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Année 2059.
Charlie est une lycéenne accro aux réseaux sociaux vivant avec sa mère et sa grand-mère. Partagée entre problèmes familiaux, amitiés conflictuelles et amours naissantes, son quotidien devient plus excitant lorsque le beau mais étrange Célian arrive dans son lycée.
C’est à la même époque qu’apparaît Naélia Pamessu, célèbre sociologue et autrice de best-seller sur les nouvelles technologies. La citadine dissimule dans ses bagages un ambitieux projet. Le nom de Naélia sera bientôt sur toutes les lèvres…
Charlie et ses amis devront prendre leurs responsabilités et choisir quels adultes ils deviendront !
À PROPOS DE L'AUTEURE
Tiphaine est née en 1996 à Nevers. Après l’obtention de son bac Littéraire, elle commence des études de Lettres Modernes et l’écriture de son premier roman. Elle finit ses études universitaires et devient professeure des écoles en 2019, année où elle met le point final à
Hugo.
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Seitenzahl: 448
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Tiphaine Clème
Hugo
Roman
© Lys Bleu Éditions – Tiphaine Clème
ISBN : 979-10-377-1083-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Naélia
Au début de cette histoire, nous pouvons admirer une des plus belles heures d’une journée : l’aube. C’est en effet le petit matin qui pointe le bout de son nez. Nous pouvons trouver quelques traces de rosée par-ci par-là : sur une feuille d’arbre, sur un banc dans la rue, sur ce vélo attaché au réverbère, sur la rampe de cet escalier. Voilà justement une femme qui s’apprête à descendre ledit escalier. Elle ferme la porte de chez elle, pose la main sur la plaque en aluminium là où devrait se trouver une serrure et essaie de la verrouiller. Une force lui résiste. Elle change de main. Après s’être sentie un peu conne, elle descend enfin cet escalier. D’un mouvement léger et gracile, elle laisse sa main glisser le long de la rampe. Elle le regrette bien vite : elle a la main trempée. Ses talons martèlent les pavés, le bas de son imper beige resté ouvert claque l’air au rythme de ses pas et ses cheveux suivent la danse, aidés par le vent qui souffle. Cette femme qui, de l’extérieur, a l’air sortie d’un film à l’eau de rose, je la connais bien. Du moins, j’ai cru bien la connaître, fut un temps. À présent, je ne suis plus sûre de qui elle est. Je sais qu’elle a toujours du mal avec le système de verrouillage, qu’elle tient à son vieil imper beige, qu’elle adore la musique que font ses hauts talons quand elle marche. Je m’arrête au niveau d’une voiture, regarde le reflet du visage de cette femme dans une vitre. Je connais ces yeux, cette bouche et ces cheveux bien sûr, je les ai vus tant de fois… et rationnellement, je sais que c’est moi cette femme qui me regarde. Pourtant, je ne le ressens pas comme ça. Tous les matins, je sors de chez moi, à l’aube. Même les jours où je n’ai rien à faire. Même les jours où je devrais rester chez moi, sous la couette. Même les matins où je n’ai nulle part où aller : j’y vais quand même, dès l’aube. Cela fait plusieurs années à vrai dire que je me lève à l’aube mais avant, je ne pouvais l’observer que depuis ma fenêtre. Il y a un an, quasiment jour pour jour, j’ai décidé que je verrais l’aube de plus près, que je serai dans l’aube, que je ferai partie de lui. J’aime penser que cette étudiante qui habite en face de chez moi, et qui tous les matins ouvre ses volets quand je descends les marches du perron, associe mon visage à l’aube. J’aime penser que si cet homme sur ce banc en train de boire était un artiste, il peindrait l’aube sous mes traits. Je tente d’esquisser un sourire à mon reflet. Il est fade. Tant pis.
Je reprends mon chemin, je sais où j’espère qu’il me mènera, mais je n’en suis pas sûre. Mon téléphone vibre dans la poche de ma veste. Je le sors, regarde qui m’envoie un SOMS (Short Oral Message System) de si bonne heure : c’est ma meilleure amie. Je l’ouvre, sa voix sort de l’appareil : elle me souhaite bonne chance pour aujourd’hui. Je souris et, à l’instant où j’allais remettre l’appareil en place, je reçois un nouveau SOMS : « café double, serré ou cappuccino ? » me demande mon assistant technique. J’appuie sur la touche et j’articule à voix haute « comme d’habitude pour ce genre d’événement, Thélio ! ». J’arrive devant la station de vélos municipaux, je passe mon badge sur le guidon d’un d’eux, il se décroche. J’entreprends de pédaler jusqu’à ma destination finale, et je pédale en effet un moment, les cheveux dans le vent, profitant de l’air frais, de l’odeur si particulière d’un matin d’été. L’été est d’ailleurs bientôt fini et cela me réjouit. J’ai toujours eu un faible pour l’automne. Mon prof de littérature aurait sans doute dit que je tenais ça de Victor Hugo, de la fibre romantique. Arrivée devant la rue du 13 Novembre, je m’immobilise. Mes jambes s’immobilisent en même temps que mes pensées littéraires. J’hésite. J’ai pris un petit peu de retard en m’admirant dans cette bagnole et le détour que je fais habituellement s’est encore allongé à cause d’un accident qui est survenu hier après-midi. J’essaie de me persuader. C’est ridicule, je ne vais pas éviter cette rue toute ma vie. Mais je suis nulle en persuasion. Je reprends mes mouvements de pédalo pour me diriger vers mon petit chemin habituel. J’arrive, en retard bien sûr, dans le bureau que mon agent m’a réservé dans ses locaux. Je regarde la bannette sur mon bureau qui contient les papiers du jour à lire, parfois à signer et envoyer. J’y vois une note de mon agent : ce sont les dernières « consignes » pour cet après-midi :
Attention :
— Lidvain a tendance à utiliser la vie privée pour critiquer les projets professionnels
— elle change de visage une fois qu’elle se retrouve seule, ne te fie pas à son accueil chaleureux
— demande une coiffure simple (pas trop sophistiquée)
— ne remets pas le rouge à lèvres du mois de juin
— regarde dans l’armoire
Je tourne la tête vers l’armoire en question et vais l’ouvrir. Il y a un carton sur la dernière étagère, en bas. En l’ouvrant, je découvre un post-it, posé sur une tenue soigneusement pliée. « J’ai pensé à toi ♥ ». Je souris et déplie le vêtement. C’est beau. Cette personne n’a de toute façon jamais manqué de goût.
— Naélia, t’es prête ? me crie Thélio en couvrant son micro de la main gauche.
Je brandis le pouce vers lui, lui offrant ainsi la réponse positive qu’il attend. Mais je ne suis pas vraiment prête. Je stresse, comme toujours. Je jette un dernier œil dans le miroir, serre les lèvres une dernière fois pour répartir harmonieusement mon rouge à lèvres et remets une mèche de cheveux en place. Finalement, je les aime bien comme ça, aux épaules. J’ai eu du mal à m’y faire mais maintenant, ça me plaît. Je me lève et me dirige d’une démarche peu assurée jusqu’au bord du plateau. Je sors discrètement mon téléphone portable de la poche de mon pantalon et vérifie qu’il est bien sûr le mode « silencieux ». Il l’est. J’allais le ranger tout aussi tôt quand le sourire sur la photo de mon fond d’écran me retient. Ce petit sourire blanc, ces grands yeux pétillants. J’ai soudain une sorte de malaise, mes talons aiguilles ne me portent plus vraiment. Thélio me soutient et pose une main rassurante sur mon épaule.
