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Dans "Le grand secret", Maurice Maeterlinck propose une réflexion profonde sur la nature de la vie et de la mort, tout en explorant les thèmes mystiques et symbolistes qui le caractérisent. Le style de Maeterlinck se distingue par sa prose poétique, riche et évocatrice, invitant le lecteur à une méditation sur l'existence et la quête de sens. À travers des métaphores et des allégories, l'auteur conduit son lectorat à une compréhension plus profonde des mystères de la vie, offrant une perspective philosophique enrichissante dans le contexte du mouvement symboliste de la fin du XIXe siècle, où l'art cherche à exprimer l'ineffable et l'invisible. Maurice Maeterlinck, prix Nobel de littérature en 1911, était un dramaturge et essayiste belge ayant influencé la littérature moderne par son approche unique des thèmes existentiels. Son intérêt pour le monde naturel et les questions spirituelles provient d'une sensibilité exacerbée aux relations humaines et à la fragilité de la vie. Ces expériences personnelles et son engagement philosophique ont été des moteurs puissants qui l'ont conduit à écrire "Le grand secret", un ouvrage où il s'interroge sur les vérités essentielles que chaque individu doit découvrir par lui-même. Je recommande vivement "Le grand secret" à tout lecteur en quête de réponses aux grandes interrogations de l'humanité. Ce livre constitue une invitation à la réflexion et à l'introspection, offrant des perspectives nouvelles sur les thèmes universels de la vie, de la mort et du savoir. L'approche poétique et la profondeur philosophique de Maeterlinck transforment cette œuvre en une lecture indispensable pour ceux qui souhaitent explorer les mystères de l'existence.
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Qu’on ne s’attende pas à trouver ici une histoire ou une monographie méthodique de l’occultisme. Il y faudrait consacrer des volumes que remplirait forcément une grande partie du fatras que je veux avant tout épargner au lecteur. Je n’ai d’autre dessein que de dire aussi simplement que possible ce que m’ont appris plusieurs années passées dans ces régions assez décriées et peu fréquentées. J’en rapporte les impressions d’un voyageur de bonne foi qui les a parcourues en curieux plutôt qu’en croyant. Ce sera, si l’on veut, une sorte de résumé ou de mise au point provisoire. Je ne sais rien de plus que ce que pourrait apprendre le premier venu qui ferait la même excursion. Je ne suis pas un initié, je n’ai pas eu de maîtres évanescents et mystérieux venus tout exprès des confins de ce monde ou d’un autre pour me révéler les dernières vérités et me défendre de les répéter. Je n’ai pas eu accès aux bibliothèques cachées, à ces sources secrètes de la suprême Sagesse qui, paraît-il, existent quelque part, mais seront toujours pour nous comme si elles n’étaient point, attendu qu’en y pénétrant on se condamne, sous peine de mort, à un silence inviolable. Je n’ai pas davantage déchiffré d’incompréhensibles grimoires ni découvert une clef nouvelle aux livres sacrés des grandes religions. J’ai seulement lu et étudié la majeure partie de ce qui a été écrit sur ces questions ; et parmi une masse énorme de documents absurdes, puérils, ressassés et inutiles, je ne me suis attaché qu’aux œuvres maîtresses qui ont vraiment à nous apprendre quelque chose que nous ne trouvons pas ailleurs. En déblayant ainsi les abords d’une étude trop souvent encombrée de débris rebutants, je faciliterai peut-être la tâche de ceux qui voudront et sauront aller plus loin que moi.
Grâce aux travaux d’une science assez récente, notamment grâce aux recherches des indianistes et des égyptologues, il nous est aujourd’hui beaucoup plus facile que naguère de retrouver les sources, de remonter le cours et de débrouiller le réseau souterrain du grand fleuve mystérieux qui depuis l’origine de l’histoire a coulé sous toutes les religions, sous toutes les croyances, sous toutes les philosophies, en un mot sous toutes les manifestations diurnes ou à ciel ouvert de la pensée humaine. Il n’est plus guère contestable que cette source se trouve dans l’Inde antique. De là, l’enseignement sacré se répandit probablement en Égypte, gagna la Perse ancienne, la Chaldée, satura le peuple hébreu, s’infiltra dans la Grèce et le nord de l’Europe, atteignit la Chine et même l’Amérique où la civilisation Astèque n’était qu’une réplique plus ou moins déformée de la civilisation égyptienne.
