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"Une perversion astronomique" est un essai qui explore un sujet délicat et rarement étudié : le savant pervers. L’auteure se penche en particulier sur Urbain Le Verrier, une figure emblématique de la science française du XIX siècle, en lui attribuant une pathologie singulière, la perversion narcissique. À travers une analyse détaillée de son fonctionnement mental, elle dévoile les aspects psychopathologiques de cet érudit. Elle remet également en question la paternité de la découverte de Neptune, traditionnellement attribué à Le Verrier, en s’appuyant sur une série d’arguments, de documents et de faits historiques.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Souad Ben Hamed, docteur en psychopathologie clinique et psychanalyste de couple, de famille et de groupe, met en lumière ses compétences techniques à travers ses écrits. Une perversion astronomique est une recherche qui allie histoire et psychanalyse, offrant une perspective sur des figures scientifiques et leurs complexités psychologiques.
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Souad Ben Hamed
Une perversion astronomique UrbainLe Verrier, découvreur
de Neptune
Essai
© Lys Bleu Éditions – Souad Ben Hamed
ISBN : 979-10-422-3989-3
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Poème de René-François Sully Prudhomme
(1839-1907)1, Les épreuves (1866)
Il est tard ; l’astronome aux veilles obstinées,
Sur sa tour, dans le ciel où meurt le dernier bruit
Cherche des îles d’or, et le front dans la nuit,
Regarde à l’infini blanchir des matinées ;
Les mondes fuient pareils à des graines vannées ;
L’épais fourmillement des nébuleuses luit ;
Mais, attentif à l’astre échevelé qu’il suit,
Il le somme, et lui dit : « Reviens dans mille années. »
Et l’astre reviendra. D’un pas ni d’un instant
Il ne saurait frauder la science éternelle ;
Des hommes passeront, l’humanité l’attend ;
D’un œil changeant, mais sûr, elle fait sentinelle ;
Et, fût-elle abolie au temps de son retour,
Seule, la Vérité veillerait sur la tour.
Souad Ben Hamed Vernotte (SBHV) nous livre un document palpitant et original sur la personnalité d’Urbain Le Verrier, un astronome connu qui a occupé des fonctions élevées dans la hiérarchie administrative comme la direction de l’Observatoire de Paris. On peut lui attribuer le profil d’un pervers narcissique ayant développé des comportements abusifs sur ses pairs et collaborateurs. SBHV réalise un travail de recherche historique et psychanalytique approfondi, abondamment documenté, singulier dans sa démarche et convaincant quant à ses conclusions. Il nous intéresse pour la compréhension de cette pathologie que l’auteure dépeint avec subtilité et grâce ainsi qu’elle nous oriente dans le labyrinthe de la psychologie du travail, domaine où les liens pervers narcissiques font florès entre employés et entre ceux-ci et leurs employeurs. Ainsi nous offre-t-elle avec brio une vision large et approfondie sur la personnalité de cet astronome ayant vécu pendant une époque traversée de drames et excès, celle de deux monarchies antidémocratiques et d’une Troisième République en construction. Nous sommes au 19e siècle.
Aucune idée théorique avancée n’est émise sans être prouvée par des documents, lettres, compte-rendu, témoignages. Aucune avancée n’est présentée comme une assertion dogmatique, mais débattue, mise au crible, dans une discussion ouverte au doute, à la contradiction et au travail de la raison. Il fallait un esprit de chercheuse psychanalytique comme le sien pour réaliser une telle étude, moderne et percutante.
Une pierre maîtresse est ajoutée à l’édifice bâti par Paul-Claude Racamier, le concepteur du tableau clinique de perversion narcissique (1978, 1992). Ce livre apporte la preuve de la validité de ses hypothèses : l’abus de pouvoir n’apparaît pas seulement dans la vie familiale, mais également dans la direction institutionnelle.
Urbain Le Verrier a été le découvreur de la planète Neptune, ensuite il s’est postulé et a été admis au poste de directeur de l’Observatoire de Paris, remplaçant François Arago. Mais il a décidé d’exercer ses fonctions d’une main dure, voire arbitraire. SBHV analyse l’évolution de cette carrière et elle découvre la cruauté de l’astronome, son esprit animé de rivalité envieuse, le conduisant à des essais d’intimidation et d’instrumentalisation afin de parvenir à maîtriser ses sujets. Mais il a fini par rester seul : ses laboratoires sont pourvus d’instruments performants, mais sans personnel pour s’en servir. Leurs utilisateurs ont disparu avant de devenir eux-mêmes une chose, un ustensile. Cela étant, le mal que l’on peut faire se retournera contre son exécutant sous forme de sentiment de persécution, ce qui le pousse à de nouvelles exactions. C’est qui démontre Freud en analysant les traits de personnages du théâtre, Richard III ou les Macbeth, et Mélanie Klein qui a parlé de la peur inconsciente de la vengeance de ceux qui l’on aurait abusé, maltraité, éliminé… Le Verrier prend l’identité d’autres, il dit avoir fait des découvertes qui, en réalité, ne lui appartiennent pas. Cette absorption narcissique fait perdre la raison aux sujets spoliés. Brisés, certains parmi eux abandonnent leur carrière. Les mensonges, les calomnies, l’attitude méprisante, l’attaque aux liens d’équipe, la privation de leurs émoluments, les destitutions font des ravages.
