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En 2063, Léa a 20 ans. Elle ne connaît pas la guerre, le crime, le racisme, la pauvreté, les inégalités, la religion… et l’argent ! Et pour cause, dans ce futur proche, on a effacé ces fléaux du passé, de la mémoire collective, et des livres d’histoire. D’une « Révolution douce » et du « grand partage » est née une nouvelle société plus juste et enfin humaine. Accidentellement, et au fil de discussions passionnées avec son grand-père, la jeune femme va découvrir la vérité, ou plutôt le grand mensonge qui masque I’affreux passé. Humanotopie est une vision volontairement optimiste et utopique, mais pleine d’espoir, de l’avenir de I'Humanité, sans dieux, sans argent, basée sur l’égalité, le partage et l’amour.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né à Paris en 1963,
Sylvain Bibas est professeur des écoles à Eaubonne, dans le Val-d’Oise. Il est marié et père de 4 enfants.
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Seitenzahl: 110
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Sylvain Bibas
Humanotopie
Roman
© Lys Bleu Éditions – Sylvain Bibas
ISBN :979-10-377-2862-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pour Tom, Nat, Téa et Tess…
Imagine…you may say I'm a dreamer…I hope someday you'll join us!
John Lennon
— Papi, que signifient les mots « crime », « pauvreté », « guerre », « argent » ?
Les mots claquent aux oreilles du vieil homme, comme un coup de fouet dans le silence serein d’une fin de vie paisible. Ils ont l’effet d’une bombe, provoquant un raz-de-marée, un tsunami, dans la tête et le cœur, du presque centenaire.
Léa n’a pas 2 ans, elle en a 20 ! Elle n’est ni attardée ni inculte, ne vit pas recluse, complètement coupée du monde. Au contraire, elle mène brillamment des études de médecine à Paris.
— Pardon, ma chérie ? répond fébrilement le nonagénaire, dans le but de gagner un peu de temps pour essayer de mettre un peu d’ordre dans ces idées et dans son corps parcouru de frissons et de secousses.
— Là, dans ton vieux carnet : « violence », « chômage », « racisme » …
Ces mots sont complètement étrangers à la jeune femme, simplement parce que Léa a 20 ans en 2063 !
— Un vieux carnet ? bredouille le grand-père, feignant la surprise.
— Oui, en cuir, bien caché… c’est ton écriture !
Le vieil homme est tiraillé, écartelé, presque anéanti. Tout d’abord par la nostalgie d’un autre temps, d’une autre époque, d’une jeunesse fougueuse, effrénée, palpitante et heureuse malgré tout. Puis, par le dégoût de tous ces fléaux d’un passé enterré, révolu et volontairement oublié. Par la colère qui a été le moteur de son action aux côtés de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui ont eu la volonté et le courage de créer un monde meilleur, et enfin, par la satisfaction du devoir accompli, d’avoir fait triompher l’humanité !
En 2063, le monde vit en paix, il n’y a plus arme ni armée, ni conflit ni guerre, ni violence ni crime. L’égalité, la vraie, sociale, est inscrite dans la Déclaration universelle des droits des enfants, des femmes et des hommes. Partant du principe que l’on ne peut répéter les erreurs du passé si elles n’ont jamais existé, on les a tout simplement effacées, supprimées de la mémoire collective, et de l’enseignement des enfants. On a instauré les valeurs d’amour, de respect, de tolérance, d’égalité, comme ayant toujours régi la vie en société des humains. On a aboli les inégalités, les injustices, la violence, les religions, le chômage, la pauvreté, le racisme… et l’argent !
Évidemment, tout ne s’est pas fait en un jour. Les obstacles ont été nombreux, le chemin pavé d’incrédulité et d’hostilité. Les femmes et les hommes qui ont opéré cette « révolution douce », taxés de naïveté et « d’utopisme », qualifiés de doux rêveurs et d’irréalistes, mais le fait est qu’ils y sont arrivés, qu’ils ont réussi enfin à créer un monde où chaque enfant mange à sa faim, bénéficie d’une véritable éducation et des mêmes droits, grandit dans un environnement fertile, et jouit tout simplement des mêmes chances d’accomplir une vie épanouie et heureuse, où chaque parent a les moyens de nourrir, d’élever, de « cultiver », d’aimer sereinement son ou ses enfants, où chaque femme et chaque homme peut vivre libre et heureux, quelle que soit son origine, sa couleur, sa culture son métier, ses désirs et orientations.
— Oh, il s’agit sûrement de mon vieux projet de roman, dans lequel je m’étais lancé il y a très longtemps !
