Les aventures extraordinaires de Jules Quatrenoix - Livre 1 - Tatiana Deschamps - E-Book

Les aventures extraordinaires de Jules Quatrenoix - Livre 1 E-Book

Tatiana Deschamps

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Beschreibung

En vacances loin de Paris, Jules Quatrenoix se lance dans une enquête palpitante en compagnie de son chien et de ses deux amis Aristide et Lothaire.

Été 1912. Jules Quatrenoix, douze ans, quitte Paris et emménage avec sa mère, Ernestine, à Hurlus-le-Mort-Homme. Elle a été engagée comme gouvernante chez les De Chaussecourte, après la disparition de son mari. Ils doivent commencer une nouvelle vie dans cette petite ville reculée, au grand dam de Jules.
Les vacances s’annoncent bien moroses..., quand, une nuit, Jules entend des voix venant d’une pièce condamnée de la maison appeler son nom ! Troublé mais intrigué, il commence alors à mener son enquête, secondé par son chien, Lebrac, et aidé de ses deux nouveaux amis, Aristide et Lothaire. C’est ainsi, qu’au péril de leurs vies, ils vont découvrir le véritable et terrifiant visage d’Hurlus-le-Mort-Homme !

Au travers d'une formidable enquête, suivez les aventures de Jules Quatrenoix dans le premier tome d'une série policière à l'intrigue haletante !

EXTRAIT

Lundi 22 juillet 1912. Ernestine vint réveiller son fils qui dormait encore profondément. Elle le regarda quelques instants puis déposa un baiser sur son front en lui caressant les cheveux.
–Mon chéri, il est l’heure de se lever. Tout le monde nous attend pour prendre le petit déjeuner.
Jules ouvrit les yeux et vit le doux visage de sa mère penché au-dessus de lui. Toutes les peurs de cette nuit s’estompèrent. Il lui sourit à son tour.
–Je me prépare et je vous rejoins dans un quart d’heure.
Ernestine tira les rideaux et ouvrit la fenêtre. Une légère brise soufflait, il faisait un temps magnifique, les oiseaux gazouillaient. De sa chambre, Jules avait une superbe vue sur le parc. Il fit rapidement un brin de toilette, s’habilla et descendit à la hâte au rez-de-chaussée. Il croisa la cuisinière qu’il salua et se dépêcha d’aller à la salle à manger où tout le monde prenait le petit déjeuner.
Il s’arrêta à l’entrée et salua toute la famille. Tous étaient d’humeur joviale et les enfants étaient très excités. Le départ pour les vacances était cet après-midi !
–As-tu bien dormi, mon garçon ? Tu as une petite mine ce matin ! L’air de la campagne ne te réussit pas ? Pourtant, il doit être meilleur que celui de Paris ! Le taquina M. De Chaussecourte en baissant son journal.

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Tatiana DESCHAMPS

Les aventures extraordinaires de Jules Quatrenoix 

Livre 1 La malédiction de Datura

« Grand est celui qui n’a pas perdu son cœur d’enfant »Mencius.

À Nausicäa

CHAPITRE 1 Arrivée à Hurlus-le-Mort-Homme :Où tout commence

« Hurlus-le-Mort-Homme », lut Jules sur le panneau de signalisation à l’entrée de la ville, le front appuyé contre la vitre de l’automobile qui les conduisait à leur nouvelle maison, sa mère et lui. Déjà qu’il était d’humeur maussade, le nom de cette bourgade perdue au milieu de nulle part ne fit qu’accroître sa mauvaise humeur. Ils avaient tout quitté, leur bel appartement à Paris, ses amis, leur vie, pour venir s’enterrer ici.

La voiture traversa Hurlus. Il était déjà tard et les rues étaient désertes malgré la douceur de cette fin de journée du dimanche 7 juillet 1912. La ville disparut pour laisser place à une forêt dense. Lorsque l’automobile passa devant un immense portail rouillé soutenu par deux colonnes de pierre, le chauffeur, s’adressant à Jules, lui dit :

–C’est le chemin qui mène au lycée privé de Notre Dame de la Désolation. Là où tu iras, mon garçon !

Jules leva les yeux au ciel. Décidément ils savaient y faire ici pour donner des noms aux lieux ! Et en plus, tout le monde semblait très bien renseigné sur leur venue ! 

Et regardant en direction du portail, il eut juste le temps de voir un chemin qui n’en finissait pas de s’enfoncer dans la pénombre. Pour la première fois, il n’était pas impatient de retourner à l’école : être le nouveau était le pire des calvaires pour un élève, surtout quand on venait de Paris !

Il regarda sa mère, assise à côté de lui. Elle se tenait droite, les mains posées à plat sur ses cuisses. Elle avait mis une de ses plus belles robes pour faire le voyage. Elle voulait faire bonne impression à ses futurs employeurs, avait-elle confié à Jules avec un léger sourire.

Elle était belle avec ses longs cheveux bruns aux lourdes boucles relevés en un chignon sur le sommet de sa tête. C’était une femme naturellement élégante et douce. Elle avait de longues mains ; Jules les revoyait courir sur les touches du piano, la musique emplissant toutes les pièces de leur ancien appartement. Son visage avait la douceur de celui d’une madone, mais l’expression rieuse de ses yeux avait disparu depuis ce fameux télégramme.

Ils avaient espéré malgré l’annonce dans les journaux. La réception de ce petit bout de papier avait anéanti tous leurs espoirs. Jules se rappelait très bien cette terrible matinée quand un homme en uniforme était venu frapper à leur porte. Elle resterait gravée à jamais dans sa mémoire. Ils s’étaient regardés avec sa mère et ils avaient su qu’on leur portait une mauvaise nouvelle. L’homme, le visage fermé, lui avait demandé :

–Vous êtes bien Madame Ernestine Quatrenoix ? 

Elle avait acquiescé et il lui avait tendu le télégramme.

–Je suis navré, Madame. Toutes mes condoléances.

Jules se répéta la phrase à voix basse. Sa mère prit le papier, le lut puis s’assit lourdement sur une chaise. Sa main, en touchant la table, lâcha le courrier. Jules le ramassa et le lut à son tour.

Madame, nous avons le regret de vous informer de la disparition de votre mari, M. Joseph Quatrenoix, Officier Junior sur le Titanic, lors du naufrage du navire dans la nuit du 14 au 15 avril 1912. Il n’a pas été retrouvé parmi les survivants, ni parmi les victimes. Une indemnité vous sera versée suite à la perte de votre époux. Un agent d’assurance en lien avec la Willis Faber & Company Limited reprendra contact avec vous. Nous vous adressons, Madame Quatrenoix, nos plus sincères condoléances.

Sa mère avait beaucoup pleuré ce soir-là.

Joseph Quatrenoix n’avait pas laissé sa famille sans ressources et ils toucheraient bientôt une indemnisation mais il fallait maintenant trouver du travail. Un matin, elle vit une annonce dans le journal : « Hurlus-le-Mort-Homme, maîtresse de maison cherche gouvernante avec références. Logée, nourrie. Enfant accepté ». Ernestine n’avait jamais eu à travailler avec le salaire de son époux, mais elle savait tenir une maison et l’argent laissé par son défunt mari servirait à payer les études secondaires de leur fils.

Il fut tiré de ses rêveries par le chauffeur.

