Théâtre: La Princesse Maleine (1890) - L'Intruse (1890) - Les Aveugles (1891) - Maurice Maeterlinck - E-Book

Théâtre: La Princesse Maleine (1890) - L'Intruse (1890) - Les Aveugles (1891) E-Book

Maurice Maeterlinck

0,0
1,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Dans "La Princesse Maleine", "L'Intruse" et "Les Aveugles", Maurice Maeterlinck explore les thèmes de la fatalité, de l'angoisse existentielle et de la condition humaine à travers des dialogues riches et poétiques. Son style, caractérisé par un langage symbolique et une atmosphère onirique, se démarque du naturalisme dominant de l'époque, s'inscrivant plutôt dans le mouvement symboliste. Ces pièces, écrites à la fin du 19e siècle, témoignent d'une époque troublée par des préoccupations philosophiques et psychologiques, cherchant à capter l'essence de l'âme humaine face à l'absurde. Maurice Maeterlinck, auteur belge né en 1862, est un figure emblématique de la littérature symboliste, influencée par ses lectures de Schopenhauer et de Nietzsche. Son parcours intellectuel et son exploration des mystères de la vie et de la mort nourrissent ses œuvres, où il cherche à transcender le quotidien. "La Princesse Maleine", sa première pièce, met en scène des symboles de désespoir et de désillusion, encapsulant les préoccupations de son époque et ses réflexions sur le destin. Ce recueil de pièces est une œuvre incontournable pour quiconque s'intéresse à la transformation du théâtre moderne. Maeterlinck nous invite à plonger dans un univers introspectif, où chaque dialogue résonne avec une profondeur émotionnelle. Ainsi, il s'agit d'une lecture essentielle pour apprécier les fondements du théâtre symboliste, tout en suscitant une réflexion sur la nature de l'existence.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Maurice Maeterlinck

Théâtre: La Princesse Maleine (1890) - L'Intruse (1890) - Les Aveugles (1891)

Publié par Good Press, 2023
EAN 8596547611448

Table des matières

Théâtre
I
LA PRINCESSE MALEINE (1890) L'INTRUSE(1891) . - LES AVEUGLES (1891)
MAURICE MAETERLINCK
Théâtre
I
LA PRINCESSE MALEINE (1890) L'INTRUSE(1891) . LES AVEUGLES (1891)
Préface.
La Princesse Maleine.
ACTE I
SCÈNE I
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
ACTE II
SCÈNE I
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
SCÈNE VI
ACTE III
SCÈNE I
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
ACTE IV
SCÈNE I
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
ACTE V
SCÈNE I
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV.
FIN
L'Intruse.
L'INTRUSE
FIN
Les Aveugles
LES AVEUGLES
FIN

Théâtre

I

Table des matières

LA PRINCESSE MALEINE (1890) L'INTRUSE(1891). - LES AVEUGLES (1891)

Table des matières
P. LACOMBLEZ | PER LAMM Éditeur | Éditeur 31, RUE DES PAROISSIENS | 7, RUE DE LILLE, 7 BRUXELLES | PARIS, VII 1901

Notes du transcripteur:

Le colophon se trouve

en fin de ce fichier

, après "Les Aveugles".

Les fautes d'orthographe, aussi bien que les fautes typographiques évidentes ou probables, ont été conservées. Dans ce cas-là, les mots sont des hyperliens, qui renvoyent à la table en-dessous du colophon.

DU MÊME AUTEUR:SERRES CHAUDES suivies de QUINZE CHANSONS. Un volume in-18 jésus. . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.00L'ORNEMENT DES NOCES SPIRITUELLES deRuysbroeck l'admirable, traduit du flamand et accompagné d'une Introduction. Un volume in-16, sur papier à la main. . . . . . . . . . . . . . . 5.00LES DISCIPLES A SAÏS ET LES FRAGMENTS de Novalis, traduits de l'allemand et précédés d'une Introduction. Un volume in-18 jésus .. . . . . . . 4.00LES SEPT PRINCESSES, drame. Un petit volume in-18 jésus. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.00LE TRÉSOR DES HUMBLES. Un volume in-18 jésus. . . . . . . .3 50LA SAGESSE ET LA DESTINÉE. Un volume in-18 jésus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.50LA VIE DES ABEILLES. Un volume in-18 jésus. . . . . . . . .3.50A PARAITRE:THÉÂTRE. Tome II: Pellèas et Mèlisande.--Alladine etPalomides.--Intérieur.--La mort de Tintagiles.THÉÂTRE. Tome III: Aglavaine et Sélysette.--Ardiane etBarbe-bleue.--Soeur Béatrice.CHEZ LE MÊME ÉDITEUR:SEPT ESSAIS D'EMERSON, traduits par J. Will, avec une préfacede Maurice Maeterlinck. Un volume in-18 jésus . . . . . . . .3.50