— Trente secondes.
Ce n’était pas une question, il m’annonce le compte à rebours avant mon entrée. Et pourtant ses yeux semblent attendre de moi une réponse. Comme s’il pouvait tout annuler maintenant, à la dernière minute ! Alors je hoche la tête, un peu pour le rassurer, un peu pour me re-booster.
— Vingt secondes.
J’inspire profondément. À plusieurs reprises.
— Dix secondes. Neuf, huit, sept, six…
Puis il se tait et se contente de présenter sa main grande ouverte devant moi, repliant un doigt à chaque seconde qui s’écoule. Quand il n’y en eut plus qu’un, je m’élance. Après quelques saluts aux personnes présentes sur les sièges face au plateau et un large sourire à la caméra, me voilà assise sur le fauteuil bordeaux réservé aux invités. Mademoiselle Lidvain est juste là, dans une de ses robes moulante et extrêmement courte et me regarde avec son sourire légendaire, prête à me poser tout un tas de questions, professionnelles ou non. L’émission de mademoiselle Lidvain est réputée pour sortir les intellectuels de leur sentier battu et les entraîner à dévoiler quelques croustillants détails de leur vie personnelle – ce que mon agent m’a bien rappelé ce matin. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai longtemps hésité à m’y présenter, anxieuse qu’elle se joue de ma situation, qu’elle exploite ma vie et mon passé. Mais compte tenu de ce qu’il se passe en ce moment et pour le bien de mon projet, il fallait que l’on me voie dans cette émission branchée, que les jeunes du pays affectionnent particulièrement.
— Mademoiselle Pamessu bonjour et bienvenue sur ce plateau !
— Bonjour, merci à vous de m’y avoir invitée.
— Et bien comment faire autrement ? Alors que l’on vous voit partout ! Des radios aux émissions télévisées en passant par nos librairies. Quel est le secret de ce soudain et incompréhensible succès ?
Elle plante son regard dans le mien, cherche à me déstabiliser sans doute. Cette femme sait comment s’y prendre pour faire perdre pied à ses invités. Elle les emmène là où elle le veut, les pousse à la faute et une fois seule devant la caméra après leur départ, leur casse du sucre sur le dos. Cette question peut être là pour faire de moi une personne égocentrique et imbue d’elle-même. Elle peut aussi être l’instrument qui dévoilera quelques indices sur ma vie personnelle. Il faut donc que je fasse attention. Ma réputation est en ce moment primordiale si je veux mener mon projet à bien. Je dois paraître sérieuse, concentrée. Il faut que tout le monde sache que j’ai les épaules assez larges. Je regarde mon adversaire, elle est là, à se trémousser avec un sourire niais. Je ne suis pas là pour la rigolade. Il faut que j’évite l’humour que beaucoup attendent, que cette femme attend. L’objectif est de faire de moi une personnalité sérieuse et déterminée, capable de répondre à toutes les questions, sûre de ses choix. Une réponse professionnelle est donc de mise :
— Oh vous savez, il suffit de parler du quotidien de Monsieur et Madame X. Les grands concepts abstraits que ma discipline a adorés jusque-là c’est bien, mais ces gens n’en ont pas l’utilité dans la vie de tous les jours. Mon credo est d’analyser ce qui constitue une journée type, que nous vivons tous. Mes lecteurs se retrouvent dans les histoires que je raconte car ce sont celles de leurs voisins, de leur famille, de leurs collègues. Ce sont les leurs. Je ne fais que coucher sur le papier ce qu’il se passe dans leur vie, verbaliser les enjeux de leurs faits et gestes, mettre des mots sur les rêves et objectifs.
— Une vraie journaliste en somme !
Je ris un peu. Ce genre de rire poli et guindé que, nous les femmes, avons tant de fois répété devant un miroir afin d’être sûre que jamais notre véritable rire – celui qui imite à s’y méprendre le bruit du cochon – ne puisse s’échapper par mégarde. Elle m’imite, bien que visiblement déçue que je m’en sois sortie aussi bien. Puis elle propose de laisser la parole à quelques personnes du public, lesquelles me posent plusieurs questions, toutes plus précises et bizarres les unes que les autres. J’ai ainsi le droit à « Mais comment vous vous y prenez pour les gens acceptent de vous confier leurs secrets ? » ; « Est-ce que la sociologie et l’anthropologie font partie intégrante de votre travail ou vous préférez à ces notions des approches plus populistes ? » ou encore « Êtes-vous entourée par des managers, conseillers en image et autres professionnels ? ». Une dame, parmi les autres m’a demandé de présenter mon dernier livre : Nouvelle techno-génération.
— Il s’agit d’une sorte de compilation d’articles. Je me suis immiscée au centre de plusieurs vies pendant quelques semaines ou mois, afin de comprendre les nouvelles valeurs, les nouveaux rêves des adolescents ou jeunes adultes. Ainsi j’ai rencontré une jeune fille de treize ans, une autre de dix-sept, ainsi qu’un couple dans la vingtaine et un homme avec son fils qui entre en classe de C2-1. Dans tous les cas, j’ai remarqué que la nouvelle technologie, qu’il s’agisse de smartphone, de tablette ou d’ordinateur, était omniprésente. Vous me direz, il ne faut pas être Sherlock Homes pour constater ceci. Certes. Mais quel enjeu sur nos vies ? Ces nouvelles habitudes, cette façon dont les jeunes ont été élevés, engendrent quelles conséquences ? Dans mon livre j’essaie d’imaginer ce qu’aurait été la vie de ces personnes, sans tous ces « accessoires » – pardonnez-moi le terme, mais pour moi il ne s’agit que d’accessoires – malheureusement pour beaucoup d’entre nous, ces accessoires sont devenus indispensables et même, régissent nos vies.
— Mais vous proposez quoi ? demande ensuite cette dame aux cheveux grisonnants. On est tous habitués à cela maintenant. Comment demander à nos enfants de se priver de ces gadgets quand tous leurs copains s’en servent à outrance ? Vous devez bien comprendre, mademoiselle Pamessu que, nous parents, nous ne contrôlons plus rien.
