchette chronologique allant de 1895 à 2020, point d’achoppement de cet ouvrage, nous a permis de scruter les moments les plus variés de cet ouvrage dans le but de retracer une histoire épistémologique, dans la mesure du possible, et poser une pierre, qui n’est pas définitive, mais non négligeable pour les fils et filles du terroir, les hommes de culture et les chercheurs de tous les horizons. Ce projet cadre avec notre région qui est devenue le lieu de bouillonnement intellectuel avec la création des grandes écoles. Ce qui nous a poussés à puiser dans les domaines les plus variés de la connaissance, justifiant ainsi le vocable encyclopédie : Ouvrage de référence portant sur un grand nombre de sujets, généraux ou spécifiques ; qui embrasse beaucoup de sciences, beaucoup d’objets. Cette vision des choses va conduire, une fois de plus, ce Tome II à user de toutes les sources à disposition : orales, écrites et même radiophoniques.
Parmi les mérites de ce livre, il aide le lecteur non seulement à découvrir un pan chronologique de la région dans un dynamisme inouï, avec le missionnaire, le colonisateur et les explorateurs comme adjuvants. Il nous fait aussi part de ces luttes pour se frayer une place sous le soleil, et démontre la contribution du sud dans l’historicité globale du pays. La référence des principaux groupes Ekañ a permis à cette œuvre de s’inscrire dans la dynamique des recherches dignes de foi de E. Abolo Biwolé sur ce sujet. La liste des différents administrateurs coloniaux nous permet de voir aussi les différentes contributions et la passation du commandement aux autochtones le 08-11-1958. Ce qui nous offre une aubaine pour bien connaître notre cité, afin d’écrire une histoire délivrée de trop d’affabulations et de subjectivité. L’origine des divers quartiers de la ville, leurs appellations, celle de certains carrefours et bâtiments permettra, à coup sûr de faire d’Ebolowa, désormais cité universitaire, un grand champ de recherche susceptible de motiver plusieurs chercheurs. On présente notre région comme un foyer de spiritualité où la religion des ancêtres sera très vite remplacée par le christianisme. Ce dernier commence avec la mission MPA, qui connaîtra un premier schisme en 1935, l’indépendance qui aboutit à l’EPC, en 1957, un schisme anti et pro-œcuménique qui a fait naître l’EPCO, en 1970. Dans cette course, même si l’Église catholique arrive 40 ans après, elle a su aussi s’imposer dans cette œuvre évangélisatrice et de promotion sociale.
Pour montrer de façon évidente la contribution du Sud à l’émergence de notre pays, une liste de ses personnalités à l’ère du renouveau nous a montré le travail titanesque de cette élite pour le rayonnement et l’émergence du Cameroun. Au rang de cette dernière se trouve notre Président de la République, M. Paul Biya, qui mène avec maîtrise le bateau de la nation. Eu égard aux diverses sensibilités des différents groupes, certains personnages ont été cités pour servir de témoignage à tout le pays et de stimulus aux jeunes générations de tous les temps. C’est une fierté pour nous de brandir solennellement ce label au monde entier, en vue de la construction et la consolidation de l’unité nationale et du vivre ensemble harmonieux dans le « Cameroun un et indivisible ». Cette histoire est inscrite en lettre d’or dans celle du pays, raison pour laquelle ce chef-d’œuvre est revenu, même de façon synthétique, aux géants qui ont marqué la souveraineté de notre patrie.
L’ultime partie, réservée au département de la Mvila, a permis d’avoir une vue panoramique du chef-lieu et de visiter tous les arrondissements, pour se saisir un peu de leur histoire, leurs particularités et leurs spécificités. Ce livre s’inscrit dans la logique de la décentralisation où chaque région, consciente de ses potentialités, doit apporter du sien pour l’édification du Cameroun. Puisse la réception de ce livre galvaniser tous les fils et filles du Sud à se tenir par les mains pour continuer à apporter toujours les pierres d’angle pour l’émergence que promeut les instances dirigeantes de notre Pays et la multiculturalité qui est le maître mot, dans le monde d’aujourd’hui.
J’ai voyagé à travers l’Afrique, je n’ai pas vu de mendiants ni de voleurs ; j’ai vu des personnes avec de hautes valeurs morales et je pense que nous ne pouvons pas conquérir ce pays, à moins que nous ne brisions/effacions la colonne vertébrale de cette nation qui est sa spiritualité et son héritage culturel. Par conséquent, je propose qu’on remplace son ancien système éducatif et culturel, ainsi quand les africains penseront que ce qui vient de l’étranger, en particulier de l’Angleterre est meilleur que ce en quoi ils croyaient, ils perdront l’estime de soi, leur culture et deviendrons ce que nous voulons qu’ils soient, à savoir une véritable nation dominée.
Lord Macaulay, discours au parlement britannique 02-02-1835
I-Origine de la localité d’Ebolowa et le feuilleton de Kama
Le peuple Boulou (bulu), fort des mouvements migratoires qui l’ont progressivement porté de l’Est vers la mer, occupera le premier, à travers la tribu Essawo, une colline à laquelle ladite tribu fondera un village appelé Kama. Nous allons présenter cet histoire à travers les changements des noms de village qui deviendra plus tard une base militaire, en 1896, une unité administrative, en 1913 et capitale régionale de nos jours. De toute évidence, la création de la capitale régionale du Sud repose sur un travail combiné de trois paramètres : les conquêtes pour se frayer un passage sur la route qui mène à la « mer de sel »2, l’implantation de la MPA et l’irruption de l’Administration coloniale allemande. Le missionnaire Ngôto Zambe : déformation bulu de Good3. Adolphus Clemens Good qu’on appelait « Ngôtô Zambe ou Ongôtô Zambe » était le premier missionnaire protestant à évangéliser le pays bulu où il arriva le 08-09-1893 4et même le premier blanc à fouler le sol de Kama dans le but d’implanter une religion chrétienne. Il crée tout de suite la mission d’Efoulan. Un an plus tard, il descend à Nkô’ôvôs. On prétend qu’un missionnaire baptiste du nom de Franken5 a effectué un tour éclair en 1885. Cependant, son passage éphémère n’a pas laissé de traces. À son arrivée à Ebolowa, Ngôtô Zambe est accueilli chez Mvondo Ntimbam, un chef de la famille Yendjok6. Celui-ci est édifié quant à l’objet de la visite du Pasteur :
Organisa promptement une palabre avec Nlô Ze, un Yétôtan d’Ebolowa-si, Nkili Ekô’ô, un Esakoe d’Adoum et Evina Minko, un autre Esakoe d’Azem. La palabre qui se tient sur le site « Doum é bete akok » d’Ebolowa-si, a pour objet de décider de la meilleure réponse à faire à Ngôtô Zambe qui cherche où bâtir une mission. On lui concéda un terrain, sur la colline « ‘Nkol Ebolowo’o » (Mont Ebolowo), là où sont situées actuellement la résidence du Gouverneur et la prison… Il y construit sa mission, mais à l’arrivée de l’autorité allemande, celle-ci est délogée et installée de l’autre côté du ruisseau Bengôh, au lieudit Elat7.
