Le choix de Sérafin - François Mercier - E-Book

Le choix de Sérafin E-Book

François Mercier

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Beschreibung

S’inscrivant dans la continuité de La voix de Lucien, Le choix de Sérafin vient répondre à cette ultime phrase : « Séraphit, qui attendait de se voir confier une mission, allait certainement, un jour ou l’autre, se payer d’une petite visite au Bost ». Le roman explore la manière dont le personnage central, confronté à l’intersexualité, fait face à sa singularité et finit par découvrir pleinement son identité assumée.




À PROPOS DE L'AUTEUR

François Mercier réunit voyage, connaissance, magie et alchimie autour de récits surprenants axés sur le mystère de la vie. il est le président de l’association de la route des mines Dômes Combrailles en Auvergne et auteur d’une pluralité d’ouvrages d’intérêt majeur.

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François Mercier

Le choix de Sérafin

Roman

© Lys Bleu Éditions – François Mercier

ISBN : 979-10-422-2464-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Mais quelle complication d’obscurité et de misère, si la nature a un moment d’incertitude, si le garçon naît à moitié fille, si la fille naît à moitié garçon ! Les faits sont là, quotidiens. L’incertitude peut commencer au simple aspect physique, aux grandes lignes du caractère : l’homme efféminé, délicat, lâche ; la femme masculine, violente, sans tendresse.

Émile Zola,

Roman d’un inverti

Naissance

Ce 28 mai 2002, dans la banlieue de Clermont-Ferrand, à Beaumont, dans une maternité moderne située au cœur d’une forêt de Châtaigniers, Igor et Laure Zakrevski attendaient « l’heureux événement ». Cela faisait cinq heures que les contractions avaient démarré. Igor, tout médecin psychiatre qu’il était, s’inquiétait : un nouvel être humain s’incarnait sous ses yeux et il aurait la responsabilité de l’accompagner dans son cheminement terrestre. Comme beaucoup de pères de sa génération, il avait pris part activement à la grossesse de sa compagne, allant même jusqu’à participer avec elle à des séances d’haptonomie1. Alors, lorsqu’il avait vu apparaître la tête du bébé, il avait demandé à la sage-femme de terminer lui-même le travail. Il avait saisi l’enfant sous les bras et l’avait sorti du ventre de sa maman, pour s’écrier immédiatement : c’est un garçon ! Un peu trop rapidement peut-être. Il avait parlé trop vite. Car, après un premier examen, il s’était rendu compte de l’aspect anormal du pénis et des testicules du bébé. Si, apparemment, il s’agissait bien d’un sexe masculin, il demeurait une ambiguïté. Comment annoncer ce « défaut » à la mère ? D’ailleurs, s’agissait-il d’un « défaut », d’une « erreur de la nature » ou tout simplement d’une « caractéristique physique », comme celle d’avoir des cheveux roux ou de grandes oreilles ?

En tout cas, Igor devait informer la mère, son épouse. Mais comment allait-elle recevoir cette nouvelle ? L’épreuve de l’accouchement était déjà suffisamment traumatisante pour ne pas en rajouter. Il savait que la chute de progestérone, en diminuant brutalement, allait rendre Laure plus fragile, malgré la joie qu’elle allait ressentir en voyant son enfant. Encore en salle de travail, elle ne s’était rendu compte de rien quand la sage-femme avait posé le bébé sur son ventre et les avait recouverts du drap tous les deux. Elle avait regagné sa chambre et le bébé, après avoir été mesuré, pesé et examiné, avait été emmené à la nursery pour être baigné et habillé. Là, Igor avait procédé à un examen plus attentif et s’était concerté avec son confrère gynécologue obstétricien et la sage-femme. Tous les trois avaient confirmé, qu’en l’état actuel, il était bien difficile de se prononcer définitivement sur le genre de cet enfant. Dans quelques minutes il allait être ramené dans la chambre de sa mère. La sage-femme posa une question qui interpella les deux médecins : et pour le bracelet, comment fait-on ? Quel prénom va-t-on lui donner ? Silence. Les deux hommes se regardèrent. Ils n’avaient pas pensé à ce détail. Igor répondit :

— Je réalise que la deuxième échographie nous avait plutôt laissé entendre qu’il s’agissait d’une fille. Et, en fait, on avait décidé de ne pas se précipiter pour choisir un prénom et même d’attendre la naissance… c’était une bonne intuition.