Ces pages nous offrent des considérations lumineuses sur le prosélytisme des pervers narcissiques, des sujets autosuffisants et opportunistes, se permettant de manipuler les affects, les pensées et les comportements d’autrui. Leur but étant de substituer ces principes qui sont rattachés à une éthique familière pour d’autres au service du Mal. Tout est dessus dessous. L’abjection est considérée comme un Bien.
La vie familiale de Le Verrier est aussi étudiée en vue de trouver la genèse de telles difficultés. Ses propres enfants laissent entrevoir les conséquences de l’éducation par un père insensible et peu enclin à transmettre.
Le lecteur désireux de reconnaître les méthodes d’endoctrinement et de persuasion qui affectionnent ces pervers trouvera dans cet ouvrage moult exemples, leurs stratagèmes et procédés, leur rhétorique, étant pratiqués par des prédateurs, des despotes, des gourous de sectes, des chefs de groupes extrêmes ou encore nombre de dirigeants que ce soit dans la famille, les groupes, les institutions ou la communauté. Cette étude nous aide à nous en protéger.
On les retrouve ainsi dans le monde du travail, et c’est dans ce domaine que ce livre pourra devenir un guide pour ceux qui souhaitent comprendre le malaise dans l’entreprise.
Pour tout ce que sa lecture m’a dit et éclairé, il me plaît de recommander la lecture de cet ouvrage admirable par sa justesse et son éloquence.
Alberto Eiguer, psychanalyste
On idéalise trop souvent les grands savants. Ce sont des hommes et des femmes comme les autres, avec leurs qualités et leurs défauts. Albert Einstein était un misogyne avéré, qui a martyrisé moralement son épouse Mileva. Urbain Le Verrier était, comme lui, un scientifique de premier plan. Travailleur acharné et supérieurement organisé, il avait découvert Neptune du bout de sa plume, comme le disait son protecteur François Arago avec lequel il s’est ensuite brouillé, découvert une anomalie dans le mouvement de Mercure qui a conduit à la Relativité générale, et établi une théorie complète du mouvement des planètes qui a été utilisée pour construire les éphémérides jusqu’en 1984, plus d’un siècle après sa mort. Et pourtant, il est parvenu par son attitude à être détesté de presque tous ses subordonnés, jusqu’à ce qu’il soit révoqué par le ministre de ses fonctions de directeur de l’Observatoire de Paris, un fait tout à fait exceptionnel surtout à cette époque.
Pour donner une idée de son caractère, je me contenterai de citer un article écrit par le journaliste, Henri de Parville, dans le Journal des débats du 18 octobre 1877, quelques semaines après la mort de Le Verrier :
Peu de savants ont eu autant de popularité que M. Le Verrier. Il le devait bien en partie à ses premiers travaux qui le mirent inopinément hors de pair ; mais il le devait aussi pour beaucoup au retentissement qu’eurent ses discussions souvent violentes avec plusieurs des géomètres les plus éminents de notre époque. Les discussions dégénérèrent plus d’une fois en véritables querelles et firent assez de bruit pour sortir de l’enceinte académique. Il fut de mode, pendant un certain temps, d’aller à l’Institut entendre M. Le Verrier les jours de grand débat… Il était âpre, virulent, plein de dédain pour ses adversaires, hautain, cassant même, mais d’une telle énergie, d’une telle puissance dans la lutte, qu’il finissait par s’élever lui-même sur un piédestal que ne pouvaient atteindre ses contradicteurs : il devenait grand, oui, par la haine… Il ne se doutait pas qu’il fut cruel quelquefois : il faisait le vide autour de lui, à l’Observatoire, presque inconsciemment… On se rappelle la fin. Il répliqua à l’avertissement du ministre par une demande d’interpellation au Sénat, qui amena naturellement sa révocation. Ici encore, il ne tomba pas comme tout le monde. M. Le Verrier n’a eu, à mon sens, ni l’esprit petit ni les vues étroites ; il était né pour la lutte ; il s’y complaisait ; son indomptable volonté augmentait avec le nombre et l’importance des obstacles ; il ne voyait pas le mal qu’il pouvait faire… L’homme a été antipathique à presque tout le monde ; on lui doit, affirme-t-on, d’avoir désorganisé les services de l’Observatoire. Sous son étreinte pesante, les jeunes astronomes ont perdu le goût des observations ; mais la postérité, qui n’a que faire de ces détails, oubliera vite l’homme pour ne se rappeler que le grand astronome.
Et pourtant, sa fille Lucile a témoigné de ce qu’il fut un père attentif, parfois strict, mais sachant être affectueux et tendre. Dans l’intimité familiale, il pouvait être d’une humeur charmante, mais quelquefois très violent. Son humour pouvait être féroce.
Le comportement d’un personnage aussi célèbre ne pouvait qu’attirer l’attention de la psychanalyste qu’est Souad Ben Hamed, dont le conjoint François Vernotte est astronome. Il en est résulté le présent ouvrage, qui devrait passionner autant les astronomes que les psychologues. Bonne lecture !
James Lequeux, Observatoire de Paris/PSL, France
Nul lecteur d’un traité d’astronomie ne s’aviserait d’être déçu ou de se sentir au-dessus de la science quand on lui montre les frontières au-delà desquelles notre connaissance se perd dans le nébuleux. Il en va bien autrement de la psychologie. Ici l’inaptitude constitutionnelle de l’homme à l’investigation scientifique apparaît dans toute son ampleur. On semble ne pas demander à la psychologie un progrès de la connaissance, mais on ne sait quelles autres satisfactions. On lui fait un grief de chaque problème non résolu et de chaque incertitude. (Nouvelles conférences sur la psychanalyse), Freud, 1932.