Ce travail de fondation, qui va se consolider par l’administration française, l’Indépendance et les natifs, avait déjà des bases bien solides posées depuis 1895 par la MPA et en mars 18968 avec l’arrivée de l’épique de l’administration allemande dont le meneur était Hauptman Gunther von Hagen. Cet administrateur, s’il est connu pour cruauté, l’en est aussi pour son don de langue. En peu de temps, il a parlé avec beaucoup de maîtrise la langue boulou. Il va imposer la présence allemande à Kama qui deviendra plus tard Ébon – Ekob – Eto, Nkol Ebol-Wo’o, Ebolewo’o et, avec l’administration française, Ebolowa.
Soucieux du fait que les Ekang viennent de l’Égypte, le vocable Kama pourrait renvoyer à Kamith ou Kemet : habitants du pays des nègres. C’est en ces termes que les Égyptiens anciens s’appelaient eux-mêmes. Le nom Kama est sacré, il a deux significations en égyptiens : terre et noir. Ce mot va sûrement permettre aux Ekañ de se souvenir de leur provenance de l’Égypte pharaonique.
1- De Kama à Ebon ékob éto
Les populations Bulu d’Ebolowa et leurs frères Ekañ viennent de l’Égypte. Poussées par les guerres, elles vont passer par région de la savane (Adamaoua) où une conflagration avec les nordistes va une fois les soumettre à la loi des vaincus : déguerpir et traverser le fleuve Yom 9(actuel Sanaga) sur le dos d’un énorme monstre à apparence de serpent : le Ngañmejaa10. Ils occupèrent alors les différentes collines où se dressera la future ville que nous appelons aujourd’hui Ebolowa. Scène qui sera lue, après leur christianisation, à la lumière de la traversée du peuple d’Israël de la Mer rouge à pied sec. D’abord Kama en 189611, puis Ebon ékob éto, Nkol Ebol Wo’o, Ebolowo’o qui sera franchisé par Ebolowa, la ville aux multiples collines est la capitale de la région du Sud Cameroun. En 1896, l’Administrateur allemand de Lolodorf Zenker, après l’appel des Missionnaires MPA et l’autorisation de Bua, fonde un poste militaire sur ce site. Pour diminuer la grande distance entre Yaoundé et Kribi ou Lolodorf et surtout pour mater la résistance toujours prononcée des boulou à la colonisation allemande. Le poste devient une solide enceinte fortifiée que les populations locales continuaient d’appeler Kama, nom donné par Mvogo Oko de Kama Yemesum (par Biwong-Bane) qui a été leur premier chef, grand guerrier et ressortissant du village de même nom12. La localité devient, avec les Allemands, « Ebon ékob éto(le fessier qui rate la chaise) ».
2- Ebon ékop éto devient Nkol Ebol Wo’o13puis, Ebol wo’o
En effet, ce nom se justifie de deux manières par rapport au concept de l’occupation allemande. Cette appellation a vu le jour aux environs de 1908 après la construction d’une belle Résidence de l’Administrateur allemand Von Hagen14 :
Devant la cruauté des Allemands quant aux indigènes, leurs appels pouvaient donner lieu à une offre d’emploi, à une bastonnade ou encore à une peine de mort. L’expression traduit donc l’inquiétude qui habite logiquement tout indigène convoqué par le Von Hagen qui sera baptisé localement par « Medom a Zanga »
15
.
Un fait historique nous permet de comprendre ce sobriquet. Amvela Bezanga était le chef du quartier de Mekalat, il va faire arrêter un soldat envoyé, par von Hagen, prender les habitants pour les travaux forcés. Ses notables vont intervenir pour lui demander de le lâcher par peur des represailles. Le chef va le faire, mais tout en donnant un gros piment mûr au soldat avec cette consigne : va dire à ton patron que, s’il est courageux, qu’il mâche ce fruit du champ de Bezanga. Le soldat va plutôt prononcer Zanga. L’administrateur a voulu prouver son courage et mastiqua le piment qui lui a directement donné une sensation de brûlure dans la bouche. Il va ordonner illico l’arrestation du chef insolite. Mis au parfum, il va fuir pour son village natal Essangoñ. Une fois la patrouille dans cette localité, les soldats le reconnaissent, mais il déclara qu’il ne s’agit que d’une confusion, il se trouva d’ailleurs un autre nom. On lui demanda de prouver qu’il est dans son village. Il appela avec autorité les femmes et les intima de servir à manger aux hôtes, ce qui fut fait rapidement et les femmes sont venues s’installer au tour de lui comme ses véritables épouses. Les soldats ont déduit qu’il ne s’agit que d’une ressemblance.
Très vite cet Administrateur va construire une belle maison donc l’intérieur était orné de marbre et de tableaux somptueux, choses naguère méconnues des indigènes. Une fois dans la salle d’attente ou au salon bien décoré, le noir s’abandonnait au point de rater la chaise au moment de s’asseoir. Plus tard viendra le nom Ebol woo rendu par de la ville de Ebol-woo par les Allemands et leurs traducteurs. L’erreur des Allemands est restée cependant, Ebol-Woo ou Nkol-Ebol-Woo était davantage utilisé pour indiquer le lieu du pseudochimpanzé pourri, la localité était désignée par Kama jusqu’à l’occupation française. Et avec la colonisation française, Ebolowo’o est devenu Ebolowa. Cette localité connaît un essor très rapide après l’indépendance en 1960.
Quartier de l’administration allemande d’Ebolowa en 1912, au centre on peut voir la résidence qui a valu le nom
« Ebon é kob’éto ».
Source : Cameroun Retro Photo
3- Un mont qui pose problème
Nous avons la certitude que le nom Nkol-Ebol-Wo’o, pendant la période allemande, servait à désigner ce mont où l’histoire du pseudochimpanzé pourri s’est déroulée. Quand le Général français Aymérich, au nom de la France, prend possession de la ville en janvier 1916, elle est désignée par Kama. Il décrit qu’il y a eu, durant la Première Guerre mondiale, le front Kama.
