Luxure et gourmandise - Kristeen Small - E-Book

Luxure et gourmandise E-Book

Kristeen Small

0,0

Beschreibung

Une héroïne qui nous montre l’importance de savourer chaque petit instant de bonheur offert par la vie et ses rencontres

Il s'agit des confessions d'une jeune femme naturelle et spontanée qui n'a pas confiance en elle mais qui accorde la sienne à tous ceux qui l'entourent. Elle est à la recherche d'un idéal familial difficile à atteindre. Elle vit à l'époque où l'on a énormément d'amis sur les réseaux sociaux, où l'on peut communiquer partout et à n'importe quel moment, où l'on est connecté en permanence au monde. Et pourtant elle ne s'est jamais sentie aussi seule. Elle compense ce grand vide en se nourrissant d'hommes et de tous ces délices sucrés tels que les pâtisseries. Elle nous livre ses sentiments, ses craintes et ses doutes, comme elle le ferait à une amie, dans le but de se sentir enfin comprise et entendue. Elle nous invite au plus profond d'elle-même afin de partager ses pensées, sans retenue et sans tabous.

Avant tout une quête de soi et de l’harmonie intérieure, ce roman vous transporte dans les pensées d’une jeune femme à la recherche de son idéal de vie.

EXTRAIT

Je n’ai pas eu beaucoup d’hommes dans ma vie, mais à chaque fois que je tombais sur l’un d’entre eux, je me disais que c’était le bon. Il collait parfaitement à mon idéal masculin, mais surtout et sûrement inconsciemment, à celui de mes parents.
J’ai eu la chance d’avoir été élevée par mon père et ma mère, toujours unis depuis leur tendre enfance, occupés à s’épauler, et à ne former qu’un. On ne parle pas de l’un sans parler de l’autre. C’est comme ça. Ils forment un tout. Mon père, pilier dans ma vie mais également repère masculin, a toujours été là. On peut dire qu’il m’a surprotégée. À ses yeux, sa femme et ses enfants sont Tout. D’ailleurs, la vie entière de mes parents est orchestrée par celles de mon frère, ma sœur et moi. Ils n’ont pas de hobbies, ne sortent que pour faire les courses et aller travailler, et ne prennent pas de temps pour se retrouver tous les deux hors de leur foyer. Mais ça leur convient, ils l’ont choisi. Tout ce qui leur importe, c’est le bonheur de leurs enfants. Ils demeurent unis, et sont un modèle d’amour pour moi.
J’ai donc inconsciemment cherché au sein de la gent masculine quelqu’un qui serait comme mon père, qui me verrait comme son unique centre d’intérêt, qui donnerait tout pour sa famille, qui serait de nature calme, qui ne serait pas grossier, qui ne boirait pas et ne fumerait pas non plus. Cela me paraissait normal, moi petit papillon qui osait à peine sortir de son cocon. Ce que je ne savais pas encore, c’est que ce type d’homme ne me conviendrait pas.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Kristeen Small est née en 1987 à Argenteuil au sein d’une famille aimante et protectrice dont elle est la benjamine. Elle est plutôt bonne élève excepté dans les matières scientifiques. Elle doute beaucoup sur le parcours scolaire à emprunter. Finalement, elle obtient un BTS Commerce International et intégre le milieu bancaire à 19 ans. Elle décide d’écrire en 2013, lorsqu’elle éprouve le besoin de mettre des mots sur ses maux.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 142

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Kristeen Small

Luxure et gourmandise

I - Ce gendre idéal, mon « colocataire »

Je n’ai pas eu beaucoup d’hommes dans ma vie, mais à chaque fois que je tombais sur l’un d’entre eux, je me disais que c’était le bon. Il collait parfaitement à mon idéal masculin, mais surtout et sûrement inconsciemment, à celui de mes parents.