Puisqu’en effet nous sommes le fruit de générations antérieures, nous sommes aussi le fruit de leurs égarements, de leurs passions, de leurs erreurs, voire de leurs crimes : il n’est pas possible de se couper tout à fait de cette chaîne. Nous aurons beau condamner ces égarements et nous en croire affranchis, cela n’empêchera pas que nous en sommes les héritiers (Nietzsche, 1876)2.
Urbain Le Verrier est l’une des figures scientifiques françaises les plus connues et les plus prestigieuses du XIXe siècle. Son travail de recherche scientifique qui a abouti à la découverte de Neptune pourrait expliquer au premier abord la grande admiration qui lui est vouée, mais sa personnalité, n’est-elle pas suffisamment particulière pour que soient gravés à jamais et dans la mémoire de chacun, en tout cas parmi les scientifiques, le personnage qui la porte ?
Dans la littérature spécialisée, la découverte scientifique attribuée à ce grand homme et la personnalité de ce grand tyran sont souvent présentées de manière dissociée. Tenter de penser le lien entre ces deux dimensions de cette personnalité ; la brillance scientifique et la tyrannie, l’excellence et l’omnipotence ; pourrait nous aider si ce n’est à voir plus clair dans une affaire complexe, au moins à interroger des éléments qui se présentent comme acquis par une grande partie de la communauté scientifique, notamment française.
Par ailleurs, plus on entre dans l’univers de ce savant magnifique et détesté comme le décrit James Lequeux (Lequeux, 2009) ; ce savant universel, gloire nationale et personnalité cotentine comme le désignent F. Lamotte et M. Lantier (Lamotte & Lantier, 1977) plus on a le sentiment qu’une vérité, que des vérités cachée(s) attend(ent) d’être déterrée(s). Participer à inciter des scientifiques à la recherche de la vérité ne me déplairait pas, mais je dois préciser si tel était le cas que la vérité ne devrait nous servir que dans un but de recherche et de réflexion sur les questions que pourraient soulever ces tentatives de dévoilement. En effet, combien de personnalités hautement pathologiques entrent dans l’histoire de l’humanité ornées de gloire et parfois le restent pour toujours ! Pourtant, il arrive qu’on se rende compte plus tard que les dégâts qu’elles ont laissés derrière elles au niveau individuel, familial, groupal, institutionnel et social sont encore plus importants que leurs prouesses scientifiques, politiques ou autres.
La pathologie dont il sera question ici est la perversion narcissique, mais ce concept sera-t-il suffisant dans le cas d’Urbain Le Verrier ?
Certes, utiliser une entité nosologique relativement récente telle que la perversion narcissique élaborée par Paul-Claude Racamier (1924-1996) en 1986 (Racamier, Entre agonie psychique, déni psychotique et perversion narcissique, 1986) pour décrire le fonctionnement d’une personnalité née en 1811 et décédée en 1877 peut être désigné d’anachronique. Mais nous verrons que ce qui est important, ce n’est pas tant de vérifier la pertinence du diagnostic ni de se demander quelle entité nosologique décrirait Le Verrier, selon les données et les avancées de la psychiatrie de l’époque ou encore selon la psychopathologie moderne, mais d’utiliser les apports de cette clinique afin de penser les phénomènes rencontrés. Et si, en fin de compte, nous ne sommes pas tous d’accord sur la perversion narcissique d’Urbain Le Verrier, nous aurons au moins tenté de cerner quelques aspects de la personnalité et du comportement d’un scientifique important du XIXe siècle. Par ailleurs, la perversion narcissique est socialement dangereuse. Elle fait souffrir la société dans sa pensée. Elle la rend intellectuellement et affectivement malade. Elle est le modèle de l’anti-pensée comme l’écrit Racamier (Racamier, 1992, p. 297). Les dégâts qu’elle exerce peuvent être immenses. On a vu des groupes se déliter, des institutions pourrir et des peuples entiers souffrir sous l’emprise de la pensée perverse exercée et mise en œuvre par quelques-uns. C’est en cela que son étude ne doit jamais s’estomper. Au contraire, elle a besoin de continuer à s’approfondir.
Nous allons articuler notre ouvrage autour de quatre chapitres : le premier chapitre concernera quelques éléments biographiques autour d’Urbain Le Verrier3, le deuxième chapitre sera autour de la découverte de Neptune. Le troisième chapitre sera consacré à la conquête de la direction de l’Observatoire de Paris4. Le quatrième traitera de la perversion narcissique.
Lorsque Napoléon vint inspecter les travaux du port de Cherbourg, le 30 mai 1811, U. Le Verrier était un petit bébé de 2 mois et demi. F. Lamotte et M. Lantier (1977) nous proposent une image : À quelques pas de Napoléon, qui remontait les Noyers, un bébé de deux mois et demi était peut-être importuné par les acclamations qui accompagnaient le passage du couple impérial. Napoléon pouvait-il surtout imaginer alors que cet enfant, Urbain Le Verrier, calculerait quelques années plus tard l’existence de la planète Neptune ? ajoutent-ils (Lamotte & Lantier, 1977, p. 29).