— Bien sûr, je le sais. Dans notre société actuelle, il est impossible pour la famille de faire sans. Les employeurs s’attendent à ce que l’on dispose d’internet et de réseaux sociaux, les professeurs de l’éducation privée et nationale se figurent que chaque enfant possède un ordinateur portable ou une tablette… Le monde d’aujourd’hui ne peut se passer de tout ceci et c’est bien là mon problème. Dans les années 2010, il y a eu une vague de suicide de collégiens, désirant au-delà du raisonnable fuir le harcèlement scolaire qui débordait sur la toile, sur les mobiles, jusque dans leur lit. Quelles mesures ont été prises ? Et en combien de temps ? Combien d’enfants ont choisi de suspendre leur vie, le cou dans une corde ? Les nouvelles technologies exacerbent tout, amplifient tout. Il est facile aujourd’hui, au vu de certaines études, de calculer le pourcentage de divorces liés aux réseaux sociaux par exemple, d’adultères facilités par les sites de rencontres, de dépressions face aux réseaux sociaux, ou même de morts à cause d’utilisation outrancière de nouvelles technologies. Ne parlons même pas de l’image de la femme, dégradée ou stéréotypée par les écrans, et celui de l’homme qui doit être, lui aussi ce que l’on nous montre.
— Et vous proposez quoi ? Qu’on retourne à l’âge de pierre ? me demande alors un homme, depuis quelques minutes impatient de répondre à mon discours.
Mademoiselle Lidvain me scrute : elle attend la réponse, je le sais. Mais je ne dois pas répondre tout de suite, cela risquerait de compromettre mes plans.
Des membres de l’équipe de mademoiselle Lidvain me décoiffent avant de me tendre mon manteau et mon sac à main. Je me lève et jette un coup d’œil au plateau, où la présentatrice se trémousse encore dans son fauteuil, cette fois en compagnie du dernier acteur récompensé par un césar. Je reste là quelques secondes, à regarder cette femme, multi-divorcée et multimillionnaire, face à sa nouvelle proie. Quelles parties de son corps sont encore naturelles ? Pas sa bouche, ni sa poitrine c’est évident, je sais que ses fesses aussi ont été refaites ainsi que ses oreilles. Même son nez y est passé, le premier d’ailleurs, alors qu’elle n’avait que quinze ans. En y repensant, il y a quelques décennies encore, c’était impensable d’opérer une adolescente pour une question d’esthétique. Les progrès de la science, mêlés à cette image de l’idéal féminin qui n’avait cessé de se préciser, n’avaient fait que précipiter plusieurs aberrations. Aujourd’hui, la femme parfaite ne pouvait pas exister au naturel. Certains imaginaient sûrement notre époque avec des voitures volantes, mais qui a pensé aux femmes en plastique ? Toutes ces pensées me rendent triste et le journal de mon arrière-arrière-arrière-grand-mère me revient en mémoire. C’est dans ce carnet qu’elle racontait son enfance en pleine période de croissance, ce que les bouquins d’Histoire ont appelé les Trente Glorieuses. Je remonte mon sac sur mes épaules, replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et me dirige vers la sortie.
— Tu rentres chez toi Naélia ? me demande Thélio quand je le croise.
— Oui. Récupère les affaires que Margeory avait prêtées aux coiffeuses de Lidvain, et aide à démonter les éclairages avec Bruss. Ensuite, rentre chez toi et embrasse tes deux princesses pour moi.
— Entendu ! D’ailleurs, Lidia a proposé de dîner un de ces quatre !
Je souris en agitant la main et en continuant mon chemin. Sa femme est adorable, belle et souriante, toujours de bonne humeur. Mais aller chez eux est pour moi une torture : leur fille a deux ans, l’âge de mon fils. Ils sont nés à trois heures d’intervalle, un magnifique jour de juillet. On a souvent plaisanté tous les quatre, entre parents, de leur ressemblance et on a imaginé à quel point ils seraient proches en grandissant.
Mes pensées naviguent, des enfants à Lidia, de Lidia au couple qu’elle forme avec Thélio puis au couple que je formais moi aussi fût un temps… Je pense et réfléchis, d’abord dans le taxi qui me ramène chez moi, puis après avoir eu cette envie irrépressible de reposer le pied à terre et de descendre de ce véhicule. Je marche, mille questions tourbillonnent dans ma tête et j’ai cette boule au ventre. Cette angoisse que j’ai régulièrement depuis un an, cette peur irrationnelle de rentrer chez moi, de retrouver la maison. Vide. On m’a souvent conseillé d’adopter un chien ou un chat. Mais je m’y refuse toujours, je ne sais pas pourquoi. Je n’ai peut-être pas envie de revoir cette maison comme un foyer type de la classe moyenne française : un labrador et des barrières blanches, hein ? Je peine déjà à rentrer… Finalement, tant que je suis dehors je peux m’imaginer qu’ils sont au chaud, tous les deux. Comme si c’était eux ou moi : comme si tant que j’étais seule ils pouvaient être ensemble ; comme si tant que j’étais malheureuse, ils étaient heureux ; comme si tant que je me refusais à revivre… Alors je marche, dans ce parc sombre, emprunte plusieurs détours, et réfléchis à ma vie, à mes projets. Et ce soir-là, alors que je pense à la question ironique de ce monsieur, sur le plateau de Lidvain, je souris. Mon nouveau projet est presque ça : revenir à l’âge de pierre.
Le lendemain matin, en ouvrant les yeux, je regarde instinctivement mon portable : 6 h 45. Je m’assois au bord du lit et m’étire en bâillant. Je me lève et marche jusqu’à la salle de bain, dans le premier tiroir, je trouve une pince à cheveux, par réflexe je fais mine de m’attacher les cheveux. Ils sont trop courts, je ne peux plus. Je me contente alors de dégager mon visage et fais couler l’eau. L’eau chaude met toujours trois plombes à arriver. Après ma douche, je vais à la cuisine, ouvre le frigo et mange une compote dans laquelle je trempe des céréales aux copeaux de chocolat noir. C’est au moment où je mets le dentifrice sur ma brosse à dents que j’entends la sonnerie de mon téléphone. Je trottine et le trouve sur ma table de chevet, je m’affale en travers du lit et décroche :
— Naélia Pamessu, bonjour. … Ah c’est toi Reena. … Oui. … OK. … Bah je ne sais pas moi, dis-je en jetant un œil à ma montre, neuf heures ? … D’acc, on fait comme ça. … Ouaip », à toute à l’heure !
Je raccroche et laisse le portable sur place pour continuer à me préparer. Après coiffage et maquillage, je le récupère ainsi que ma petite brosse, mon rouge à lèvres et mes clés avant de sortir. Arrivée au bureau, je croise Thélio – lequel me tend un café allongé avec un clin d’œil – et m’assois dans le canapé au motif zébré de mon agent. Cette dernière se pointe au bout de dix minutes, l’oreille affublée de son kit mains libres, les talons aiguilles toujours en mouvement. J’ouvre la bouche, prête à la saluer mais elle passe derrière son bureau et me présente son index, signe qu’il faut que j’attende. Elle donne quelques instructions d’une voix ferme en fronçant les sourcils :
— Je ne veux pas le savoir. Ça, c’est TON job mon p’tit gars. J’ai demandé quelque chose et je l’attends. … Comment ? … Mais que ta grand-mère soit six pieds sous terre ou qu’il manque une patte à ton clébard je m’en carre les orteils. Fais ton boulot ou je te fais virer.