MAURICE MAETERLINCK

Théâtre

I

Table des matières

LA PRINCESSE MALEINE (1890) L'INTRUSE(1891). LES AVEUGLES (1891)

Table des matières
P. LACOMBLEZ | PER LAMM Éditeur | Éditeur 31, RUE DES PAROISSIENS | 7, RUE DE LILLE, 7 BRUXELLES | PARIS, VII 1901
Droits de traduction, de reproduction et de représentation préservés pour tous les pays y compris la Suède, la Norwège et la Hollande.

Préface.

Table des matières

I.

Le texte de ces petits drames que mon éditeur réunit aujourd'hui en trois volumes, n'a guère été modifié. Ce n'est point qu'ils me semblent parfaits, il s'en faut bien, mais on n'améliore pas un poème par des corrections successives. Le meilleur et le pire y confondent leurs racines, et souvent, à tenter de les démêler, on perdrait l'émotion particulière et le charme léger et presque inattendu, qui ne pouvaient fleurir qu'à l'ombre d'une faute qui n'avait pas encore été commise. Il eût, par exemple, été facile de supprimer dans la Princesse Maleine beaucoup de naïvetés dangereuses, quelques scènes inutiles et la plupart de ces répétitions étonnées qui donnent aux personnages l'apparence de somnambules un peu sourds constamment arrachés à un songe pénible. J'aurais pu leur épargner ainsi quelques sourires, mais l'atmosphère et le paysage même où ils vivent en eût paru changé. Du reste ce manque de promptitude à entendre et à répondre, tient intimement à leur psychologie et à l'idée un peu hagarde qu'ils se font de l'univers On peut ne pas approuver cette idée, on peut aussi y revenir après avoir parcouru bien des certitudes. Un poète plus âgé que je n'étais alors et qui l'eût accueillie, non pas à l'entrée mais à la sortie de l'expérience de la vie, aurait su transformer en sagesse et en beautés solides, les fatalités trop confuses, qui s'y agitent. Mais telle quelle, l'idée anime tout le drame et il serait impossible de l'éclairer davantage sans enlever à celui-ci la seule qualité qu'il possède: une certaine harmonie épouvantée et sombre.

II.

Les autres drames, dans l'ordre où ils parurent, à savoir: L'Intruse, les Aveugles (1890), les Sept Princesses (1891), Pelléas et Mélisande (1892), Alladine et Palomides, Intérieur et la Mort de Tintagiles (1894) présentent une humanité et des sentiments plus précis, en proie à des forces aussi inconnues, mais un peu mieux dessinées. On y a foi à d'énormes puissances, invisibles et fatales, dont nul ne sait les intentions, mais que l'esprit du drame suppose malveillantes, attentives à toutes nos actions, hostiles au sourire, à la vie, à la paix, au bonheur. Des destinées innocentes mais involontairement ennemies, s'y nouent et s'y dénouent pour la ruine de tous, sous les regards attristés des plus sages, qui prévoient l'avenir mais ne peuvent rien changer aux jeux cruels et inflexibles que l'amour et la mort promènent parmi les vivants. Et l'amour et la mort et les autres puissances y exercent une sorte d'injustice sournoise, dont les peines--car cette injustice ne récompense pas,--ne sont peut-être que des caprices du destin. Au fond, on y trouve l'idée du Dieu chrétien, mêlée à celle de la fatalité antique, refoulée dans la nuit impénétrable de la nature, et, de là, se plaisant à guetter, à déconcerter, à assombrir les projets, les pensées, les sentiments et l'humble félicité des hommes.