J’ai eu la chance d’avoir été élevée par mon père et ma mère, toujours unis depuis leur tendre enfance, occupés à s’épauler, et à ne former qu’un. On ne parle pas de l’un sans parler de l’autre. C’est comme ça. Ils forment un tout. Mon père, pilier dans ma vie mais également repère masculin, a toujours été là. On peut dire qu’il m’a surprotégée. À ses yeux, sa femme et ses enfants sont Tout. D’ailleurs, la vie entière de mes parents est orchestrée par celles de mon frère, ma sœur et moi. Ils n’ont pas de hobbies, ne sortent que pour faire les courses et aller travailler, et ne prennent pas de temps pour se retrouver tous les deux hors de leur foyer. Mais ça leur convient, ils l’ont choisi. Tout ce qui leur importe, c’est le bonheur de leurs enfants. Ils demeurent unis, et sont un modèle d’amour pour moi.

J’ai donc inconsciemment cherché au sein de la gent masculine quelqu’un qui serait comme mon père, qui me verrait comme son unique centre d’intérêt, qui donnerait tout pour sa famille, qui serait de nature calme, qui ne serait pas grossier, qui ne boirait pas et ne fumerait pas non plus. Cela me paraissait normal, moi petit papillon qui osait à peine sortir de son cocon. Ce que je ne savais pas encore, c’est que ce type d’homme ne me conviendrait pas.

Après en avoir fait l’expérience, et avoir vécu au quotidien avec l’homme qui n’en demeurait pas moins le reflet de mon idéal, je me suis vite ennuyée. Ne sachant pas comment l’exprimer, et me sentant comme face à un mur, je me suis aperçue que le seul moyen de communiquer était de crier. Je perdais vite patience, le ton montait et je devais forcément avoir le fin mot face à ce jeune homme, Mathéo, qui ne me témoignait plus aucun signe affectif. Je voulais le faire réagir, ou peut-être lui faire payer… mais en vain. Moi qui avais été tellement chouchoutée, et protégée depuis toute petite, cela m’a évidemment plongée dans une grande solitude de voir que la personne avec qui je partageais ma vie, ne « m’entourait » pas assez. Il était pourtant là chaque jour à quelques pas de moi dans ce grand appartement, mais j’avais l’impression qu’il ne me portait aucune attention. Notre relation était devenue platonique. Mes nombreuses tentatives de rapprochement ne suffisaient pas, et ne lui faisaient aucun effet. Je crois bien avoir pourtant tout essayé. Mathéo m’a finalement confié qu’il ne ressentait pas le besoin ni l’envie que l’on se rapproche physiquement. J’en ai beaucoup souffert, cela me paraissait en total décalage avec la plupart des hommes d’une vingtaine d’années. Je ne me sentais pas femme et je n’étais pas épanouie. Par la suite, je me suis rendu compte que je l’avais beaucoup trop materné. La sexualité dans un couple pour moi étant importante, il ne pouvait donc pas être mon grand amour. Il était devenu un compagnon de vie, un membre de ma famille ou encore mon colocataire à qui je souhaitais qu’il n’arrive rien de désagréable.

Les monologues étaient tellement récurrents voire quotidiens, que je n’avais plus l’impression d’être humaine mais un simple perroquet, ou une cassette que l’on repassait en boucle. Il se prononçait de manière à éviter les tensions pourtant cela en créait davantage. J’avais pourtant ce que je voulais : cloîtrée dans notre grand F4 confortable, je ne manquais de rien (si ce n’est de Vie !), et j’avais quelqu’un de confiance sur qui compter en cas de problème. Comme mes parents. Mais je ne me sentais pas femme, et me sentais abandonnée lâchement par cette personne qui ne daignait pas me toucher. Pourquoi ? La douleur était plus profonde…