–Nous y voilà !

La voiture s’était arrêtée devant un autre portail en fer tout aussi rouillé et délabré mais beaucoup moins imposant que le précédent. Le chauffeur aida sa mère à descendre puis sortit les bagages du coffre.

–Vous verrez, c’est une famille charmante ! Leur dit-il en remontant en voiture.

Jules le regarda s’éloigner, il leur fit un geste de la main et l’automobile disparut dans la pénombre. Ils restèrent là un moment, les bagages à leurs pieds, devant le grand portail ouvert sur une allée d’immenses arbres. On distinguait vaguement une lumière au loin. Il se tourna vers Ernestine, elle n’était pas rassurée, son visage était crispé. Elle prit la main de son fils qu’elle serra très fort et lui dit, comme pour se donner du courage.

–Allez, mon chéri ! On y va !

Chacun prit sa valise et ils avancèrent dans le chemin. On entendait seulement leurs pas sur le gravier, les arbres paraissaient encore plus grands avec la nuit tombante. Ils entendirent au loin une chouette. Plus ils avançaient, plus Ernestine serrait fort la main de son fils. Au bout de l’allée, apparut enfin la maison. C’était une grande bâtisse avec une tourelle carrée sur le côté gauche, seules les grandes fenêtres du bas étaient éclairées. Ils étaient attendus, la lumière au-dessus de l’imposante porte d’entrée en bois était allumée.

Ils gravirent le perron. La mère de Jules tira fébrilement sur la cordelette à gauche de la porte. Le tintement d’une clochette résonna dans le hall. Des bruits de pas pressés se firent entendre. La clef tourna dans la serrure et une dame blonde, dans une magnifique robe bleu nuit, les accueillit chaleureusement.

–Nous commencions à nous faire du souci ! Mon mari allait partir à votre recherche. Nous sommes ravis de vous rencontrer. Entrez donc !

Elle s’effaça pour les laisser entrer. Ernestine se détendit et lâcha la main de Jules.

–Posez vos bagages ici, dit-elle en leur indiquant un coin dans le hall, près de l’escalier. Venez ! Je vais vous présenter au reste de la famille, ils sont impatients de vous voir.

Jules regarda autour de lui. La douce lumière des lustres du hall et du salon le rassura. Les murs des différentes pièces étaient décorés à mi-hauteur de boiseries sculptées. Un portemanteau, fixé au mur, était chargé de vêtements avec en dessous de nombreuses paires de chaussures. Le sol de l’entrée ressemblait à un damier géant avec ses carreaux noirs et blancs.

Avant d’entrer dans le salon sur leur droite, ils passèrent devant l’escalier desservant les différents étages de la maison. Les autres membres de la famille s’étaient levés pour les accueillir et les attendaient devant la cheminée, tout aussi souriants que la maîtresse de maison. Cette dernière fit les présentations.

–Voici la famille De Chaussecourte au complet ! Mon mari, Aimé. Nos quatre enfants, Blanche, Victoire, Abel et Léopold. Et moi-même, Adélaïde. Sans oublier notre chère cuisinière qui est à nos petits soins, Mme Églantine Guillandou.

Ernestine se présenta à son tour, ainsi que son fils.

–Pouvons-nous vous proposer un rafraîchissement ? Avez-vous déjà dîné ? S’enquit Mme De Chaussecourte.

–Oui, merci, un grand verre d’eau nous fera le plus grand bien. Nous avons mangé dans le train, répondit Ernestine.

La cuisinière disparut dans la cuisine et revint quelques minutes plus tard chargée d’un plateau.

–Mais asseyez-vous, je vous en prie. Nous vous montrerons ensuite vos chambres, vous devez être fatigués après un si long voyage. Nous parlerons de toutes les formalités demain, dit Adélaïde, d’un ton enjoué.

Ernestine détailla la pièce, son regard se voila lorsqu’elle vit le piano près de la fenêtre. Elle se ressaisit quand elle vit que Jules l’observait.

–Vous avez une maison magnifique ! Dit-elle.

La conversation continua sur les mondanités de rigueur, puis le moment du coucher fut enfin annoncé.

–Venez ! Je vais vous montrer vos chambres, leur dit Adélaïde en se levant.

Ils retournèrent dans le hall récupérer leurs valises. Ils montèrent l’escalier qui parut interminable à Jules. Leurs chambres se situaient au deuxième étage, dans les combles. Celle attribuée à Ernestine était juste à droite de l’escalier et celle de son fils, au fond du couloir. Il fixa la porte en bois de sa nouvelle chambre, partiellement dissimulée dans la pénombre, la lumière du couloir n’éclairant pas jusque là-bas. Jules ressentit une légère angoisse. Mme De Chaussecourte les salua.

–Reposez-vous bien ! Nous nous verrons demain au petit déjeuner.

Ils l’entendirent descendre l’escalier. Ernestine l’embrassa sur le front.

–Je suis exténuée mon chéri. Je vais me coucher. Nous aurons tout le temps pour ranger nos affaires demain.

Elle ouvrit la porte de sa chambre, lui sourit puis referma la porte derrière elle. Jules savait que sa mère avait besoin d’être seule ces derniers temps pour qu’il ne la vît pas pleurer. La plupart de leurs nuits étaient désormais rythmées par les sanglots qu’Ernestine essayait d’étouffer dans son oreiller. La journée, elle ne laissait rien paraître. Jules se retrouva seul dans le couloir. La maison était silencieuse, seuls quelques bruits montaient de la cuisine où Mme Guillandou s’affairait encore avant de terminer sa journée.

Il s’avança lentement jusqu’à sa chambre qui n’avait rien de rassurant à cette heure. Le parquet craqua sous ses pas. Il posa la main sur la poignée de porte en céramique blanche et, en la tournant, se griffa légèrement au petit clou qui la tenait. Tout était sombre dans la chambre. Il chercha l’interrupteur à tâtons. Ses doigts sentirent enfin quelque chose. La pièce s’éclaira progressivement. Il entra et referma la porte derrière lui.

Il parcourut la pièce du regard. Le décor en était sobre mais bien arrangé avec toutes les commodités nécessaires : une grande armoire en bois massif contre le mur, sur la gauche ; une grande fenêtre à carreaux encadrée par de lourds rideaux en velours vert foncé ; un lit à une place lui faisait face avec une table de chevet et une lampe ; un beau bureau en bois avec un sous-main en cuir vert foncé et une chaise ; un petit meuble de toilette avec une vasque et un broc, tous deux en faïence, et ornés de guirlandes et de paniers fleuris, avec porte-serviettes et miroir; à ses côtés, un valet de nuit en bois.

Jules posa sa valise à côté de l’armoire. Il s’assit sur le bord du lit et soupira. Puis il ôta ses chaussures, se déshabilla et posa ses vêtements sur le valet de nuit. Il enfila sa chemise de nuit et s’allongea sur le lit. Les draps sentaient bon la lessive. Il resta quelques instants ainsi, les bras le long du corps, à fixer le plafond.

Sentant la fatigue l’envahir, il se leva pour tirer les rideaux et éteindre la lumière, et se glissa enfin avec bonheur dans les draps. La journée avait été longue et forte en émotions. Il sombra dans un profond sommeil avec l’odeur rassurante du linge propre.

