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La tapisserie de sainte Genevieve et de Jeanne d’Arc was written in the year 1913 by Charles Péguy. This book is one of the most popular novels of Charles Péguy, and has been translated into several other languages around the world.
This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.
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Seitenzahl: 49
Veröffentlichungsjahr: 2015
POUR LE VENDREDI 3 JANVIER 1913 FÊTE DE SAINTE GENEVIÈVE QUATORZE CENT UNIÈME ANNIVERSAIRE DE SA MORT
I COMME elle avait gardé les moutons à Nanterre, On la mit à garder un bien autre troupeau, La plus énorme horde où le loup et l’agneau Aient jamais confondu leur commune misère. Et comme elle veillait tous les soirs solitaire Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l’eau, Du pied du même saule et du même bouleau Elle veille aujourd’hui sur ce monstre de pierre. Et quand le soir viendra qui fermera le jour, C’est elle la caduque et l’antique bergère, Qui ramassant Paris et tout son alentour Conduira d’un pas ferme et d’une main légère Pour la dernière fois dans la dernière cour Le troupeau le plus vaste à la droite du père.
POUR LE SAMEDI 4 JANVIER 1913
II COMME elle avait gardé les moutons à Nanterre Et qu’on était content de son exactitude, On mit sous sa houlette et son inquiétude Le plus mouvant troupeau, mais le plus volontaire. Et comme elle veillait devant le presbytère, Dans les soirs et les soirs d’une longue habitude, Elle veille aujourd’hui sur cette ingratitude, Sur cette auberge énorme et sur ce phalanstère. Et quand le soir viendra de toute plénitude, C’est elle la savante et l’antique bergère, Qui ramassant Paris dans sa sollicitude Conduira d’un pas ferme et d’une main légère Dans la cour de justice et de béatitude Le troupeau le plus sage à la droite du père.
POUR LE DIMANCHE 5 JANVIER 1913
III ELLE avait jusqu’au fond du plus secret hameau La réputation dans toute Seine et Oise Que jamais ni le loup ni le chercheur de noise N’avaient pu lui ravir le plus chétif agneau. Tout le monde savait de Limours à Pontoise Et les vieux bateliers contaient au fil de l’eau Qu’assise au pied du saule et du même bouleau Nul n’avait pu jouer cette humble villageoise. Sainte qui rameniez tous les soirs au bercail Le troupeau tout entier, diligente bergère, Quand le monde et Paris viendront à fin de bail Puissiez-vous d’un pas ferme et d’une main légère Dans la dernière cour par le dernier portail Ramener par la voûte et le double vantail Le troupeau tout entier à la droite du Père.
POUR LE LUNDI 6 JANVIER 1913 JOUR DES ROIS CINQ CENT UNIÈME ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE JEANNE D’ARC
IV COMME la vieille aïeule au plus fort de son âge Se réjouit de voir le tendre nourrisson, L’enfant à la mamelle et le dernier besson Recommencer la vie ainsi qu’un héritage ; Elle en fait par avance un très grand personnage, Le plus hardi faucheur au temps de la moisson, Le plus hardi chanteur au temps de la chanson Qu’on aura jamais vu dans cet humble village : Telle la vieille sainte éternellement sage Connut ce que serait l’honneur de sa maison Quand elle vit venir, habillée en garçon, Bien prise en sa cuirasse et droite sur l’arçon, Priant sur le pommeau de son estramaçon, Après neuf cent vingt ans la fille au dur corsage ; Et qu’elle vit monter de dessus l’horizon, Souple sur le cheval et le caparaçon, La plus grande beauté de tout son parentage.
POUR LE MARDI 7 JANVIER 1913
V COMME la vieille aïeule au fin fond de son âge Se plaît à regarder sa plus arrière fille, Naissante à l’autre bout de la longue famille, Recommencer la vie ainsi qu’un héritage ; Elle en fait par avance un très grand personnage, Fileuse, moissonneuse à la pleine faucille, Le plus preste fuseau, la plus savante aiguille Qu’on aura jamais vu dans ce simple village Telle la vieille sainte éternellement sage, Du bord de la montagne et de la double berge Regardait s’avancer dans tout son équipage, Dans un encadrement de cierge et de flamberge, Et le casque remis aux mains du petit page, La fille la plus sainte après la sainte Vierge.
POUR LE MERCREDI 8 JANVIER 1913
VI COMME Dieu ne fait rien que par miséricordes, Il fallut qu’elle vît le royaume en lambeaux, Et sa filleule ville embrasée aux flambeaux, Et ravagée aux mains des plus sinistres hordes ; Et les cœurs dévorés des plus basses discordes, Et les morts poursuivis jusque dans les tombeaux, Et cent mille Innocents exposés aux corbeaux, Et les pendus tirant la langue au bout des cordes Pour qu’elle vît fleurir la plus grande merveille Que jamais Dieu le père en sa simplicité Aux jardins de sa grâce et de sa volonté Ait fait jaillir par force et par nécessité ; Après neuf cent vingt ans de prière et de veille Quand elle vit venir vers l’antique cité, Gardant son cœur intact en pleine adversité, Masquant sous sa visière une efficacité ; Tenant tout un royaume en sa ténacité, Vivant en plein mystère avec sagacité, Mourant en plein martyre avec vivacité, La fille de Lorraine à nulle autre pareille.
POUR LE JEUDI 9 JANVIER 1913
VII COMME Dieu ne fait rien que par simple bergère, Il fallut qu’elle vît la discorde civile Secouer son flambeau sur les toits de la ville Et joindre sa fureur à la guerre étrangère ; Il fallut qu’elle vît l’horrible harengère Haranguer le bas peuple et la tourbe servile, Et de la halle au blé jusqu’à l’hôtel de ville Refluer le hoquet de l’odieuse mégère Pour qu’elle vît venir merveilleuse et légère, Par les chemins de ronce et de frêle fougère, Pliant ses beaux drapeaux comme une humble lingère ; Gouvernant sa bataille en bonne ménagère, Traînant les trois Vertus dans quelque fourragère, Vers l’antique vaisseau la jeune passagère.