Nous avons ainsi trois grands dérivés de l’occultisme primitif, Aryo ou Atlantéo-Hindou: 1o l’occultisme antique, c’est-à-dire égyptien, persan, chaldéen, juif et celui des mystères grecs ; 2o l’ésotérisme judéo-chrétien avec les Esséniens, les gnostiques, les néo-platoniciens d’Alexandrie et les kabbalistes du moyen âge, et 3o l’occultisme moderne plus ou moins imprégné des précédents, mais qui, sous le vocable d’ailleurs assez inexact d’occultisme, désigne plus spécialement, à côté des théosophes, les spirites et les métapsychistes d’aujourd’hui.
Quant aux sources de la source primaire, il est à peu près impossible de les retrouver. Nous n’avons ici que les affirmations de la tradition occultiste, affirmations que des découvertes historiques semblent d’ailleurs çà et là confirmer. Ces traditions attribuent l’immense réservoir de sagesse qui s’était formé quelque part, dès l’origine de l’homme, et, à ce qu’elles disent, même avant sa venue sur cette terre, à des entités plus spirituelles, à des êtres moins engagés dans la matière, à des organismes psychiques, dont les derniers venus, les Atlantes, n’auraient été que les représentants dégénérés.
Au point de vue historique, au delà de cinq ou six mille ans, sept mille peut-être, les documents nous font absolument défaut. Nous ne pouvons pas savoir comment est née la religion des Hindous et des Égyptiens. Quand nous la trouvons, elle est déjà toute faite dans ses grandes lignes, dans ses grands principes. Non seulement elle est toute faite ; mais plus on remonte, plus elle est parfaite, plus elle est pure, plus elle se rapproche des plus hautes spéculations de l’agnosticisme d’aujourd’hui. Elle suppose une civilisation antérieure, dont, étant donnée la lenteur de toute évolution humaine, il est impossible d’évaluer la durée. Cette durée doit vraisemblablement se calculer par milliers de milliers d’années. C’est ici que la tradition occultiste vient à notre aide. Pourquoi cette tradition serait-elle, à priori, inacceptable et méprisable, alors que presque tout ce que nous savons de ces religions primitives est également fondé sur la tradition orale, car les textes écrits sont de beaucoup postérieurs ; et qu’en outre tout ce que nous dit cette tradition concorde curieusement avec ce que nous avons appris d’autre part ?
En tout cas, si l’on a besoin de la tradition occultiste pour expliquer l’origine de cette sagesse qui nous paraît à bon droit surhumaine, on peut fort bien s’en passer pour ce qui concerne l’essentiel de cette sagesse même. Des textes authentiques et qu’on peut situer dans l’histoire, le contiennent tout entier ; et sous ce rapport, les théosophes modernes qui prétendent avoir eu à leur disposition des documents secrets et avoir profité de révélations extraordinaires que leur auraient faites des Adeptes ou Mahatmas, d’une fraternité mystérieuse, ne nous ont rien appris qui ne se trouve dans les écrits accessibles à tous les orientalistes. Ce qui sépare les occultistes, — les théosophes de l’école de Blavatzky, par exemple, qui domine toutes les autres, — des indianistes et des égyptologues scientifiques, ce n’est pas ce qui a rapport à l’origine, à l’économie, au but de l’univers, aux fins de la terre et de l’homme, à la nature de la divinité, aux grands problèmes de la morale ; ce sont presque uniquement des questions qui ont trait à la préhistoire, à la nomenclature des émanations de l’inconnaissable et à la manière de maîtriser et d’utiliser les forces inconnues de la nature.
Occupons-nous d’abord des points où ils s’accordent ; ce sont du reste les plus intéressants ; car tout ce qui touche à la préhistoire est forcément hypothétique, les noms et les fonctions des dieux intermédiaires n’ont qu’un intérêt de second ordre ; quant à l’utilisation des forces inconnues, elle regarde plutôt les sciences métapsychiques dont nous reparlerons plus loin.