Les quinze jours qui suivirent permirent à Ernestine et Jules de trouver leurs marques et de s’adapter à leur nouvel environnement.

Ce n’était pas chose facile mais la famille De Chaussecourte faisait tout pour leur être agréable.

Les enfants, surtout les deux garçons, trop contents d’avoir un grand avec eux, montrèrent la maison à Jules dans ses moindres recoins ! Ils lui firent aussi visiter le parc. Lors d’une de leurs promenades, Jules voulut aller explorer le fond du parc, derrière la maison.

–Non ! C’est interdit, papa il a dit ! Le gronda Léopold, le petit dernier.

–Ah, bon ?!! S’étonna Jules. Mais pourquoi ?

–Églantine a dit à nos parents qu’il ne fallait pas y aller car c’était dangereux. Une histoire de bassin où on peut se noyer, expliqua Abel, son grand frère. Et puis rien n’a été nettoyé là-bas. On a du mal à passer.

Ils firent demi-tour et retournèrent dans la maison.

–Tu viens zouer avec nous, Zules ? Demanda Léo.

Dès le début, le petit garçon s’était entiché de Jules et ne le lâchait plus. Ça ne le dérangeait pas, bien au contraire, il se sentit beaucoup plus vite intégré comme ça et n’avait pas trop le temps de penser à sa vie d’avant. Le chauffeur avait raison, cette famille était vraiment charmante !

Ernestine, quant à elle, avait été littéralement kidnappée par Adélaïde. Elle voulait discuter avec elle de la tenue de la maison et des tâches à faire, évidemment, mais elle était tout aussi intéressée, voire plus, par la vie à Paris ! Ils y avaient vécu quelques années avec son mari et leurs enfants mais avaient préféré venir vivre ici, au calme, loin de l’agitation de la capitale.

–Nous sommes vraiment bien ici, vous savez, ma chère, mais le Bon Marché me manque ! Hurlus n’est pas très au fait de la dernière mode ! Racontez-moi tout !

Ernestine fut très flattée et trouva ainsi, elle aussi, un moyen de passer à autre chose. Tous les après-midi, elles ne perdaient jamais une occasion de discuter autour d’une tasse de thé. Même Mme Guillandou n’en perdait pas une miette, elle restait debout avec son plateau dans les mains, subjuguée par cette vie à la ville qu’elle ne connaissait pas. Tant et si bien, qu’un jour Adélaïde lui proposa carrément de s’assoir quelques instants avec elles pour écouter les derniers cancans sur Paris.

–Allons, Églantine ! Vous n’allez pas rester debout tout de même ! Prenez donc une tasse de thé avec nous !

–Bien, madame ! Répondit cette dernière sans se faire prier, trop contente de faire partie pour un temps de vraies discussions de dames.

Puis il fallut commencer à organiser les vacances. La famille De Chaussecourte partait pour un mois, ce qui n’était pas une mince affaire.

Les malles s’entassaient dans le hall au fur et à mesure des préparatifs. Il fallut expliquer à Léopold qu’il ne pouvait pas emporter tous ses jouets et que, non, Jules ne jouerait pas sans lui avec ! Les négociations se poursuivirent avec les filles ainées mais, cette fois, sur un sujet plus délicat, leurs tenues ! Leur père avait été catégorique : elles prenaient le strict minimum et pas toutes leurs toilettes. La même consigne fut donnée à leur mère.

–Mais très cher ! Il nous faut au moins trois belles tenues, au cas où !

Face aux trois représentantes de la gente féminine de la famille, il avait dû céder, la mort dans l’âme. Et il fut donc aussi accordé à Léo de prendre un jouet supplémentaire. L’automobile était pleine à craquer !

Le dimanche soir, Adélaïde décida d’organiser un repas de départ. La soirée fut animée. Les enfants se battaient déjà pour savoir quelle chambre ils allaient prendre.

C’était une petite villa à Vaucottes-sur-Mer qu’Aimé avait achetée à leur mariage et dans laquelle ils se rendaient chaque année en été. Il leur montra des photos où l’on voyait les enfants en tenue de bain avec la maison en arrière-plan.

–Quelle maison ravissante ! S’exclama Ernestine.

La villa était pittoresque avec ses nombreuses toitures en ardoise pentues et débordantes, abritant, au dernier étage, un balcon en bois avec une vue imprenable sur la mer. Les boiseries et les volets à persiennes, peints en blanc, ressortaient sur les murs de briques rouges. L’ensemble était cerné par la végétation et quelques pommiers, sous un desquels - celui le plus proche de la maison - se trouvait une balancelle.

Comme chaque année, pour mettre fin aux disputes, les chambres furent tirées au sort. Adélaïde et Ernestine parlèrent des derniers préparatifs et vérifièrent qu’ils n’oubliaient rien. Les filles gloussaient dans leur coin : elles allaient retrouver des amis là-haut, dont certains les courtisaient, semblait-il ! Abel et Léo montrèrent à Jules leurs nouvelles épuisettes pour capturer des crabes et pêcher des petits poissons.

–Mais on les tue pas ! On les remet à l’eau après ! Précisa Léopold.

Il était très tard quand tout le monde partit se coucher, le ventre repu et les esprits apaisés. Jules s’endormit rapidement en rêvant à cette villa au bord de l’eau.

Mais quelques heures plus tard, il se réveilla en sursaut. Il faisait encore nuit et tout était sombre. Il alluma la lampe de chevet. Des chuchotements ! Il avait cru entendre des chuchotements ! Mais il n’y avait aucun bruit dans la maison, il avait dû sûrement rêver.

Il éteignit la lumière et attendit. Il allait enfin se rendormir quand il les entendit à nouveau. Des bruits, des craquements ! Ça venait de la pièce en-dessous ! D’abord paniqué, Jules tenta de se raisonner : ce devait être les enfants qui dormaient à l’étage en dessous et qui bougeaient dans leur sommeil.

Il attendit à nouveau. Tout était silencieux. Il n’osa plus éteindre la lumière cette fois. Il attendit longtemps, ses paupières étaient lourdes. Il appuya son dos contre la tête de lit. Sa tête dodelinait sous l’effet du sommeil. Éreinté et n’entendant plus rien, il se recoucha, laissant quand même la lampe de chevet allumée et dormit jusqu’au matin.

CHAPITRE 2À la recherche de la pièce disparue

Lundi 22 juillet 1912. Ernestine vint réveiller son fils qui dormait encore profondément. Elle le regarda quelques instants puis déposa un baiser sur son front en lui caressant les cheveux.

–Mon chéri, il est l’heure de se lever. Tout le monde nous attend pour prendre le petit déjeuner.

Jules ouvrit les yeux et vit le doux visage de sa mère penché au-dessus de lui. Toutes les peurs de cette nuit s’estompèrent. Il lui sourit à son tour.

–Je me prépare et je vous rejoins dans un quart d’heure.

Ernestine tira les rideaux et ouvrit la fenêtre. Une légère brise soufflait, il faisait un temps magnifique, les oiseaux gazouillaient. De sa chambre, Jules avait une superbe vue sur le parc. Il fit rapidement un brin de toilette, s’habilla et descendit à la hâte au rez-de-chaussée. Il croisa la cuisinière qu’il salua et se dépêcha d’aller à la salle à manger où tout le monde prenait le petit déjeuner.

