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Dans La vallée d’enfance, Luc Saint Brice livre une partie de son enfance pour expliquer ses désirs de voyages. Ceux en Malaisie, au Brésil, au Kenya et en Tunisie, où les rencontres avec quatre femmes particulières le marqueront. Sur un fond empreint de passion, les descriptions des paysages d’Amazonie, de la savane africaine, de la jungle malaisienne, ou encore du Sahara, nous emportent ou plutôt nous transportent irrémédiablement dans une aventure singulière…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ayant beaucoup voyagé,
Luc Saint Brice a une large perception de la vie et de nombreuses expériences qu'il retrace dans ses écrits.
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Seitenzahl: 90
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Luc Saint Brice
La vallée d’enfance
Roman
© Lys Bleu Éditions – Luc Saint Brice
ISBN : 979-10-377-8095-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Hélène,
À Jo,
À Célia,
À ma sœur,
À Maryse, Christine et Clotilde,
À Danielle.
Préambule
La vallée du Gy, dans le bassin de l’Artois, près d’Arras, au cœur du Pas de Calais, est le fil directeur de ce roman inspiré de faits réels. Je tente de faire partager mes expériences vécues en Malaisie, au Brésil, en Tunisie et au Kenya, en mettant en lumière quatre femmes, des rencontres essentielles pour la construction de ce livre.
Fidèle à mon habitude, je décris la beauté des paysages que j’ai découverts, et la beauté des femmes qui me touchent.
J’ai voulu un récit tendre, sans concession, substantiel, surprenant, toujours agréable. Je souhaite que la lecture soit captivante, émouvante, ne laisse pas indifférent.
Luc Saint Brice
Très tôt, j’ai pensé que je mourrais dans un coin perdu de la savane africaine ou en pleine forêt amazonienne, ou encore de soif dans un désert australien. Courant mai, à midi, une fois sorti de l’école, je montais le chemin des quatre vents, pour rejoindre ma mère. Elle démariait les betteraves à l’aide d’une auwette1 dans le champ dit : « le pré cornu ».
— Tu contournes l’église, puis tu montes le chemin ; après le croisement, tu avances à travers champs : je te guetterai pour faire signe avec ma houe. Tu ne peux pas te tromper, ne t’inquiète pas !
J’ai six ans. Après le feu vert libérateur donné par l’instituteur, je me lance à la conquête de la côte des quatre vents.
Au début des années soixante, mes parents, agriculteurs, sèment des betteraves destinées à la fabrication du sucre, mais aussi des betteraves de couleur rouge pour l’alimentation des vaches. Le semoir, accroché au relevage arrière du tracteur, n’a aucune précision et laisse filer les graines en un chapelet continu. La conséquence est sévère ! Ce manque de sophistication engendre une pousse par paquets. Les graines lèvent de façon désordonnée et, surtout, trop proches les unes des autres. Il faut donc éliminer une par une les graines nuisibles, intempestives, devenues inutiles. On en laisse une tous les vingt-cinq centimètres environ. Ce travail laborieux est pénible : le dos est sollicité en permanence. Les Portugais viendront bientôt par cars entiers, pendant deux décennies, faire le travail de démariage à la place des Français, qui délaisseront ces tâches pénibles !
Mon père faisait des études au lycée privé Montalembert à Doullens. Il venait en vacances à la campagne chez son oncle qui n’avait pas d’enfant. Mon père était attiré par la vallée, et fortement influencé par son oncle, qui voulait lui donner sa ferme, n’ayant pas d’enfants. Il reprit donc la ferme en mille neuf cent quarante-six, au lieu de passer son brevet supérieur. Mon grand-père ne l’a pas dissuadé dans son projet, trop heureux que la ferme revienne dans le giron familial, et, ainsi, il se déculpabilisait de ne pas avoir repris celle de son père. La Deuxième Guerre mondiale perturba les projets de chacun en empêchant le cours normal des vies, ainsi mon père s’installa, d’abord avec des chevaux, puis décida d’investir sur l’avenir, en mécanisant son exploitation, l’année suivante.
Pourtant, acheter un tracteur diesel dans la vallée d’Artois est difficile, car la France fonctionne toujours avec des chevaux ou quelques tracteurs Renault à essence, moyennant des bons de rationnement. L’Industrie Française ne fabrique pas encore de tracteurs diesel ! Seul, le concessionnaire, Tutrice de Péronne, propose des Hanomags diesel, fabriqués en Allemagne.
Pendant la débâcle, sept mille personnes dormaient dans les fossés, faute d’étable et erraient à la recherche de nourriture dans Habarcq, le berceau familial, qui comptait habituellement deux cents habitants. Le château avait été réquisitionné par les nazis, et fut le siège de la Kommandantur pendant les quatre années de guerre. Ces événements si proches dans le temps avaient marqué les esprits de façon indélébile ; juste au sortir de la guerre, il n’est pas évident d’acheter le tracteur de ses anciens ennemis. Néanmoins, se moquant du qu’en dira -t-on et, fort de son passé de résistant, mon père n’hésite pas : il se rend à Péronne pour acquérir un tracteur diesel. Il achète un Hanomag « douze », puis « un vingt-quatre ».
***
Le soleil de midi, haut dans le ciel, tape déjà fort. Après trois cents mètres, la sueur perle. Les aubépines dépassées, j’approche maintenant du carrefour et n’aperçois toujours pas ma mère ! Je ne m’inquiète pas du passage de véhicules, car le village ne compte que des chevaux, et peu de voitures : la « deux chevaux Citroën » de Camille et les voitures de mes parents. C’est l’absence de ma mère qui m’inquiète. Je finis par la distinguer au loin. J’agite mon bras en m’époumonant.
