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Comment survivre au milieu de l'océan Pacifique ?
Août 1787, le gouvernement anglais nomme William Bligh commandant du navire Bounty de 215 tonneaux, portant 4 canons de 6,4 pierriers et ayant 45 hommes à bord. Parti pour l'océan Pacifique, il séjourne 6 mois à Tahiti afin de récolter et ramener aux colonies anglaises des Caraïbes, l'arbre à pain et autres fruits utiles. 24 jours après son départ de Tahiti, le 28 avril 1789, une partie de l'équipage se révolte contre le capitaine Bligh. Ce complot muri et tramé dans le plus grand secret amène l'embarquement de force, dans une chaloupe de 7 mètres, de 18 hommes et du capitaine. Ils sont abandonnés au milieu de l'océan Pacifique, sans carte ni boussole et avec à peine une semaine de vivres. Les mutins repartent pour l'île enchanteresse de Tahiti...
William Bligh raconte le périple de 48 jours que durera la navigation jusqu'à la terre de Timor. Tous auront survécu. Cet ouvrage a été publié en 1790 et traduit aussitôt en français.
Le récit d'une mutinerie et du périple du commandant Bligh et de ses hommes pour rejoindre la terre !
EXTRAIT
Les révoltés se pressèrent de faire passer dans la chaloupe, ceux dont ils avaient intention de se débarrasser : lorsque la plupart y furent embarqués, Christian fit donner un coup de rhum à chacun de ceux qu’il gardait pour son équipage.
C’est alors que je fus pleinement convaincu qu’il n’y avait plus aucun espoir de reprendre mon autorité ; personne ne fit mine de me soutenir et tous mes efforts ne produisirent que des menaces d’une mort instantanée.
Ils appelèrent les officiers, les obligèrent à passer dans la chaloupe. Pendant ce temps, j’étais gardé derrière le mât d’artimon et séparé de tous les autres ; Christian toujours armé d’une baïonnette et me tenant par les cordes qui tenaient mes deux mains garrottées. La garde dont j’étais entouré avait toujours ses fusils prêts à tirer, mais comme je défiai ces malheureux de faire feu, ils remirent leurs fusils en arrêt.
À PROPOS DE L'AUTEUR
William Bligh (1754-1817) est un administrateur colonial britannique et un officier de la Royal Navy.
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WILLIAM BLIGH
Rescapés du
Bounty
Journal de bord
CLAAE
2007
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.© CLAAE, 2010
En couverture :Tofua to Timorpar John Hagan (1945 -)© Pitcairn Islands Study Center.
CLAAEFrance
e-book 9782379110412
CLAAE est une maison indépendante, qui a fait le choix d’éditer des textes maritimes. Le catalogue se construit peu à peu – au rythme d’une vingtaine de nouveautés par an – avec la découverte d’écrits oubliés ou inédits, et une politique privilégiée d’auteurs.
Chez le même éditeur :
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ISBN : 978-2-84265-494-8
AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR.
Cet ouvrage respecte scrupuleusement le texte original. Cependant les coquilles typographiques et quelques fautes d’orthographe ont été corrigées. L’éditeur attire l’attention du lecteur sur le fait que cet ouvrage comporte de très nombreux extraits de textes, parfois anciens. Leur orthographe a donc été respectée bien qu’elle heurte souvent l’usage actuel.
AVIS DU TRADUCTEUR.
Le gouvernement anglais avait expédié un petit navire pour les îles de la mer du Sud, avec le projet de procurer aux Indes Occidentales l’arbre à pain et quelques autres fruits et productions utiles de ces latitudes chaudes qui se naturalisent avec succès dans les possessions européennes des Antilles. C’est à notre siècle qu’il appartenait d’employer, pour l’augmentation des moyens de vie et de subsistance, les vaisseaux de guerre, qui jusque-là n’avaient presque d’autres destinations que de conquérir, ravager et détruire.
Puissent des traces aussi intéressantes être suivies partout avec succès ! Alors on pourra espérer que deux nations, qui ne se cherchaient le plus souvent sur mer que pour se combattre, ne se rivaliseront à l’avenir que d’industrie, d’instruction et de procédés généreux ; qu’elles chercheront essentiellement la gloire dans leurs efforts pour la civilisation et le bonheur de l’humanité.
Le manque de réussite de cette belle et intéressante mission est un malheur public qui doit affecter tous ceux qui prennent un véritable intérêt à l’humanité : la cause par laquelle elle a manqué, est faite pour occuper les marins de toutes les nations et de toutes les classes.