Pourquoi un inconnu d’une trentaine d’années dont je vois encore le putain de visage avait eu l’envie de me toucher quand je n’avais que 6 ans, dans les escaliers de mon immeuble, et pas la personne avec qui je vivais ? Ce type, ce véritable connard, descendait gentiment les escaliers en même temps que moi. Je m’en allais rejoindre une copine au bac à sable et mes parents surveillaient mon arrivée en regardant par le balcon. Je me suis aperçue que j’avais oublié mon pull alors je suis remontée, et me suis aperçue que le monsieur remontait lui aussi les escaliers. Je redescends à nouveau, cette fois avec mon pull, et il était encore là. Il m’attendait. Il m’a dit que j’avais un très beau tee-shirt et qu’il aimerait acheter le même pour sa fille. Il m’a demandé de le lui montrer en le sortant de mon pantalon. C’est là qu’il enleva sa ceinture, et vous me croirez ou non mais c’est un son que je ne supporte pas aujourd’hui car pour moi il me projette dans cet escalier où le bruit résonne. Mes parents m’ayant bien éduquée, j’ai senti que c’était dangereux, j’ai couru et ai retrouvé ma copine au bac à sable. J’en ai parlé à mes parents. D’ailleurs mes grands-parents étaient là, serait-ce la présence de ma grand-mère qui a fait que le pire a pu être évité ? Mon père, policier, a eu envie de le buter, je le sais. Pendant des années j’ai sûrement voulu inconsciemment enlever cet instant de ma tête car je n’en avais pas le souvenir jusqu’au jour où j’ai vu un homme sur le quai de la gare qui me ramena à cette scène. Comme si son visage était rangé dans une case de mon cerveau et que quelqu’un venait de l’ouvrir. J’étais perturbée, j’ai demandé à ma sœur s’il ne s’était pas passé quelque chose quand j’étais petite, ou si je l’avais en quelque sorte rêvé. Elle me répondit que c’était bien arrivé, et tout m’est revenu. La force de l’esprit est incroyable. Je me demandais alors si cet épisode n’aurait pas joué sur l’état de ma vie sexuelle : le fait de ne pas réussir à m’abandonner dans les bras d’un homme, le fait d’avoir mal lors d’une pénétration. La gynécologue m’a confirmé effectivement que ça pouvait venir de là. Je n’arrive même pas à imaginer alors l’enfer pour ceux ou celles à qui le pire arrive. Comment peut-on réussir à abuser de quelqu’un, et encore plus d’un enfant ? Est-ce que celui que j’ai croisé dans l’escalier va mourir tranquillement dans son sommeil quand il sera très vieux ayant tout caché à sa femme et ses gosses ou est-ce que lui aussi va crever dans d’atroces souffrances ? Vingt ans après vous remarquerez que la haine est toujours présente, et que si un jour qui que ce soit ose penser une seule seconde toucher l’un de mes enfants, je n’hésiterai pas à lui casser la gueule.

Pour revenir à nos moutons, ou plutôt à celui qui ne me désirait pas : cela ne devait pas non plus lui donner envie en me voyant mal à l’aise et ne pas apprécier le moment. Pourtant j’étais demandeuse de câlins. Mais il se justifia simplement par le fait qu’il n’en avait pas besoin.

Au début je trouvais que c’était tout à son honneur et qu’avec lui au moins, je savais qu’il n’était pas là que pour mon corps mais pour Moi. L’homme parfait  ! Puis, petit à petit, l’idée m’est venue que je n’étais pas désirable, que je ne servais à rien, et que notre relation ne servait à rien non plus. Nous n’avions pas de complicité, la tendresse était remplacée par de la simple affection ou de l’attachement mais l’Amour n’y était pas. Au bout de six ans de relation platonique, dont deux passés ensemble dans cet appartement, j’ai décidé de rendre les armes et de penser à moi. Nous nous sommes séparés, complètement « vidés » et « usés ». Nous n’avons pas eu le temps ni l’envie de pleurer, les émotions n’avaient pas leur place dans ce foyer. Ce qui faisait mal, c’est qu’on s’était plantés et qu’il fallait tout recommencer depuis le début. D’ailleurs, je ne me voyais pas recommencer quoi que ce soit, étant donné que toute l’estime de moi-même était tombée aux oubliettes et que pour moi plaire à un homme était hors de propos. Je n’avais plus aucune confiance en moi, mais par contre je sentais qu’il était temps de quitter cette vie qui n’était pas la mienne et cette fille en moi que je ne reconnaissais pas.

Quelques semaines plus tard, pendant notre cohabitation jusqu’à la vente de l’appartement, il se mit à pleurer, non pas pour moi mais parce qu’il avait eu un coup de foudre pour une autre femme et que cette dernière ne prétendait pas lui porter le même amour.