Jules Janin5, qui reçoit U. Le Verrier, le 15 octobre 1846, s’étonne de son air resté si jeune : C’est encore un jeune homme de trente-cinq ans et blond. Un jeune homme qui conservera jusqu’à un âge avancé sa haute stature et ses cheveux blonds encadrant un visage toujours rasé de frais où brillent deux yeux bleus. Plus de 10 ans après, il conservera en effet cet air jeune. Camille Flammarion6, reçu par Le Verrier à l’Observatoire de Paris dans le courant de l’année 1858, 4 ans après son premier mandat de directeur7, le décrit ainsi : Grand, pâle, blond clair, et habillé de blanc, avec des pantoufles de cuir jaune. Il avait alors 47 ans, mais ne les paraissait pas. Mais les dernières années le verront voûté, amaigri, avec le teint sombre et jaunâtre des malades du foie, continuera Janin.
Ce grand blond aux yeux brillants, qui nous fait penser à la description Tête dressée, menton relevé, regard brillant8 resté longtemps jeune a marqué l’histoire de la science et a continué de la marquer jusqu’à la période où il était voûté, amaigri et pâle.
Collégien, ses camarades remarquent son assiduité au travail et sa volonté tenace de réussir. Ses professeurs notent déjà un esprit pénétrant et solide, quelquefois brillant, toujours prêt à la controverse. Il eut l’excellence en rhétorique et gardera manifestement ce niveau élevé tout au long de sa vie. Il manquera cependant d’éloquence. On dira de lui que c’est par manque flagrant d’éloquence, que pendant sa mission de sénateur, il ne participait qu’aux commissions, là où on ne lui demandera pas de prendre la parole en public.
La question du défaut d’éloquence est intéressante. On imagine Le Verrier plutôt fort éloquent, mais voilà que nous apprenons que l’éloquence n’est pas son point fort, mais encore, elle constitue un point faible. En revanche, qu’il soit fort en rhétorique, cela ne nous étonne guère. Ceci nous invite à revisiter rapidement le lien entre ces deux concepts.
La rhétorique est l’art de l’action du discours sur les esprits. Le mot provient du latin rhetorica, emprunté au grec ancien qui se traduit par technique, art oratoire. Plus précisément, selon Ruth Amossy : Telle qu’elle a été élaborée par la culture de la Grèce antique, la rhétorique peut être considérée comme une théorie de la parole efficace liée à une pratique oratoire.9[…] Au-delà de cette définition générale, la rhétorique a connu au cours de son histoire une tension entre deux conceptions antagonistes, la rhétorique comme art de la persuasion et la rhétorique comme art de l’éloquence. La rhétorique grecque, telle qu’elle fut pratiquée par les sophistes et codifiée par Aristote, se préoccupait principalement de persuader.10 Et c’est justement cette force de persuasion que possède Le Verrier de manière exceptionnelle.
Il fut dit de lui par un contemporain Le Verrier produit aussi naturellement des mots acerbes que les pommiers de son pays portent des pommes (Lamotte & Lantier, 1977, p. 122).
Revenons à Le Verrier. Étudiant dégingandé, il s’efforce de tirer le meilleur parti des subsides qui lui sont envoyés (Lamotte & Lantier, 1977, p. 121).
Par ailleurs, Le Verrier n’a ni amour des livres, aussi savant soit-il, ni amour du ciel et des étoiles aussi astronome soit-il. Pour les livres, Victor Advielle, historien qui a collationné des textes manuscrits qui se trouvaient à l’observatoire de Paris après la mort de Le Verrier11 écrit que Le Verrier n’avait pas à proprement parler de bibliothèque. Il ne lisait, au reste, presque rien (Lequeux, 2009, p. 129). Pour l’amour de l’observation du ciel et des astres, plusieurs commentaires insistent sur l’arrivée tardive de Le Verrier à l’astronomie et sur son désintérêt de l’observation.
Peut-être pour nous interroger sur le secret d’une admiration exagérée qui tend à prendre la place de tous et de mettre le voile sur plusieurs autres grands astronomes, Paul Levert12 écrit : En termes de biologie, on pourrait dire qu’Urbain Le Verrier n’est pas, en Astronomie, une génération spontanée !En remontant le temps, [ajoute-t-il], l’historien lui découvre, dans le seul département de la Manche, plusieurs devanciers (Levert, 1977, p. 9).
Victor Advielle, cité par James Lequeux (Lequeux, 2009, p. 126) écrit encore : L’astronome était à tous crins13, même avec ses familiers, même avec les membres de l’Institut ; mais dans l’intimité, il était bon enfant, fort gai, et avait beaucoup d’entrain. Leverrier14 était d’une exigence excessive pour les calculateurs de l’Observatoire ; et ne tenant compte ni de l’âge ni de la valeur des auxiliaires, il exigeait d’eux une somme de travail souvent exagérée, d’où les plaintes vives sans cesse renaissantes. Il ne s’en était même pas toujours tenu aux paroles15 ; et une ou deux fois, il s’était même empoigné avec certains. Malgré tout, il avait des moments d’élan et de générosité. Ainsi quand [blanc ? Eichens ou Secrétan ?] inventa sa grande lunette, Leverrier, qui 8 jours auparavant l’accusait de paresse et le tracassait, courut l’embrasser et lui dire qu’il l’avait mal jugé. Au reste, Le Verrier reconnaissait loyalement, et souvent avec des accès de rire bruyant, que pour passer des nuits, dans ce qu’on appelle, à l’Observatoire, la Californie, il fallait avoirle diable au corps ; et quant à lui, il s’en dispensait le plus possible, presque tout son temps étant consacré à des calculs sur le papier. Les exigences de Le Verrier étaient telles qu’il obligeait son garçon de bureau à ne jamais s’absenter, dût-il être pressé par un besoin quelconque ; et quand, parfois, il ne le trouvait pas à son poste, il lui infligeait une retenue de 2 francs.