III.

Cet inconnu prend le plus souvent la forme de la mort. La présence infinie, ténébreuse, hypocritement active de la mort remplit tous les interstices du poème. Au problème de l'existence il n'est répondu que par l'énigme de son anéantissement. Du reste, c'est une mort indifférente et inexorable, aveugle, tâtonnant à peu près au hasard, emportant de préférence les plus jeunes et les moins malheureux, simplement parce qu'ils se tiennent moins tranquilles que les plus misérables, et que tout mouvement trop brusque dans la nuit attire son attention. Il n'y a autour d'elle que de petits êtres fragiles, grelottants, passivement pensifs, et les paroles prononcées, les larmes répandues ne prennent d'importance que de ce qu'elles tombent dans le gouffre au bord duquel se joue le drame et y retentissent d'une certaine façon qui donne à croire que l'abîme est très vaste parce que tout ce qui s'y va perdre y fait un bruit confus et assourdi.

IV.

Il n'est pas déraisonnable d'envisager ainsi notre existence. C'est, de compte fait, pour l'instant, et malgré tous les efforts de nos volontés, le fond de notre vérité humaine. Longtemps encore, à moins qu'une découverte décisive de la science n'atteigne le secret de la nature, à moins qu'une révélation venue d'un autre monde, par exemple une communication avec une planète plus ancienne et plus savante que la nôtre, ne nous apprenne enfin l'origine et le but de la vie, longtemps encore, toujours peut-être, nous ne serons que de précaires et fortuites lueurs, abandonnées sans dessein appréciable à tous les souffles d'une nuit indifférente. A peindre cette faiblesse immense et inutile, on se rapproche le plus de la vérité dernière et radicale de notre être, et, si des personnages qu'on livre ainsi à ce néant hostile, on parvient à tirer quelques gestes de grâce et de tendresse, quelques paroles de douceur, d'espérance fragile, de pitié et d'amour, on a fait ce qu'on peut humainement faire quand on transporte l'existence aux confins de cette grande vérité immobile qui glace l'énergie et le désir de vivre. C'est ce que j'ai tenté dans ces petits drames. Il ne m'appartient point de juger si j'y ai quelquefois réussi.

V.

Mais aujourd'hui, cela ne me parait plus suffisant. Je ne crois pas qu'un poème doive sacrifier sa beauté à un enseignement moral, mais si, tout en ne perdant rien de ce qui l'orne au dedans comme au dehors, il nous mène à des vérités aussi admissibles mais plus encourageantes que la vérité qui ne mène à rien, il aura l'avantage d'accomplir un double devoir incertain. Chantons durant des siècles, la vanité de vivre et la force invincible du néant et de la mort, nous ferons passer sous nos yeux des tristesses qui deviendront plus monotones à mesure qu'elles se rapprocheront davantage de la dernière vérité. Essayons au contraire de varier l'apparence de l'inconnu qui nous entoure et d'y découvrir une raison nouvelle de vivre et de persévérer, nous y gagnerons du moins d'alterner nos tristesses en les mêlant d'espoirs qui s'éteignent et se rallument. Or, dans l'état où nous sommes, il est tout aussi légitime d'espérer que nos efforts ne sont pas inutiles, que de penser qu'ils ne produisent rien. La vérité suprême du néant, de la mort et de l'inutilité de notre existence, où nous aboutissons dès que nous poussons notre enquête à son dernier terme, elle n'est, après tout, que le point extrême de nos connaissances actuelles. Nous ne voyons rien par delà, parce que là s'arrête notre intelligence. Elle parait certaine, mais en définitive rien en elle n'est certain que notre ignorance. Avant que d'être tenu de l'admettre irrévocablement, il nous faudra longtemps encore chercher de tout notre coeur à dissiper cette ignorance et faire ce que nous pourrons pour tenter si nous ne trouverons pas de lumière. Dès lors le grand cercle de tous nos devoirs antérieurs à cette certitude trop hâtive et mortelle se remet en branle, et la vie humaine recommence avec ses passions qui ne semblent plus aussi vaines, avec ses joies, ses tristesses et ses devoirs qui reprennent de l'importance puisqu'ils peuvent nous aider à sortir de l'obscurité ou à la supporter sans amertume.