Le nom originel fut Kama, une localité fondée par les Essawo’o. La situation stratégique de ce mont va faire beaucoup de jaloux, comme plus grand sommet, sa vue devrait permettre à ses occupants de voir de loin ses envahisseurs potentiels afin d’élaborer un stratagème susceptible de juguler leur finauderie, au moment où faire la guerre (oban16) était une exigence vitale. Cette position va donc amener les Yenjok à livrer bataille contre les Essawo’o pour récupérer ce site. À l’issue de cette conflagration, les Yenjok ont eu raison et vont mettre les vaincus hors de ce territoire. Kama connaîtra alors des occupants nouveaux : les Yenjok, fiers de cette acquisition, les anciens propriétaires seront poussés jusqu’aux derniers retranchements. Les missionnaires américains qui vont arriver en 1895 ne résisteront pas à la tentation de récupérer ce mont que les Yenjok ont considéré jusque-là comme leur patrimoine. McCleary et son groupe entreprirent de mettre en valeur cette localité par des réalisations qui accompagnent l’œuvre missionnaire, en vue de la formation intégrale de l’homme, image et créature de Dieu. Jusque-là, la cohabitation avec les autochtones ne posait aucun problème.
4- Quand une montagne prisée fait problème
Les fondateurs de la localité Kama étaient les Essawo mélangés aux Yemesum de Kama à la suite d’une alliance contractée. En effet, le leader charismatique ici était Mvogo Oko de Kama17. Il va donc montrer l’hégémonie de sa localité en donnant, comme chef, le nom de son village à cette localité où, par la force des choses, il est chef et grand guerrier. En effet, après avoir fait le rite so18 avec les Essawo, les deux peuples vont sceller le pacte de non-agression » Avusô »19. C’est logiquement que le chef pouvait être soit Yemesum ou encore Essawo.20 Avec l’arrivée des blancs, il y aura un brassage des populations, surtout quand on sait qu’il y a eu beaucoup d’innovations qui vont favoriser le déplacement des populations pour ce centre naissant : les écoles, la religion, les magasins, un grand centre médical de jadis : création d’Enongal pour les Missionnaires MPA avec sa prestigieuse Léproserie de Nko’essombo, son école de formation professionnelle, son imprimerie et plus tard l’implantation de la Mission catholique avec sa kyrielle de réalisations. Ebolowa sera un point d’attrait pour tous ceux qui sont à la recherche du mieux-être. Ce facteur humain va contribuer au boom démographique et à l’extension de la ville dans le but de recaser le trop-plein de la population.
Chef supérieur et grand guerrier Yendjok d’Ebolowa, Mvondo Ntimban une de ses épouses et ses esclaves
Photo prise entre 1890-1899,
Source : Fonds archives Brutsch/F. Lechevallier.
C’est aux environs de 1870 21que les tribus de Kama vont se sédentariser, après un long mouvement migratoire qui commença en Égypte. Une légende raconte qu’autrefois, les populations Bulu d’Ebolowa, venant de la région des savanes, traversèrent le fleuve Yom (actuel Sanaga) sur le dos d’un énorme serpent « Ngañmeja’a » et occupèrent les différentes collines où se dresse aujourd’hui Ebolowa, d’abord Kama puis Ebol wo’o, qui fut d’abord un petit village anonyme dans la forêt dense équatoriale. Les autochtones actuels ont d’abord passé le temps à Nkoétyé, au site d’Elat encore appelé Bengo Yat (de l’autre côté de la rivière Bengo). Cours d’eau où il y avait une colonie de phacochères, toujours en train de creuser le marécage avec leurs museaux, à l’affût des chimpanzés, pour se restaurer des restes de fruits sauvages qu’ils jettent par terre, incapables qu’ils sont de grimper. Le nom de cette espèce dévastatrice de l’espace sera donné à cette rivière et servait de repère pour s’orienter dans cette forêt dangereuse et truffée de menaces de toutes natures. Sous la houlette du charismatique Ntimban Ndo, père de17 enfants22. Dès que ce dernier va décéder, sa progéniture se verra dans l’obligation de déguerpir du site et lui concéder l’appellation antique de « Bilik » (village abandonné)23. Son fils aîné Mvondo Ntimban, grand guerrier, le succéda et décida de partir de ce lieu où la mort de son père est perçue comme signe de mauvais augure, conception que partageaient tous les peuples migrateurs et qui légitime leurs multiples déplacements. Il va donc aller chasser les occupants de Kama, village qui a été construit par les Essawo dans le souci commun de l’heure : surveiller la localité de manière à agir promptement en cas d’agression extérieure. Une fois cette étape jugulée, les propriétaires d’hier seront refoulés dans les localités d’Eves et dans les environs d’Efoulan. En nouveau maître des lieux, Mvondo Ntimban va donc occuper rationnellement le village arraché au prix de la guerre. Aussi, va-t-il s’établir sur ce sommet convoité qui lui permet d’avoir de l’avance sur ses ennemis potentiels et autour de lui graviteront ses fils (au niveau du palais de justice actuel). Ses frères seront postés tout autour et ses alliés en avant-garde pour palier à toute attaque des ennemis. Comme la route la plus exposée est celle dénommée » Njoñ Melen » (route des palmiers), il s’agit du passage des habitants de Sangmélima et ses environs, réputés comme guerriers redoutables, qui viennent soit pour vendre les produits de la chasse et de la pêche, soit pour aller chercher le sel à la mer et, plus tard, pour consulter les Administrateurs. Nous pouvons citer ici le guerrier infatigable Ele Mendomo qui sera instigateur de plusieurs guerres : la première guerre contre les Batanga, contre les Bene, contre les Yemeyema d’Ebémvok…
Il va donc logiquement pousser les Ndong qui seraient les occupants de Mekalat Yevol et même d’Angalé, pour donner cette parcelle à son oncle Amvela Bezanga en provenance d’Essangoñ. Ce dernier avait pour mission de réagir illico dès que les Ndong voudraient revenir sur leurs traces ou d’autres adversaires. Étant donné qu’un Pacte de non-agression a été contacté avec les Essakoé, le côté d’Ambam est donc en sécurité. Puisque les Essawo chassés sont à Eves, il va installer de ce côté son frère Nkpwele Aya à Abang 24et Zilly du côté de Billon où se trouvait cette piste qui allait à Yaoundé. Ce côté auquel les Ndoñde Bityili chassés constituent une menace permanente.
Le grand guerrier Mvondo Ntimban
Source : album d’Ossombé
Parmi les chefs qu’a connus l’actuelle région du Sud se trouve Mvondo Ntimban, décédé en 1895. Il avait une ascendance avérée sur les autres chefs des environs d’Ebolowa. Il avait mené des guerres comme tous ses homologues, mais avait compris finalement et intuitivement qu’un danger nouveau se pointait à l’horizon, celui de la race blanche qui se signalait déjà tout là-bas au bord de la mer. Il fallait donc regrouper la population pour y faire face et œuvrer pour la paix entre les frères d’Ebolowa et ceux de Sangmélima. Il avait pour cela convoqué de grandes assises des chefs du pays boulou en 1879, avec Evina Minko, à Biyeyem. Au cours de celles-ci, il avait obtenu la conclusion d’un pacte de non-agression, entre les différents clans, villages et tribus boulou.