Victor Advielle, nous donne ensuite un détail qui paraît faire contraste avec l’homme brillant habillé en blanc invité régulièrement dans les lieux les plus prestigieux, il s’agit de son côté dégoûtant dans l’intimité. Cette fois, nous pénétrons au cœur des infirmités humaines. Leverrier était souvent dégoûtant dans l’intimité : il pétait, rotait [sic], etc., sans s’en apercevoir ou sans se soucier de son entourage. C’est que plus il avançait en âge, plus l’astronome vivait dans une atmosphère qui n’avait plus rien d’humain (p. 127).
Que Le Verrier pète, qu’il rote comme un humain ne nous étonne guère. Qu’il le fasse sans s’en apercevoir ou sans se soucier de son entourage nous semble significatif d’un mode de pensée et d’être assez particulier, voire d’un aspect pathologique dans la lignée psychotique.
À travers le journal intime de Lucile, sa fille (Le Verrier L., 1994), nous percevons quelques aspects de Le Verrier père qui peut manifester de la violence, mais qui se montre particulièrement tendre avec elle, tendresse qu’elle accueille à bras ouverts notamment à une période où elle souffrait de la froideur de sa mère. Le 11 avril 1867, elle écrit : Papa est de plus en plus tendre pour moi, ce qui me console un peu de la froideur de maman (p. 39). Il peut même exprimer une forme de tendresse enfantine comme poser sa tête sur les genoux de sa fille pendant une promenade en calèche perturbée au beau milieu par une ondée. Papa s’est mis sur la banquette de devant, avec la tête sur mes genoux pour se garantir (p 66).
Lucile décrit notamment une scène qui s’est passée16 en présence d’un ami de la famille, M. Maurey. Son père s’est mis à taper sur la table, crier, la traiter de misérable en s’avançant vers elle avec une telle violence que je crois qu’il m’aurait battue, si j’étais restée ! écrit-elle (p. 70-71). À d’autres moments, il se montre disqualifiant et brimant : Mon père ne peut souffrir la méthode de Duprez17 ; il trouve qu’elle exerce trop la voix, qu’on chante trop comme au théâtre. C’est pourtant la vraie manière de chanter avec âme […]. C’est décourageant, quand on travaille de tout cœur, d’être ainsi critiquée à tort. J’aime bien papa, mais je suis malheureuse quand je chante devant lui (p. 65).
Nous apprenons aussi que Le Verrier a manifesté un refus catégorique à la demande en mariage de M. Léo de Leymarie qui plaisait pourtant à sa fille. (P. 203). Pour quelle raison celui-ci ne lui convenait pas en tant que gendre ? Pourquoi, pour une telle entreprise, le fait qu’il plaise à sa fille ne lui suffisait pas ?
Par ailleurs, Le Verrier père peut être inattentif, non protecteur face à des scènes de séduction voire d’agression sexuelle vécues par sa fille. Assise à côté de M. Dumesnil, chef de division à l’Instruction publique, dont elle dit qu’il l’aime de toutes ses forces, celui-ci, âgé de 26 ans de plus qu’elle, lui fait la confidence que sa femme est un peu jalouse d’elle.
En juin 1867, Le Verrier emmène sa fille avec lui à Marseille : J’ai fait un court voyage à Marseille, seule avec papa. […]. Partout, un accueil cordial m’a réchauffé le cœur. En un mot, tout m’a plu, j’ai paru plaire, et Marseille est restée gravée dans ma mémoire. Puis, j’ai passé trois jours à Montpellier : quelle différence ! […]. J’étais chez un monsieur qui fut avec moi de la plus haute inconvenance ; de là des souffrances pour moi, qui étais obligée de remettre cet homme à sa place, qui n’osait rien dire à mon père, parce qu’il n’aurait pas compris ou se serait trop inquiété. Enfin je suis revenue, contente d’avoir vu du pays, mais encore plus contente de retrouver mon nid et la protection de ma mère (p. 41).
Avec ses deux garçons, Le Verrier père est différent. Nous n’avons presque pas d’évocation de moments partagés avec l’aîné, Léon. En revanche, les occasions avec Urbain sont multiples et laissent entrevoir une certaine rivalité entre les deux Urbain : père et fils.
Joseph Bertrand18, qui avait bien connu Le Verrier, le décrit comme :… agressif avec les uns, tyrannique avec les autres,il les tenait en défiance et en hostilité.Vigilant d’ailleurs et attentif aux détails, singulièrement habile à tout régenter, il avait fait de l’Observatoire une excellenteécole, réputée insupportable (Lequeux, 2009, p. 125).
Dans ses Mémoires d’un astronome (Flammarion, 1911, p. 210), Camille Flammarion en donne ce portrait : […] M. Le Verrier avait le caractère le plus épouvantable qui se puisse imaginer. Hautain, dédaigneux, intraitable, cet autocrate considérait tous les fonctionnaires de l’observatoire comme ses esclaves.