VI.

Ce n'est pas à dire que nous reviendrons au point où nous nous trouvions autrefois, ni que l'amour, la mort, la fatalité et les autres forces mystérieuses de la vie, reprendront exactement leur place et leur rôle anciens dans notre existence réelle et dans nos oeuvres, et notamment, puisque c'est d'elles que nous nous occupons ici, dans nos oeuvres dramatiques. L'esprit humain, ai-je dit, à ce propos, dans une page à peu près inédite, l'esprit humain subit depuis trois quarts de siècle une évolution dont on n'a pas encore une vue bien claire, mais qui est probablement l'une des plus considérables qui aient eu lieu dans le domaine de la pensée. Cette évolution, si elle ne nous a pas donné sur la matière, la vie, la destinée de l'homme, le but, l'origine et les lois de l'univers, des certitudes définitives, nous a du moins enlevé ou rendu presque impraticables un certain nombre d'incertitudes; et ces incertitudes étaient justement celles où se complaisaient et fleurissaient librement les pensées les plus hautes. Elles étaient, par excellence, l'élément de beauté et de grandeur de toutes nos allusions, la force cachée qui élevait nos paroles au-dessus des paroles de la vie ordinaire, et le poète semblait grand et profond à proportion de la forme plus ou moins triomphante, de la place plus ou moins prépondérante qu'il savait donner à ces incertitudes belles ou effrayantes, pacifiques ou hostiles, tragiques ou consolatrices.

VII.

La haute poésie, à la regarder de près, se compose de trois éléments principaux: D'abord la beauté verbale, ensuite la contemplation et la peinture passionnées de ce qui existe réellement autour de nous et en nous-mêmes, c'est-à-dire la nature et nos sentiments, et enfin, enveloppant l'oeuvre entière et créant son atmosphère propre, l'idée que le poète se fait de l'inconnu dans lequel flottent les êtres et les choses qu'il évoque, du mystère qui les domine et les juge et qui préside à leurs destinées. Il ne me paraît pas douteux que ce dernier élément est le plus important. Voyez un beau poème, si bref, si rapide qu'il soit. Rarement, sa beauté, sa grandeur se limitent aux choses connues de notre monde. Neuf fois sur dix il les doit à une allusion aux mystères des destinées humaines, à quelque lien nouveau du visible à l'invisible, du temporel à l'éternel. Or, si l'évolution peut-être sans précédent qui se produit de nos jours dans l'idée que nous nous faisons de l'inconnu ne trouble pas encore profondément le poète lyrique, et ne lui enlève qu'une partie de ses ressources, il n'en va pas de même du poète dramatique. Il est peut-être loisible au poète lyrique de demeurer une sorte de théoricien de l'inconnu. A la rigueur il lui est permis de se tenir aux idées générales les plus vastes et les plus imprécises. Il n'a point à se préoccuper de leurs conséquences pratiques. S'il est convaincu que les divinités d'autrefois, que la justice et la fatalité n'interviennent plus aux actions des hommes et ne dirigent plus la marche de ce monde, il n'a pas besoin de donner un nom aux forces incomprises qui s'y mêlent toujours et dominent toute chose. Que ce soit Dieu ou l'Univers qui lui paraisse immense et terrible, il importe assez peu. Nous lui demandons principalement qu'il fasse passer en nous l'impression immense ou terrible qu'il a ressentie. Mais le poète dramatique ne peut se borner à ces généralités. Il est obligé de faire descendre dans la vie réelle, dans la vie de tous les jours, l'idée qu'il se fait de l'inconnu. Il faut qu'il nous montre de quelle façon, sous quelle forme, dans quelles conditions, d'après quelles lois, à quelle fin, agissent sur nos destinées, les puissances supérieures, les influences inintelligibles, les principes infinis, dont, en tant que poète, il est persuadé que l'univers est plein. Et comme il est arrivé à une heure où loyalement il lui est à peu près impossible d'admettre les anciennes, et où celles qui les doivent remplacer ne sont pas encore déterminées, n'ont pas encore de nom, il hésite, tâtonne, et s'il veut rester absolument sincère, il n'ose plus se risquer hors de la réalité immédiate. Il se borne à étudier les sentiments humains dans leurs effets matériels et psychologiques. Dans cette sphère il peut créer de fortes oeuvres d'observation, de passion et de sagesse, mais il est certain qu'il n'atteindra jamais à la beauté plus vaste et plus profonde des grands poèmes où quelque chose d'infini se mêlait aux actions des hommes; et il se demande s'il doit décidément renoncer aux beautés de cet ordre.