Elle raccroche en soupirant et arrache son oreillette pour la jeter sur son bureau. Après une ou deux secondes, elle lève les yeux, l’air de se souvenir de ma présence. Ses lèvres s’étirent, laissant apparaître un sourire éclatant. La voir sourire me fait toujours un drôle d’effet après l’avoir entendue parler ainsi.
— Ma chérie !!! Comment vas-tu, ma belle ? J’ai vu ton passage chez Lidvain hier soir hein ! Bien joué ! me dit-elle.
— Merci, Reena !
— Au fait, rien à voir mais… J’ai vu Thélio t’apporter le café ce matin, continue-t-elle avec un sourire en coin et des yeux malicieux.
— Oui, comme tous les matins.
— Ah ha ! Tu ne veux pas le tenter quand même ?
— Reena ! Je le connais depuis toujours ! Et puis il est marié !
Elle lève les yeux au ciel et agite la main. En langage Reena, cela équivaut à peu près à « ça on s’en fout ».
— Bref. Je ne suis pas là pour que tu me cases. Viens-en au fait : pourquoi tu m’as convoquée ?
Elle s’assoit sur le canapé à côté de moi, les jambes croisées, le dos bien droit. Ses cheveux tirés et son chignon serré lui donnent un air extrêmement sévère, froid et mystérieux. Il me revient soudain à l’esprit une tout autre Reena, plus jeune, revêtant d’autres habits… Aujourd’hui, sa jupe crayon lui tombe sur les genoux, elle a l’air d’une femme rangée et sage, stoïque devant l’éternel.
— Bon. Le maire de Choulles-sur-Lac m’a appelée.
Je tiens mes mains jointes sur mes genoux, dans une prière silencieuse. Choulles-sur-Lac, le village de mon enfance. Je flânais dans les petites rues aux vieilles bâtisses en sortant de l’école, nous jouions avec les vieilles poupées de nos grands-mères, mes copines de classe et moi, un petit peu pour se moquer, un petit peu parce qu’on était jalouses… Vers la puberté, avec Reena, nous squattions l’aire de jeux abandonnée, nous nous assoyions sur les balançoires grinçantes et imaginions notre avenir. Je déplorais souvent l’extrême présence des technologies, smartphones, tablettes et autres innovations. Je demandais sans cesse aux personnes âgées que je rencontrais de me raconter leur enfance, avant les années 2000. Et voilà qu’aujourd’hui, nous pouvions enfin faire bouger les choses. Mon projet allait enfin naître, dans ce village qui m’a vu grandir.
— Il te donne rendez-vous la semaine prochaine à seize heures, à la mairie pour parler de la démarche à adopter.
J’ouvre la bouche, dans un cri muet, les yeux écarquillés et humides, la gorge serrée. Le maire accepte…
— J’y suis… je chuchote dans un souffle quelques secondes plus tard.
Reena retire ses lunettes, me pose la main sur l’épaule. Je suis scotchée. J’ai encore du mal à réaliser. Tout ce pour quoi je travaille depuis des mois, ma raison de vivre depuis un an… Tout cela prend forme. Je relève la tête, quelques larmes s’échappent, coulent le long de ma joue et se jettent dans le vide depuis mon menton. Reena me prend dans ses bras et me caresse doucement les cheveux.
— Ils me manquent…
J’ai envie d’éclater en sanglots. Si j’en dis plus, c’est sûr, je craque.
— Je sais chérie, me répond-elle doucement.
La semaine qui vient s’annonce longue et stressante jusqu’à ce rendez-vous. J’aurais le droit à quelques soirées déprimantes sur mon canapé, devant de vieux films avec une crème glacée. Mais j’aperçois aussi de l’espoir. L’espoir pour les générations futures d’un avenir meilleur.
Charlie
Mes doigts tapent sur le clavier. Les mots s’inscrivent sur l’écran avec rapidité. Enfin, je pense. En réalité, je ne regarde pas, je regarde ma tablette où Laurilou m’a envoyé un mail. Ce sont les photos de ses vacances. Je jette un œil, au début ils sont tous les trois : Laurilou, son frère Jamin et Isabelle, leur mère. Puis un homme s’ajoute au petit groupe. J’entends le vibreur de mon téléphone, je jette un œil. Je réagis doucement, tends la main et appuie sur le bouton « Hand Over ». L’oreillette que je porte déjà se déclenche.
— Yep Lau ? … Oui, oui, j’ai vu. C’est lui ? … T’es sérieuse ? Mais ce n’était pas prévu qu’il vienne si ?
J’attends une voix qui m’appelle depuis le rez-de-chaussée :
— Charliiie ! Viens !
Je soupire. Et Laurilou me demande pourquoi je m’agace.
— Ma mère me saoule. Bon, elle m’appelle, elle doit vouloir me parler de comment « bien commencer l’année » pour l’Examen de Filière et bla-bla-bla. … Ouaip, j’te rappelle après. Zoub.
J’éteins l’oreillette et descends à la cuisine. Ma mère est devant son tableau tactile, derrière le plan de travail de la cuisine. Une recette y est affichée, mais je sais que ma mère lit les commentaires, comme toujours.
— C’est trop dur ça… chuchote-t-elle.
Elle fait toujours ça : elle trouve une recette, lit tous les commentaires jusqu’à en trouver UN qui évoque quelque difficulté et y renonce. Elle passe une heure à lire des recettes pour cinq minutes de « cuisine ».
— Quoi ? je demande.
Elle tourne la tête, me regarde de bas en haut, sans doute pour évaluer ma tenue et s’attarde sur l’oreillette.
— T’es au téléphone avec qui ? demande-t-elle.
— J’étais avec Laurilou, mais c’est bon j’ai raccroché.
Elle appuie sur le bouton Off de son tableau qui se retransforme en mur ordinaire, indétectable.
— Tu devrais l’enlever quand tu n’es pas au téléphone…
— Bon, tu m’as fait descendre pour me faire la leçon ? dis-je alors que je m’impatiente.
Elle soupire et se décolle de son tableau. Elle fait quelques pas vers moi et prend dans sa main ma mèche bleu électrique.
— Maman ?
Je semble la sortir de ses pensées. Je sais ce qu’elle ne dit pas : tout va trop vite. La technologie, les nouvelles modes, les changements de la société et des mentalités. Tout. Mais elle ne développe pas, elle se tait et se contente de revenir à nos petites préoccupations quotidiennes.
— On a reçu un mail, on a une réunion au lycée à la fin de la semaine.
— Réunion ? Carrément ? Ça doit être important, dis-je.
— Oui, ils ont dit qu’une vidéoconférence ne suffirait pas pour cette affaire.
— Ils ont peut-être planté leur système informatique.
Je fais mine de remonter dans ma chambre…
— Il te manque une info non ? crie ma mère.
Je m’arrête et fais volte-face. Je pose ma question silencieuse d’un coup de menton.
— Vendredi, dix-sept heures, me dit-elle.