Soudain, je me souviens qu’il faut quitter le chemin pour avancer à travers champs et descendre jusqu’au pré cornu. La rencontre se produit enfin. Ma mère me dit :
— Bon, tu es là, on va donc repartir à la maison et dîner, je ne voudrais pas que tu sois en retard à l’école !
Ces allées et venues me semblent inutiles. Pourtant, chercher ma mère dans ces territoires inconnus me donne un parfum d’aventure, le goût de la découverte, une sensation neuve ; la palpitation générée par l’angoisse de me perdre se transforme en une excitation aiguë, un défi à relever. La ferme de mes parents est probablement à l’origine de cette irrésistible envie de découverte. Une attirance naturelle exercée par les animaux sur les enfants, non pas des lions, ni des éléphants ou rhinocéros, mais des vaches en semi-liberté, façon innovante de mon père, qui a copié les élevages intensifs américains, ou, peut-être, qui a simplement développé une façon de travailler, propre à augmenter les rendements ; des cochons élevés en complète autonomie dans des parcs contigus aux bâtiments, l’incontournable basse-cour, qui ne m’attire pas, car basse ! Je suis sensible à ce qui est grand, ce qui est haut, ce qui est majestueux, grandiose, ce qui est vaste, ce qui est puissant. J’ai horreur de ce qui est petit, étriqué et mesquin !
Il me faut de grands espaces : les plaines immenses du Drakensberg en Afrique du Sud, les grandes plaines du Kansas au Colorado, les backwaters du Kerala, les forêts primaires d’Indonésie, d’Amazonie ou du Congo, pour faire corps avec la canopée, les paysages lunaires de Tenerife ou de Lanzarote, la vallée de la mort en Californie, le plateau du Larzac…
Je dois partir pour découvrir, par saine curiosité, par intérêt de l’autre, pour témoigner de la beauté de la nature, de la chaleur accueillante des peuples rencontrés, des merveilles architecturales naturelles ou artificielles et, aussi pour juger de la main heureuse ou malveillante de l’homme, accidentelle ou intentionnelle.
L’aventure commence en Malaisie, à la recherche des Ibans : une ethnie du peuple Dayak, des coupeurs de têtes, la dernière tribu, qui s’était battue sauvagement contre sa voisine pendant l’année deux mille. La conséquence fut dévastatrice et meurtrière : dans la culture Iban, tuer son ennemi est bien, c’est une bonne action à accomplir, un devoir à exécuter à la lettre : c’est ainsi que les dernières têtes tombèrent !
La Malaisie actuelle résulte de l’entrée en mille neuf cent soixante-trois des territoires britanniques de Bornéo. Bornéo est partagée entre trois états : l’Indonésie, Brunei et la Malaisie. Cette dernière possède la partie nord-ouest de l’île, l’État du Sarawak.
À Batang Ai, j’ai loué un bateau pour remonter la rivière Niah ; c’est facile : le pays est structuré, c’est l’Europe de l’Asie ! En plus, ce n’est pas très cher, et les Malaisiens sont calmes et accueillants. Sous une chaleur écrasante, le tee-shirt noyé, le short collant, je cherche le bateau adéquat et son équipage mixte. Je vais de boutique en boutique. Finalement, j’entre dans l’une d’elles, attiré par l’enseigne « Syarikat ayah dan anak Abidin dan Adik », ce qui signifie : « entreprise Abidin et Adik, père et fille ». Un hamac blanc tendu de part et d’autre de la pièce semble contenir quelque chose : je me penche au-dessus et distingue un bébé tout nu, qui dort tranquillement. Il ne doit pas avoir plus de quelques semaines. C’est alors que je remarque l’homme assis derrière le hamac. Il me regarde attentivement, une amorce de sourire aux lèvres, la face burinée, le crâne chauve, les oreilles décollées. Il est suspendu à mon regard, il attend ma question :
Moyennant quelques dollars de Singapour, plus appréciés par les habitants du Sarawak que le Ringgit6, je loue un bateau avec ses trois hommes d’équipage, faute d’avoir trouvé un équipage mixte. J’avais remarqué que des tensions ou des conflits surgissent plus souvent et plus spontanément lorsque les équipes sont exclusivement masculines. Départ le lendemain à quatre heures.
Sa fille est dans l’arrière-boutique, je l’aperçois en payant. Ayant l’habitude des Asiatiques, je ne me trompe pas : il s’agit bien d’une femme et non d’une enfant malgré sa si petite taille, ses traits fins, son jeune minois et sa silhouette gracile. Ses jambes de mannequin, fines, élancées, me troublent. Sa longue chevelure brune, une moitié en désordre sur son débardeur blanc décolleté, l’autre moitié déversée à l’arrière cachant ainsi une partie de son cou, ses yeux légèrement bridés, pénétrants, me font mettre un temps beaucoup trop long, au goût de son père, pour détourner mon regard ! Elle tient son regard haut, contrairement aux usages malaisiens.
Sa mini-jupe rose est masquée par son haut un peu long. Du coup, son tee-shirt apparaît comme une robe très courte. Cela augmente son pouvoir séducteur. Elle me séduit instantanément, sans rien faire, sans rien dire, par son regard, sa posture, son arrogance muette, enrobée de gentillesse, sa présence irradiante du fond de sa boutique sombre ; comment me remémorer cette tendre émotion suscitée, conserver son image dévastatrice, emporter cette vision fugace, et pourtant si prégnante, de beauté asiatique !