« Ce que nous lisons dans les Védas, dit Rudolph Steiner, l’un des plus érudits et aussi des plus déconcertants parmi les occultistes contemporains, ce que nous lisons dans les Védas, ces archives de la sagesse hindoue, ne nous donne qu’une faible idée des sublimes enseignements des anciens instructeurs et non pas dans leur forme originelle. Seul le regard du clairvoyant, porté sur les arcanes du passé, peut découvrir la sagesse inédite qui se cache derrière ces écrits. »
Historiquement, il est fort probable que Steiner a raison. En effet, comme je l’ai déjà dit, plus les textes sont anciens, plus ce qu’ils révèlent est pur et grandiose ; et il est vraisemblable qu’ils ne sont eux-mêmes, selon l’expression de Steiner, qu’un écho affaibli d’enseignements plus sublimes. Mais ne possédant pas le regard du clairvoyant, nous devons nous contenter de ce que nous avons sous les yeux.
Les textes que nous possédons sont les livres sacrés de l’Inde, que viennent corroborer ceux de l’Égypte et de la Perse. L’influence qu’ils exercèrent sur la pensée humaine, sinon dans leur forme présente, du moins par la tradition orale qu’ils n’ont fait que fixer, remonte aux origines de l’histoire, se répandit partout et ne cessa jamais de se faire sentir ; mais, pour le monde occidental, leur découverte et leur étude méthodique sont relativement récentes. « Il y a cinquante ans, écrivait en 1875 Max Muller, il n’existait pas un lettré qui sût traduire une ligne du Véda, une ligne du Zend-Avesta ou une ligne du Tripitâka Bouddhique, sans parler des autres dialectes ou langages. »
Si les faits prenaient d’abord, dans les annales de l’homme, les proportions qu’ils acquerront plus tard, la découverte de ces livres sacrés eût probablement bouleversé l’Europe ; car c’est sans nul doute l’événement spirituel le plus important qui s’y soit produit depuis le christianisme. Mais il est rare qu’un événement spirituel ou moral se répande rapidement dans les masses. Il a contre lui trop de forces qui ont intérêt à l’étouffer. Celui-ci demeura confiné dans un petit cercle de savants et de philologues et atteignit même moins qu’il n’était présumable les métaphysiciens et les moralistes. Il attend encore l’heure de son expansion.
La première question qui se pose est celle de la date de ces textes. Il est très difficile d’y donner une réponse précise ; car s’il est relativement aisé de déterminer l’époque où les livres furent écrits, il est impossible d’évaluer le temps durant lequel ils existèrent uniquement dans la mémoire des hommes. Selon Max Muller, il n’y a guère de manuscrit sanscrit qui remonte plus haut que l’an mil de notre ère, et tout semble indiquer que l’écriture n’a été connue en Inde qu’au commencement de la période bouddhique (Ve siècle avant J.-C.), c’est-à-dire à la fin de la vieille littérature védique. Le Rig-Véda qui compte 1.028 hymnes, d’une moyenne de dix vers, soit 153.826 mots, a donc été conservé par le seul effort de la mémoire. Aujourd’hui encore, les Brahmanes savent tous le Rig-Véda par cœur, comme leurs ancêtres d’il y a trois mille ans. C’est au delà du Xe siècle avant J.-C. que nous devons placer le développement spontané de la pensée védique telle que nous la trouvons dans le Rig-Véda. Déjà trois cents ans avant J.-C., toujours selon Max Muller, le sanscrit avait cessé d’être parlé par le peuple, ce qui est prouvé par une inscription dont la langue est au sanscrit ce que l’italien est au latin.
Cette période des « Chandas », selon d’autres orientalistes, remonte probablement à deux ou trois mille ans avant J.-C., de sorte que nous voilà déjà à cinq mille ans, date la plus modeste et la plus prudente. « Une chose est certaine, ajoute Max Muller, c’est qu’il n’y a rien de plus ancien ni de plus primitif que les hymnes du Rig-Véda, non seulement dans l’Inde, mais dans tout le monde Aryen. En tant qu’Aryen de langue et de pensée, le Rig-Véda est notre livre sacré le plus ancien[1]. »
[1]Max Muller, Origine et développement de la religion. Trad. J. Darmesteter, p. 142.