Il ne s’était jamais mis dans un état pareil pour moi… petit coup dur pour l’égo à ce moment-là, mais au moins j’ai eu la certitude que l’on n’avait vraiment rien à foutre ensemble sous ce même toit. Et l’idée de sexe entre lui et moi me paraissait dorénavant presque incestueuse.

II - Mes grands-parents, ces quatre piliers

À cette période-là, il y a quelque chose qui me rendit très malheureuse : le temps passa, et ma grand-mère s’en est allée. C’est arrivé au moment de ma séparation avec Mathéo, mon compagnon de vie. J’étais déjà perdue à ce moment-là, mais quand c’est arrivé j’ai perdu tous mes repères. C’était comme si l’étoile polaire s’était éteinte et qu’on ne reconnaissait plus le ciel. Elle était tellement forte, battante, et aimante, que cela m’a paru injuste. Je savais bien que cela allait arriver un jour, c’est le cycle de la vie, mais pourquoi lui avoir infligé tant de souffrances. J’en ai voulu à Dieu. Je n’ai plus cru en lui je crois… Je partageais tout avec elle, mais vraiment tout. Je la voyais peu, mais je lui téléphonais tout le temps.

Ma grand-mère rassemblait en elle tout l’amour du monde, elle était un combiné de bonté, un élixir d’humanité, et de compassion. Elle ne jugeait pas, elle pardonnait à tous, elle nous écoutait, et elle nous parlait : beaucoup. Sauf que Dieu lui a privé de son unique plaisir qu’il lui restait : elle perdit la parole en plus de l’usage de ses mains.

Elle n’émettait que des sons, que j’entends encore dans ma tête. On arrivait à percevoir quand elle « rigolait » mais ça me faisait tant de mal. Elle m’a souhaité mon anniversaire en émettant quelques sons, alors que quelques mois auparavant nous parlions longuement au téléphone. Depuis qu’elle n’est plus là, j’ai l’impression qu’elle n’a jamais été aussi présente qu’avant. Elle est avec moi au quotidien, elle m’a donné et transmis sa force.

J’ai pu tenir bon dans les coups durs grâce à elle. Je m’étais fait la réflexion : avec tout ce qui m’arrive comment est-ce que je peux ne pas sombrer ? J’avais la réponse : elle était avec moi.

J’ai toujours pensé qu’elle avait beaucoup trop de sagesse et d’amour en elle pour n’être qu’une femme comme les autres. Elle avait quelque chose de divin. Après mon changement de boulot aux débuts déroutants et difficiles, ma séparation, et sa maladie puis sa disparition, je ne m’étais jamais sentie aussi seule qu’avant. Je commençais alors ma jeunesse. Du moins je le croyais. Je trouvais la vie tellement pourrie, et je me disais que cela ne pouvait pas être pire, alors je voulais prendre des risques, me sentir vivante et mon seul but était de fuir, fuir de chez moi. Je sortais alors tous les soirs, je rentrais très tard, il fallait surtout rentrer que lorsque j’étais épuisée de façon à dormir dès mon arrivée à l’appartement. Ce que je voulais, c’était n’avoir aucun moment de solitude car si je me retrouvais seule, je me mettrais à penser, et j’irais mal. J’ai alors camouflé ce mal-être pendant des mois. Pendant un temps cela m’a fait du bien. Un jour, j’ai failli avoir un accident de voiture, je me suis arrêtée très près de la barrière qui longe l’autoroute et qui lui est parallèle. Je me suis dit que c’était elle, ma grand-mère, qui avait arrêté ma voiture pour éviter que je vienne la rejoindre là-haut. Elle m’a sauvée. C’est peut-être bête mais j’en suis certaine. Elle savait que ce n’était pas le moment, et d’ailleurs le jour J elle m’aidera, elle sera là et je serai sereine.