Un événement sera l’arrivée du Dr Good à Kama, qui désormais portait aussi le nom de Mimbadoñ, en 189325. Tandis que ses congénères ont paniqué à la vue du blanc26, notre guerrier est resté imperturbable. Une causerie sera d’ailleurs engagée entre les deux hommes. Ce sera l’occasion de demander une parcelle pour construire un camp missionnaire. Étant donné la relation d’amitié qui les reliait déjà et l’ouverture du Leader, cette demande a eu un écho favorable et il lui fut accordé un lopin à côté de la résidence de son ami27 : ce sera à l’actuel service du Gouverneur. Il va cependant dire à son ami qu’il ne viendra pas lui-même, il va envoyer d’autres Missionnaires. Un groupe de trois va arriver : McCleary, Fraser et Kerr. Ils vont donc commencer à investir sur ce terrain qui leur a été concédé. Leur ambition était de doter de ce site une église, des écoles, d’un centre de formation, de l’électricité, d’un centre de santé et d’une léproserie, et faire venir les commerçants pour la vente de ses produits qu’on ne pouvait trouver qu’à Kribi. Il s’agissait donc de créer une station missionnaire et un centre commercial. Nous y voyons là tout un plan d’urbanisation qui montre les velléités de créer une ville. Très tôt, ils vont se rendre compte qu’il faut l’intervention de l’Administration allemande. Les premiers missionnaires se sont appliqués à apprendre le bulu :
Le Pasteur Johnson, lui, s’est illustré particulièrement en créant les écoles. On y enseignait à la fois la langue Bulu et l’anglais. L’enseignement de l’anglais est tout de suite interdit par l’autorité qui préférait voir enseigner l’allemand tout particulièrement à Elat. À cet effet, la mission américaine a fait venir le Pasteur Jacob Reis, lui-même d’origine allemande, assisté de Fraulein Liebel, afin de pourvoir à l’enseignement de cette langue.28
4.1- L’Urgence de la création d’un poste à Kama
L’année 1895 va connaître l’événement tragique de la mort de Mvondo Ntimban29, mari de 86 femmes. La proximité d’avec les missionnaires va les impliquer au premier plan quant au déroulement des obsèques de leur ami et bienfaiteur. Comme il fallait s’y attendre, les Yevol, oncles maternels, ont décidé d’enterrer leur patriarche selon leurs us et coutumes antiques : il devait se faire inhumer avec cinq totems initiatiques.30 Le trio missionnaire intervient farouchement pour refuser cette façon de faire, mais leurs interlocuteurs affirment qu’il est impossible d’enterrer un patriarche sans le faire accompagner des totems initiatiques et quelques objets usuels pour sa survie post-mortem. Malgré l’insistance des membres du MPA, seuls 2 totems sur les 5 ont eu la vie sauve à cause de la plaidoirie de ces derniers. Selon le Patriache Ntonga Meye, c’était un seul totem, celui de Ze Ada, frère de Ntimban Ada. Après cet incident, McClary, Fraser et Kerr ont fait un rapport à l’administrateur colonial de Lolodorf en la personne de Zenker en citant les noms des ténors : Amvela Bezanga (l’oncle du défunt), Nloze (son neveu) et Bityé Bi Tôlo Bi Ntimban (son petit frère). Ces trois noms ont été mentionnés dans ce rapport à l’allure d’une plainte sur la barbarie des indigènes. Malheureusement, leur correspondance va arriver alors que Zenker est en déplacement pour Yaoundé et le contenu lui sera dévoilé par télégramme. Après avoir informé Bua, il va instruire au Lieutenant Dusee le beau-fils du grand Chef Evina Minko31 de faire une descente musclée avec 25 éléments (5 Allemands et 20 Schutztruppe32) pour traquer et punir, avec la dernière énergie, les auteurs de cet acte odieux. Ils sont donc arrivés avec vacarme et fanfare dans les coins de Kama, ils ont fait leur quartier général à l’actuel GMI et ont rangé les troncs de bananier comme pour se prémunir des attaques des indigènes. Au début, cela n’avait l’air de rien, mais avec le temps, les indigènes sentirent quelque chose d’anormal. Il sera d’ailleurs demandé au nouveau Chef Nlom Mvondo de rassembler tous ses sujets le lendemain matin, ce qui sera fait par le tam-tam d’appel. Tous vont s’installer pour suivre le message des Allemands qui n’est autre chose que le premier procès.
4.2- Le premier Procès contre les Bulu de 1895
Le Lieutenant Dusee et ses éléments vont trouver le peuple assemblé à quelques encablures de « Dume bete akok », l’actuel Ebolowa-si, et trois noms qui figuraient dans le rapport des missionnaires furent prononcés par ordre :
– Amvela qui va répondre avec beaucoup de tonus, fier qu’il soit d’être connu du blanc, il sera malheureusement froissé par les soldats.
– Nloze aussi va subir le même traitement.
– Bityé Bi Tôlo Bi Ntimban, au regard de l’accueil réservait à ses congénères, va refuser de répondre ou même de se lever.
Jeunes soldats de la Schutztruppe en 1910. Il est assez courant de voir des photos de ces soldats, mais celle-ci est une image très rare, car au milieu c’est une femme soldat qui est assise
Source : Retro Photo Cameroun
Ayant déjà traqué deux pseudomécréants, le Lieutenant commence à instruire les indigènes sur le fait que seul l’Administrateur est capable d’autoriser certaines pratiques traditionnelles, il prit son arme, tira sur une souche de palmier, qui se dessoucha sous l’effet des coups de feu, devant cette foule et déclara qu’il va tuer les deux coupables de la même manière. Le Chef Nlom Mvondo va aller voir les missionnaires pour qu’ils plaident en faveur de ses sujets afin qu’ils ne soient pas tués. Dusee va donc apprécier cette médiation et, après leur avoir donné une fessée publique33, il va les relaxer. À cause du tact du chef et de sa négociation, il sera illico proposé premier Chef supérieur Boulou, ce que l’Administration coloniale va approuver par une note officielle34.
