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Bourgeois d'origine modeste mais fier d'être devenu riche, M. Jourdain entend acquérir les manières des gens de qualité. Il décide de commander un nouvel habit plus conforme à sa nouvelle condition et se lance dans l'apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie, autant de choses qui lui paraissent indispensables à sa condition de gentilhomme. Il courtise Dorimène, une marquise veuve, amenée sous son toit par son amant, un comte autoritaire, qui entend bien profiter de la naïveté de M. Jourdain et de Dorimène.
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Seitenzahl: 100
Veröffentlichungsjahr: 2022
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MONSIEUR JOURDAIN : bourgeois.
MADAME JOURDAIN : sa femme.
LUCILE : fille de M. Jourdain.
NICOLE : servante.
CLÉONTE : amoureux de Lucile.
COVIELLE : valet de Cléonte.
DORANTE : comte, amant de Dorimène.
DORIMÈNE : marquise.
MAÎTRE DE MUSIQUE.
ÉLÈVE DU MAÎTRE DE MUSIQUE.
MAÎTRE À DANSER.
MAÎTRE D’ARMES.
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.
MAÎTRE TAILLEUR.
GARÇON TAILLEUR.
DEUX LAQUAIS.
Plusieurs musiciens, musiciennes, joueurs d’instruments, danseurs, cuisiniers, garçons tailleurs, et autres personnages des intermèdes et du ballet.
La scène est à Paris.
Personnages
Acte premier
Scène I
Scène II
Acte II
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Acte III
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
Scène XI
Scène XII
Scène XIII
Scène XIV
Scène XV
Scène XVI
Acte IV
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Acte V
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène dernière
L’ouverture se fait par un grand assemblage d’instruments ; et dans le milieu du théâtre on voit un élève du maître de musique, qui compose sur une table un air que le Bourgeois a demandé pour une sérénade.
Maître de musique, maître à danser, troismusiciens, deux violons, quatre danseurs
MAÎTRE DE MUSIQUE, parlant à ses musiciens.
Venez, entrez dans cette salle, et vous reposez là, en attendant qu’il vienne.
MAÎTRE À DANSER, parlant aux danseurs.
Et vous aussi, de ce côté
MAÎTRE DE MUSIQUE, à l’élève.
Est-ce fait ?
L’ÉLÈVE
Oui.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Voyons… Voilà qui est bien.
MAÎTRE À DANSER
Est-ce quelque chose de nouveau ?
MAÎTRE DE MUSIQUE
Oui, c’est un air pour une sérénade, que je lui ai fait composer ici, en attendant que notre homme fût éveillé.
MAÎTRE À DANSER
Peut-on voir ce que c’est ?
MAÎTRE DE MUSIQUE
Vous l’allez entendre, avec le dialogue, quand il viendra. Il ne tardera guère.
MAÎTRE À DANSER
Nos occupations, à vous, et à moi, ne sont pas petites maintenant.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Il est vrai. Nous avons trouvé ici un homme comme il nous le faut à tous deux ; ce nous est une douce rente que ce Monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu’il est allé se mettre en tête ; et votre danse et ma musique auraient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât.
MAÎTRE À DANSER
Non pas entièrement ; et je voudrais pour lui qu’il se connût mieux qu’il ne fait aux choses que nous lui donnons.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Il est vrai qu’il les connaît mal, mais il les paye bien ; et c’est de quoi maintenant nos arts ont plus besoin que de toute autre chose.
MAÎTRE À DANSER
Pour moi, je vous l’avoue ; je me repais un peu de gloire ; les applaudissements me touchent ; et je tiens que dans tous les beaux-arts, c’est un supplice assez fâcheux que de se produire à des sots que d’essuyer sur des compositions la barbarie d’un stupide. Il y a plaisir, ne m’en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d’un art, qui sachent faire un doux accueil aux beautés d’un ouvrage, et, par de chatouillantes approbations, vous régaler de votre travail. Oui, la récompense la plus agréable qu’on puisse recevoir des choses que l’on fait, c’est de les voir connues, de les voir caressées d’un applaudissement qui vous honore. Il n’y a rien, à mon avis, qui nous paye mieux que cela de toutes nos fatigues ; et ce sont des douceurs exquises que des louanges éclairées.
MAÎTRE DE MUSIQUE
J’en demeure d’accord, et je les goûte comme vous. Il n’y a rien assurément qui chatouille davantage que les applaudissements que vous dites. Mais cet encens ne fait pas vivre ; des louanges toutes pures ne mettent point un homme à son aise : il y faut mêler du solide ; et la meilleure façon de louer, c’est de louer avec les mains. C’est un homme, à la vérité, dont les lumières sont petites, qui parle à tort et à travers de toutes choses, et n’applaudit qu’à contresens ; mais son argent redresse les jugements de son esprit ; il a du discernement dans sa bourse ; ses louanges sont monnayées ; et ce bourgeois ignorant nous vaut mieux, comme vous voyez, que le grand seigneur éclairé qui nous a introduits ici.