VIII.

Je ne le crois pas. Il trouvera à réaliser ces beautés, des difficultés qu'aucun poète n'avait jusqu'ici rencontrées, mais il y parviendra demain. Et aujourd'hui même, qui semble le moment le plus dangereux de l'alternative, un ou deux poètes ont réussi à sortir du monde des réalités évidentes, sans rentrer dans celui des chimères anciennes, car la haute poésie est avant tout le royaume de l'imprévu, et des règles les plus générales surgissent, comme des fragments d'étoiles qui traversent le ciel où l'on n'attendait aucune lueur, des exceptions déconcertantes. Et c'est, par exemple, La Puissance des Ténèbres de Tolstoï qui passe sur le fleuve le plus banal de la vie inférieure, comme un îlot flottant, un îlot d'horreur grandiose et tout ensanglanté de fumées infernales, mais enveloppé aussi de l'énorme flamme blanche, pure et miraculeuse qui jaillit de l'âme primitive d'Akim. Ou bien, ce sont les Revenants d'Ibsen, où éclate, dans un salon bourgeois, aveuglant, étouffant, affolant les personnages, l'un des plus terribles mystères des destinées humaines. Nous avons beau nous fermer à l'angoisse de l'inintelligible, dans ces deux drames interviennent des puissances supérieures que nous sentons tous peser sur notre vie. Car c'est bien moins l'action du Dieu des Chrétiens qui nous trouble dans le poème de Tolstoï que l'action du Dieu qui se trouve dans une âme humaine, plus simple, plus juste, plus pure et plus grande que les autres. Et dans le poème d'Ibsen, c'est l'influence d'une loi de justice ou d'injustice récemment soupçonnée et formidable; la loi de l'hérédité, loi peut-être discutable, mais si mal connue, et en même temps si plausible, que sa menace énorme cache la plus grande portion de ce qu'on y pourrait mettre en doute. Mais en dépit de ces sorties inattendues, il n'en reste pas moins que le mystère, l'inintelligible, le surhumain, l'infini--peu importe le nom qu'on lui donne--est devenu si peu maniable depuis que nous n'admettons plus a priori l'intervention divine dans les actions humaines, que le génie même n'a pas souvent de ces rencontres heureuses. Quand Ibsen, dans d'autres drames, essaie de relier à d'autres mystères les gestes de ses hommes en mal de conscience exceptionnelle ou de ses femmes hallucinées, il faut convenir que si l'atmosphère qu'il parvient à créer est étrange et troublante, elle est rarement saine et respirable, parce qu'elle est rarement raisonnable et réelle.

IX.