Je hoche la tête et remonte dans ma chambre. Je me connecte sur Lakss : « Jamin informe de ses nouveaux objectifs ». Je clique sur le lien. « SD les mecs ils organisent une réunion ! Leurs ordis sont morts ou quoi ? ». Je clique sur « Approuver ». Dans la soirée, les objectifs, humeurs et développements se sont multipliés à propos de cette foutue réunion, preuve que ça tourneboulait tout le monde. Vers vingt-deux heures, après la douche et alors que j’étais déjà sous la couette, je reçois un SOMS (Short Oral Message System), et j’entends la voix de Laurilou déclarer : « J’ai peur pour demain… ». Je passe mon portable en mode silencieux, de peur que mes parents entendent, et écris ma réponse.
Moi : « Ouais… J’espère qu’on sera ensemble avec Jamin… J’ai hâte de vous revoir, je me suis un peu fait chier pendant que vous étiez en Espagne. »
Laurilou : « Ah ha, t’inquiète pas. La rentrée, c’est la reprise de toutes nos petites habitudes. Je te raconterai pour la fin des vacances… »
Moi : « J’espère bien. Allez, bonne nuit. Zoub ! »
Elle me souhaite bonne nuit à son tour, répond à mon « zoub », et je pose mon téléphone sur ma table de nuit, à l’emplacement prévu pour qu’il se recharge pendant la nuit. À ce moment-là, la porte s’entrouvre et un filet de lumière pénètre dans ma chambre, suivi de peu par le visage de ma grand-mère.
— Tu ne dors pas ma petite chérie ?
— Non.
Elle rentre, le dos courbé, la jambe traînante, et s’assoit sur mon lit, juste à côté de moi en lâchant un soupir de douleur.
— Pourquoi tu n’utilises pas ton déambulateur mamie ?
— Parce que. Je n’aime pas ce truc. Je peux encore marcher !
— Qu’est-ce que tu fais encore réveillée ?
— J’ai fait un tour de zapping. 1300 chaînes c’est beaucoup. Mais ne change pas de sujet mon chat : qu’est-ce que TOI tu fais encore éveillée ? C’est la rentrée demain, il faut que tu sois en forme.
— Je sais, j’ai juste reçu un SOMS.
— Toujours avec cette saleté…
Elle soupire en laissant son regard dans le vide quelques secondes. Et puis, comme si elle avait reçu une décharge électrique, se ressaisit et me regarde.
— Allez, dodo ma chérie.
Elle se penche pour m’embrasser en réprimant une grimace, puis se relève difficilement.
— Mamie ?
— Oui ma puce ? demande-t-elle en se retournant.
— J’aimerais bien que l’on continue notre conversation d’avant-hier…
— Bien sûr, je te ferai du riz.
Je souris. D’un sourire triste. Son instant de lucidité était passé, son vieux cerveau est trop fatigué pour tenir une vraie discussion plus de deux minutes.
— Bonne nuit, mamie.
Elle m’envoie un bisou dans un souffle et referme la porte.
Un matin de rentrée, c’est toujours difficile. Surtout quand le réveil sonne. Après un rapide lavage du visage, un maquillage discret mais travaillé pour cacher mon horrible acné et une coiffure originale mais facile à réaliser (trouvé sur un Lakss d’esthétique que m’a filé une copine), je descends pour trouver ma mère et ma grand-mère en train de déjeuner sur la table de la salle à manger. Une émission de distraction matinale passe sur l’écran qui sert de support pour leur bol, les céréales et toutes autres choses posées sur la e-table. Ma grand-mère zoome parfois sur les sous-titres et ma mère la fusille du regard sans rien oser dire. Quand elles me voient, ma mère affiche un grand sourire et me demande ce que je veux pour le petit-déjeuner – parce que « le petit-déjeuner est le repas le plus important surtout un jour de rentrée » – tandis que ma grand-mère éteint l’écran qui redevient alors un plateau de table ordinaire, aux allures archaïques.
— On regardait les infos, croit-elle nécessaire de me mentir.
Je secoue la tête amusée et réponds à ma mère qui me tend immédiatement la confiture et la brioche. Un verre de jus d’orange et un yaourt plus tard, je file me laver les dents avant de revenir dans la salle, mon sac sur l’épaule, pour leur faire un bisou.
— T’es sûre que tu ne veux pas que je t’accompagne ? me demande ma mère.
— Toutes tes affaires de cours tiennent dans ce sac minuscule ? enchaîne sa mère.
— Oui, je suis sûre Maman, et oui mon ordi et ma tablette scolaire tiennent largement dans ce sac.
Je place mes écouteurs dans mes oreilles, allume mon téléphone pour écouter de la musique et agite la main dans un dernier coucou en lançant un « à ce soir » enthousiaste. Sur le chemin du lycée, j’attends Laurilou et Jamin au vieux réverbère celui qui est éteint depuis cinquante ans d’après ma grand-mère. Ils arrivent deux ou trois minutes plus tard, en train de s’embrouiller, comme d’habitude.
— Si j’ai envie de mettre ça sur Lakss ? Je fais bien comme je veux !
— C’est ta vie privée Jamin ! Les gens n’ont pas à connaître toute ta vie privée !
Elle arrive et me claque la bise sans ménagement, sans même m’adresser une parole, puis elle fait volte-face vers son frère.
— Mais j’ai bloqué mon compte à ceux que je n’ai pas en collaboration !
— Mais tu as en collaboration des gens que tu connais à peine ! Tu te rends pas compte, je crois, c’est dangereux tous ces réseaux sociaux !
— Charlie : explique-moi en quoi mettre ça sur Lakss est dangereux ? demande Jamin en se tournant vers moi.
— Oula, je ne m’en mêle pas moi ! dis-je avec un sourire amusé.
— Salut, ma belle, dit Jamin avec un clin d’œil en s’approchant pour me faire la bise.
Je ris un peu. Ces petites chamailleries m’amusent beaucoup, mais malheureusement ce n’est pas le cas de Laurilou.
— Vous êtes débiles ! Ces trucs détruisent des vies depuis des dizaines d’années et vous me prenez pour une débile parce que je me méfie de lui. Quand vous aurez eu une merde, vous ne viendrez pas pleurer…
Jamin me regarde d’un œil interrogateur. Nous haussons des épaules et nous dirigeons vers le lycée, amusés en ce qui concerne Jamin et moi, énervée pour ce qui est de Lau. Mais quand nous arrivons aux abords de l’établissement, à la vue de notre groupe de copains, elle affiche de nouveau un sourire éclatant et trottine vers eux pour leur faire un énorme câlin. Nous arrivons quelques secondes plus tard et alors que Jamin distribue des clap-clac à tour de bras, je fais la bise aux mecs, puis aux filles. Je suis de retour à ma place, près de mes amis et je rayonne.
— Alors Charlie ? Quoi de neuf chez toi ? me demande Maéline.
— Ma grand-mère essaie de planquer mon portable tous les deux jours. Ma mère s’engueule tous les vendredis avec mon père. Rien de neuf quoi !
Izia et Capulya rient et Laurilou me coule un regard de soutien. Elle sait bien que derrière mon ton joueur se cache un sentiment bizarre… Un psy appellerait sûrement ça une souffrance. Ou un truc du genre.