Depuis les travaux du grand orientaliste, d’autres savants ont notablement reculé la date des premiers manuscrits et surtout celle des premières traditions ; mais ils restent encore à d’énormes distances de la computation des Brahmanes qui reportent l’origine de leurs livres à des milliers de siècles avant notre ère. « Il y a actuellement plus de cinq mille ans, dit Swâmi Dayanound Saraswati, que les Védas ont cessé d’être un objet d’études » ; et selon les calculs de l’orientaliste Halled, les Çastras, d’après la chronologie des Brahmanes, doivent avoir sept millions d’années.
Sans prendre parti dans ces querelles, le seul point qu’il importe d’établir, c’est que ces livres, ou plutôt la tradition qu’ils ont recueillie et fixée, est évidemment antérieure, l’Égypte, la Chine et la Chaldée peut-être exceptées, à tout ce que nous connaissons dans l’histoire de l’homme.
Cette littérature comprend d’abord les quatre Védas: le Rig, le Sama, l’Yadjour et l’Atharva-Véda, complétés par les commentaires ou Brahmanas et les traités de philosophie appelés Aranyakas et Upanischads, auxquels il faut ajouter les Çastras, ou Sastras dont le plus connu est le Manava-Dharma-Çastra, ou Lois de Manou — qui, selon William Jones, Chézy et Loiseleur-Deslongchamps, remonte au XIIIe siècle avant notre ère, — et les premiers Pouranas.
De ces textes, le Rig est incontestablement le plus ancien. Les autres s’échelonnent sur un espace de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers d’années ; mais tous, excepté les derniers Pouranas, sont antérieurs à l’ère chrétienne, ce qu’il ne faut pas perdre de vue, non dans un sentiment d’hostilité envers la grande religion occidentale, mais pour mettre celle-ci à sa place dans l’histoire et dans l’évolution de la pensée humaine.
Le Rig-Véda est encore plus polythéiste que panthéiste et les sommets de la doctrine n’y émergent que çà et là, par exemple dans les stances que nous citons plus loin. Ses divinités ne représentent que des forces physiques amplifiées que le Sama-Véda et surtout les Brahmanes ramenèrent par la suite à des conceptions métaphysiques et à l’unité. Le Sama-Véda affirme l’Inconnaissable et le Yadjour-Véda le Panthéisme. Quant à l’Atharva, le plus ancien, selon les uns, le plus récent selon les autres, il est avant tout rituel.
Ces idées furent développées par les commentaires des Brahmanes qui se multiplièrent surtout entre les XIIe et VIIe siècles avant J.-C. ; mais se rattachent probablement à des traditions beaucoup plus anciennes que prétendent avoir retrouvées nos modernes théosophes, sans du reste étayer leurs assertions de preuves suffisantes.
Il faut donc, quand on parle de la religion de l’Inde, la considérer dans son ensemble, depuis le Védisme primitif, en passant par le Brahmanisme et le Krichnaïsme, jusqu’au Bouddhisme ; en s’arrêtant, si l’on veut, deux ou trois siècles avant notre ère, pour éviter tout soupçon d’infiltration judéo-chrétienne.
Toute cette littérature à laquelle on peut annexer, entre bien d’autres, les textes semi-profanes du Ramayana et du Maha-Bahrata, au milieu duquel s’épanouit le Bhagavat-Gita ou Chant du Bienheureux, cette magnifique fleur du mysticisme hindou, est encore très imparfaitement connue et nous n’en possédons que ce que les Brahmanes ont bien voulu nous en livrer.
Elle soulève une foule de questions extrêmement complexes dont bien peu ont été jusqu’ici résolues. Ajoutons que la traduction des textes sanscrits, surtout des plus anciens, est encore fort incertaine. Selon Roth, le véritable fondateur de l’exégèse védique, « le traducteur qui rendra le Véda intelligible et lisible, mutatis mutandis, comme Homère l’est devenu depuis les travaux de Voss, est encore à venir et l’on ne peut guère prévoir sa venue avant le siècle prochain ».
Pour se faire une idée de l’incertitude de ces traductions, il suffit de voir à titre d’exemple, à la fin du troisième volume de la Religion Védique d’Abel Bergaigne, le grand orientaliste français, les discussions qui s’élèvent entre les indianistes les plus célèbres, tels que Grassmann, Ludwig, Roth et Bergaigne lui-même, au sujet de l’interprétation de presque tous les mots essentiels de l’hymne I-123, à l’Aurore. « Elle étale, comme le dit Bergaigne, les misères de l’interprétation actuelle du Rig-Véda[2]. »
[2]La Religion védique d’après les hymnes du Rig-Véda, par A. Bergaigne, t. III, p. 283 et suiv.