MAÎTRE À DANSER
Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites ; mais je trouve que vous appuyez un peu trop sur l’argent ; et l’intérêt est quelque chose de si bas, qu’il ne faut jamais qu’un honnête homme montre pour lui de l’attachement.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Vous recevez fort bien pourtant l’argent que notre homme vous donne.
MAÎTRE À DANSER
Assurément ; mais je n’en fais pas tout mon bonheur, et je voudrais qu’avec son bien il eût encore quelque bon goût des choses.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Je le voudrais aussi, et c’est à quoi nous travaillons tous deux autant que nous pouvons. Mais, en tout cas, il nous donne moyen de nous faire connaître dans le monde ; et il payera pour les autres ce que les autres loueront pour lui.
MAÎTRE À DANSER
Le voilà qui vient.
Monsieur Jourdain, deux laquais, maître de musique ; maître à danser, violons, musiciens et danseurs.
MONSIEUR JOURDAIN
Eh bien, Messieurs ? qu’est-ce ? me ferez-vous voir votre petite drôlerie.
MAÎTRE À DANSER
Comment ? quelle petite drôlerie ?
MONSIEUR JOURDAIN
Eh la… comment appelez-vous cela ? votre prologue ou dialogue de chansons et de danse.
MAÎTRE À DANSER
Ah ! ah !
MAÎTRE DE MUSIQUE
Vous nous y voyez préparés.
MONSIEUR JOURDAIN
Je vous ai fait un peu attendre, mais c’est que je me fais habiller aujourd’hui comme les gens de qualité ; et mon tailleur m’a envoyé des bas de soie que j’ai pensé ne mettre jamais.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Nous ne sommes ici que pour attendre votre loisir.
MONSIEUR JOURDAIN
Je vous prie tous deux de ne vous point en aller, qu’on ne m’ait apporté mon habit, afin que vous me puissiez voir.
MAÎTRE À DANSER
Tout ce qu’il vous plaira.
MONSIEUR JOURDAIN
Vous me verrez équipé comme il faut, depuis les pieds jusqu’à la tête.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Nous n’en doutons point.
MONSIEUR JOURDAIN
Je me suis fait faire cette indienne-ci.
MAÎTRE À DANSER
Elle est fort belle.
MONSIEUR JOURDAIN
Mon tailleur m’a dit que les gens de qualité étaient comme cela le matin.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Cela vous sied à merveille.
MONSIEUR JOURDAIN
Laquais ! holà, mes deux laquais !
PREMIER LAQUAIS
Que voulez-vous, Monsieur ?
MONSIEUR JOURDAIN
Rien. C’est pour voir si vous m’entendez bien. (Aux deux maîtres.) Que dites-vous de mes livrées ?
MAÎTRE À DANSER
Elles sont magnifiques.
MONSIEUR JOURDAIN
(Il entrouvre sa robe et fait voir un haut-de-chausses étroit de velours rouge, et une camisole de velours vert, dont il est vêtu.)
Voici encore un petit déshabillé pour faire le matin mes exercices.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Il est galant.
MONSIEUR JOURDAIN
Laquais !
PREMIER LAQUAIS
Monsieur.
MONSIEUR JOURDAIN
L’autre laquais !
SECOND LAQUAIS
Monsieur.
MONSIEUR JOURDAIN
Tenez ma robe. Me trouvez-vous bien comme cela ?
MAÎTRE À DANSER
Fort bien. On ne peut pas mieux.
MONSIEUR JOURDAIN
Voyons un peu votre affaire.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Je voudrais bien auparavant vous faire entendre un air qu’il vient de composer pour la sérénade que vous m’avez demandée. C’est un de mes écoliers, qui a pour ces sortes de choses un talent admirable.
MONSIEUR JOURDAIN
Oui ; mais il ne fallait pas faire faire cela par un écolier, et vous n’étiez pas trop bon vous-même pour cette besogne-là.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Il ne faut pas, Monsieur, que le nom d’écolier vous abuse. Ces sortes d’écoliers en savent autant que les plus grands maîtres, et l’air est aussi beau qu’il s’en puisse faire. Écoutez seulement.
MONSIEUR JOURDAIN
Donnez-moi ma robe pour mieux entendre… Attendez, je crois que je serai mieux sans robe… Non ; redonnez-la-moi, cela ira mieux.
MUSICIEN, chantant.