Dans les textes collationnés par l’historien, Victor Advielle, nous trouvons un exemple de comportement d’allure anodine au premier abord, mais qui porte l’empreinte de ses attitudes disqualifiantes envers l’autre : Un familier entre chez Leverrier dans le temps où il s’occupait si fiévreusement de la planète Uranus ; Leverrier refuse de lui répondre. L’ami sort : un instant après il entend Leverrier jouer du violon. C’est trop fort, se dit-il, mais Mme Leverrier était là, et explique à l’ami irrité, que c’est dans les habitudes de l’astronome. Dès que l’ennui l’assiège, dès qu’un calcul l’embarrasse, il recourt à son violon, et son cerveau éprouve ainsi un grand soulagement (Lequeux, 2009, p. 127).
Au reste, il est le maître ; il faut lui obéir, disait souvent Mme Leverrier, aux familiers qui se plaignaient des excentricités de son mari (p. 127).
Un autre événement cité encore par Advielle comme événement démontrant l’amour des honneurs de Le Verrier et que nous pourrions mettre dans la classe des comportements d’une suradaptabilité morbide et d’un changement de couleur en fonction de l’environnement du moment : Un jour, qu’il se trouvait à Cherbourg, il apprend que la flotte russe y arrive. Vite il télégraphie à Mme Leverrier de lui expédier, de suite, ses ordres [décorations] russes ; le lendemain, avec le préfet, il s’embarque pour visiter le vaisseau amiral. Leverrier [arbore] un grand cordon russe. Aussitôt qu’il fut en vue, le canon se fit entendre au grand ébahissement du préfet, L’amiral faisait saluer les ordres russes portés, dignement du reste, par Leverrier (p. 127).
Malgré son caractère « despotique », il pouvait avoir des peurs comme la peur de l’eau (de la mer), La mer fait peur à papa, écrit Lucile en évoquant le voyage que devait effectuer son père à Marseille pour observer la grande éclipse du 6 mars 1867 (Le Verrier L., 1994, p. 34).
Hier, papa est parti pour Marseille, où il veut observer la grande éclipse qui y aura lieu le 6. Cette éclipse ne sera tout à fait belle qu’à Salerne, mais papa n’a pas eu le courage d’y aller et y a envoyé un astronome qui a été ravi. Ce voyage était pourtant bien tentant, mais la mer fait peur à papa, et s’il était allé par terre, il aurait fallu qu’il passât le Mont-Cenis, ce dont il ne se souciait pas à cause des neiges (p. 34).
Le 23 septembre 1877, jour anniversaire du plus grand événement qui a marqué sa vie, Le Verrier s’éteint. Il est venu peu de monde à cette cérémonie de deuil ; je m’y attendais, car à cette époque tout le monde est à la campagne, écrit Lucile (p. 285).
Retracer l’ambiance affective et relationnelle dans laquelle, a grandi cet homme, pourrait apporter un éclairage intéressant à l’étude de sa personnalité si étrange, mais aussi à l’approche de différentes questions restées en suspens. Mais nous avons très peu d’éléments biographiques sur lui. Nous allons tenter, en nous basant sur des écrits épars, d’en reconstituer les événements les plus significatifs. Parmi ces écrits, le journal de sa fille nous sera d’une grande utilité.
Urbain Jean-Joseph Le Verrier estné le11 mars 1811à Saint-Lô dans la Manche.
Le texte d’enregistrement de la naissance du futur prodige nous indique l’âge des deux parents : trente et un ans pour le père et vingt-six-ans, pour la mère à la naissance de leur enfant.
Son père : Louis-Baptiste Le Verrier est né à Carentan (commune proche de Saint-Lô). Qualifié de surnuméraire des Domaines ou d’employé du Timbre lors de la naissance de son fils en 1811, le journal Le Phare de la Manche, note qu’il est nommé sous la Restauration comme receveur de l’Enseignement à Sainte-Mère-Église et qu’il occupera cet emploi jusqu’à sa retraite en 1835, mais l’Annuaire de la Manche cite un Le Verrier receveur de l’enregistrement à Coutances de 1836 à 1841.
Louis-Baptiste Le Verrier est décédé en novembre 1846. D’après les notes confidentielles indiquées par les services de la préfecture lors de la candidature de son fils à Polytechnique, il aurait rejoint Sainte-Mère-Église au début de 1829 [après la vente de sa maison à Saint-Lô pour payer les études de son fils ?] et se trouverait donc peu connu du sous-préfet comme ayant presque continuellement habité Saint-Lô depuis une vingtaine d’années. Les mêmes notes précisent que son bureau peut valoir 2 400 francs. Sa fortune, provenant de son épouse, peut être évaluée à 1 600 ou 2 000 francs de revenus. Il ne figure pas sur les listes électorales de la Restauration ni sur celles de la monarchie de Juillet. Mais il jouit sous tous les rapports de l’estime publique. Il est décédé depuis peu en novembre 1846, et est qualifié d’inspecteur de l’Enregistrement (Lamotte & Lantier, 1977, p. 31-32). Louis Baptiste Le Verrier eut-il eu connaissance de la découverte de son fils intervenue 2 mois auparavant ? Nous l’ignorons.
Sa mère :Marie-Jeanne, Joséphine, Pauline de Baudre est née à Baudre (commune proche de Saint-Lô) est issue de la basse noblesse normande.