Les néo-théosophes se sont efforcés de résoudre quelques-uns des problèmes que soulèvent l’antiquité hindoue ; mais leurs travaux, très intéressants en ce qui concerne la doctrine, sont extrêmement faibles au point de vue de la critique ; et il est impossible de les suivre sur un terrain où l’on ne rencontre que des hypothèses invérifiables. La vérité c’est que, quand il s’agit de l’Inde, il faut renoncer à toute certitude chronologique. Pour prendre un minimum, sans doute très inférieur à la réalité, en laissant derrière nous une marge peut-être immense de siècles nébuleux, ne reportons pas à plus de trois ou quatre mille ans l’épanouissement des Brahmanas ; nous constatons ainsi qu’existait à cette époque, au pied de l’Himalaya, une grandiose religion panthéiste et agnostique, qui plus tard devint ésotérique ; et c’est tout ce qui, pour l’instant, nous importe.
Et l’Égypte, dira-t-on, ses monuments et ses hiéroglyphes ne sont-ils pas bien plus anciens ? Écoutons sur ce point le très érudit égyptologue Le Page Renouf[3], une des grandes autorités en la matière. Il estime que les monuments égyptiens et leurs inscriptions ne peuvent servir de bases à des dates certaines ; que les calculs fondés sur le lever héliaque des étoiles n’est pas probant, attendu que dans les textes il est plus vraisemblable qu’il s’agit de leur passage que de leur lever. Mais il est convaincu que, d’après les calculs les plus modérés, la monarchie égyptienne existait déjà plus de 2.000 ans avant que l’Exode fût écrit ; or, l’Exode remonte probablement à l’an 1310 avant J.-C. ; et la date de la grande pyramide ne peut être reportée à moins de 3.000 ou 4.000 ans avant notre ère. Ces calculs, de même que ceux qui font commencer l’ère chinoise 2.697 ans avant J.-C., nous ramènent assez curieusement à l’époque assignée par les indianistes au développement de la pensée védique, développement qui suppose une période de gestation et de formation infiniment plus reculée. Ils n’impliquent pas du reste que la civilisation égyptienne, tout comme la civilisation hindoue, ne soit beaucoup plus ancienne. Un autre grand égyptologue, Léonard Horner, de 1851 à 1854, fit creuser dans la vallée du Nil, en divers endroits, quatre-vingt-quinze puits. On constate que la hauteur que le Nil ajoute chaque siècle à son lit d’alluvions est de 5 pouces, hauteur qui doit être moindre pour les couches inférieures, à cause de la pression ; or, jusqu’aux profondeurs de 75 pieds, on trouva des sculptures de granit, des figures humaines et animales, des mosaïques, des vases, des fragments de briques et de poteries (celles-ci aux grandes profondeurs). Comme il y a 12 pouces dans un pied, cela nous reporte à plus de 17.000 ou 18.000 ans. A une profondeur de 33 pieds 6 pouces on exhuma une tablette avec des inscriptions qui, d’après un calcul facile, avait par conséquent près de 8.000 ans. L’hypothèse de puits ou citernes, sur lesquels on serait tombé par hasard, doit être écartée, car le même fait s’est vérifié partout. Ces constatations, pour le dire en passant, donnent une fois de plus raison aux traditions occultistes, touchant l’antiquité de la civilisation humaine. Cette antiquité prodigieuse est en outre confirmée par les observations sidérales des anciens. Il existe par exemple un catalogue d’étoiles qu’on appelle le catalogue de Souryo-Shiddhanto ; or, les différences de position de huit de ces étoiles fixes, prises au hasard, démontrent que les observations de Souryo remontent à plus de 58.000 ans.
[3]P. Le Page Renouf, Lectures on the Origin and Growth of Religion as illustrated by the Religion of Ancient Egypt.
Est-ce l’Inde ou l’Égypte qui fut l’héritière directe de la sagesse légendaire que nous léguèrent des peuples plus anciens, notamment les probables Atlantes ? Dans l’état présent de notre science, et sans tenir compte des traditions occultistes, il n’est pas encore possible de répondre.