— Mais vous n’avez que cinq jours pour faire enregistrer la déclaration de naissance, répondit la sage-femme.

— Même dans le cas où subsiste un doute sur le sexe de l’enfant ?

— Oui. Aujourd’hui la loi ne prévoit pas cette situation… même s’il semblerait que des milliers d’enfants naissent chaque année avec un doute sur leur genre.

— Et ce cas n’étant pas isolé… on est obligé de mentionner son genre ?

— Je comprends votre question, Docteur, mais la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes d’état civil, l’indication d’un autre sexe autre que masculin ou féminin. Il n’existe que deux mentions relatives au sexe. D’ailleurs, aujourd’hui, dans le monde, aucun État ne permet de faire figurer une troisième mention dans les actes de naissance.

Le moment était venu de retrouver Laure, car elle risquait de s’inquiéter de l’absence de son mari.

Igor pénétra dans la chambre. Il essaya de faire bonne figure et de ne pas laisser transparaître son inquiétude. Laure l’accueillit avec un immense sourire. L’enfant, fatigué, dormait profondément à côté d’elle. Il allait devoir commencer à s’adapter à ce nouveau monde.

— Le bébé va très bien. Il est en parfaite santé… mais…

— Mais ?

— Mais, je dois te dire quelque chose.

— Quelque chose ? Quoi ? Il y a un problème ? Il n’est pas normal ?

— Si, il est parfaitement normal, et encore une fois en parfaite santé, mais, pour le moment, on a l’impression que le sexe n’est pas clairement défini. Il va falloir faire un examen sanguin pour déterminer son caryotype.

— Et pour le prénom ?

— Effectivement, là on a un problème qu’il va falloir résoudre dans les cinq jours.

Laure éclate en sanglots :

— Non pas ça ! Pas notre bébé !

Igor se rapprocha de Laure en s’asseyant sur le lit et l’entoura affectueusement de ses bras.

— Ça va aller… en fait il ne s’agit pas d’une « a-normalité » au sens propre, mais plutôt d’une « particularité ».

— Une « particularité » ? Tu en as de bonnes… mais comment il va pouvoir vivre avec « ça ».

— C’est un peu comme si… comme s’il était de « petite taille » par exemple…

— Oui… un « nain » quoi !

Déjà, compte tenu du débat sur le « genre » qui s’était installé avec la loi du « mariage pour tous », des discours extrémistes avaient envahi les espaces familiaux et éducatifs en voulant imposer la disparition des sexes. En tant que psychiatre, Igor avait naturellement pris connaissance des ouvrages de son confrère américain Robert Stoller (Sex and Gender) et plus récemment de la philosophe américaine Judith Butler (Gender Trouble). Le « genre » serait dès lors une construction « culturelle » imposée par une société « normative ». C’est ainsi que la féministe Monique Wittig dans la penséestraight avait proposé « d’anéantir » les catégories hommes et femmes. Cette attitude était toute droite sortie du chapeau des nouveaux militants LGBT. Il fallait donc « déconstruire » le genre. Il allait donc expérimenter en grandeur réelle la théorie queer2. Igor réalisait ainsi qu’il allait tomber « concrètement » dans la soupe du « genre ». Ce, à quoi, occasionnellement, il était confronté avec certains de ses patients, allait envahir sa vie quotidienne. S’il se sentait capable d’affronter cette épreuve en tant qu’éducateur, il devait se rendre à l’évidence qu’il faudrait également gérer l’angoisse de son épouse.

Sa réflexion fut interrompue par quelques coups discrets frappés à la porte et un entrebâillement timide. Ses parents venaient découvrir leur premier « petit enfant ».

Le Chariot de Dieu

La mère d’Igor qui était dotée d’un caractère franc et spontané ne put cacher son émotion en découvrant le bébé endormi :

— Oh, quel petit ange !