— Allons demoiselles : cela va bientôt commencer, nous lance Galadriel en passant devant nous.
— Tu nous raconteras les farces de ta grand-mère plus tard Charlie, ajoute Jamin en me présentant son bras.
Je souris et m’accroche au creux de son coude. Nous marchons jusqu’à la cour. La directrice de l’établissement se tient devant un micro, relié (de façon dématérialisée) aux enceintes installées aux quatre coins de la cour. Des rangs d’élèves hauts comme trois pommes disparaissaient déjà à l’intérieur du bâtiment : les classes inférieures, celles du tronc commun, ont fait leur rentrée plus tôt ce matin, à huit et neuf heures. Mme Alssobe commence donc par les Premières Options, ce qui nous permet de continuer nos discussions, derrière la foule de nos petits camarades.
— Et toi Eowyn ? Le retour au pays cet été ? demande Izia.
— Amazing, ça m’a fait un bien fou ! répond l’intéressé avec son accent britannique.
Pendant ce temps, Laurilou râle, et bougonne qu’on le savait déjà, puisqu’il a pollué son ClichMe de photos de Buckingham et du London Eye. Jamin me chuchote quelques moqueries sur sa sœur à l’oreille, qui ne manquent pas de me faire rire, même si les coups d’œil énervés de ma meilleure amie me calment assez rapidement.
— Bon, ce n’est pas que vous nous dérangez le trio infernal, nous interrompt Galadriel, mais elle va bientôt commencer nos classes.
Nous entrons cette année en classe EF (Examen de Filière) qui nous permettra, si nous validons toutes nos épreuves, d’intégrer la filière de notre choix. Moi, je rêve de la filière sociétale, peut-être spécialité littérature.
— Toi aussi Capu tu voudrais la filière matérialiste non ? demande Laurilou.
— Ouais… enfin, j’hésite encore un peu. J’espère que les cours de cette année pourront me décider complètement.
— En tout cas moi c’est sûr, affirme Jamin d’un air déterminé.
Galadriel nous dit de nous taire en nous fusillant du regard.
— … Je prie ceux que je viens d’appeler de rejoindre leur professeur principal vers leur salle de cours, et je vais pouvoir passer aux classes des aînés. EF 1 : Mademoiselle Kenza Abdelsim…
Une fille, avec laquelle Izia a eu quelques désaccords l’année dernière s’avance vers elle. Elle est vite rejointe par un garçon. Les noms sont prononcés, les uns après les autres, et les élèves se positionnent deux par deux pour former un rang discipliné qui se dirige ensuite vers le bâtiment. À la fin de l’appel de la EF 2, seules Capulya et Laurilou sont parties. La EF 3 embarque quant à elle Maéline ainsi que Izia et Galadriel, eux qui ont tant de mal à se supporter. La EF 4 n’est rejointe par aucun de nous ; et la EF 5 nous rassemble Eowyn, Jamin et moi. Dans notre classe, nous connaissons tout le monde : c’est une petite ville, un petit lycée. Pourtant, un nouveau visage fait partie du lot. Un garçon brun, les cheveux en bataille et les yeux noirs comme du charbon ; des lèvres pulpeuses qui donnent immédiatement envie de mordre dedans et un sourire torturé. Notre professeur principal, la jeune Mme Douclon, qui enseigne la littérature, nous conduit jusqu’à notre salle de cours et nous demande de nous installer. Bien que Jamin ne paraisse que peu satisfait, Eowyn entreprend de s’asseoir à côté de lui.
— Hey mec !
— Quoi ? demande Eowyn, l’air de rien.
Jamin lui fait signe de la tête dans ma direction. Eowyn se retourne puis me regarde, l’air désolé. Je m’installe derrière eux et hausse les épaules en souriant – comme si cela n’avait aucune importance – en souhaitant à voix basse qu’aucun crétin ne s’assoie à côté de moi. Le dernier à entrer est le nouveau. Il jette un œil sur l’ensemble de la classe. Son regard s’arrête un instant sur Cassandre, la pétasse du fond de la classe qui lui réserve une moue langoureuse et retire son sac de la chaise à côté d’elle. Mais après quelques secondes, le beau mec semble y renoncer et se dirige vers moi.
— Je peux ? demande-t-il.
Jamin se retourne immédiatement. Le nouveau le regarde, puis l’ignore. D’un coup de menton vers la chaise, il me repose sa question.
— Je t’en prie, dis-je la voix enrouée.
Il s’assoit et sort de son sac une trousse et des feuilles blanches. La totalité de la classe le regarde, interloquée.
— Ils ont quoi tous ? J’ai un bout de céréale entre les dents ? me demande-t-il.
— Non, t’as du papier et un stylo mec, lui apprend Jamin.
Il le regarde, l’air de ne pas comprendre. Jamin rigole en donnant un coup de coude à Eowyn, lequel s’en donne aussi à cœur joie. Le nouveau me regarde. Je sors mon ordi et ma tablette scolaire en réponse.
— Pour prendre les cours, dis-je en montrant le premier, et en guise de manuel scolaire, j’explique en désignant la seconde.
— Oh… soupire-t-il, je vois.
Mais d’où sort ce mec ? Il vivait dans une grotte jusqu’à aujourd’hui ? Mme Douclon demande le silence et entreprend de faire l’appel, afin de vérifier que l’administration n’a oublié personne et pour s’assurer que tout le monde est là. À mon nom, mon voisin se tourne vers moi :
— Charlotte hein ? demande-t-il amusé.
J’ai un moment d’hésitation. Je n’ai jamais aimé mon prénom. Mais personne ne l’a jamais prononcé comme ça.
— Oui, je sais, c’est un vieux prénom. C’est ma grand-mère qui a insisté. Mais en fait, tout le monde m’appelle Charlie.
— D’accord… mais je crois que je préfère Charlotte.
Il sourit. Oh mon Dieu que ce sourire est adorable, il me fait fondre.
— Et toi ? je demande après quelques secondes d’hésitation.
Il sourit au moment où la prof prononce un nom que je n’avais jamais entendu.
— Célian Albrizzio, demande Mme Douclon.
Il lève la main sans me quitter du regard. Je surprends le regard de Cassandre fixé sur moi, jalouse, et je n’ose à peine regarder les billes noires de Célian, intimidée. Pendant les deux heures suivantes, Mme Douclon nous transfère les emplois du temps, règlements intérieurs et tout le bazar.
Au moment du repas, nous nous rassemblons tous pour aller au self.
— Izia m’insupporte déjà ! explique Galadriel quand Jamin lui demande ce qu’il ne va pas.
— Finalement, on risque de bien s’amuser avec Capu cette année ! m’informe Laurilou. Mais au fait, t’as entendu ? Il paraît qu’il y a un nouveau au lycée !
— Oui, enchaîne Méaline, et il est paraît qu’il est littéralement craquant !
— Je confirme ! s’exclame Izia. Je l’ai croisé toute à l’heure, il est vraiment canon ! S’il venait à la maison, il dormirait pas dans la baignoire en tout cas…
— Ouais, bah il est dans ma classe, je précise non sans un petit air vantard.