Le navire du roi d’Angleterre le Bounty, chargé de cette mission, et commandé par le lieutenant William Bligh, après avoir séjourné près de six mois à O-Taïti, y avoir rassemblé et embarqué dans le meilleur état tous les plants d’arbres à pain et autres qu’il pouvait désirer, fait voile de cette île délicieuse dans le meilleur ordre, son équipage en santé parfaite, bien pourvu et remplissant son service avec cette exacte subordination connue sur les vaisseaux de guerre anglais. Le vingt-quatrième jour après son départ de O-Taïti, ce bâtiment éprouve une révolte d’une partie de son équipage contre son capitaine, et l’autre moitié de son monde. Ce complot, tramé et mûri dans le secret le plus absolu, par des hommes qui mangeaient, dormaient et faisaient le service avec ceux dont ils méditaient de se défaire, se met à exécution : la révolte éclate le 28 avril 1789. On embarque de force dix-huit hommes et le capitaine dans une chaloupe de vingt-deux pieds de longueur, telle que pouvait le comporter un navire de deux cent quinze tonneaux. On les lance à l’abandon et en dérive dans cette vaste mer, avec cent cinquante livres de biscuit, presque pour toute nourriture. Ces infortunés, heureux dans leur désastre d’avoir pour commandant M. Bligh, heureux de lui avoir obéi complètement, arrivent (après une navigation de quarante-huit jours et de douze cent six lieues marines) à Timor, sans avoir jeté à la mer un seul homme.
Cette délivrance miraculeuse donne, non seulement aux marins, mais à tous les hommes curieux et sensibles, un grand désir de la connaître dans tous ses détails. Nous avons pensé qu’on nous saurait quelque gré de les avoir mis, par cette traduction, à la portée des personnes qui n’entendent pas la langue anglaise.
L’officier qui, après avoir été maltraité par une partie de son équipage, a été strictement obéi par celle qui lui est resté, obéi dans l’infiniment petite distribution de vivres des hommes dévorés de la faim : l’officier qui, dans le commandement d’une chaloupe avec dix-huit hommes, a développé les talents, le courage, la prudence et la fermeté qui font réussir les amiraux dans les grandes entreprises maritimes, et dans les escadres ; cet officier doit être pour cela seul bien justifié du soupçon qu’il cherche à repousser, d’avoir pu contribuer par quelque dureté ou injustice à cette mutinerie ; quand même on ne sentirait pas quel empire peut avoir sur des hommes qui se livrent sans réflexion aux attraits des jouissances physiques, la perspective d’une vie heureuse, abondante et sensuelle qui se présentait à eux sans efforts, dans l’île de O-Taïti, avec tous les charmes de l’illusion la plus flatteuse, et qui les affranchissait à jamais du métier le plus dur et le plus dénué de jouissances qui existe dans le monde.
On désirera savoir quelle influence va avoir sur les mœurs et l’industrie de ces peuples, et sur leur existence, l’adoption d’un nombre d’hommes jeunes, entreprenants, industrieux, pleins de talents et d’activité, connaissant la navigation et d’autres métiers nouveaux pour ces peuples qui introduiront chez eux, l’art de l’écriture et celui du calcul. On voudrait pour cela qu’une telle émigration eût été faite sans crime ; qu’elle n’attirât pas la vengeance de l’amirauté d’Angleterre, peut-être sur des peuples innocents, pour qui les termes de désertion et d’indiscipline1 sont absolument inconnus, parce que leur première, leur unique loi est leur propre volonté, et qu’ils cherchent le plaisir, comme l’eau cherche son niveau, parce que leur principal axiome de droit est : s’ei place, ei lice.
Les O-Taïtiens ne seront pas punissables d’avoir donné l’hospitalité à des hommes qui n’ont pas cru aussi coupables qu’ils l’étaient réellement.
Pourront-ils, sans choquer les principes innés dans le cœur de tous les mortels, livrer leurs hôtes devenus leurs parents, leurs frères, leurs amis, à la vengeance d’une nation lointaine ? et voulant les y soustraire, le pourront-ils ? Tenteront-ils même de résister à l’effet de ces terribles bouches à feu, qui lancent un tonnerre mille fois plus redoutable que celui du ciel.
Les fugitifs, voyant arriver du haut de leurs montagnes, des bâtiments européens, n’auront-ils pas le temps d’aller chercher une retraite dans quelque autre île ? et comment les revoir dans tout cet amas d’îles, si étendu et si varié ?