4.3-Les conséquences du procès de 1895
Sans plus attendre, Bua va détacher Von Hagen pour l’envoyer à Ebolowa en 189635 afin qu’il puisse créer un poste à Ebolowa pour mettre fin aux coutumes barbares et mater la rébellion boulou à la pénétration allemande dans les artères de cette région. Il doit en outre mettre fin à tout relent de résistance bulu, ce peuple qui cherche par tous les moyens à renverser l’autorité coloniale et à sauvegarder celle traditionnelle. Von Hagen va résider dans un premier temps à l’actuel Hôtel de Police. Quelque temps après, il va aller rencontrer le Chef Nlom Mvondo pour lui dire que le terrain qui a été alloué aux colons n’est pas idoine, car, il ne leur permet pas d’avoir une bonne vue de Kama. Il va lui proposer deux choses :
Le Chef va affirmer mordicus qu’il ne saurait chasser les Missionnaires MPA qui ont fait alliance avec son feu père. Il préféra leur concéder le terrain de l’ancien site Yendjok : Bengôô Yat (de l’autre côté de la rivière Bengôô) ou Bilik 36(fief abandonné). Von Hagen va demander au Chef aussi de déguerpir lui et ses sujets de ce sommet stratégique et s’établir ailleurs. Il s’en ira à côté de « Elolé ja nloñ : là où le canard chante » (à l’entrée gauche de l’hôtel le Ranch) où il va décéder en 1916 et ne se fera pas succéder par ses fils encore très jeunes. Il va plutôt passer le témoin à son jeune frère Ezo Mvondo avec pour consigne de remettre la chefferie dès qu’un de ses quatre fils sera majeur. Malheureusement, cela ne sera pas respecté. Il va plutôt passer le témoin à son fils biologique.
1915. Photo prise dans l’actuel Sud du Cameroun
Sources : Archives Cameroun
Nous pouvons donc affirmer que la ville d’Ebolowa est l’œuvre de la MPA et de l’administration coloniale allemande, contrairement aux autres villes de la Région qui ont été créées par les colons, c’est le missionnaire qui est venu en avance et va se faire seconder par l’administrateur.
Source : Les Archives du Cameroun
4.4-Les administrateurs coloniaux de Kama et d’Ebolowoo
La traçabilité de l’histoire d’Ebolowa, dans la logique d’une histoire avec documentation, ne peut se faire qu’à partir du 31-08-1950. Le décret N° 47-2235 du 19 novembre 1947 portant réorganisation du régime municipal du Cameroun ; l’arrêté 31-08-1950 va créer les communes mixtes suivantes : Ebolowa, Kribi, Edéa, Mbalmayo et Nkongsamba. Pour ce qui concerne la ville d’Ebolowa, elle sera placée sous les commandes des Administrateurs-Maires de 1950 à 1958, date de la passation de pouvoir aux nationaux. Nous notons que la période allemande va connaître un seul Administrateur en la personne de von Hagen.
Le tout premier Administrateurs-Maire sera Roger Lelong, administrateur de 1re classe des colonies, chef de la région du Ntem37. Nous allons vous fournir les noms de ces Administrateurs-Maires :
N°
Noms et Prénoms
Grade
Date d’arrivée
Date de départ
Longévité
1
LOE Luc
Administrateur civil
27-04-1983
28-09-1985
2 ans
2
OMGBA Paul
Administrateur civil
28-09-1985
09-10-1989
4 ans
3
MAÎDADI Saidou
Administrateur civil de
classe exceptionnelle
09-10-1989
12-04-1991
3 ans
4
Koungou Edima Ferdinand
Administrateur civil
12-04-1991
10-01-1992
1 an
5
Mineli Elomo Bernard
Administrateur civil de classe exceptionnelle
10-01-1992
23-07-1998
5 ans
6
Oumarou Koé
Administrateur civil
principal
23-07-1998
26-03-1999
1 an
7
Koumpa Issa
Administrateur civil
principal
26-07-1999
23-03-2003
4 ans
8
Enow Abrams Egbe
Administrateur civil
principal
23/ O3/2003
26/08/2005
2 ans
9
Wongolo Bernard
Administrateur principal
26/08/2005
2010
5 ans
10
Ndjaga Jule Marcelin
Administrateur CivilPrincipal
05/01/2010
23/10/2015
5 ans
11
Nguele Ngele Felix
Administrateur CivilPrincipal
23/10/2015
4.5-Les Administrateurs autochtones
La Province du Sud a été créée en 1983 et devient Région le 12-11-2008. Nous choisissons de les présenter par ordre d’arrivée dans un tableau pour d’amples détails sur le grade et la date de départ de certains de la province.
4.6-Gouverneurs successifs
Période
Nom et prénoms
Entité
2015 –
Félix NGUELE NGUELE
Sud
2010-2015
Jules Marcellin NDJAGA
2005-2010
Bernard WONGOLO
2003-2005
ENOW Abrams EGBE
1999-2003
KOUMPA ISSA
1998-1999
Oumarou KOUE
1992-1998
Bernard MINELI ELOMO
1991-1992
Ferdinand KOUNGOU EDIMA
1989-1991
Maidadi SADOU
1985-1989
Paul OMGBA
1983-1985
Luc LOE
1980-1983
Benoit NAMVOU
Centre-Sud
1972-1980
Gabriel MOUAFO
Centre-Sud
04/72 - 08/72
MVE NDONGO
Centre-Sud
1971-1972
Samuel ENAM MBA’A
Centre-Sud
1963-1971
Guillaume NSEKE
Centre-Sud
1962-1963
BALLA
Centre-Sud
4.7-Etymologie de la ville d’Ebol-wo’o
Kama qui devient Ebolowoo a existé avant l’infiltration des Allemands en 1896, ses habitants étaient de la famille « Boulou », d’abord Essawo, puis, après la conquête de ce site prisé par Mvondo Ntimban, Yenjok. Beaucoup d’hypothèses sont évoquées sur l’origine du nom Ebol wo’o. Les principales versions qui nous semblent plus crédibles sont celles reconstituées ci-dessous. Comme chercheur, il ne nous appartient pas de trancher sur la véracité ou non de ces versions. Nous avons bien voulu mettre toute cette matière, fruit des recherches ardues et de recoupements, pour donner de la matière à ceux qu’ils appartiennent d’en décider. L’appellation d’origine aurait-elle eu une influence sur le retard qu’a connu le développement de la ville ? Tant s’en faut. Même si certaines personnes estiment que le nom peut influencer une personne ou une localité. Ces âmes sensibles auraient souhaité que le nom Ebolowa soit changé au profit d’un autre porte-bonheur.
4.7.1 – Version de Beling Nkoumba 39
La ville d’Ebolowa a vu le jour avec l’arrivée des Allemands. Avant ce temps, il n’existait qu’une petite agglomération faite de quelques maisons. Le nom de cette agglomération fut d’abord Kama, puis Ebon Ekobé Eto » les fesses qui ont raté la chaise ». Avec l’arrivée des Missionnaires de la MPA (Mission Presbytérienne Américaine), il fallait changer cette appellation, plus ou moins ordurière, pour une autre appellation plus commode : « Kama ». L’incident historique est que, l’œuvre missionnaire fut ralentie par les colons allemands qui viennent prendre possession d’Ebolowa après le traité Germano-Douala. En effet, dès que les Allemands prirent possession de la ville, la première action consista à chasser les Missionnaires de la colline on ne peut plus stratégique. Ces derniers viennent s’installer à Bengôô Yat (de l’autre côté de la rivière Bengôô) avec l’aide du chef traditionnel Yenjok Nlom Mvondo. C’est finalement ce quartier qui porte le nom Elat jusqu’à nos jours.