Dans le temps, le génie à coup sûr, parfois le simple et honnête talent, réussissaient à nous donner au théâtre cet arrière-plan profond, ce nuage des cimes, ce courant d'infini, tout ceci et tout cela, qui n'ayant ni nom ni forme, nous autorise à mêler nos images en en parlant, et parait nécessaire pour que l'oeuvre dramatique coule à pleins bords et atteigne son niveau idéal. Aujourd'hui, il y manque presque toujours ce troisième personnage, énigmatique, invisible mais partout présent, qu'on pourrait appeler le personnage sublime, qui, peut-être, n'est que l'idée inconsciente mais forte et convaincue que le poète se fait de l'univers et qui donne à l'oeuvre une portée plus grande, je ne sais quoi qui continue d'y vivre après la mort du reste et permet d'y revenir sans jamais épuiser sa beauté. Mais convenons qu'il manque aussi à notre vie présente. Reviendra-t-il? Sortira-t-il d'une conception nouvelle et expérimentale de la justice ou de l'indifférence de la nature, d'une de ces énormes lois générales de la matière ou de l'esprit que nous commençons à peine d'entrevoir? En tout cas, gardons lui sa place. Acceptons, s'il le faut, que rien ne la vienne occuper pendant le temps qu'il mettra à se dégager des ténèbres, mais n'y installons plus de fantômes. Son attente, et son siège vide dans la vie, ont par eux-mêmes une signification plus grande que tout ce que nous pourrions asseoir sur le trône que notre patience lui réservé. Pour mon humble part, après les petits drames que j'ai énumérés plus haut, il m'a semblé loyal et sage d'écarter la mort de ce trône auquel il n'est pas certain qu'elle ait droit. Déjà, dans le dernier, que je n'ai pas nommé parmi les autres, clans Aglavaine et Sélysette, j'aurais voulu qu'elle cédât à l'amour, à la sagesse ou au bonheur une part de sa puissance. Elle ne m'a pas obéi, et j'attends, avec la plupart des, poètes de mon temps, qu'une autre force se révèle. Quant aux deux petites pièces qui suivent Aglavaine et Sélysette, savoir: Ardiane et Barbe-bleue, ou la délivrance inutile, et Soeur Béatrice, je voudrais qu'il n'y eût aucun malentendu à leur endroit. Ce n'est pas parce qu'elles sont postérieures qu'il y faudrait chercher une évolution ou un nouveau désir. Ce sont, à proprement parler, de petits jeux de scène, de courts poèmes du genre assez malheureusement appelé «opéra-comique» destinés à fournir aux musiciens qui les avaient demandés, un thème convenable à des, développements lyriques. Ils ne prétendent à rien davantage, et l'on se méprendrait sur mes intentions si l'on y voulait trouver par surcroît de grandes arrière-pensées morales ou philosophiques.

La Princesse Maleine.

Table des matières

DRAMATIS PERSONAE.

HJALMAR, roi d'une partie de la Hollande.

MARCELLUS, roi d'une autre partie de la Hollande.

Le prince HJALMAR, fils du roi HJALMAR.

Le petit ALLAN, fils de la reine Anne.

ANGUS, ami du prince HJALMAR.

STÉPHANO, VANOX, officiers de Marcellus.

Un chambellan.

Un médecin.

Un fou.

Trois pauvres.

Deux vieux paysans, un cuisinier.

Seigneurs, officiers, un vacher, un cul-de-jatte, pèlerins, paysans,

domestiques, mendiants, vagabonds, enfants, etc.

ANNE, reine du Jutland.

GODELIVE, femme du roi Marcellus.

La princesse MALEINE, fille de Marcellus et de Godelive.

La princesse UGLYANE, fille de la reine Anne.

La nourrice de Maleine.

Sept béguines.

Une vieille femme.

Dames d'honneur, servantes, paysannes, etc.

Un grand chien noir nommé Pluton.

Le premier acte à Harlingen; les autres au

château Ysselmonde et aux environs.

ACTE I

Table des matières

SCÈNE I

Table des matières

Les jardins du château.

[Entrent Stéphano et Vanox.]

VANOX.

Quelle heure est-il?

STÉPHANO.

D'après la lune il doit être minuit.

VANOX.

Je crois qu'il va pleuvoir.

STÉPHANO.

Oui; il y a de gros nuages vers l'Ouest.--On ne viendra pas nous relever avant la fin de la fête.

VANOX.

Et elle ne finira pas avant le petit jour.

STÉPHANO.

Oh! oh! Vanox!

[Ici une comète apparaît au-dessus du château.]

VANOX.

Quoi?

STÉPHANO.

Encore la comète de l'autre nuit!

VANOX.

Elle est énorme!

STÉPHANO.

Elle a l'air de verser du sang sur le château!

[Ici une pluie d'étoile, semble tomber sur le château.]

VANOX.

Les étoiles tombent sur le château! Voyez! voyez! voyez!

STÉPHANO.

Je n'ai jamais vu pareille pluie d'étoiles! On dirait que le ciel pleure sur ces fiançailles!

VANOX.

On dit que tout ceci présage de grands malheurs!

STÉPHANO.

Oui; peut-être des guerres ou des morts de rois. On a vu ces présages à la mort du vieux roi Marcellus.

VANOX.

On dit que ces étoiles à longue chevelure annoncent la mort des princesses.