Je languis nuit et jour, et mon mal est extrême,
Depuis qu’à vos rigueurs vos beaux yeux m’ont soumis;
Si vous traitez ainsi, belle Iris, qui vous aime,
Hélas ! que pourriez-vous faire à vos ennemis ?
MONSIEUR JOURDAIN
Cette chanson me semble un peu lugubre, elle endort, et je voudrais que vous la pussiez un peu ragaillardir par-ci, par-là.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Il faut, Monsieur, que l’air soit accommodé aux paroles.
MONSIEUR JOURDAIN
On m’en apprit un tout à fait joli, il y a quelque temps. Attendez… La… comment est-ce qu’il dit ?
MAÎTRE À DANSER
Par ma foi ! je ne sais.
MONSIEUR JOURDAIN
Il y a du mouton dedans.
MAÎTRE À DANSER
Du mouton ?
MONSIEUR JOURDAIN
Oui. Ah !
(Monsieur Jourdain chante.)
Je croyais Janneton
Aussi douce que belle,
Je croyais Janneton
Plus douce qu’un mouton :
Hélas ! Hélas ! elle est cent fois
Mille fois plus cruelle
Que n’est le tigre aux bois.
N’est-il pas joli ?
MAÎTRE DE MUSIQUE
Le plus joli du monde.
MAÎTRE À DANSER
Et vous le chantez bien.
MONSIEUR JOURDAIN
C’est sans avoir appris la musique
MAÎTRE DE MUSIQUE
Vous devriez l’apprendre, Monsieur, comme vous faites la danse. Ce sont deux arts qui ont une étroite liaison ensemble.
MAÎTRE À DANSER
Et qui ouvrent l’esprit d’un homme aux belles choses.
MONSIEUR JOURDAIN
Est-ce que les gens de qualité apprennent aussi la musique ?
MAÎTRE DE MUSIQUE
Oui, Monsieur.
MONSIEUR JOURDAIN
Je l’apprendrai donc. Mais je ne sais quel temps je pourrai prendre ; car, outre le Maître d’armes qui me montre, j’ai arrêté encore un Maître de philosophie, qui doit commencer ce matin.
MAÎTRE DE MUSIQUE
La philosophie est quelque chose ; mais la musique, Monsieur, la musique…
MAÎTRE À DANSER
La musique et la danse… La musique et la danse, c’est là tout ce qu’il faut.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Il n’y a rien qui soit si utile dans un État que la musique
MAÎTRE À DANSER
Il n’y a rien qui soit si nécessaire aux hommes que la danse.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Sans la musique, un État ne peut subsister.
MAÎTRE À DANSER
Sans la danse, un homme ne saurait rien faire.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Tous les désordres ; toutes les guerres qu’on voit dans le monde, n’arrivent que pour n’apprendre pas la musique.
MAÎTRE À DANSER
Tous les malheurs des hommes, tous les revers funestes dont les histoires sont remplies, les bévues des politiques, et les manquements des grands capitaines, tout cela n’est venu que faute de savoir danser.
MONSIEUR JOURDAIN
Comment cela ?
MAÎTRE DE MUSIQUE
La guerre ne vient-elle pas d’un manque d’union entre les hommes ?
MONSIEUR JOURDAIN
Cela est vrai.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Et si tous les hommes apprenaient la musique, ne serait-ce pas le moyen de s’accorder ensemble, et de voir dans le monde la paix universelle ?
MONSIEUR JOURDAIN
Vous avez raison.
MAÎTRE À DANSER
Lorsqu’un homme a commis un manquement dans sa conduite, soit aux affaires de sa famille ou au gouvernement d’un État, ou au commandement d’une armée, ne dit-on pas toujours : " Un tel a fait un mauvais pas dans une telle affaire "
MONSIEUR JOURDAIN
Oui, on dit cela.
MAÎTRE À DANSER
Et faire un mauvais pas peut-il procéder d’autre chose que de ne savoir pas danser ?
MONSIEUR JOURDAIN
Cela est vrai, vous avez raison tous deux.
MAÎTRE À DANSER
C’est pour vous faire voir l’excellence et l’utilité de la danse et de la musique.
MONSIEUR JOURDAIN
Je comprends cela à cette heure.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Voulez-vous voir nos deux affaires ?
MONSIEUR JOURDAIN
Oui.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Je vous l’ai déjà dit, c’est un petit essai que j’ai fait autrefois des diverses passions que peut exprimer la musique.
MONSIEUR JOURDAIN
Fort bien.
MAÎTRE DE MUSIQUE
Allons, avancez. Il faut vous figurer qu’ils sont habillés en bergers.
MONSIEUR JOURDAIN
Pourquoi toujours des bergers ? On ne voit que cela partout.
MAÎTRE À DANSER