Léa est troublée, c’est la première fois qu’elle sent que Christian lui cache quelque chose… d’important, de grave ?
— Tu as écrit un roman ? Tu ne m’en as jamais parlé !
— Oh, tu sais ! cela n’a pas grand intérêt, répond-il avec une fausse désinvolture qui ne trompe personne, et surtout pas la jeune femme.
— Au contraire, j’ai très envie de le lire… petit cachottier !
Elle sent bien qu’il y a là quelque chose de bien plus profond que le vieil homme ne veut bien le dire.
Léa est née en 2043, elle fait partie de la première génération de ce monde « nouveau ». Elle a reçu, dès son plus jeune âge, une éducation basée sur ces nouvelles valeurs, où l’on a réécrit l’histoire du monde depuis son origine, effacé certains mots des dictionnaires, fait table rase du passé pour inventer un avenir meilleur. Elle et sa famille, ses parents, ses frères et sœurs, n’ont jamais manqué de rien : une maison à leur goût, adaptée à leur situation familiale, de quoi manger à leur faim et sainement, de bonnes écoles, du travail pour tous, des loisirs et des vacances en famille, et une certaine aisance matérielle. Après un bac obtenu à 16 ans, à la faveur de ses capacités et de son dossier scolaire, elle a pu s’orienter vers des études de médecine, qu’elle mène brillamment, en quatrième année aujourd’hui. Elle a désiré prendre son indépendance en s’installant dans un studio, où elle peut travailler sereinement, ne manquant de rien là non plus. En attendant d’emménager bientôt dans un confortable deux-pièces, avec son petit ami Lucas, enseignant.
Entre ses études, ses gardes à l’hôpital, sa famille, son « amoureux », Léa trouve encore un peu de temps à consacrer à son grand-père, tous les mardis après-midi. C’est leur moment à eux, seuls, au calme. Pendant quelques heures, le temps s’arrête pour la jeune femme qui fait une pause dans sa course quotidienne à la réussite et l’accomplissement personnel. Loin des réunions de famille pleines de vie, bruyantes et agitées, cette maison cossue est son havre de paix hebdomadaire. Elle s’est toujours sentie proche de cet homme aimant, chaleureux et attentionné. Une grande complicité les a toujours unis, un tronc commun voyant son prolongement dans le feuillage pour l’un, puisant dans ses racines pour l’autre ! C’est donc un véritable bonheur pour ces deux-là de se retrouver en tête-à-tête une fois par semaine, l’un savourant la fraîcheur et l’énergie de l’une, et l’autre la sagesse et l’expérience du premier. Le vieil homme n’étant jamais avare d’anecdotes, de petites et grandes histoires concernant le « bon vieux temps », faisant preuve en l’occurrence d’une imagination débordante ! Si elle savait que cette harmonie repose sur un gigantesque mensonge, même pour la bonne cause, il ne sait pas comment elle pourrait réagir.
— Non, vraiment je t’assure, c’est nul, tu vas perdre ton temps, tente-t-il désespérément.
— Tu rigoles ! Tout ce qui te concerne m’intéresse, je veux absolument le lire !
Cette fois, sa curiosité est plus que piquée, Léa a l’intime conviction qu’elle a mis le doigt sur quelque chose d’essentiel… qui pourrait bouleverser sa vie, même si elle n’a encore aucune idée de l’ampleur du phénomène, son intuition ne la trompe pas… rarement d’ailleurs ! Elle a le sentiment diffus, confus, d’être dans l’œil du cyclone… le calme avant la tempête !
Exactement comme Christian qui sent que tout pourrait s’écrouler autour de lui, et surtout sa relation privilégiée avec Léa.
Il ne sait vraiment pas comment elle va réagir et redoute que quelque chose se brise entre eux, mais il a toujours repoussé cette idée, puisqu’il n’y avait aucune chance que cela arrive, toutes les précautions ayant été prises par les sages du Conseil Humanitaire… du moins en théorie !
La question de la jeune femme, exhumant un passé volontairement mort et enterré, a provoqué une énorme faille dans la chape de béton posée sur son tombeau. Un tremblement de terre dans le cimetière des fléaux du passé, et dans la tête et dans le cœur de son croque-mort nonagénaire !
— Il se fait tard, j’y vais, papi ! Je prends ton carnet, je le lis, et je t’appelle…
— Attends… tente en vain Christian, mais la jeune femme traverse déjà le jardin pour sortir par la grille d’entrée !