STÉPHANO.

On dit... on dit bien des choses...

VANOX.

La princesse Maleine aura peur de l'avenir!

STÉPHANO.

A sa place, j'aurais peur de l'avenir sans l'avertissement des étoiles...

VANOX.

Oui; le vieux Hjalmar me semble assez étrange...

STÉPHANO.

Le vieux Hjalmar? Ecoute$, je n'ose pas dire tout ce que je sais; mais un de mes oncles est chambellan de Hjalmar; eh bien, si j'avais une fille, je ne la donnerais pas au prince Hjalmar.

VANOX.

Je ne sais pas... le prince Hjalmar...

STÉPHANO.

Oh! ce n'est pas à cause du prince Hjalmar, mais son père!...

VANOX.

On dit qu'il a la tête...

STÉPHANO.

Depuis que cette étrange reine Anne est venue du Jutland, où ils l'ont détrônée, après avoir emprisonné leur vieux roi, son mari, depuis qu'elle est venue à Ysselmonde, on dit... on dit... enfin le vieux Hjalmar a plus de-soixante-dix ans, et je crois qu'il l'aime un peu trop pour son âge...

VANOX.

Oh! oh!

STÉPHANO.

Voilà ce qu'on dit...--Et je n'ose pas dire tout ce que je sais.--Mais n'oublie pas ce que j'ai dit aujourd'hui.

VANOX.

Alors pauvre petite princesse!

STÉPHANO.

Oh, je n'aime pas ces fiançailles!--Voilà qu'il pleut déjà!

VANOX.

Et peut-être un orage là-bas.--Mauvaise nuit! [Passe un valet avec une lanterne.] Où en est la fête?

LE VALET.

Voyez les fenêtres.

VANOX.

Oh! elles ne s'éteignent pas.

LE VALET.

Et elles ne s'éteindront pas cette nuit. Je n'ai jamais vu de fête pareille! Le vieux roi Hjalmar est absolument ivre, il a embrassé notre roi Marcellus, il...

VANOX.

Et les fiancés?

LE VALET.

Oh! les fiancés ne boivent pas beaucoup. Allons, bonne nuit! je vais à la cuisine, on n'y boit pas de l'eau claire non plus, bonne nuit!

[Il sort.]

VANOX.

Le ciel devient noir, et la lune est étrangement rouge.

STÉPHANO.

Voilà l'averse! et pendant que les autres boivent, nous allons...

[Ic les fenêtres du château, illuminées au fond du jardin, volent en éclats: cris, rumeurs, tumulte.]

VANOX.

Oh!

STÉPHANO.

Qu'y a-t-il?

VANOX.

On brise les vitres.

STÉPHANO.

Un incendie!

VANOX.

On se bat dans la salle!

[La princesse Maleine, échevelée et tout en pleurs, passe en courant, au fond du jardin.]

STÉPHANO.

La princesse!

VANOX.

Où court-elle?

STÉPHANO.

Elle pleure!

VANOX.

On se bat dans la salle!

STÉPHANO.

Allons voir!...

[Cris, tumulte, les jardins se remplissent d'officiers, de domestiques, etc., les portes du château s'ouvrent violemment, et le roi Hjalmar parait sur le perron, entouré de courtisans et de pertuisaniers. Au-dessus du château, la comète. La pluie d'étoiles continue.]

LE ROI HJALMAR.

Ignoble Marcellus! Vous avez fait aujourd'hui une chose monstrueuse! Allons, mes chevaux! mes chevaux! je m'en vais! je m'en vais! je m'en vais! Et je vous laisse votre Maleine, avec sa face verte et ses cils blancs! Et je vous laisse avec votre vieille Godelive! Mais attendez! Vous irez à genoux à travers vos marais! Et ce seront vos fiançailles que je viendrai célébrer, avec tous mes pertuisaniers et tous les corbeaux de Hollande à vos fêtes funèbres! Allons-nous-en! Au revoir! au revoir! Ah! ah! ah!

[Il sort avec ses courtisans.]

SCÈNE II

Table des matières

Un appartement du château.

[On découvre la reine Godelive, la princesse Maleine et la nourrice; elles chantent en filant leur quenouille.]

etc.,