Il s’arrêta à l’entrée et salua toute la famille. Tous étaient d’humeur joviale et les enfants étaient très excités. Le départ pour les vacances était cet après-midi !

–As-tu bien dormi, mon garçon ? Tu as une petite mine ce matin ! L’air de la campagne ne te réussit pas ? Pourtant, il doit être meilleur que celui de Paris ! Le taquina M. De Chaussecourte en baissant son journal.

–Oh, non, Monsieur ! Je me suis bien reposé, c’est juste que j’ai entendu du bruit dans la pièce sous ma chambre. Ce devait être les garçons qui remuaient dans leur sommeil. Et j’ai eu du mal à me rendormir.

Aimé le regarda d’un air perplexe.

–Du bruit ? Dans la pièce en dessous ? Ça ne peut être que des rats ou des souris. La chambre des enfants n’est pas sous la tienne. Ça vient sûrement de la pièce condamnée. Il semble qu’il n’y ait que ces rongeurs qui y aient un droit d’entrée !

–Une pièce condamnée ?!! Depuis longtemps ? Demanda Jules, stupéfait.

–Oh, oui ! Depuis des années ! Avant même notre arrivée. Et jamais personne n’a trouvé l’entrée. Pourtant les enfants ont passé du temps à essayer d’en percer le secret ! Ils sont persuadés qu’un trésor se trouve de l’autre côté. Quelle imagination ils ont !

Et il se replongea dans son journal.

—Encore ces souris ! Il faut faire quelque chose, Aimé ! Elles vont tout dévorer ! S’irrita Mme De Chaussecourte.

Jules resta interloqué. Il éprouva un sentiment d’angoisse mêlé d’excitation. Entendre des bruits et des chuchotements alors qu’il n’y avait personne dans cette fameuse pièce était assez troublant, mais finalement les vacances n’allaient pas être si ennuyeuses que ça ! Une pièce secrète ! Une enquête comme dans ce livre qu’il avait adoré, Le Mystère de la chambre jaune. Il allait lui aussi percer le mystère de ce lieu comme Joseph Rouletabille ! Dès que la famille serait partie, il irait à sa recherche !

Puis il fallut mettre tous les bagages et autres bardas dans la voiture. La tâche était des plus ardues ! Aimé, aidé d’Ernestine et d’Adélaïde, dut s’y reprendre à plusieurs fois pour tout faire rentrer. Il jeta un regard furibond à ces dames quand il vit la malle supplémentaire qui avait été rajoutée l’air de rien au reste.

Fuyant ce remue-ménage ambiant et ayant réussi à échapper à Léo, Jules alla faire un tour dans le parc. Il retourna au portail. L’air était frais et balayait son visage. Les rayons du soleil avaient du mal à se frayer un chemin à travers l’épais feuillage des arbres qui envahissaient toute la propriété. Arrivé à l’entrée, il s’aperçut qu’un cours d’eau passait le long. Il décida de le suivre et partit sur sa droite. Le mur d’enceinte était très haut. On ne voyait rien à moins d’y monter avec une échelle, mais des tessons de bouteille étincelant au soleil avaient été soigneusement enfoncés dans le ciment pour décourager toute tentative d’intrusion.

Jules marcha quelques minutes avant d’arriver à l’angle de la propriété. Le cours d’eau suivait le mur et devait, avant, servir de délimitation. La forêt était partout, comme si la nature avait gardé ses droits dans ces villes plutôt reculées. Le ruisseau se frayait un chemin à travers cette abondante végétation. Jules s’amusa à sauter de pierre en pierre, en faisant attention de ne pas glisser sur la mousse d’un vert presque fluorescent et en s’accrochant aux troncs rugueux des chênes. À nouveau un angle de mur, toujours suivi par le cours d’eau.

Il continua ses petits sauts, ses longues jambes maigres le faisant ressembler à un échassier. Jules était plutôt grand pour son âge et fin. Les traits de son visage étaient doux comme ceux de sa mère. Il avait les cheveux châtain mordoré de son père, comme ses yeux d’ailleurs, marron or. Il surprenait souvent Ernestine en train de le contempler avec une infinie tristesse. Il savait qu’il avait le regard de son amour perdu. Malgré la coupe au bol, ses cheveux étaient indisciplinés et partaient en tous sens au grand dam de sa mère. Même la brillantine n’avait pas eu raison d’eux ! Il avait une petite cicatrice au coin de l’œil droit : une blessure de guerre, une bataille de lance-pierre qui s’était mal terminée.

Lorsqu’il releva la tête pour retourner sur la rive qui longeait le mur, il aperçut un portillon en bois : c’était un accès direct du parc vers la forêt. Il s’approcha. La porte était vermoulue, personne ne l’avait entretenue depuis de nombreuses années. À tout hasard, il souleva le loquet rouillé et la poussa. Ce n’était pas fermé ! Il entra. La végétation était très dense dans cette partie du parc. Il n’aurait jamais vu ce portillon s’il était venu par le parc.

Tout content de sa trouvaille, il continua son exploration. Au loin, il vit un muret en pierres. En se rapprochant, il comprit qu’il s’agissait d’un bassin, le fameux bassin dont M. De Chaussecourte ne voulait pas que les enfants s’approchent. La vase avait tout envahi et avait fait de cet endroit un paradis pour les grenouilles ! Dès qu’elles entendirent Jules s’avancer, elles se jetèrent toutes à l’eau, seuls leurs yeux globuleux dépassaient à la surface du bassin entre les algues et autres plantes aquatiques.

L’endroit était très étrange, voire angoissant. Une légère brise fit remuer les feuilles des arbres, laissant passer un rayon de soleil. Quelque chose étincela sur le dessus du muret. Jules s’approcha. Sous la mousse apparaissait l’angle d’une plaque de cuivre. Il ôta la mousse et nettoya la plaque avec un peu d’eau du bassin. Il lut à voix haute : «À notre fils Barnabé. 1802 ».

Que s’était-il passé ici ? Sûrement quelque chose de grave concernant un enfant. Cette histoire de noyade peut-être dont avait parlé Abel. Il frissonna. Soudain le vent se leva, faisant tournoyer des feuilles mortes jonchant le sol et il les entendit à nouveau ! Les chuchotements ! Il se retourna brusquement, croyant qu’ils venaient de derrière, mais rien. Pris de panique, il se mit à courir droit devant lui. Il arriva aux abords de la maison, essoufflé. Ne voulant rien laisser paraître de peur qu’on le pense fou, il se ressaisit et entra. Il était heureux de retrouver l’agitation de la maisonnée.

L’après-midi, la famille était partie. Du perron, Jules et sa mère firent au revoir de la main à l’automobile qui s’éloignait dans l’allée. Il n’était pas mécontent qu’ils s’en aillent, comme ça il allait pouvoir enfin partir à la recherche de la pièce secrète.

–Eh bien, mon chéri ! Nous voilà seuls pendant un mois avec Mme Guillandou. J’ai beaucoup de choses à faire. Mme De Chaussecourte m’a laissé une liste de tâches qui devrait m’occuper en leur absence. Nous nous retrouvons pour le déjeuner. Si tu me cherches, je serai avec Églantine dans la cuisine.