L’issue de cette aventure rare, ou heureusement presque unique dans son espèce, intéressera essentiellement les marins. Combien la discipline n’est-elle pas essentielle à bord d’un vaisseau, puisque dans cet événement, l’oubli et la suspension de l’obéissance ont mis dans un instant le plus petit nombre de l’équipage à même de se rendre maître du bâtiment ? Sur 44 hommes dont cet équipage était composé dans ce moment, dix-neuf, y compris le capitaine et ses principaux officiers, ont été mis de force dans la chaloupe, cinq autres ont été obligés contre leur volonté de rester avec les révoltés : vingt hommes sont donc venus à bout de 24. Autant la subordination la plus exacte est indispensable dans les vaisseaux, soit de guerre, soit du commerce, pour le salut et le bien-être des nations, pour la sûreté des propriétés des négociant qui les mettent en mer, pour la vie et l’existence de tous ceux qui embarquent, exposés déjà à trop d’autres dangers, autant il paraîtra nécessaire de ne pas laisser impunie une pareille action : mais cette punition offrira des inconvénients ; elle pourra être susceptible de modification et de quelque exception, par diverses causes politiques et locales.
Si jamais aucune considération pouvait faire trouver grâce à des révoltés ou atténuer la punition que leur insurrection doit légitimement attirer, on oserait alléguer qu’unique peut-être dans son genre, elle s’est opérée sans atrocité ni effusion de sang : que ces hommes ont été fortement séduits par les charmes irrésistibles des Tahitiennes ; qu’ils ont été excités par ce sentiment que la nature inspire à tous les humains, par ce sentiment qui produit dans l’univers presque tout le bien et tout le mal qui a fait commettre des fautes à presque tous les hommes et même aux plus grands hommes, et qui voudrait les justifier toutes, lorsqu’elles ne portent pas l’empreinte de la cruauté. On pourrait ajouter que cet amour de la liberté et du bien-être, qui est le but tacite ou raisonné de tous les hommes, et qui les entraîne, comme malgré eux, à fuir la gêne et le travail, ne peut mieux trouver à se satisfaire que dans ces îles fortunées. Eh ! quelle comparaison pour des marins, de la vie qu’ils mènent habituellement, avec celle de O-Taïti !
Remarquons encore, dans le même but, que sur vingt-cinq hommes restés à bord avec le chef de la révolte, il y en a eu cinq qui n’ont pas trempés dans le crime de leurs compagnons ; que quatre ont osé formellement le déclarer à leur capitaine, avant qu’il s’éloigna du vaisseau.
D’autres auront pu éprouver le même sentiment sans oser le déclarer : d’autres auront pu se repentir ; et il est bien à désirer qu’on ne trouve dans cette affaire qu’un très petit nombre d’hommes véritablement coupables.
On pourrait dire encore que les plus gravement punissables de ces révoltés n’ont pas prévu que les délaissés auraient à éprouver, à beaucoup près, les fatigues et les horreurs auxquels cet événement les a exposés. Leur donnant de quoi se rendre à quelque autre île, ils n’ont jamais pu penser qu’ils auraient le courage d’avoir d’autre projet, dans cette position délaissée, que d’aller chercher un asile dans l’endroit le plus voisin. En ne se révoltant que 24 jours après le départ, et à quatre ou cinq cent lieues sous le vent de O-Taïti, c’était les laisser dans l’impossibilité absolue, à ce qu’ils ont cru, de les y retrouver ou de faire connaître en Europe leur aventure. La haute opinion qu’ils avaient des talents de leur capitaine a été cause aussi de la médiocrité des ressources qu’ils lui laissaient.
C’est dans les vues de mieux échapper à la vengeance de leur Souverain, qu’ils ont évité de donner à M. Bligh des moyens de ramener son équipage en Europe : « Il regagnera l’Angleterre ; il fera construire dans un mois de temps un autre bâtiment ». Voilà les craintes que plusieurs d’entre eux manifestèrent pour empêcher que les délaissés n’emportassent avec eux des instruments, des cartes, des livres de navigation, des outils et plus de subsistance.
Le capitaine Bligh a donné, à la tête de sa relation, une planche qui représente les plans des couples, des lignes d’eau, et celui d’élévation de sa chaloupe : on n’a pas cru devoir en donner la copie qui aurait retardé sans nécessité la publication de ce petit ouvrage. Il suffira de rapporter ici les proportions de cette chaloupe, pour montrer quel étroit espace avaient dix-neuf hommes pour exister, dans une frêle barque ouverte de toutes parts aux coups de mer, à la pluie et aux injures du temps, où une partie était obligée de rester debout pour que les autres pussent avoir l’espace nécessaire pour s’étendre et se coucher.