Ma grand-mère a toujours dit « va où tu veux, meurs où tu dois ». Elle sous-entendait que lorsqu’on avait une appréhension d’aller quelque part, il fallait passer au-dessus, car il y avait un destin. Elle disait aussi que « la vie est un éternel combat », et pour elle ça l’a effectivement été, depuis son enfance, qui n’a pas été tendre. Je sens encore ses mains dans mon dos, j’adorais lui demander de me faire des câlins. Petite, je lui disais qu’elle avait les mains pleines de cailloux, car elles étaient abîmées. Mais si seulement elle pouvait le refaire rien qu’une seconde aujourd’hui, je crois que je donnerais tout pour cet instant. Je sens encore l’odeur de la crème Nivea sur ses joues, et je l’entends dire que je suis son petit cadeau, car je suis née le jour de son anniversaire de mariage. En vérité, je suis née le lendemain, car je suis née à minuit, mais à la maternité cela n’existait pas, c’était soit minuit une, soit 11 heures 59. Mon papa a protesté et a demandé à changer la date car ma tête serait sortie avant… Beau cadeau de mon papa pour ses beaux-parents. D’ailleurs, il les a beaucoup aidés. Et ma grand-mère, quand elle disait « mon gendre », cela voulait tout dire.

Ma grand-mère a donc passé les derniers mois de sa vie enfermée dans son propre corps. Mais elle ne s’est jamais plainte, et plaignait plutôt les autres patients. Elle a même dit que s’il fallait passer par là pour rejoindre, son mari, que j’appelais Papou, alors ce n’était pas grave. C’était comme ça. Elle était très pieuse. Je me demande alors vraiment pourquoi Dieu a traité de cette manière une sainte qui a passé sa vie entière à aider les autres, et à croire en lui dans un monde où l’égoïsme et la haine règnent. Elle voulait être un petit oiseau. Quand l’un d’entre eux s’est posé sur ma terrasse et me regardait à travers la baie vitrée, je n’osais plus bouger. Quand j’étais encore dans ce grand appartement, où d’ailleurs je ne passais que très peu de temps, je faisais tout pour prolonger les journées car je me rendais compte aussi que je n’avais pas assez profité et que le sommeil était une perte de temps. La vie était beaucoup trop courte. À un moment donné, je me suis sentie épuisée.

J’ai affronté ces épreuves, en me disant que si je tombais à ce moment-là de ma vie, ce serait très dur pour la suite, et très peu prometteur, car le pire serait à venir : le décès de mes parents. J’ai dû « accepter » la situation même si je n’aime pas utiliser ce mot car elle me manque beaucoup trop et je ne suis toujours pas d’accord avec les choix que Dieu fait. Il a décidé d’emporter ma deuxième grand-mère quelques mois après seulement, comme si ma famille, mes parents, n’avaient pas assez souffert. Eux qui s’étaient occupés de leurs mères et belles-mères, et qui redoutaient ce moment. Pas de jaloux, la même année, ils ont perdu les deux derniers piliers. Mes deux grands-pères sont partis eux aussi beaucoup trop tôt. Et aujourd’hui je me dis qu’aucun de mes grands-parents ne connaîtra mes enfants, et on peut dire que ça me flingue ! J’aurais aimé qu’ils me voient avec le ventre rond, qu’ils me rassurent d’une voix douce, qu’ils me disent combien ma fille ou mon fils me ressemble, qu’ils prennent mon enfant dans les bras comme ils m’ont bercée étant petite.

J’ai dans ma tête des scènes de ma vie dont j’aurais aimé que mes enfants les rejouent : Papy qui me prenait sur ses genoux dans le rocking-chair, Papou qui passait devant moi avec les seaux remplis de charbon pour faire le feu, et qui me disait « j’suis désolé m’tiote, je vais devoir faire du bruit », quand je regardais les dessins animés, Mamie qui me racontait de belles histoires, qui jouait avec moi et tellement d’autres moments qui ne tiendraient pas dans un livre de poche… Et Mamie de Lorraine, qui criait fort, même pour dire un secret, car elle était sourde.

Sur ces quatre piliers, il manquait un œil à l’un, un doigt à l’autre, l’ouïe pour la première, et du sucre dans le sang pour la dernière ; mais pour moi, aucun d’eux ne manquait d’amour.