À quel moment son père Louis-Baptiste Le Verrier et sa mère Marie-Jeanne de Baudre se sont-ils mariés ? Leur fils Urbain eut-il d’autres frères et sœurs en dehors de la sœur dont nous apprenons l’existence grâce à l’attestation d’un bureau du Timbre à Paris qui lui a été attribué en novembre 1846 après la découverte scientifique réalisée par son frère et le décès de son père. Le journal Le phare de la Manche du 12 novembre 1846 mentionne dans la suite de l’annonce de l’attribution d’un bureau de Timbre à Mademoiselle Le Verrier : sœur du savant qui aillustré son nom en découvrant une planète par le calculanalytique et fille de M. Le Verrier, inspecteur de l’Enregistrement, mort récemment (Lamotte & Lantier, 1977, p. 32).
James Lequeux (2009, p. 3), précise que ce bureau de tabac a été attribué à la sœur de Le Verrier en novembre 1846 lorsqu’elle quitte son frère. Il ajoute que celle-ci lui a servi de femme de ménage suite à son mariage avec Lucile Choquet en 1837, mais que le frère a définitivement coupé les liens avec sa sœur en 1858. En effet, Lucile parlera de la sœur de son père dans ses notes du 27 septembre 1878 : Nous avons un nouveau tracas. La sœur de mon père, ouvertement son ennemie depuis vingt ans, est malade et pauvre. Il faut venir à son aide, cela coûte de l’argent et du temps (Le Verrier L., 1994, p. 285). D’autre part, Lucile évoque avec amertume dans son écrit du lundi 24 décembre 1866 un ancien événement le départ d’une bonne qui l’avait élevée et qui l’aimait comme sa fille et qualifie cet événement comme son premier et seul chagrin, Je suis obligée de reconnaître qu’elle a été réellement insolente avec maman, mais je ne puis m’empêcher de la regretter et l’aimer toujours (p. 20). L’année 1858 voit donc, d’une part, le renvoi de cette femme de ménage et, d’autre part, la rupture d’Urbain Le Verrier avec sa sœur. Ceci peut-il nous inviter à faire le lien entre la femme de ménage que Lucile regrette et la sœur de Le Verrier, qui a servi de femme de ménage à son frère ? Si tel était le cas, pourquoi la sœur de Le Verrier aurait-elle de nouveau été sa femme de ménage après 1846 alors qu’elle disposait des revenus d’un bureau de tabac ? Lucile, étant née en 1853, avait 5 ans en 1858, ce qui rend fragile notre hypothèse, mais la séparation avec cette bonne étant citée comme un événement marquant, il est clair que Lucile en garde un souvenir amer et douloureux.
Lucile n’évoque pas de conflits intrafamiliaux qui ont séparé frère et sœur, elle évoque une tante paternelle ouvertementennemie de son frère. Il est possible que cette tante évoquée soit cette même personne qu’elle a connue pendant son enfance et qui l’a élevée comme sa fille.
Dans tous les cas, si cette tante a servi de bonne à son frère, Lucile ne semblait pas le savoir. S’agirait-il d’un secret de famille ?
Concernant les liens parents-enfants, nous ne pouvons faire place qu’à des questions.
Quels liens urbains, enfant, a-t-il eus avec sa mère ? Cette dernière a-t-elle été une mère aimante, affectueuse et attentionnée ou plutôt indifférente, froide et psychiquement indisponible ? a -t-elle été une mère narcissique […], castratrice, profondément haineuse, sans cesse évitant la dépression qu’elle frôle, avide de posséder ses proies jusqu’à en disposer mortes, et capable d’utiliser ses propres enfants comme otages, instruments de vengeance et projectiles téléguidés19, comme les mères décrites par P.C. Racamier de certains individus ayant été amenés à avoir une organisation perverse narcissique la plus âpre, la plus agressive, la plus vénéneuse ; la plus chargée d’acrimonie ? 20
Sa relation à son bébé a -t-elle été marquée par une exigence narcissique extrême, ne laissant aucune place à son bébé devenu le fournisseur attitré du narcissisme de sa mère21 et son objet fétiche, adoré faute d’être aimé, élu faute d’être reconnu22 ?
Ainsi aurait-elle laissé son fils baigner dans sa mégalomanie infantile primitive et dans son illusion active de remplacer vraiment et impunément auprès de la mère le père, qui est évincé en pensée et en fait.23
Quel lien Urbain enfant a-t-il eu avec son père ?
Parler du père du pervers narcissique24et de son rôle est chose difficile dans la mesure où, dans la réalité clinique, on ne le rencontre guère : soit il est inexistant ; soit il se révèle le plus banal des pères, écrit Alberto Eiguer25. Pour ce qui est d’Urbain, le père est plutôt présent. C’est à lui que Le Verrier écrira pour lui raconter sa fierté d’oser accepter des fonctions qui ont été successivement remplies par Arago, Mathieu et Savary26 ou encore : J’ai déjà franchi bien des échelons, pourquoi ne continuerais-je pas à monter ?
Devenir père, continue Alberto Eiguer, est un projet qu’il (le pervers narcissique) s’applique et s’acharne à mettre en œuvre. Pour lui, l’exercice de l’autorité serait un simple effet de parade, de prestance. Il confond autorité et maîtrise anale. Par maîtrise anale, il faut comprendre une domination obtenue par le contrôle et la rigueur qu’on s’impose à soi et qu’on impose à ses proches sous la forme de contraintes rythmant la vie quotidienne de la famille : ordre, discipline, rituels de propreté, rangement, horaires des repas… Toute désobéissance aux ordres, tout acte de rupture des contrats établis, est lourdement condamnée27. Nous avons vu atour de cette question les exemples multiples qui nous montrent le contrôle, la maîtrise et l’exigence de Le Verrier, certains racontés par sa fille dans son journal intime et d’autres par les collègues de Le Verrier.