À cette exclamation enthousiaste, sa belle-fille ne put s’empêcher de répondre par un sourire crispé.

— Vous ne croyez pas si bien dire belle-maman !

— Et comment va-t-il s’appeler ?

La question fatale !

Les parents d’Igor, respectivement peintre et graphiste, avaient dû fuir leur pays et trouvé asile en France à la suite de leur participation au mouvement Solidarnos’c’ dans les années quatre-vingt. Déjà, la période communiste avait muselé la création artistique. De cette situation était née une École polonaise de l’affiche qui avait rejoint la réputation déjà internationale du cinéma d’animation polonais. Comme plus de 85 % des Polonais, les grands-parents du nouveau-né étaient restés fidèles à la religion catholique, mais leur esprit artistique et une curiosité culturelle naturelle en faisant des personnes très ouvertes. Igor, connaissant la capacité résiliente de ses parents, qui avaient traversé de rudes épreuves, avait décidé de les informer immédiatement de la situation eu égard au genre de son enfant et de leur difficulté à lui donner un prénom.

Les parents d’Igor étaient enclins à découvrir rapidement une solution à tout problème en raison de leur aisance à solliciter leur imagination et des épreuves qu’ils avaient traversées. Ils se focalisèrent d’abord sur la première réaction de la grand-mère et s’ingénièrent à faire la liste des noms d’anges qui présentaient l’intérêt de ne pas être trop « sexués ». Ils entreprirent donc de consulter Google, ce qui eut l’avantage de détendre l’atmosphère. Ils commencèrent par les archanges… Ariel, Chamuel, Zadkiel, Gabriel, Raziel, Metatron, Jophiel, Jérémiel, Raguël, Azrael, Uriel, Sandalphon. Mais ils découvrirent rapidement qu’il existait un nombre impressionnant d’anges…

La première énumération des archanges avait déclenché le rire un peu grinçant de Laure. Vous ne pouvez quand même pas l’appeler du nom d’une lessive comme Ariel ? Et Sandalphon ? Et Zadkiel ? Zaza, Zadkiel Zakrevski, par exemple ? Non, mais n’importe quoi !

C’est vrai, qu’à part des noms comme Gabriel, Mikael ou Raphaël, la plupart sont plutôt difficiles à porter.

À ce moment, une idée traversa l’esprit de la grand-mère. C’était plus qu’une idée, une intuition fulgurante, un déclic, comme une révélation, comme si une entité avait murmuré un prénom à son oreille.

— Dans notre jeunesse, lorsque nous habitions encore en Pologne, nous avons connu un prêtre capucin. De 1945 jusqu’à sa mort en 1977, il a exercé son ministère dans la clandestinité. Il avait été arrêté en 1966 une première fois pour « vagabondage » et condamné à cinq ans d’exil, puis à 11 ans de réclusion dans un hospice. Il a ainsi traversé le Kazakhstan, l’Ukraine, la Biélorussie, la Lituanie et l’Estonie en exerçant son ministère dans l’illégalité. Il était surnommé le « chariot de Dieu ». Il émanait de cette personne une bonté et une sérénité impressionnantes. Il a été reconnu vénérable par l’Église catholique. Il s’appelait Sérafin Kaszuba. Sérafin, voilà c’est LE prénom pour cet enfant. Elle présentait la chose comme une évidence. Curieusement cette façon d’affirmer que Sérafin était LE prénom ne souleva aucune discussion. Parents et grands-parents adhéraient tous les quatre à cette proposition. Le prénom Sérafin, d’origine hébraïque, vient de saraph qui signifie ardent. À la façon dont des langues de feu s’étaient posées sur les apôtres et Marie, la mère de Jésus. Le prénom de Sérafin s’était imposé dans leur esprit, sans qu’ils puissent y résister.

Rassurés, les grands-parents quittèrent la clinique pour laisser se reposer la petite famille.

Finalement, Laure était enchantée du prénom choisi pour son enfant. Enchantée était véritablement le mot juste, car ce prénom leur avait été insufflé comme par magie. Mais son inquiétude maternelle reprenait le dessus. Elle demanda à Igor :

— Et la suite, comment ça va se passer ? Il va falloir l’opérer ?