PROPORTIONS PRINCIPALESde la chaloupe du vaisseau le Bounty,dans laquelle le capitaine Bligh s’est rendu à Timor.
Nota. Les mesures sont réduites au pied français.
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1. On sait que ces insulaires vont à la guerre et font même des expéditions très considérables. Nulle entreprise ne peut s’exécuter sans ordre, et en effet il y en a beaucoup dans celles des O-Taïtiens : tous animés du même esprit de colère et de vengeance contre leur ennemi commun ou si l’on veut, du même patriotisme, vont de concert, à la voix et au signal de leur chef, comme pourrait faire une armée européenne des mieux disciplinées. Ils ne l’abandonnent pas que la guerre ne soit achevée ; mais alors chacun retourne chez soi, libre comme l’air, et ils ne connaissent pas plus dès lors le service militaire, qu’ils ne connaissaient auparavant le manquement au service.
RELATION
DE L’ENLEVEMENTDU NAVIRE LE BOUNTY, & C.
J’APPAREILLAI de O-Taïti le 4 Avril 1789, ayant à bord 1015 plants d’arbres à pain et plusieurs autres d’arbres fruitiers très précieux de ces contrées, que nous avions rassemblés par une suite constante d’attentions, pendant cinq mois et dix jours, et qui se trouvaient, au moment du départ, dans l’état de la végétation la plus parfaite.
Le 11 Avril, je découvris une île par la latitude de 18° 52’ sud et par 200° 19’ de longitude1 orientale.
Cette île est nommée par les naturels du pays Ouaï-tou-taqui2. Le 24, nous mouillâmes à Annamouca, l’une des îles des Amis ; nous y complétâmes notre provision d’eau et de bois et nous en repartîmes le 27, ayant tout lieu d’espérer de conserver nos plants qui étaient dans le meilleur état possible.
Le 28 au soir, à cause des vents trop faibles, nous n’étions pas encore hors de ces îles, et je fis porter cette nuit le cap vers l’île de Tofô. Le maître commandait le premier quart, le canonnier celui de minuit, et M. Christian, l’un des officiers, (Mates) celui du matin ; c’est ainsi que les tours de service se trouvaient réglés pour cette nuit.
Un moment avant le lever du soleil, M. Christian avec le capitaine d’armes, le second canonnier et le nommé Thomas Burket matelot, entrèrent dans ma chambre pendant que je dormais encore : ils me saisirent, me garrottèrent les mains derrière le dos, me menaçant de me tuer à l’instant si je parlais ou si je faisais le moindre bruit. Leurs menaces ne m’empêchèrent pas de crier de toute ma force pour avertir tout l’équipage ; mais les rebelles s’étaient déjà emparés des officiers qui n’étaient pas de leur complot et avaient placé des sentinelles à leurs portes. Outre les quatre qui étaient entrés dans ma chambre, il y avait trois hommes à ma porte. Christian n’avait qu’un sabre à la main ; les autres étaient armés de fusils avec leurs baïonnettes. Ils m’arrachèrent de mon lit, me traînèrent en chemise sur le gaillard, me faisant beaucoup souffrir pour m’avoir attaché les mains de noeuds très serrés. Je leur demandai la raison de cette violence : mais pour toute réponse ils me menacèrent de me tuer à l’instant si je ne me taisais pas.
M. Elphinston, premier lieutenant (Master’s Mate) était prisonnier dans sa chambre ainsi que M. Nelson Botaniste, M. Peckover maître canonnier, M. Ledward chirurgien, et le maître : il en était de même de M. Samuel le secrétaire, mais ce dernier obtint bientôt après la permission de monter.
L’écoutille de l’avant était gardée par des sentinelles : le maître d’équipage et le maître charpentier, eurent cependant la liberté d’en sortir pour monter sur le gaillard d’avant, d’où ils me virent en arrière du mât d’artimon, avec les mains liées derrière le dos, gardé par des sentinelles qui avaient Christian à leur tête.
Alors ils ordonnèrent au maître d’équipage de mettre la chaloupe à la mer, le menaçant de le maltraiter s’il n’exécutait pas cet ordre sans le moindre délai.
La chaloupe étant mise à la mer, ils y firent embarquer M. Hayward et M. Hallet, élèves de la marine (Midshipmen), de même que M. Samuel.
Je leur demandai pourquoi ils donnaient un pareil ordre et je fis tout mon possible pour ramener quelqu’un d’eux aux sentiments de la subordination ; mais ce fut en vain ; leur réponse constante fut : « Taisez-vous, ou vous êtes un homme mort. »
Le maître, alors, ayant demandé de monter, en obtint la permission ; mais on l’obligea bientôt après de redescendre dans sa chambre.