Voilà, le sort en est jeté… en un éclair, le vieil homme se retrouve seul, au bord du précipice, culpabilisant d’avoir été si négligent ! Léa va découvrir la vérité, toute la vérité ! Elle va mesurer l’ampleur du mensonge, de sa trahison, et s’en sera fini de leur belle complicité, de leur relation privilégiée !
Quand ils sont ensemble, qu’elle le chouchoute, qu’elle le cajole, qu’elle se confie, qu’elle l’écoute, qu’elle rit de ses blagues… il se sent encore vivant, utile, heureux !
Et puis il peut compter sur elle, pour tout et n’importe quoi. À chaque fois qu’il a besoin d’un document administratif archivé dans le « placard aux papiers », il profite de sa présence pour lui demander de lui trouver.
Aujourd’hui, en manipulant un porte-document, elle a fait tomber une vieille boîte métallique, qui s’est ouverte au sol sous le choc, libérant un étrange carnet en cuir plus que tanné par les années. Ce n’est pas la curiosité qui a amené la jeune femme à lire quelques bribes de texte, elle ne se serait jamais permis de le faire sans l’aval de son aïeul, mais tout simplement le fait que le vieux calepin s’est ouvert, offrant un passage du journal intime du vieil homme, à ses yeux toujours vifs et sagaces. Dévoilant ces mots inconnus et mystérieux.
Bien sûr qu’il n’aurait jamais dû garder trace de ce passé, aujourd’hui troublé. Et qu’il aurait dû détruire les preuves de cette grande manipulation, de ce « grand mensonge pour le bien de l’humanité ». Une poignée de femmes et d’hommes ont changé le cours de l’histoire de l’humanité, pour son bien et sa survie. Comme toujours depuis la nuit des temps, préserver la vie dans les meilleures conditions possibles !
Pourtant, l’homme n’a jamais pu se résoudre à effacer à jamais cette partie de sa jeunesse, de sa vie, de son histoire, et de celle du monde. Sans doute par désir inconscient que, plus tard, des générations de descendants, encore plus clairvoyantes que la sienne, connaissent la vérité. Et (re) découvre le formidable patrimoine de l’humanité !
Car pour cette grande opération de « réinitialisation » de la vie en société, il a fallu supprimer des pans entiers de la culture des hommes. Trancher dans le vif des livres d’Histoire, de la littérature, des arts, des coutumes et traditions du monde entier. Non sans douleur ! Renoncer, à la mémoire collective, à la plupart des œuvres majeures, aux plus grands auteurs et artistes, fut un terrible déchirement… nécessaire, aux religions, aux armes, à l’argent… beaucoup moins !
Christian saisit son téléphone et appelle son vieil ami, également membre du Comité Humanitaire Français, où sont réunis les vieux sages de la république, et à ce titre gardien du temple comme lui.
— Thierry, on a un problème ! annonce-t-il sans bonjour ni préambule, reprenant le fameux message de la mission Apollo 13, qui constitue un code entre les deux hommes. Un code d’alerte !
— Quel genre de problème ?
— Grave ! J’ai bien peur que Léa ne découvre la vérité incessamment… elle a pris mon « carnet secret » !
— Un carnet secret ? Quelle vérité ?
— LA vérité ! Il y a tout dans ce carnet…
Thierry marque une pause… un long silence qui semble une éternité !
— Règle de sécurité No 1 ? finit-il par dire, avec un certain agacement mêlé de résignation dans la voix, convaincu depuis des années que cela arriverait un jour.
— Ne garder aucune trace, je sais… mais on n’en est plus là ! Qu’est-ce que l’on peut faire ? Je connais Léa, elle va s’empresser de tout lire ! Je redoute vraiment sa réaction !
— Pas de panique, elle est intelligente, très proche de toi, et a une grande confiance en toi.
— Ça va changer… quand elle va savoir que je la trompe depuis des années. Elle et toute une génération, sa génération !
— Il faut tout lui expliquer, elle comprendra et gardera le secret ! Appelle-la tout de suite… qu’elle revienne chez toi. Dis-lui tout avant qu’elle en parle à quelqu’un d’autre. Bon courage et bonne chance, mon ami !
— Oui, merci !
— De mon côté, j’avertis la cellule de crise du Comité !
À peine raccroché, Christian compose le numéro de Léa. Évidemment, comme il le craignait, elle est sur répondeur ! Il la connaît tellement bien, elle est déjà en train de dévorer le carnet… la question est : est-ce qu’elle aura le temps d’en parler à quelqu’un ? À Lucas par exemple.