4.7.2 – Version De Philemon Okono40
Pour ce qui est de l’origine du nom de la ville d’Ebolowa, il ressort que le Chef supérieur Yetotan Nsom Ndile avait un chasseur nommé Zanga Mba qui était allé à la chasse et aurait tiré une flèche empoisonnée sur un chimpanzé qui n’est mort sur le champ ; mais qui se serait enfui sans que le chasseur ne le retrouve. Quelques jours plus tard, le chimpanzé a trouvé la mort et a commencé à se décomposer. L’on note que ce dernier serait mort au milieu de la Colline et les femmes qui allaient au champ, ayant senti l’odeur, se sont lancées à la recherche de ce qui sentait ; elles ont donc découvert un chimpanzé qui était déjà en état de décomposition avancée. D’où le nom Nkol Ebol Woo, puis Ebolowo’o qui deviendra plus tard Ebolowa.
4.7.3 – Version D’edjo Nlom
Il y a eu un problème de cohabitation, entre les Yetotan venus de Kum (Dja et Lobo) et les Yenjok d’Ebol Woo, qui a dégénéré en un conflit sérieux, problème lié à la dispute d’une femme. Le petit effectif de soldats d’Ebolowa n’a pas pu maîtriser la situation, il fallait donc d’urgence faire appel à Lolodorf pour le renfort. Dès leur arrivée, les soldats descendaient partout où il y avait attroupement et commençaient à tirer les coups de feu en l’air pour dissuader les indigènes. C’est ainsi qu’un d’entre eux est descendu à la place actuelle des bureaux de la Région, puisqu’il y avait aussi de la foule. Il a commencé à tirer en l’air jusqu’à ce qu’une lance transperce son cœur. Cet incident arrêta les affrontements et un plan d’urgence fut mis sur pied pour échapper à la cruauté de l’Administration allemande de Von Hagen (Mendom a Zanga) : il faut rapidement enterrer le corps, en cachette, avec ferme serment de ne jamais dévoiler le lieu de l’enterrement (l’actuel mont Ebolowo). Directement, les combats vont s’arrêter et chaque chef de groupe va calmer les siens pour que la paix y revienne rapidement. Comme Zanga Mba était à la fois catéchiste de la MPA et grand chasseur, il lui a été demandé de dire aux femmes de ne plus aller faire les travaux champêtres de ce côté parce qu’il y a un chimpanzé qui pourrit (Ebol woo). 41La peur ici était que : les femmes pourraient aller dévoiler ce secret aux allemands, ce qui entraînerait de dures représailles sur la population indigène.
4.7.4 – Version De Charles Assalé
Ebolowa, de son nom d’origine « Ebolowoo » qui signifie « chimpanzé pourri ». Zanga Mba42, habitant de Kama, avait tendu des pièges en vue d’attraper du gibier dans la forêt qui couvre la colline qui se trouve à l’actuel Ebolowa-si I, face à la Brigade territoriale de la Gendarmerie nationale d’Ebolowa. C’est un chimpanzé qui s’y est laissé prendre au piège43, et qui y a trouvé la mort. Notre chasseur, ayant négligé d’aller visiter ses pièges pendant plusieurs semaines, voire des mois, se doit de se rendre à l’évidence. Entre-temps, certaines femmes du village qui y pratiquaient déjà une agriculture de subsistance furent marquées par une odeur nauséabonde qui emplissait l’air aux abords de la colline. La nouvelle ayant fait le tour du village, le chasseur ne va découvrir que la carcasse, en état de décomposition avancé. Voulant expliquer aux soldats allemands en expédition dans la zone, il va désigner le chimpanzé en disant « Ebol wo’o ji » ce qui signifie « voici le chimpanzé pourri ». Ne l’entendant pas bien, les soldats répétèrent « Ebolowo ». Dès lors, sous la poussée des femmes qui allaient dans les champs aux alentours, Kama devint « Nkol Ebol wo’o », ce qui signifie en français « colline du pourri chimpanzé ». Eux à leur tour, vont communiquer cela de bouche-à-oreille et de génération en génération. Ce nom va d’un endroit de forêt pour désigner le chef-lieu de la région du Sud Cameroun.
4.7.5 – Une autre version
Les Essakoé, très réputés dans l’art de la guerre, avaient avec eux, une dame (Ntotone Minga), respectée et réputée pour sa maîtrise des Mebiañ (fétiches). Cette femme cependant avait une plaie inguérissable « Nkômekutu fôl », qu’elle couvrait avec une peau desséchée de bananier (évuvui ékon) ; également elle était une déséquilibrée mentale. Cependant, elle était très choyée des Essakoé qui profitaient de ses dons mystiques. Un jour donc que celle-ci partit du village en balade, elle se perdit sur l’actuel « Mont Ebol Woo ». Les siens partirent à sa recherche, en vain, et après des jours et des nuits de vaines recherches, abandonnèrent, attendant recevoir d’éventuelles nouvelles. « Ebolowo’o » est le nom donné par les « Yendjôk » au cadavre de cette féticheuse « Essakoe » pour éviter une guerre tribale avec leurs voisins « Essakoe », avec lesquels ils étaient régulièrement en conflit. Selon cette source, il n’a jamais été question d’un chimpanzé pourri, mais d’une Essakoe pourrie. En effet, lors de l’arrivée des Allemands dans cette localité, ils interrogent les chefs sur le nom de la localité. Ceux-ci leur déclarent que le nom c’est Kama. Les Allemands trouvèrent ce nom représentatif.44Il commence à désigner non seulement le mont, mais aussi ses environs.
Quelques jours après, les femmes Yendjôk de chez Mvondo Ntimban allant au champ sentirent une forte odeur de putréfaction dans un détour de forêt. La chose fut rapportée au chef qui mit ses hommes à la recherche de la chose en décomposition, probablement dans l’espoir de trouver le cadavre d’un éléphant ou d’un quelconque animal de la forêt. Après de longues recherches, les hommes tombèrent sur un corps en état de décomposition très avancée et c’est grâce à la peau de bananier desséchée, trouvée autour d’un membre, que les hommes de Mvondo Ntimban tirèrent la conclusion qu’il s’agissait de la redoutable femme que les Essakoé portaient tant dans leur cœur.