Je continuai mes efforts pour ramener les esprits ; mais Christian, ayant changé le sabre qu’il tenait, pour une baïonnette qu’on lui apporta, me serra durement par la corde qui tenait mes mains attachées et me menaça de me massacrer à l’instant si je ne me tenais pas tranquille. Les rebelles qui m’entouraient, avaient leurs fusils armés et garnis de baïonnettes. Ils appelèrent par leurs noms diverses personnes de l’équipage, qu’ils obligèrent à sortir à la hâte du bord et à se précipiter dans la chaloupe. Je jugeai alors que leur projet était de m’abandonner en dérive avec ce monde ; cette idée me détermina à faire une nouvelle tentative pour changer leur résolution ; mais je n’en obtins qu’une menace de me faire sauter la cervelle.
On laissa au maître d’équipage et aux matelots qui étaient destinés pour la chaloupe, la liberté de ramasser du fil de caret, de la toile, des lignes, des voiles, quelques cordages, un tierçon contenant environ 98 pintes d’eau1 ; et le charpentier prit son coffre d’outils. M. Samuel prit cent cinquante livres de biscuit et une petite quantité de rhum et de vin. Il emporta aussi un quartier à prendre hauteur et un compas de route ; mais on lui défendit, sous peine de mort, de toucher ni carte, ni éphéméride, ni livre d’observations astronomiques, ni sextant, ni horloge, ni aucun de mes relevés ou dessins.
Les révoltés se pressèrent de faire passer dans la chaloupe, ceux dont ils avaient intention de se débarrasser : lorsque la plupart y furent embarqués, Christian fit donner un coup de rhum à chacun de ceux qu’il gardait pour son équipage.
C’est alors que je fus pleinement convaincu qu’il n’y avait plus aucun espoir de reprendre mon autorité ; personne ne fit mine de me soutenir et tous mes efforts ne produisirent que des menaces d’une mort instantanée.
Ils appelèrent les officiers, les obligèrent à passer dans la chaloupe. Pendant ce temps, j’étais gardé derrière le mât d’artimon et séparé de tous les autres ; Christian toujours armé d’une baïonnette et me tenant par les cordes qui tenaient mes deux mains garrottées. La garde dont j’étais entouré avait toujours ses fusils prêts à tirer, mais comme je défiai ces malheureux de faire feu, ils remirent leurs fusils en arrêt.
Je m’aperçus qu’Isaac Martin, l’un des hommes qui me gardaient, avait le désir de me secourir : comme il me donnait du chadec1 pour me rafraîchir les lèvres (que j’avais desséchées et brûlantes, à force de crier pour tâcher de ramener ces mutins à la raison), nos regards mutuels nous exprimèrent nos sentiments ; mais comme on s’en aperçut, on éloigna Martin à l’instant. Il prit alors la résolution de quitter le vaisseau et s’embarqua à ce dessein dans la chaloupe, mais à force de menaces les mutins l’obligèrent à remonter à bord.
L’armurier, nommé Joseph Coleman, et les deux charpentiers Mac-Intosh et Norman, furent aussi retenus contre leur gré ; et lorsque je fus sur l’arrière de la chaloupe, ils me prièrent de me ressouvenir de la déclaration qu’ils me firent de n’avoir point trempé dans cette affaire. On m’a assuré que le nommé Michel Byrne avait eut également envie de quitter le vaisseau.
Il importe peu que je raconte par détail tous les efforts que je fis pour ramener ces révoltés à l’ordre et à la subordination ; je n’avais d’autre moyen que de leur parler à tous en commun ; mais toutes mes peines furent perdues. J’étais fortement lié et bien gardé et nul ne pouvait m’approcher que mes ingrats satellites.
C’est à M. Samuel que j’ai eu l’obligation d’avoir sauvé mes journaux, mes instructions, de même que quelques papiers essentiels du vaisseau. Sans cela, je n’aurais aucun moyen de montrer ce que j’ai fait, mon honneur pourrait être compromis et ma conduite soupçonnée, ne pouvant donner aucune pièce au soutien de ma défense. Il s’acquitta de ce service important avec zèle et courage, malgré qu’il fût strictement gardé et surveillé. Il essaya de me sauver aussi une horloge et une cassette qui renfermait tous mes plans, dessins et remarques diverses (fruit de 15 ans de travail, et qui étaient en grand nombre) mais on la lui fit laisser, en jurant et lui disant qu’il était bien heureux d’avoir pris tout ce qu’il avait déjà.