— Il n’y a aucune urgence médicale. Nous allons d’abord prescrire une prise de sang pour connaître son caryotype. Mais, quel que soit le résultat, je ne vois pas la nécessité d’une opération. Quant à la mention du genre de l’enfant, il sera masculin, du fait qu’il présente des organes génitaux masculins, même ambigus. Il faudra peut-être attendre la puberté de l’enfant pour se prononcer. En tout cas, pour moi, ce sera lui et lui seul qui décidera de son identité, lorsqu’il sera adulte.

Quelques jours plus tard, le résultat de l’analyse arrivait et confirmait une « Dysgénésie gonadique ». Sur le plan anatomique, Sérafin était un garçon, mais sur le plan génétique une fille au caryotype 46 XX, c’est-à-dire avec 46 chromosomes par cellule dont une paire de chromosomes XX.

L’enfance de Sérafin

À l’âge de douze ans, son imagination, stimulée par le perpétuel exercice de ses facultés, s’était développée au point de lui permettre d’avoir des notions si exactes sur les choses qu’il percevait par la lecture seulement, que l’image imprimée dans son âme n’en eut pas été plus vive s’ils les avaient réellement vues, soit qu’il procédât par analogie, soit qu’il fût doué d’une espèce de seconde vue par laquelle il embrassait la nature…

Balzac,

Louis Lambert

Si Sérafin grandissait normalement, petit à petit, il se rendait compte de sa différence. Dès l’âge de trois ans, Sérafin était capable de l’évoquer. Il l’acceptait, non pas comme un défaut, mais comme un don que la nature lui avait octroyé. Pourtant, cette singularité restait secrète en dehors de sa famille proche. Ses parents étaient particulièrement attentifs à son évolution et ils se rendirent compte qu’il possédait des facultés intuitives et une mémoire exceptionnelle. En outre, l’enfant aimait se travestir et se glisser dans la peau d’un personnage qu’il inventait. À huit ans il construisait ses propres mises en scène en imaginant les situations les plus burlesques, ce qui lui valait un franc succès auprès de ses camarades et de ses enseignants. Dans l’absolu, tous les enfants possèdent une capacité naturelle à inventer des personnages, mais les parents de Sérafin avaient très tôt décelé chez lui une excellence en ce domaine. Finalement ils avaient compris que son intersexualité devenait en la matière un avantage et ils en encourageaient l’usage.

Les grands-parents de Sérafin, très érudits en matière d’art pictural, ne manquaient pas une occasion, pour emmener leur petit fils, quand dans un musée, quand dans une exposition de peinture. Pour fêter ses douze ans, ils l’avaient invité à faire une semaine muséographique dans le Benelux. De ce voyage il retint à jamais la contemplation du célèbre tableau Des caresses du peintre symbolique belge Fernand Khnopff, l’ambiguïté sexuelle d’Œdipe, la proximité de la sphinge. Le questionnement latent sur ce couple improbable le renvoyait au propre mystère de sa nature. L’attouchement des têtes, joue contre joue, la posture figée du jeune homme, accroché à son sceptre ailé. La sphinge, fermant les yeux, jouissant de la possession qu’elle exerce sur sa victime, la patte posée au-dessus de son sexe. Le choc provoqué par cette image fut une sorte de révélation. Il comprenait que le mystère de son physique relevait du spirituel et non du biologique. Beaucoup plus tard il apprit que Khnopff avait été très proche de la doctrine de l’ordre secret de la Rose-Croix. « Des caresses » auraient pu représenter la victoire de l’homme sur la sexualité.