Elle lui baisa le front et rentra dans la maison. Parfait ! Il allait enfin pouvoir fureter. Sa mission pour les vacances : trouver cette mystérieuse pièce. C’était aussi excitant que les romans d’aventure de Jules Verne. Son livre préféré, Un Capitaine de quinze ans ! À chacun de ses anniversaires, son père lui en offrait un, avec sa belle reliure de toile rouge et ses décors dorés. Son prénom lui avait été donné en hommage à cet « écrivain de génie », comme avait l’habitude de dire son père. Cette année, sa mère avait eu la délicate attention de perpétuer la tradition mais ce n’était plus pareil. Jules soupira et rentra lui aussi dans la maison.

–Bon, soyons logique, comme Rouletabille ! La pièce que je cherche se trouve sous ma chambre, donc au premier étage.

Il grimpa les escaliers, quatre à quatre, en s’accrochant à la rampe de bois patinée par les années, à force de frottements des nombreuses mains qui avaient vécu ici.

Arrivé sur le palier, il prit à droite et alla au bout du couloir. Il se retrouva face à une bibliothèque en bois, pleine de livres et de bibelots. Il se posta devant l’imposant meuble et réfléchit. L’entrée de la pièce condamnée ne pouvait être que derrière. À moins qu’il n’y ait une porte dérobée dans les chambres … Il les inspecta mais rien : les murs attenants à la pièce ne sonnaient creux à aucun endroit et il ne vit aucun décroché permettant de signaler l’emplacement d’une porte.

Il revint devant la bibliothèque. Dans ses livres d’aventure, il y avait toujours une histoire de passage secret avec un mécanisme bien particulier qui en permettait l’accès. Quel pouvait bien être celui-là ? Lui qui aimait les énigmes, en voilà une à sa hauteur ! Il vida entièrement le meuble : aucun livre ou bibelot ne servait de levier permettant d’actionner le mécanisme. Il parcourut des doigts l’encadrement du meuble, en s’aidant d’une chaise, à la recherche d’un bouton pressoir. Rien ! La tâche allait être plus laborieuse qu’il ne le pensait, se dit-il quelque peu agacé.

Il recula pour avoir une vision d’ensemble de la bibliothèque, mais il se prit les pieds dans le long tapis étroit du couloir. Il chercha à se retenir dans sa chute à la première chose qui passait à portée de sa main. Il se rattrapa à un vieux cordon à rideau qui se trouvait à côté de la porte d’une des chambres et s’y accrocha sans que le cordon ne cède sous son poids. Il se retrouva à demi suspendu, l’air hébété quand un gros bruit se fit entendre. Il était persuadé que quelque chose allait s’écrouler et qu’il venait de faire une énorme bêtise ! Il resta figé, attendant, fébrile.

Dans un long craquement, la bibliothèque coulissa, se replia sur elle-même et laissa apparaître une petite porte. Jules n’en revenait pas, il l’avait trouvée !

–Bon, pas forcément de façon très logique et méthodique, se dit-il un peu vexé. Mais quand même !

–Tout va bien, mon chéri ? Demanda une voix venant du rez-de-chaussée.

Il sursauta. C’était sa mère ! Elle et Églantine avaient dû entendre le raffut provoqué par sa chute. Il ne fallait pas qu’elles montent !

–Oui, oui, j’ai juste trébuché sur le tapis. Tout va bien !

–Tu es sûr ? On aurait dit qu’un meuble s’était renversé !

–Oui, oui, y a pas de mal !

Il les entendit retourner dans la cuisine et Mme Guillandou dire :

–Ce petit est épais comme un coucou mais quand il tombe, on croirait entendre un éléphant !

Ouf ! La voie était libre.

L’excitation passée, il fallait maintenant ouvrir cette porte. Mais il avait le pressentiment qu’une fois ouverte, il n’y aurait plus de retour en arrière possible. C’était un peu comme ouvrir la boîte de Pandore. Il se rappela les chuchotements, le bassin. Malgré tout, la curiosité l’emporta !

Il avança jusqu’à la porte. Elle n’était pas fermée ! Depuis toutes ces années, elle était restée entr’ouverte ! Il la poussa lentement de la main. Les gonds émirent un grincement sinistre. La pièce était dans la pénombre. Une légère lumière filtrait à travers un épais rideau de velours cachant un fenestron.

Jules prit son courage à deux mains, traversa la pièce et d’un geste brusque tira le rideau. La pièce fut baignée de lumière, la poussière voleta en tous sens. On aurait dit un nuage de paillettes. C’était un bureau ! Tout était resté en l’état ! Mais depuis quand ? Et pourquoi vouloir cacher un bureau ?

Il devait forcément y avoir quelque chose d’important, de secret que l’ancien propriétaire ne voulait pas que l’on découvre. Il fut tiré de ses pensées par la voix de sa mère qui l’appelait à nouveau mais, cette fois, pour le déjeuner.

Comme il ne voulait parler à personne de sa découverte, il sortit rapidement de la pièce. Mais comment la refermer ? Il se dit, qu’en toute logique, le mieux serait de tirer à nouveau sur le cordon pour inverser le mécanisme. Et, par chance, c’est ce qui se produisit, la bibliothèque coulissa lourdement, se déplia et revint à sa place initiale. Jules avait hâte d’y revenir pour explorer le bureau. Il descendit précipitamment les escaliers et alla rejoindre sa mère et Mme Guillandou à la cuisine.

CHAPITRE 3L’enfant du bassin

Les deux dames étaient déjà assises et en pleine conversation, des assiettes, en porcelaine blanche à petits motifs bleu marine, fumant devant elles.

–Dépêche-toi de te mettre à table, mon chéri !

Jules prit place sur le banc, face à elles. Ernestine le servit et reprit sa discussion avec la cuisinière. Mme Guillandou lui expliquait le fonctionnement de la maison.

C’était une femme d’un certain âge, bien en chair, l’air jovial - comme toutes les cuisinières d’ailleurs, se dit Jules amusé - et qui d’après les bribes de conversation qu’il saisissait lorsqu’il ne pensait pas à sa découverte, était du pays. Elle racontait qu’elle était née ici et n’avait jamais quitté la ville, sauf pour des baptêmes, des mariages ou des enterrements de parents proches ou éloignés. Son mari était chauffeur et c’était lui qui les avait amenés ici. De braves gens ! pensa Jules qui les trouvait tous deux fort sympathiques.

Comme elles discutaient à nouveau de la maison, Ernestine lui demanda s’il y avait un entretien particulier pour le parc. À ces mots, il se rappela la plaque sur le bassin et décida de s’immiscer dans leur conversation.

–Et le bassin au fond du parc, on peut s’y baigner ? Il s’en voulut d’avoir posé une question aussi naïve.

–Ah, non, mon poulet ! Il est plein de vase et n’a jamais été remis en état depuis très longtemps.

–Vous voulez dire depuis 1802 ?

Mme Guillandou fut surprise par la question.

–Oui, c’est ça. Mais comment le sais-tu ?

–Il y a une plaque sur un bord du bassin. Elle était recouverte par la mousse.

–Tu es un petit homme très observateur ! Et oui, le parc n’a jamais été remis en état depuis cette année-là. Les De Chaussecourte sont arrivés ici il y a seulement sept ans et n’ont jamais pris le temps de s’en occuper. Le domaine est resté inhabité pendant plus de cent ans !

