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"Le chant de l’oiseau" vous entraîne dans un voyage fascinant à travers un pays de marchands, à la découverte d’un oiseau qui murmure des secrets à l’oreille de Milka. Mais dans le tumulte du quotidien, entendre cet oiseau ne sera pas une tâche aisée. Le vacarme du monde se dresse comme un obstacle imposant. Au travers de ses pérégrinations, Milka devra affronter un adversaire aussi redoutable que puissant, dans une quête où chaque chuchotement de l’oiseau devient une clé vers la vérité.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Hugues Lancry considère l’écriture comme un lieu d’évasion et de transcription du réel avec lequel tout peut être créé dès lors que l’on ouvre son espace intérieur à un ailleurs et à l’inconnu. "Le chant de l’oiseau" est le résultat de ce cheminement et du dialogue entre la petite voix intérieure et la réalité.
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Seitenzahl: 135
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Hugues Lancry
Le chant de l’oiseau
Conte
© Lys Bleu Éditions – Hugues Lancry
ISBN : 979-10-422-3432-4
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En mémoire d’Abdou
Dans un pays où les hommes et les femmes dépensaient leur énergie sans compter pour apporter de quoi faire vivre leur famille, les enfants étaient libres de courir dans les champs. Mais le soir, quand tout le monde rentrait à la maison, la vie devenait très compliquée pour Milka. Disputes, gronderies, cris, coups, brimades, punitions. C’était le quotidien du dernier-né d’une famille de six enfants que son papa avait pris en grippe et qui était battu, fouetté, attaché dans la cour.
Sa maman n’osait rien dire, mais le déliait chaque matin dès que son mari quittait la maison.
Alors, il oubliait toutes les roustes reçues et partait courir dans la montagne en boitillant, espérant ne jamais revenir. Mais il avait peur de la nuit et, chaque soir, préférait affronter les rossées de son père plutôt que les monstres qui devaient assurément peupler la montagne. Les années passant, son corps restait chétif de n’avoir pas reçu beaucoup d’amour, mais devenait résistant comme du chêne. Il était persuadé qu’un jour son père le tuerait. Toutes les nuits, attaché dans la cour, les « pourquoi » restaient coincés au fond de sa gorge sans un son. Qu’avait-il bien pu avoir fait pour mériter cela ? Il voulait mourir. Il voulait s’enfuir dans la montagne et mourir.
Milka avait maintenant près de dix-huit ans et n’aspirait qu’à mettre fin à ses jours. Dix-huit ans à entendre dans ses oreilles et sur son corps qu’il n’était rien, un bon à rien, un inutile, une bouche de trop et bien d’autres choses plus cruelles encore.
Lorsque sa mère le détacha le lendemain, il se décida, à passer à l’action, à ne plus revenir et à dépasser sa peur de la nuit. Il courut dans la montagne prendre le plus de forces possible et repérer les lieux qu’il connaissait par cœur. Mais la nuit, la peur déformait tout et il ne reconnaissait rien. Il dut se maîtriser quand la pénombre enveloppa les bosquets et les arbustes. C’était si difficile d’affronter ces énormes formes noirâtres, bruissantes qui le perçaient de leurs yeux noirs pour se persuader qu’il ne s’agissait que de rochers, branches d’arbres et autres feuillus. Mais il y avait aussi ces murmures et chuintements terribles. Son cœur battait si fort qu’il croyait entendre un bruit de tam-tam à l’extérieur. Il avança vers le promontoire assez haut d’où il avait décidé de s’élever à jamais dans le vide de toujours. Par inadvertance, en montant sur le monticule, une branche d’arbre l’effleura. Il sursauta, sa cheville gauche se tordit. Milka glissa, sa tête heurta violemment un rocher et il déboula plusieurs mètres plus bas, inanimé.
Allongé sur le dos, la tête de côté, il respirait faiblement quand un mouvement ample lui souleva les épaules à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’un oiseau de taille moyenne au pelage vert s’extirpe de sa poitrine et vienne se placer en face de lui.
Il souleva une paupière, puis l’autre.
Toute cette conversation faisait oublier la triste vie de Milka, et comme son corps lui faisait mal, il se rappela soudainement pourquoi il était là.
Kalef était le cousin que Milka haïssait, car il avait dénoncé sa cachette à son père un jour où il essayait d’échapper aux tortures quotidiennes. Il se souvenait encore de son sourire méchant. En pensant à lui et à sa méchanceté, tout le corps de Milka s’était durci, contracté, ses muscles et son intériorité aussi.
Tant de choses nouvelles pour Milka. Depuis sa naissance, c’était la première fois que l’on s’intéressait vraiment à lui pour lui parler de ce qu’il comprenait. Il n’était peut-être pas aussi bête que son père le lui avait asséné. Peut-être pouvait-il s’imaginer un avenir après tout. Et il commença à penser à ce que lui avait dit l’Oiseau : il deviendrait enfin utile. Il essayait de s’imaginer en situation. Il avait suffi de recevoir des paroles positives, des paroles de confiance pour inverser un processus.
Cela suffisait pour se projeter dans un ailleurs qui serait le sien et pas forcément celui dicté par un autre. Il y avait quelqu’un pour qui il comptait vraiment à présent et cela avait de l’importance à ses yeux.
Plus il se laissait habiter par tous ses sentiments positifs, plus il se sentait confiant et plus, curieusement, il considérait l’histoire avec son cousin avec davantage de distance. En l’évoquant, il la voyait toujours, mais le sourire de Kalef se transformait en une mimique exprimant plus de pitié que de colère. Dans le cœur de Milka, les choses changeaient.