Mis au courant de l’affaire, le chef Mvondo Ntimban, par crainte d’une guerre contre les Essakoé, fit taire la nouvelle auprès de sa population. Car pensait-il, les Essakoé penseront à coup sûr que ce sont mes hommes qui ont tué leur femme et prendront cela pour prétexte pour nous faire la guerre. Il fit donc dire aux siens qu’il s’agissait d’un « pourri chimpanzé ».
Et chaque fois que les femmes et les hommes se rendaient sur la colline, pour les travaux champêtres ou pour la chasse ou toute autre activité, ils disaient qu’ils allaient sur la colline du chimpanzé pourri, ce qui se traduit en langue bulu « bia ke Nkôl Ebol-woo » (nous allons sur le mont du chimpanzé pourri).
À l’arrivée des Allemands, le village qui se trouvait au pied de la colline étant le plus prospère de la localité, Ebol-Wo’o alors que la localité portait toujours le nom Kama jusqu’au départ des Allemands le 19-01-1916. Il a fallu attendre l’occupation française pour que ce nom commence à désigner toute la ville et deviendra plus tard « Ebol-Woo » puis « Ebolowa ».
I - Les quartiers de la ville d’Ebolowa
Vue aérienne d’Ebolowa
En général, les noms des villes, villages et des quartiers de la région du Sud se donnent de la manière suivante : les moindres accidents topographiques : montagnes, cours d’eau, villages,héros, etc., permettent de donner les noms aux villages et quartiers ;
– Les noms de montagnes sont souvent précédés du mot « Nkol » exemple Nkol Ebol Woo (Mont du chimpanzé pourri) ;
– Les noms de rivières :(Ex. : Bengôô, Lobè, Lobo, Mvilla, Affamba)
– Souvent, le nom du village est précisé par les mots, « si » (en bas) « yop » (en haut).
Ex. : Ebolowa-Si : village situé au pied de la montagne d’Ebolowa. (Lobo-Si, Melen-Si…)
– Noms d’arbres : Abang, Ayos (Meyo au pluriel), Asseng, Adjap, Ando’o, Doum, Melen, Adoum, Messa, Oveng, etc.
– Noms divers : Metykpwalé : œufs de perdrix, Minlamizibi : cornes de l’antilope « Zibi ». Angolzok : Trompe de l’éléphant, Evindisi : terre noire, Nkoétyé : tronc de fer, etc.
– Noms d’animaux : Okpweñ, Abañ, Ngoazib.
La dotation des noms de quartiers d’Ebolowa s’est fondée principalement sur l’histoire et l’étymologie des termes. Parfois, il s’est agi de donner une signification aux phénomènes observés afin d’en faire une interprétation pouvant les justifier. Par ailleurs, certaines localités ont reçu les noms des événements mémorables aussi bien glorieux que déplorables qui, de ce fait, ont été immortalisés. Il en est de même pour les localités qui ont reçu les noms des illustres personnalités qui s’y sont distinguées par leurs actions ou comportements remarquables et mémorables. Les recherches sur la ville d’Ebolowa et surtout sur ses quartiers nous ont montré qu’il est possible de retracer, dans la mesure du possible, l’histoire de notre région en conciliant les connaissances locaux, certains documents et un recoupement indispensable pour ce genre d’entreprise scientifique :
« Ces toponymes reflètent soit une particularité géographique – mais la plupart du temps ce sont des arbres rares et utiles qu’ils repèrent, – soit un fait historique comme nous le verrons par la suite ; ces noms ont permis d’immortaliser certains souvenirs qui aident à retracer l’histoire récente des lignages, sans que les intérêts opposent des parties ou des strates en présence n’influent trop sur sa reconstitution » P. Laburthe Tolra (1981, 34).
En raison du nombre croissant des quartiers de la ville d’Ebolowa, une étude plus détaillée apparaît vaste et peut donner lieu à des répétitions de définitions. Un regroupement de quartiers ayant, à la base, un motif commun d’attribution du nom s’avère profitable. C’est ainsi que nous les avons listés sans grande catégorisation. Nous n’avons pas tenu compte de certains quartiers minuscules qui pourraient bien faire l’objet d’une étude approfondie de la seule ville d’Ebolowa. Étant donné qu’à l’intérieur de chaque quartier, chaque grand magasin, chaque rond-point, lieu de culte, établissements scolaires, marché donnent lieu à un « petit quartier ». Nous avons choisi de parler de certains sous-quartiers ayant joué un rôle indubitable. Nous avons aussi évoqué certains ronds-points que nous avons trouvés d’un intérêt indubitable. Nous ne pouvons pas oublier que plusieurs noms de villages et même de quartiers ont été mal écrits et/ou mal prononcés par les Administrateurs coloniaux et sont demeurés avec une appellation imposée par ces derniers, qui n’a aucune signification dans les langues des autochtones.
Une vue de la ville d’Ebolowa
source : Internet
1- Nko’ovos
Dans la ville d’Ebolowa, ce quartier est constitué comme fief des Yenjok. En effet, ce peuple va entrer au Sud, après la traversée de la Sanaga par Djoum, après avoir côtoyé le Congo. Après Amvan, les Yenjok vont passer par Bimengué, Mvangan. Certaines familles vont commencer à s’installer sur l’axe Enguep-Anyou.45Après une escale à Nkoétyé, les Yenjok vont s’établir à Odiñ (Bilik ou Bengôô yat ». La mort du patriarche Ntimban Ndo46, leader du groupe, conduit finalement les siens à Kama et Nko’ovos. C’est par ce centre qu’ils vont essaimer les coins et recoins de Kama qui deviendra plus tard Ebolewo’o. Ce quartier tient son nom d’un grand arbre dont le tronc a longtemps servi de repère soit pour les natifs ou alors pour tous ceux qui allaient à Kribi pour la recherche du sel, des produits manufacturés et à la vente des leurs fruits de la chasse et de la cueillette.
Le besoin de mettre la terre en valeur était grand, les Yenjok, dans cette mission, faisaient face à un obstacle majeur, celui du manque criard d’outils sophistiqués, ils disposaient de quelques instruments rudimentaires. La seule façon de faire tomber les grands arbres était donc le brûlis. Le Chef Mvondo Ntimban ordonna donc de dégager cette partie, car c’est à cet endroit qu’il voulait faire le fief des Yendjok. Notons tout de même que cet’ « Ôvôs » était situé sur la parcelle de Zilly Avezo’o et Zilly Bengon.
Après le défrichage, ils mirent le feu sur tous les grands arbres que le vent devait faire tomber enfin de compte. L’Ôvôs finit donc par tomber après plusieurs jours de brûlis et devient à la fois foyer, fief des Yendjok et point de repère pour les voisins et les passants.