Les filles se retournent vers moi, les yeux écarquillés, la bouche entre-ouverte. Seule Capulya ne semble pas s’intéresser au bel inconnu.
— T’es sérieuse ? me demande Laurilou.
— Mmh mmh ! Il s’est même assis à côté de moi ce matin.
— Oh espèce de bitch ! Je te déteste. Je te HAIS ! râle Izia, toujours si peu discrète.
Je fais un clin d’œil à Méaline et Laurilou, qui sourient. Capulya lève les yeux au ciel. Les mecs se rapprochent, Jamin et Galadriel en tête.
— Sinon, on parle du nouveau encore longtemps ou on va bouffer ? demande Jamin, visiblement énervé.
— Oh regarde-le, il est jaloux ! déclame Izia et lui ébouriffant les cheveux avant de lui couper la route en déhanchant le popotin.
Jamin ne peut s’empêcher de laisser son regard dévier avant de lever les yeux au ciel, excédé, tandis Galadriel lui pose la main sur l’épaule pour le réconforter, ce qui fonctionne immédiatement.
— En plus, il est à la ramasse le gars, il ne connaît pas l’ordinateur, dit Jamin.
— Comment ça il n’a pas d’ordi ? Il prend comment ses cours ? demande Capulya.
— Tu sais que le papier et les stylos ça existe toujours ? dis-je mi-énervée mi-moqueuse en guise de réponse.
— Ah oui ? Et t’en as vu récemment ? me répond-elle, arrogante.
Les visages de mes amis se tournent vers moi, étonnés. Laurilou m’adresse un regard malicieux. Je lui tire la langue. Nous décidons, d’un accord silencieux, d’avancer pour nous saisir de nos plateaux. Nous marchons à la file indienne, choisissons nos entrées, plats, desserts et nous présentons ensuite nos cartes de restaurations à la machine qui se tient au bout.
— Quatre euros et trente-cinq centimes, m’annonce une voix électronique. Il vous reste trente-six euros et quatre-vingt-quinze centimes.
Je la remercie avec un sourire moqueur et lui dit au revoir, accompagnant ma parole d’une révérence en reprenant mon badge. Je l’entends à nouveau alors que je me dirige vers la salle.
— Il vous reste trois euros et cinq centimes.
— Putain, faut que ma mère fasse un virement, bougonne Laurilou.
Je souris et l’attends pour choisir la table. Elle m’en désigne une et nous nous y dirigeons tous. Je m’assois à l’extrémité qui côtoie l’allée, mais garde la première chaise pour mon sac (j’ai horreur que les gens me frôlent quand je mange). Jamin arrive et regarde mon sac, j’entreprends de libérer la place quand Galadriel l’appelle, à l’autre bout de la table. Je vois ses yeux s’attrister, il hausse les épaules, me sourit l’air de s’excuser et va s’asseoir à côté de son ami. Quand je tourne la tête vers les autres, je surprends Laurilou plonger la tête dans son assiette, comme si je n’avais pas pu la voir. Au bout de cinq ou dix minutes, Célian franchit le seuil de la salle, aussitôt surveillé par les mecs.
— Je sens qu’il va me saouler ce boy-là… soupire Eowyn.
— Il est vrai que si l’on observe les filles, ajoute Galadriel, on a bien l’impression qu’elles ont le béguin.
Jamin et Eowyn se tournent vers lui, d’un même mouvement.
— Le béguin ? demande Eowyn.
— Cherche pas, plus personne ne dit ça depuis le siècle dernier mec ! s’exclame Jamin.
Ils rigolent tandis que Célian se dirige vers nous.
— Il va encore foutre la merde lui, chuchote Capulya.
— Tais-toi ! la réprimande Izia en la frappant sous la table.
Tandis que Capu se frotte la cuisse, Izia se tourne vers moi et je ne mets pas longtemps à comprendre qu’il est derrière moi.
— Je peux m’asseoir ? me demande-t-il d’une voix rauque. Je ne connais personne d’autre ici…
— Mais oui, viens, dit immédiatement Izia, à l’autre bout de la table où une place était restée libre face à Jamin.
Il accepte et marche vers elle en gardant les yeux plantés dans les miens quelques secondes encore.
— Charlie ?
J’entends une voix lointaine, je n’ai pas envie de répondre.
— Charlie ?
Cette fois, je reconnais Laurilou. Je tourne la tête vers elle, attendant qu’elle me dise ce pour quoi elle m’appelle.
— C’était quelle couleur déjà ton rouge à lèvres à la soirée de Galadriel cet été ?
— Rouge pavot, lui dis-je avec lassitude pour la troisième fois en deux mois.
— Voilà ! Rouge pavot ! répète-t-elle à Maéline. Tu devrais essayer, je suis sûre que ça t’irait bien.
— Mais c’est pas très discret ça, se défend cette dernière.
Alors Laurilou entame son discours sur l’importance de ne jamais être discrète, de s’assumer pour ce qu’on est. Elle réaffirme sa théorie comme quoi ce rouge est exactement ce dont elle a besoin. Je connais ce discours : c’est celui qui m’a poussée à acheter ce rouge à lèvres. La suite du repas se passe de la même façon. On parle des derniers jeux vidéos, de la salle de sport qui vient d’ouvrir à côté, de la dernière coupe du monde de football, on joue à se contredire, à plaider la supériorité de notre sexe sur l’autre, et plus les minutes passent, plus Jamin se détend et plaisante avec Célian. Ils vont vite devenir potes. Et je ne sais pas pourquoi : ça me fait chier.
En quittant les cours ce jour-là, Jamin décide de marcher derrière avec Célian, qui a révélé après le repas habiter non loin de nous. Laurilou et moi sommes devant.
— Tu l’aimes bien hein ? demande mon amie.
Je hausse les épaules d’un air innocent.
— Si, tu l’aimes bien.
— Je ne sais pas Lau, je le connais à peine.
Elle sourit, de son calme légendaire. Elle tourne discrètement les yeux vers les mecs et dit qu’il est mignon.
— Et puis… il a l’air gentil. Si tu pouvais changer et tomber sur un gars bien pour une fois, ajoute-t-elle avec un clin d’œil.
— Toi faudrait déjà que tu trouves un gars, dis-je en riant.
Laurilou éclate de rire à son tour.
— Qu’est-ce qui est drôle ? demande Jamin en se plaçant entre nous et en posant ses bras sur nos épaules.
Je me retourne, presque immédiatement.
— Où est Célian ?
« Parti » dit-il, avant de préciser qu’il devait tourner dans la rue précédente pour rentrer chez lui.
— Pas loin de chez toi, croit utile de me préciser Lau.
Je me surprends alors à dessiner une carte dans mon esprit, une carte qui dévoilerait le chemin à parcourir entre chez moi et chez lui. Puis secoue la tête en soupirant, me trouvant soudain puérile.
— Tu viens mercredi après-midi ?