Sérafin, en prenant de l’âge, ressentait une étrange impression, celle d’être étranger, pas étranger d’un autre pays, mais étranger à ce monde et surtout à son propre corps. Il se croyait « d’ailleurs » et observateur de sa propre vie. Au point que son père, Igor, à qui il confiait toutes ses pensées, tant il plaçait sa confiance en lui, qui surveillait au plus près son évolution psychique, eu égard à sa particularité physique, commença à s’inquiéter de cet état. S’inquiéter seulement, mais sans s’alarmer, car des impressions temporaires de déréalisation sont le fait de près de la moitié de la population humaine. En général ces troubles apparaissent à la suite d’un stress sévère, mort d’un être cher, maltraitance, traumatisme et, mis à part sa naissance, Sérafin, très protégé par son environnement familial, n’avait pourtant eu à subir aucun événement traumatique.

À la suite de nombreux échanges concernant cette sensation, Igor décela chez son fils un potentiel de trouble supplémentaire qu’il étiqueta en tant que professionnel comme trouble dissociatif de l’identité. Il s’avérait que Sérafin se croyait possédé par plusieurs personnalités. Son intersexualité pouvait l’expliquer et Igor, l’évoqua très clairement avec Sérafin. Il se trouvait que ce trouble était remarqué par son entourage qui avait fini par observer de curieux comportements, comme celui d’apparaître sous une autre personnalité et d’oublier certains de ses propos bizarres. Dans certaines circonstances Sérafin se désignait lui-même comme un autre, et, tantôt au féminin, tantôt au masculin. Igor avait donc proposé à son fils, qui commençait à entrer dans l’adolescence, de rencontrer un hypnothérapeute.

Bien informé professionnellement de cette pratique, Igor avait pris soin de se renseigner sur le praticien à qui il confiait son fils. Le thérapeute en question pratiquait l’hypnose humaniste. Dans le cadre de cette méthode, le sujetreste totalement conscient. Dès la première séance, après une simple relaxation, le thérapeute se rendit compte qu’il n’avait pas affaire à un « patient », encore moins à un malade, mais à un être singulier qui possédait des dons de clairvoyance très développés. Sérafin lui confia ce qu’il n’avait osé révéler à personne, même à ces parents et à ses grands-parents pourtant très ouverts à ces sujets. Il révéla à son interlocuteur qu’il lui arrivait très souvent de recevoir des informations prémonitoires concernant des événements futurs. Oh, jusqu’à présent, il ne s’agissait pas à proprement parler de « visions », mais son quotidien était alerté en permanence notamment sur l’état de santé des personnes qu’il rencontrait. Il pouvait visualiser une maladie avant même que les symptômes apparaissent.

Au bout de quelques séances, la voix de Sérafin prenait diverses intonations et il ne tardait pas à s’exprimer comme si deux personnes dialoguaient entre elles ; deux personnes de sexe opposé. Une séance l’amena à visualiser une situation qui intrigua le thérapeute. Sérafin décrit très précisément un paysage peu ordinaire ; un lac bleu enflammé entouré de sables blancs. Malgré les flammes, deux personnages pénétraient grâce à un escalier au milieu du lac. Ils se trouvaient dans une salle voûtée au milieu de laquelle trônait une fontaine. Puis, ils se déshabillaient et se baignaient. Dans ce bain, leurs corps se rapprochaient et n’étaient bientôt tant unis, qu’ils ne savaient qui était qui, et leur sexe se confondaient.

Lors d’une autre séance, ces personnages, qu’il reconnut comme étant les mêmes brûlaient dans un feu intense jusqu’à se consumer complètement. Des cendres ainsi restantes naissait un oiseau couleur rubis, ce nouvel être s’envolait dans un ciel nocturne.

Ces visions ne manquèrent pas d’interpeller Sérafin, qui se lança ainsi à « corps perdu » dans l’étude de la thématique de l’androgyne. Il découvrit dans de nombreuses traditions, qu’elles fussent d’Orient ou d’Occident que le mythe de l’androgyne était porté par une littérature foisonnante autant mystique que romanesque et notamment dans des textes relatifs à l’alchimie où revenaient d’une manière récurrente l’image de l’androgyne, symbolisant l’accomplissement de la personnalité ainsi qu’illustrée dans la série des vingt et une figures du Rosarium philosophorum.

L’album

Une femme ne prendra point un habit d’homme et un homme ne prendra point un habit de femme ; car celui qui le fait est abominable devant Dieu.

Deutéronome (XXII, 5)