Il y a moins d’un siècle on ignorait à peu près complètement l’Égypte antique. On ne la connaissait que par des ouï-dire et des légendes plus ou moins fantaisistes recueillies par des historiens tard venus et surtout par les divagations des philosophes et des théurgistes de l’époque Alexandrine. C’est seulement en 1820, que Jean-François Champollion, grâce au triple texte de la célèbre pierre hiéroglyphique de Rosette, trouva la clef de l’écriture mystérieuse qui couvre tous les monuments, tous les tombeaux et presque tous les objets de la terre des Pharaons. Mais la mise en œuvre de la découverte fut longue et pénible ; et ce n’est guère que quarante ans plus tard que l’un des plus illustres successeurs de Champollion, de Rougé, put dire qu’il n’y avait plus de texte égyptien qu’on ne fût à même de traduire. On déchiffra des documents sans nombre, et on acquit, quant au sens matériel de la plupart des inscriptions, une certitude presque définitive.
Néanmoins, il paraît de plus en plus probable que sous le sens littéral des inscriptions religieuses, s’en cache un autre qu’on ne peut pénétrer. C’est l’hypothèse à laquelle, en présence du flottement de bien des mots, aboutissent forcément les égyptologues les plus objectifs, les plus scientifiques, bien qu’ils ajoutent aussitôt que rien ne la confirme formellement. Il est donc extrêmement vraisemblable que sous la religion officielle enseignée aux profanes, il y en avait une autre réservée aux prêtres et aux initiés ; et l’hypothèse à laquelle sont contraints les savants, vient ici confirmer une fois de plus les assertions des occultistes, notamment celles des néo-platoniciens d’Alexandrie, au sujet des mystères égyptiens.
Quoi qu’il en soit, des textes sur l’authenticité desquels il n’y a pas le moindre doute, le Livre des Morts, les Livres des hymnes, le Recueil des sentences morales de Ptahhoteph, le plus ancien livre de la terre, puisqu’il est contemporain des Pyramides, et beaucoup d’autres, permettent de nous faire une idée très précise de la haute morale d’abord et surtout de la théosophie fondamentale de l’Égypte, avant que cette théosophie ne se corrompît pour donner satisfaction au vulgaire et ne se transformât en un monstrueux polythéisme, qui du reste fut toujours plus apparent que réel.
Or, plus les textes sont anciens, plus leurs enseignements se rapprochent de la tradition hindoue. Qu’ils soient antérieurs ou postérieurs à ceux-ci, la question est en somme secondaire ; ce qui est plus intéressant, c’est le problème de l’origine commune, origine unique et immémoriale, dont la probabilité s’accroît à chaque pas qu’on hasarde dans la préhistoire. Plus on remonte dans le temps, plus nettement se révèle l’accord sur les points essentiels. Voici, par exemple, l’idée que se faisait de Dieu la religion égyptienne à ses débuts. Nous en trouverons un peu plus loin l’original ou la réplique hindoue, de même que nous aurons l’occasion de confronter les deux théogonies, les deux cosmogonies et les deux morales qui sont évidemment les sources de toutes les théogonies, de toutes les cosmogonies et de toutes les morales de l’humanité.
Pour l’Égyptien qui a gardé la foi des origines, il n’y a qu’un seul Dieu, un Dieu unique. « Pas d’autre que lui. » — « Il est le seul être vivant en substance et en vérité. » — « Tu es seul et des millions d’êtres procèdent de toi. » — « Il a fait toutes choses et lui seul n’a pas été fait. » — « Partout et toujours, il est l’unique substance et il est inapprochable. » — « Il est l’un de l’un. » — « Il est hier, aujourd’hui et demain. » — « Il est Dieu se faisant Dieu, existant par lui-même, l’être double, c’est-à-dire, s’engendrant lui-même, générateur dès le commencement. »
« Voici plus de cinq mille ans, dit de Rougé, que dans la vallée du Nil commença l’hymne à l’unité de Dieu et à l’immortalité de l’âme… La croyance à l’unité du Dieu suprême et à ses attributs comme créateur et législateur de l’homme qu’il dota d’une âme immortelle, voilà les notions primitives, serties comme des diamants indestructibles dans les superfétations mythologiques accumulées par les siècles qui ont passé sur cette antique civilisation[4]. »
[4]De Rougé, Annales de la Philosophie chrétienne, t. XX, p. 327.