Elle était fière de raconter des anecdotes sur sa ville. Jules s’engouffra dans la brèche.

–Et qui était Barnabé ?

–Jules ! Ce ne sont pas des façons ! Le réprimanda sa mère.

–Ce n’est rien ! Répondit la cuisinière en lui souriant d’un air complice. Mais c’est une bien triste histoire que celle de la famille De Crochemarre.

Elle secoua tristement la tête.

–Barnabé était le fils unique de cette bien gentille famille, continua-t-elle. Un matin, il a été retrouvé par sa mère, flottant à la surface du bassin. Il s’était noyé. Personne n’a jamais su ce qui s’était passé. Mme De Crochemarre a sombré dans la folie après ça. Il faut dire qu’elle avait perdu son mari l’année d’avant. Une crise cardiaque. Certains disent qu’il était devenu fou depuis son retour d’Égypte. C’était un naturaliste réputé, vous savez. Un homme très cultivé et très apprécié par les gens du coin. Il a participé à cette fameuse expédition, sous Napoléon, qui avait découvert la pierre de…, ah ! Le nom m’échappe ! Je ne suis pas très bonne en histoire, ...de Rose ou quelque chose comme ça.

–De Rosette, l’aida Jules en souriant.

–Oui, c’est ça, merci mon poulet ! Mais je vous embête avec mes histoires, s’excusa-t-elle. Quand il s’agit d’histoires sur Hurlus, là par contre, je suis intarissable !

–Non, non ! Vous ne nous embêtez pas du tout ! Jules était suspendu à ses lèvres. Continuez ! J’aime beaucoup ce genre d’histoires, l’encouragea-t-il.

–Alors, si ça te plaît ! Voilà ce qui s’est passé. La plaque fut installée par la mère de Barnabé avant qu’elle ne soit définitivement enfermée dans un asile où elle est restée jusqu’à la fin de ses jours. Elle ne s’est jamais remise de tout ça. Il paraît qu’elle disait que tout était de la faute d’une fleur, le datura. Elle avait écrit ce mot sur tous les murs de sa chambre. Quelle fin tragique pour cette pauvre femme ! Tout le monde avait été très choqué par ce drame. Pour preuve, on en parle encore souvent aujourd’hui ! C’étaient des gens un peu farfelus mais très gentils. C’était une famille qui était installée dans la région depuis de nombreuses générations. D’après ce qu’on m’a dit, le petit Barnabé était très réservé et solitaire. Il n’était pas très apprécié par ses camarades de classe - elle se pencha en avant comme si elle voulait que personne n’entendit ce qu’elle allait dire - ce qui a fait dire à certains qu’il s’était suicidé ! Comme je vous le dis !

Ernestine et Jules restèrent bouche bée.

–En même temps, il venait aussi de perdre son père, le pauvre petit ! Et depuis cette terrible année - elle appuya sur le mot « terrible », ravie d’avoir un auditoire pour elle tout seule - le domaine De Crochemarre était resté à l’abandon. Elle se tourna vers Jules. En fait, la pièce secrète dont vous avez parlé, elle ne contient pas de trésor. C’était le bureau de M. De Crochemarre. Il l’avait fait condamner peu de temps après son retour d’Égypte, lui seul savait comment y accéder. Depuis, on raconte que celui qui trouverait le moyen d’y entrer succomberait au même mal que cet homme et sombrerait dans la folie.

Jules blêmit. En le voyant, Mme Guillandou crut qu’elle avait un peu exagéré et se ravisa.

–Mais ce ne sont que des racontars, mon poulet ! Des contes de grand-mères !

Elle se leva de table et alla chercher le dessert. Jules était un peu retourné par tout ce qu’il venait d’entendre, mais sa curiosité avait été définitivement piquée au vif. Ce que la cuisinière venait de raconter concordait avec ses découvertes : le bassin, le bureau et même les étranges chuchotements. Il voulait en avoir le cœur net et connaître le fin mot de toute cette histoire.

Il voulut retourner dans le bureau du père de Barnabé l’après-midi mais sa mère le réquisitionna jusqu’à l’heure du dîner pour l’aider à transporter des malles au grenier. À la fin de la journée, il était épuisé et alla se coucher tôt.

Il fit un rêve étrange cette nuit-là. Il était devant la bibliothèque, elle coulissa toute seule. Il entra dans la pièce. La poussière avait disparu, tout était comme avant, du temps de la famille De Crochemarre. Il vit un garçon d’une dizaine d’années, comme lui, se diriger vers une latte du plancher, la soulever et en sortir une belle boîte en bois de forme rectangulaire avec des motifs en argent incrustés dans de l’ébène. Barnabé ! Ce fut comme une évidence. C’était sûrement un cadeau rapporté d’Égypte par son père. Barnabé ouvrit la boîte, y déposa un feuillet plié en quatre, la referma et la remit à sa place. Il se releva, regarda Jules, mit son index droit sur ses lèvres et dit « Chuuuuut ! ».

Jules se réveilla en sursaut, en nage. Lorsqu’il réalisa que ce n’était qu’un rêve, il fut soulagé. Mais il entendit quelque chose, à peine audible, puis de plus en plus fort. Les chuchotements ! Ça recommençait ! Mais cette fois, il entendit distinctement son prénom, ils l’appelaient ! Pris de panique, il se cacha sous le drap en se bouchant les oreilles. Il resta comme ça quelques minutes puis réécouta, les chuchotements avaient cessé !

–Allons ! Un peu de courage ! C’est toi qui voulais savoir ce qui s’était passé, qui rêves d’aventure. En avant, Rouletabille ! 

Quelque peu ragaillardi, il sortit de son lit et regarda l’heure à son réveil, trois heures du matin. Il détestait se réveiller à cette heure-ci, pour lui, c’était l’heure où les cauchemars pouvaient prendre vie. D’ailleurs, on n’en était pas loin !

Il craqua une allumette et alluma la mèche de la lampe à pétrole, posée sur sa table de chevet. Il se leva et ouvrit la porte de sa chambre. Il n’y avait pas un bruit. On entendait juste le tic-tac de l’énorme horloge du salon qui résonnait dans toute la maison.

Pieds nus, en chemise de nuit et les cheveux ébouriffés, il alla jusqu’à l’escalier en essayant de ne pas faire craquer le plancher. Il descendit les marches une à une. Le reflet de la lumière de la lampe à pétrole dansait sur les murs. Il arriva sur le palier du premier étage. Il faisait nuit noire. Il ne voyait même pas la bibliothèque au fond du couloir, comme si cette partie de la maison avait été happée par les ténèbres.

Jules sentit la panique l’envahir. Il respira un bon coup et avança. Le couloir semblait ne plus en finir. Puis il vit la bibliothèque. Il tira sur le cordon, elle coulissa dans un léger craquement cette fois. Il ne voulait pas réveiller sa mère. Il ouvrit nerveusement la porte et pénétra dans le bureau. Il était aussi poussiéreux que ce matin !