Le cœur de Milka ne put s’empêcher de se serrer au point de lui faire mal, il devint blême.
Il décida de s’allonger par terre et de fixer les yeux sur l’Oiseau tout en pensant à son père. Le fait de garder les yeux sur le volatile rendait les évocations du passé acceptables, il maintenait une certaine distance. Le souffle, un instant rapide à cause de l’inévitable peur, retrouva un rythme paisible et la voix de l’Oiseau accompagna le voyage de Milka, là où les souvenirs étaient trop pénibles. Il se vit à plusieurs reprises, attaché, meurtri, ensanglanté, mais toute la force que lui donnait l’Oiseau lui permettait de regarder cet autre Milka sans trop d’émotions, comme quelqu’un du passé dont il se sortait vainqueur et sans esprit de vengeance. Il traversait des scènes où son père le fouettait, et ressentait une sensation d’étouffement pour cet homme qui, en face du petit garçon qu’il avait été, n’avait d’autre comportement possible que celui de le battre et de le torturer. Il découvrait à quel point cet homme était prisonnier de lui-même. Il ne pouvait rien pour lui. Milka s’était défait du lien négatif et se sentait apaisé.
Celui-ci s’était posé sur sa poitrine.
Milka plongea dans un sommeil, libéré. Il y eut un battement d’ailes et l’Oiseau disparut au cœur de sa poitrine.
C’était le petit matin. Une chenille lui grimpait ostensiblement sur le nez et les chatouilles le tirèrent de ses rêveries. Milka ouvrit les yeux sur un monde nouveau. Il se passa la main dans les cheveux et sentit la croûte de sang séchée, reliquat de sa chute de la veille. Et puis, il y avait ce rêve incroyable. Il ne put s’empêcher de porter la main à sa poitrine. Il se sentait léger, plus de liens entravant ses mouvements, enfin libre. Il allait pouvoir écrire sa vie maintenant. Tout d’abord, quitter sa région, partir loin de ce qu’il connaissait, de sa parenté, de tous ceux qui pouvaient le ramener vers cet horrible passé et vers cet autre lui-même qu’il avait abandonné dans son rêve pour une promesse d’avenir merveilleux, ainsi que le lui avait annoncé l’Oiseau Vert. Quand il se redressa, il eut l’impression d’être plus grand. Il était persuadé que le monde ne pouvait pas être pire que ce qu’il avait connu et qu’il y avait forcément de belles choses à découvrir et d’authentiques personnes à rencontrer. Il n’avait d’autre solution que de s’enfoncer à travers bois et suivre le sentier qui l’écartait à tout jamais de son village.
Au bout de plusieurs heures de marche sous une belle journée de soleil, la soif et la faim se firent sentir. Il avait quitté la forêt pour traverser une grande zone sablonneuse à perte de vue parsemée çà et là par quelques rochers. Il se reposa un instant, adossé à l’un d’eux, se demandant comment il pourrait s’alimenter. Il avait beau regarder de tous côtés, il n’y avait rien de comestible. Seules quelques fourmis se nourrissaient d’anciennes traces d’un chameau quelques centaines de mètres plus tôt.
Milka se retourna brusquement.
Il n’y avait personne. Il n’avait pas rêvé, il avait bien entendu une voix. Elle lui avait dit quelque chose. Mais qu’avait-elle dit ? Pourtant il n’y avait personne. Milka commença à faire des cercles autour du rocher de plus en plus grands jusqu’à atteindre une cinquantaine de mètres sans trouver âme qui vive. Il revint s’asseoir près du rocher et se laissa glisser sur le sol tant pour prendre son souffle que pour retrouver ses esprits.
Son cœur s’était à ce point apaisé après sa course qu’il semblait ne plus le sentir. Il posa sa main droite dessus. C’est alors qu’il entendit de nouveau :
Tout à coup, il eut une illumination :
Milka ressentit une chaleur le traverser, mais il n’eut pas de réponse. Il regarda de nouveau dans la direction, là où il lui était indiqué de s’asseoir. Cela n’avait pas de sens. S’il commençait à écouter toutes les voix qu’il entendait à l’intérieur de lui, il ne s’en sortirait pas. Milka se posait mille questions fusant de toute part. Il se leva, grimpa sur le rocher et aperçut une caravane qui, se dirigeant vers le point où Milka était censé attendre, allait l’atteindre d’ici peu. Une caravane, c’était l’assurance d’avoir un peu de quoi boire et manger.
Sa faim le rappela aussitôt à l’ordre, une crampe lui tordit l’estomac. Il détala aussi vite qu’il put afin de couvrir les centaines de mètres qui le séparaient du point où il devait s’asseoir. Mais il se tordit le pied dans le sable. Alors qu’il se relevait, les premiers arrivants atteignaient le point de rendez-vous et le dépassaient. Milka ne put reprendre sa course qu’en boitillant, il y avait encore une grande distance à parcourir et la caravane continuait son chemin. Arriverait-il quand même à arrêter l’un des hommes ?
Tout en avançant, il voyait défiler des chameaux et des dromadaires en une colonne interminable au point qu’il n’en voyait pas la fin. Il venait d’atteindre le tas de fourmis et bien qu’il tournât la tête de droite et de gauche, les chameaux s’étendaient à perte de vue.
Les marchands le remarquaient bien, mais personne ne s’arrêtait pour autant. Milka avait l’impression que nombre d’entre eux semblaient dormir sur leur monture, bercés par le balancement. Fatigué, il alla s’asseoir par terre, juste à côté, ne sachant plus quoi faire et se prit la tête dans les mains.
Milka se redressa vivement, mit sa main en visière pour mieux voir à qui il avait à faire.