L’étymologie vient de deux mots :
– Nkok : qui signifie le tronc d’arbre
– Ovos : qui est une variété de la forêt dense équatoriale sempervirente.
Ce village et fief principal des yenjok sera à l’origine de la fondation : Ebolowa si, Abang, Bilon. Le chef supérieur Mvondo Ntimban va y recaser le flux de la population Yenjok. Les Essawo chassés de Kama se verront repoussé jusqu’à Eves. La grande partie de ses Essawo essaime l’Arrondissement d’Efoulan. Les yenjok ont considéré la localité, qui deviendra rapidement un centre commercial, comme leur bien personnel qu’il faut protéger contre toute invasion extérieure.
Le centre-ville d’Ebolowa dans se tenue de fête des seigneurs de la terre.
2- Ebolowa-Si
En contrebas d’Ebolowa, qui traduisait la localisation par rapport à la résidence de l’Administrateur allemand (l’actuelle résidence de la Présidence). Si ce quartier est divisé en deux, nous devons revenir sur son unité originelle autour des institutions coloniales et bien cerner les causes de sa balkanisation. Son appellation originaire était » Okañ Mesoñ » qui se traduit par « bosquet des tombes », autrement dit, cimetière. Et le lieu de « Doum é bete akok » (le baobab posé sur le rocher était nommé par Mbama47.
Après la mort de Zili Ntimban, son frère Mvondo Ntimban48 va prendre les commandes du peuple Yenjok, cependant son défunt frère, polygame, aura parmi ses multiples épouses une fille Yétotan de Kum (Sangmélima). Cette épouse viendra donc avec ses frères. Étant donné qu’Ebolewo’o était un passage obligé pour tous ceux qui doivent aller à la mer pour les transactions de toute nature ou encore pour rencontrer l’administration coloniale.
Une autre version nous relate plutôt que, une fille Yénjok du nom de Nna Zo’o se maria à un Yetotan de Kum et de cette union sont nés : Nloze et Nsom Ndile. Ils sont venus s’installer chez leurs oncles maternels et se sont mis ensemble pour vaincre les ennemis. Leur premier site s’appelait « Mimbadoñ » 49pour les uns et « Nkomakoman »50 pour d’autres. Même si les appellations diffèrent, toutes les sources s’accordent quant à la localisation de ce paradis perdu qui se situe logiquement à actuelle prison centrale d’Ebolowa. Une fois la colline récupérée par l’Administration coloniale, les deux tribus vont être disposées de la manière suivante :
– Les Yendjok du côté de Dum é bete akok ;
– Les Yetotan de Kum en face de leurs oncles.
Même si l’idéal qui était de se mettre en commun avec leurs oncles pour pallier toute agression va poser un problème de cohabitation. Chacun est de son côté, les deux tribus étaient séparées par une piste qui menait vers l’administration coloniale. Étant donné que Ezo’o Mvondo était chef supérieur des Yenjok et Nsom Ndile, chef supérieur des Yétotan, un problème de Leadership devrait se poser tôt ou tard. Un différend proviendra des enfants, sera d’abord récupéré par les femmes, ensuite par leurs maris et enfin par les deux Chefs Supérieurs. Une conflagration va donc se dérouler en suivant les canons antiques d’un duel pour Chefs. Les deux dignitaires se lancent réciproquement un combat qui consistait à se frapper, à tour de rôle, le côté plat de la machette sur le dos. Après s’être abondamment chamaillés, ils ont fixé le jour du combat. Très tôt le jour J, Ezo’o Mvondo51 a rassemblé femmes, enfants et assimilés pour venir vivre en direct ce combat. Aussitôt, armé de sa machette, il héla Nsom Ndile son adversaire du jour et le décor fut rapidement planté. Ce spectacle, qui a eu lieu en 1898, selon notre informateur, va se dérouler devant les membres des deux communautés et une foule composée de ceux qui se rendaient à Kribi ou encore, qui avaient besoin des services de l’administration.
Le premier coup de machette fut donné par Nsom Ndilé sur le dos de son homologue, puis le relais fut pris. Ils vont passer toute une journée à se livrer à cet exercice. Le soir venu, chacun rejoignit le chez-soi. Et le lendemain, le même scénario recommença. Seulement, dès le premier coup que Nsom Ndile a donné à Ezo’o Adjomo, sa machette s’est cassée. Dans le règlement de ce combat, celui qui a une machette cassée doit désormais subir l’épreuve, il recevra les coups jusqu’à ce que la machette de l’autre aussi se casse, ou encore que l’infortuné trépasse. C’est dans ce climat trouble qu’un spectateur va prendre la résolution d’aller voir le gouverneur Von Hagen pour lui dire que deux Chefs sont en train de se battre. Le colon va faire sur le champ une descente pour mettre fin à cette mascarade puis, il va inviter son chef Yendjok dans son bureau. Il demandera à ce dernier d’être indulgent envers les étrangers et de laisser ce site aux Yétotan de Kum52 avec leur chef Nsom Ndilé. Ezo’o Adjomo va accepter tout en exprimant son incapacité à trouver un site pouvant abriter toute sa bande. Le Gouverneur va lui rappeler qu’un Chef supérieur ne doit pas avoir une seule femme, il doit donc aller chez le Chef Nlom Nsom Ayolo Kolo d’Adoum Essakôé pour y prendre femme et demander un lopin de terre pour lui et les siens. Ce qui flatta Ezo’o et directement il se mit en route pour mettre ce plan à exécution.
Arbre mythique et mystique
symbole extérieur du Pacte Boulou de 1879
Une fois chez le chef Nlom Nsom Ayolo Kolo, il va demander de sa fille Angue Nlom en mariage et du terrain pour lui-même et son peuple. Ce dernier sera favorable et mettra à sa disposition son meilleur chasseur Akam Mone Kon pour lui montrer toutes les limites du terrain qu’il donne à son gendre. En 1901, il va installer dans ce nouveau site qui est délimité aux bienfaiteurs Essakoé par Mfoumou, rivière mythique de la tribu et Okañ betit( zoo) qui apparetenait à l’allemand Opa. Deux expatriés : le grec Filatrio et le français Déveau se sont établis entre les deux tribus pour matérialiser leur limite.
Devant le refus de certains de ses familiers à rejoindre les lots qui leur ont été attribués, Ezo’o ira voir le Von Hagen qui mettra les soldats à sa disposition. Même si l’exécution s’ensuivra, certaines brebis galeuses vont rester sur le site qui est à côté de « Doum e Bete Akok ». C’est ainsi que, de Doum é Bete Akok à l’administration : c’est Ebolowa Si I ; et de l’école maternelle jouxtant en descendant vers la gare routière, c’est Ebolowa Si II.
3- Ekombité