Maintenant il devait trouver cette boîte. Jules posa la lampe sur le bureau et se dirigea vers la partie du plancher où il avait vu Barnabé soulever une latte dans son rêve. Une épaisse couche de poussière jonchait le sol. Il l’épousseta avec ses mains et commença à chercher. Il ne savait pas trop s’il devait croire à ce qu’il avait vu dans son rêve quand il vit une encoche dans une des lattes. Ça ressemblait plus à un angle de bois cassé qu’à autre chose. Il passa quand même son doigt dans le trou et essaya de soulever le morceau de bois. La latte n’émit aucune résistance. Jules la posa sur le côté. Avec la pénombre, il n’arrivait pas à voir s’il y avait quelque chose. Il prit la lampe et l’approcha de la cavité. Il lui sembla voir une boîte. À tâtons, il fouilla, ses mains effleurèrent un objet, il l’attrapa et le sortit. Il souffla dessus pour enlever la poussière. La boîte était exactement comme dans son rêve !

Il avait l’impression d’être comme ces archéologues qui font leur première découverte ! Il était surexcité mais il décida de ne pas l’ouvrir ici. Il serait plus tranquille dans sa chambre. Il se releva, secoua sa chemise de nuit et remonta après avoir bien refermé la bibliothèque.

Il s’assit à son bureau, la boîte posée devant lui. L’instant était historique ! Jules Quatrenoix venait de découvrir un trésor ! Il nettoya sa trouvaille à l’aide d’un linge humide. Elle était magnifique, faite dans de l’ébène, avec ces mêmes incrustations qu’il avait vues dans son rêve. Il la contempla quelques minutes puis se décida à l’ouvrir.

Mais à peine avait-il ouvert la boîte qu’un scorpion s’en échappa ! Il n’en avait jamais vu de si gros ! L’animal semblait un peu groggy. Profitant de cette faiblesse, bien que terrifié, il prit un verre qui était posé sur le cabinet de toilette et l’emprisonna.

Le scorpion ne se débattit pas, Jules avait même l’impression qu’il le fixait !

Qu’allait-il en faire ? Il ne savait pas de quelle espèce il s’agissait, mais vu sa taille, il valait mieux ne pas être piqué ! Il posa un gros livre sur le verre pour être sûr qu’il ne s’échappe pas, surtout pendant son sommeil. Il put enfin examiner le contenu du coffret tout en gardant un œil sur son nouveau camarade de chambrée !

CHAPITRE 4 Lettres d’outre-tombe

À l’intérieur de la boîte, soigneusement pliés et jaunis par le temps, se trouvaient plusieurs feuillets. Jules les sortit et les déplia avec une infinie délicatesse, craignant qu’ils ne se déchirent après tant d’années. Il y avait deux liasses de feuillets et une feuille volante. Il étala les papiers devant lui. Les liasses étaient des lettres manuscrites, rédigées par deux personnes différentes. Sur le feuillet à part, était dessinée une carte.

Jules commença par lire la lettre dont l’écriture faisait penser à celle d’un écolier, plutôt appliquée mais tremblante. Il regarda la signature sur le dernier feuillet. Elle était signée Barnabé De Crochemarre !

Le 8 juin 1802.

Si vous lisez cette lettre, c’est que j’ai échoué. J’aurais dû écouter mon père et faire ce qu’il m’avait dit. Mais la tentation était trop grande ! Je voulais juste être un peu plus apprécié au lycée et ne plus être celui qu’on ne voit pas ou dont on se moque. Comme je regrette !

Maintenant ils vont venir me chercher. C’est elle qui leur a dit où j’étais. Nous n’aurions jamais dû libérer ce monstre.

Elle nous a promis à tous que nous serions riches et que nous deviendrions des notables respectés. Mais pour lui prouver notre loyauté, elle voulait un cadeau, un sacrifice et ce, chaque année. Au début, on ne comprenait pas trop ce qu’elle entendait par là et puis elle a été on ne peut plus claire. Elle voulait l’un d’entre nous ! Son âme plus exactement !

Je vois encore son sourire démoniaque quand elle a prononcé ces mots. De préférence une âme pure et innocente. Elle m’a regardé fixement et a dit « N’est-ce pas, Barnabé ? ». Les autres se sont tournés vers moi et elle leur a dit que s’ils me donnaient en sacrifice, ils auraient tout ce qu’ils voulaient. Ils n’allaient quand même pas me faire ça ! C’étaient mes amis maintenant. J’ai tout de suite vu dans leur regard que je me trompais, alors je me suis enfui !

Oh, mon Dieu, je ne veux pas mourir !

Une goutte d’eau avait perlé sur le papier et avait effacé le début de la phrase. Jules pouvait imaginer Barnabé en train de pleurer en écrivant cette phrase.

Je voulais juste être apprécié, me faire des copains. Je ne pensais pas que ça en arriverait là. Je n’ai jamais voulu tout ça ! J’ai réveillé une chose affreuse. Pardonnez-moi ! Je n’ai plus beaucoup de temps. Elle sait où je suis, le scorpion est là, en train de me regarder écrire cette lettre.

Jules releva la tête en direction du verre. Il était toujours là, à le regarder fixement. Serait-il possible que… ? Non ! C’est sûrement une coïncidence ! Se dit-il pour se rassurer.

Il faut à tout prix l’empêcher de nuire. Je ne suis que le premier, il y en aura d’autres. Elle l’a dit, chaque année, il faudrait lui offrir une âme pure et innocente si nous voulions garder la belle situation qu’allait être la nôtre. La leur finalement !

Il faut la renvoyer dans son monde mais je ne sais pas comment. Je l’ai libérée en lisant la formule en avestique sur le rhyton. Père l’avait traduite avant de mourir. C’est un objet très ancien que Père a ramené d’Égypte, c’est un gobelet en argent en forme de corne et terminé par une tête d’antilope. Il est dans la grotte. J’ai dessiné une carte permettant d’aller à la grotte. Père avait ramené un autre objet aussi avec lui, un plat en cuivre. Je pense qu’il y a un lien. Mère s’en sert de coupe à fruit dans la salle à manger.

J’ai mis aussi dans cette boîte la dernière lettre que Père m’a écrite avant de sombrer dans la folie et d’en mourir comme Ernest. Je n’aurais pas dû lire les traductions de Père, il les avait pourtant bien cachées. J’aurais dû me douter que ce n’était pas pour rien et qu’il ne voulait que mon bien.

J’ai tellement peur. Il faut la détruire. Il faut que tout cela s’arrête ! Ils arrivent ! Je les entends dans le parc. Je dois cacher le coffret.

Ayez pitié de moi !

Encore une goutte séchée.

Jules avait du mal à réaliser. Il avait la gorge serrée et les larmes aux yeux. Il venait de lire les derniers instants de Barnabé, ce garçon qui fut ensuite retrouvé noyé dans le bassin.

Tout ça était-il vraiment possible ? L’euphorie de la découverte commençait à faire place à une certaine angoisse. Si tout ce que racontait Barnabé était vrai, il se passait des choses horribles à Hurlus-le-Mort-Homme. Il décida de lire la seconde lettre pour en savoir plus.

15 novembre 1801.

Mon très cher fils,

Je profite de mes derniers moments de lucidité pour t’écrire cette lettre. Ce sont également mes dernières volontés. Il est très important que tu fasses exactement ce que je te demande.

Je n’aurais jamais dû ramener cette relique. Je m’en rends compte maintenant même s’il est malheureusement trop tard. J’aurais dû écouter l’égyptien qui m’avait mis en garde.