Je hoche la tête pour répondre à Laurilou alors qu’on arrive au réverbère. Je fais la bise à Jamin qui entre le premier. Il sait qu’on aime discuter un peu toutes les deux, seule à seule. Ce qu’on fait tous les jours. Après avoir débriefé la rentrée, commenté la répartition des classes et parlé de Célian, nous nous disons au revoir. Elle se dirige vers la porte de chez elle alors que je m’éloigne pour rentrer chez moi quand j’entends dans mon dos une voix crier « ZOOUUB ! » je réponds à ce cri, comme d’habitude.
Elle se rapproche de moi. J’observe sa démarche. Le chemin entre le frigo et la table du séjour semble soudain si long, si tortueux… Elle a le dos voûté, ses épaules croulent sous des années de vie qui s’accumulent en creusant des sillons sur sa peau : au coin des yeux, entre les sourcils, autour de la bouche. Elle s’accroche à tout ce qu’elle trouve sur son passage, tantôt un coin de meuble, tantôt le mur. Je regarde sa main se poser sur les briques du mur de la cuisine et, à chaque mouvement, je crains que sa fragile peau translucide – à travers laquelle on peut voir de fines veines bleues – ne se déchire sur les arêtes irrégulières. Ma grand-mère parvient enfin à la chaise en face de moi, elle se saisit du dossier et tire la chaise vers elle. Elle pose son verre de thé glacé sur la table et s’assoit, lentement et difficilement.
— Alors ma chérie, ça va l’école ? Quoi de neuf ?
Elle essaie de guider la paille jusqu’à sa bouche pour boire, mais sa main tremble.
— Finalement, Kant n’avait pas forcément tort : l’agréable fait plaisir et le beau plaît. Tu sais la philosophie ma chérie c’est important, très important !
Elle se tait. Ses yeux me regardent de nouveau, comme si elle était revenue d’entre de ses souvenirs. Je ne m’étonne plus de ses « déconnexions ».
— Mamie on parlait de tes jeux quand tu étais petite. Tu avais un ordinateur ?
— C’est marrant quand on y pense, la poésie de Verlaine est si délicate… quand on pense qu’il a tiré sur son mec. Tu le savais toi qu’il vivait avec Rimbaud ? Des homosexuels.
Son instant de lucidité était fini. Cela ne servait à rien d’insister. Je me saisis de mon téléphone et vais faire un tour sur Lakss. Jamin y a posté un nouvel objectif. Laurilou n’a pas approuvé.
Je passe devant le réverbère et arrive au portillon qui clôture le jardin de mes amis. Je peine à entrer. Je tente une énième fois de pousser le battant quand la tête de Laurilou apparaît dans l’encadrement de la porte d’entrée de la demeure. Elle me crie d’attendre qu’elle s’en occupe. Quelques secondes plus tard, le portillon s’ouvre. Ils l’ont électrifié. J’entre dans la cour où Laurilou m’attend déjà tandis que la portée d’entrée se referme derrière elle.
— Je croyais que ta mère trouvait ridicule d’électrifier un portillon ? Niveau écologie, praticité et tout ?
Laurilou lève les yeux au ciel et croise ses index face à moi dans un « X » silencieux. Xevik : son beau-père. Sa mère l’avait rencontré au mois de mars de cette année. Très vite, les rendez-vous se sont enchaînés, et les soirs où je devais inviter les jumeaux à dormir s’en sont trouvés multipliés, pour notre plus grand plaisir. Au milieu de l’été, Laurilou m’avait appelée pour me dire qu’il était venu les rejoindre en vacances et, même si rien n’était dit officiellement, elle sentait qu’il allait venir s’installer rapidement chez eux. Ce qu’il avait fait, dès la mi-août.
— Il n’aura pas mis longtemps à convaincre ta mère, je réponds un peu énervée.
Laurilou hoche la tête les yeux écarquillés, d’un air de « tu m’étonnes ! » assez expressif pour me faire rire. Arrivée devant la porte d’entrée, je remarque une plaque métallique à la place de la serrure. Laurilou pose sa main dessus et la porte s’ouvre.
— Il est sérieux ? Mais il est courant qu’on n’est pas à la ville ici ? Faut arrêter la parano hein !
Alors que mon amie me propose de boire un verre de sirop avant de se mettre au travail, je lui raconte ce que ma grand-mère avait eu le temps de me dire avant que son esprit s’échappe.
— Tu crois vraiment que Célian a grandi comme ça ?
— Peut-être pas exactement… Mais il doit y avoir de ça.
Elle a l’air d’accord avec moi mais passe à autre chose. Je ne l’écoute que d’une oreille. Cette histoire me fascine, j’ai envie de comprendre qui est Célian, comment il a grandi. Cela m’attire hors des limites du raisonnable. Laurilou me dit qu’on devrait monter.
— Ta mère n’est pas là ?
— Mardi, c’est bowling avec Xevik, dit-elle en levant les yeux au ciel.
Je la suis jusque dans sa chambre. En traversant le couloir de l’étage, nous passons devant la chambre de Jamin. La porte étant fermée et Laurilou ne me disant rien, je continue mon chemin : il n’est peut-être pas là. Lau s’affale sur son lit et me demande de fermer la porte. Le silence s’étale quelques minutes : elle a l’air de réfléchir à quelque chose. Soudain, on entend un cri suivi d’un fracas dans le couloir. Laurilou sursaute et regarde la porte de sa chambre, les yeux éberlués. Je me lève d’un bond et l’ouvre pour découvrir Jamin, une épée en bois à la main, en train d’engager un combat avec Galadriel tout en prononçant de célèbres vers d’un poète anglais bien connu.
— Ils montent Romeo and Juliet. C’est Eowyn qui leur a filé l’idée, le poète anglais par excellence tout ça tout ça, m’apprend Laurilou tandis qu’on reste blotties dans l’encadrement de sa porte.
— Depuis quand Jamin fait du théâtre ? je demande surprise, tout en regardant les mecs virevolter.
— Galadriel l’a converti cet été, plus précisément quand Xevik a débarqué.
Je fais une moue approbatrice, difficile de ne pas comprendre. Les garçons cessent soudain leurs cascades.
— Mesdemoiselles : bonjour, déclare Galadriel en s’approchant pour me faire la bise.
Du moins, c’est ce que je pensais mais il me saisit la main pour y déposer un léger baiser.
— Je suis en sueur, ajoute-t-il avec un clin d’œil pour s’expliquer.
Jamin, lui, me fait la bise : ce qui est sans doute plus conventionnel à son goût.
— C’est vieux jeu le baisemain, déclare-t-il.
— Je reste dans mon rôle moi ! s’esclaffe Galadriel.
Les garçons repartent se quereller en déclamant des mots qui ont disparu.
— Quels rôles ils jouent ?
— Jamin fait Roméo et Galadriel joue Mercutio, m’apprend Laurilou.
— Galadriel fait du théâtre depuis plus longtemps, pourquoi c’est ton frère qui a eu Roméo ? je demande étonnée.
— Galadriel avait eu le rôle bien sûr ! Mais il préférait Mercutio, il dit que le personnage a plus de profondeur.
— Laisse tomber, se contente-t-elle de pouffer en retournant dans sa chambre.