Tu dois te débarrasser de cet objet et faire en sorte que personne ne le trouve. Il est maudit ! Je t’assure que j’écris ces mots avec toute ma raison.

Ernest n’est pas mort de la peste, comme tout le monde le pense. Il s’est entaillé avec le rhyton quand il l’a découvert parmi les momies d’animaux sacrés que nous avons trouvées dans le tombeau égyptien, près de Bubastis.

Tu dois également faire disparaître le plat que nous avons découvert au même endroit ce jour-là.

Nous aurions dû nous douter que quelque chose n’allait pas. Ces reliques n’avaient rien à faire là. Elles étaient beaucoup plus anciennes que le tombeau où elles avaient été déposées. Comme si quelqu’un avait voulu les cacher.

La plaie d’Ernest au bras s’était infectée malgré les soins qui lui avaient été prodigués. Un matin, il s’est mis à hurler de terreur comme s’il voyait quelque chose d’horrible et dans un derniersouffle, il m’a dit de ne pas la laisser prendre son âme. Il était terrifié !

Si je te raconte cette affreuse histoire, mon fils, c’est pour que tu comprennes combien il est important de détruire ces objets. Je suis incapable de le faire, elle me tient aussi maintenant. Je n’aurais jamais dû essayer de traduire ce qu’il y avait sur ce rhyton de malheur.

Les voix résonnent en permanence dans ma tête. Elles veulent que je la libère, que je fasse des choses atroces ! Mais je ne veux pas ! Elles me promettent monts et merveilles si je le fais. Mais je sais que c’est faux !

Je n’ai jamais cru au diable, ni à quoi que ce soit, je suis un scientifique ! Mais cette chose n’est pas humaine et elle n’est là que pour détruire. Il faut l’anéantir mais je ne sais pas comment. Alors fais-la disparaître et brûle toutes mes recherches. Ne cherche surtout pas à les lire ou elle te possédera à ton tour.

Je suis désolé de te faire porter ce fardeau, mon cher enfant. Pardonne-moi ! J’espère avoir été malgré tout un bon père.

Je t’embrasse fort, mon petit colibri, et je t’en prie, ne dis rien à ta mère, ça lui causerait trop de chagrin ! Tu sais comme elle est fragile.

Gédéon De Crochemarre.

La dernière feuille attachée à la lettre de Gédéon était vierge. Il y avait seulement écrit dans le coin droit « G. de C. ». Peut-être avait-il voulu continuer d’écrire mais il n’en avait pas eu la force ? L’écriture était peu sûre et tremblante sur la fin. Une crise de folie l’avait peut-être repris.

Jules était abasourdi. Soit la famille De Crochemarre était une famille d’aliénés, ce qui serait au final plus rassurant, soit ils disaient vrai… Il se sentit pris de vertiges et profondément fatigué. Il regarda son réveil, il était tard, ou plutôt, très tôt ! Quatre heures du matin passées. Il se leva et jeta un bref regard vers le verre. Le scorpion était toujours là et ne bougeait pas. Il s’effondra sur son lit.

Avant de sombrer dans un profond sommeil, il se dit qu’il était maintenant trop tard pour faire marche arrière, il avait ouvert sa boîte de Pandore et il fallait qu’il sache, quoiqu’il en coûte !

Demain il étudierait la carte et il se servirait des lettres pour trouver des indices pouvant lui apporter des réponses sur toute cette incroyable histoire ! Il fallait qu’il retrouve également ces traductions dont parlait Barnabé. Et si elles n’étaient pas dans la boîte, elles devaient être dans le bureau, avec les recherches de Gédéon, Barnabé n’ayant à priori rien détruit.

Le matin, il fut réveillé par la lumière du jour qui passait entre les lourds rideaux de velours. Se rappelant de sa folle nuit, il se leva en sursaut. Tout était resté tel qu’il l’avait laissé sur son bureau. Tout sauf le scorpion ! Il avait disparu bien que le verre et le livre n’aient pas bougé !

D’un bond, il se mit debout sur son lit. Il secoua les draps, regarda sous son lit et inspecta les moindres recoins de sa chambre, mais rien ! Plus ou moins rassuré et regardant où il mettait les pieds, il rangea les feuillets dans la boîte et décida de la mettre en lieu sûr, au fond de son armoire où il savait que personne n’irait fouiller. Il se prépara et descendit à la cuisine.

Il engloutit son petit déjeuner et remonta dans sa chambre pour examiner de plus près les lettres et trouver des indices. Mais il fit d’abord une énième inspection de sa chambre pour être sûr que le scorpion n’était plus là. Il n’était nulle part, c’était comme s’il s’était volatilisé !

D’après les dires de Barnabé, en plus d’une grotte secrète, il devait y avoir eu à Hurlus, depuis ces cent dernières années, des disparitions ou des morts étranges perpétrées par des personnes influentes, mais seulement après 1802. Il devait aussi retrouver ce plat et ce rhyton. Le plat était peut-être encore dans la maison. La cuisinière avait dit que tout était resté en l’état après la mort de la mère de Barnabé. Et si le rhyton servait pendant ces fameuses cérémonies, il devait être dans la grotte. Il fallait être méthodique !

–Je dois raisonner par le bon bout de la raison ! Se dit-il.

Il sortit du tiroir de son bureau un cahier, nota tous ces éléments et déchira la page qu’il glissa dans sa poche.

Mais tout d’abord il devait trouver cette fameuse grotte ! Il prit la carte et partit dans le parc. D’après les indications de Barnabé, l’entrée devait se situer au nord de la propriété. Il se rappela le portillon qui permettait d’accéder à la forêt. Il devait ensuite remonter le cours d’eau qui longeait l’enceinte du parc.

Barnabé avait dessiné des indices conduisant à la grotte : des rochers avec des formes d’animaux, des arbres aux troncs noueux,… L’entrée était signalée par deux arbres entrelacés avec une pierre prise dans le tronc.

Jules se dit qu’avec de tels éléments, il allait facilement trouver son chemin. Malheureusement pour lui, la carte avait plus de cent ans et la végétation, l’érosion avaient modifié les lieux. Jules passa toute la matinée à la chercher, revenant sur ses pas, scrutant les arbres et les rochers sous tous les angles. En vain !

Dépité, il revint à midi pour le repas. Il voulait y retourner l’après-midi mais le temps était contre lui. Il se mit à pleuvoir sans discontinuer jusqu’au soir et sa mère lui demanda de l’aide, ce qui l’occupa jusqu’au dîner.

Les jours suivants, ses recherches furent tout aussi infructueuses les unes que les autres. Déçu, mais ne s’avouant pas vaincu, il décida de se renseigner sur les étranges disparitions qui devaient avoir eu lieu au cours de ces cent dernières années. Peut-être aurait-il plus de chance de ce côté-là.

CHAPITRE 5 Gédéon De Crochemarre et l’expédition scientifique de 1798

Comment allait-il pouvoir en savoir plus sur ces disparitions ou morts étranges ? Jules était perdu dans ses pensées devant son bol de café au lait et ses tartines beurrées quand Mme Guillandou le tira de ses rêveries.

–Tu es bien silencieux, mon poulet, ce matin ! Tu as passé une mauvaise nuit ?

–Oh non ! J’ai très bien dormi, répondit-il avec un sourire un peu forcé.