Lucile, sa fille, évoquant son père, le décrit comme un grandhomme28. Elle commence son Journal ainsi : (…) je vais avoir 14 ans. Dieu m’a beaucoup donné : mon père est un astronomecélèbre, un grandhomme. (Le 24 décembre 1866). Mais le voir en grand homme ne l’a manifestement pas empêchée d’avoir le sentiment d’un père symboliquement absent. Elle se décrit, un an plus tard, à 14 ans, comme ayant été élevée uniquement par sa mère : Il est rare d’être mélancolique à 14 ans, écrit-elle. Mais ma vie a été si à part ! Élevée par ma mère, peu en contact avec d’autres enfants, ayant pour amis, si j’en excepte Elisabeth, des jeunes filles de vingt ans, je me trouve avoir développé un esprit naturellement sérieux, dans certains moments, le devient trop29 (27 novembre 1867).
Avec ses collègues, Le Verrier exige de ses subordonnés un dévouement et des horaires exceptionnels. Peu sensible, peu diplomate, ne pensant qu’à la tâche à accomplir, il se heurte à son personnel, le blesse par son autoritarisme (p. 290 A à Z).
Sa nomination, écritE. Doublet dans son Histoire de l’astronomie, fut une vraie révolution à l’observatoire qui, depuis longtemps, était une vraie famille, car presque tous les astronomes de cet établissement avaient contracté des alliances avec des nièces ou des cousines de son illustre chef. Arago n’était pas, pour ainsi dire, le directeur de l’observatoire, il en était le patriarche. Quand on mit à leur tête, sans les avoir consultés, un homme dont la capacité n’était pas contestable, mais qui n’appartenait pas à leur tribu, les astronomes de l’observatoire, à l’exception du seul Yvon Villarceau, se retirèrent, et Le Verrier dut se former un personnel entièrement nouveau (p. 290 A à Z). Flammarion écrivit un article intitulé : Le Bureau des Longitudes et l’administration astronomique en France qui fut publié dans Le Siècle du 10 février 1866 : […] Le directeur nommé resta seul dans ce grand bâtiment […]. Ce fut l’inauguration de son règne absolu. Nulle voix ne se faisait entendre pour combattre ses volontés, et l’écho le plus fidèlerépondait humblement à ses ordres sonores. À partir de ce moment, le matériel et le personnel de l’astronomie française furent radicalement séparés. C’est plaisant, mais c’est historique. Les murs, les coupoles, les trappes, les bibliothèques, les instruments, les appareils, les lunettes, les télescopes restèrent d’un côté ; les astronomes avaient disparu. Le directeur, voulant néanmoins avoir un personnel quelconque à diriger, s’en créa un petit à petit, qu’il organisa, modifia, brisa, refit, changea, renvoya, renomma, choya, renversa, mania, remania, balança, décora, mit à la porte, rappela, et finalement renouvela une dizaine de fois depuis dix ans […] (p. 290 A à Z).
Dès le 4 mars 1854, Plantamour écrivait à Laugier : Quel est le savant de mérite qui consentira à devenir le subordonné de M. Le Verrier ? à consacrer son temps à exécuter machinalement les observations et les calculs ordonnés par ce directeur ? […] on nomme à la place de directeur un homme entièrement étranger à l’observation et à la pratique d’un observatoire, et de plus un homme dont le caractère n’est pas de nature à permettre autour de lui des collaborateurs, mais seulement des subordonnés, des machines (p. 290 A à Z).
Le Verrier enfant souffrait-il ?
Dans l’hypothèse où son narcissisme ait été très tôt meurtri par des parents dont le narcissisme est écrasant et les manœuvres hautement disqualifiantes, Le Verrier enfant aurait eu besoin d’aide pour une reconstitution-constitution de la peau déchirée de son moi.30
De quel manque, donc, souffre le Pervers narcissique ? Personne ne lui fait savoir que sa venue au monde a une signification pour lui, s’interroge A. Eiguer (Eiguer A., 2017).
Eiguer, a mis en évidence (2005) l’existence d’une souffrance durant l’enfance et de carences émotionnelles, mais aussi l’absence de figures stables de mère et (plus fréquemment) de père qui leur auraient permis de développer une reconnaissance mutuelle et en conséquence d’établir des identifications solides. Par ailleurs, il souligne l’absence de capacité de fantasmer une scène primitive (où interviennent les participants de la scène d’amour fécondante) (Eiguer A., 2017).
Au lieu d’une scène primitive, c’est un fantasme-non-fantasme d’autoengendrement absolu qui a lieu, soutiendrait Racamier. Suivra un déni des origines qui fera penser l’enfant qu’il n’est créé que par lui-même. Rappelons que fantasme-non-fantasme désigne une formation psychique très fortement investie, qui du fantasme occupe la place, mais non pas toutes les propriétés et fonctions ; il tend au contraire à déborder du cadre interne de la psyché31.32
Le nom Le Verrier est très répandu dans le nord du département [de la Manche], spécialement dans la région de Carentan dont est issue la branche de l’astronome. En 178233, la maison d’un nommé Le Verrier34 est indiquée comme l’un des points de repère aux limites de la partie de la ville où l’enlèvement des boues est mis en adjudication. En 1786, un sieur J. – B. Le Verrier, sans doute le maître perruquier, grand-père d’Urbain, est nommé député pour concourir à l’élection d’un notable, alors qu’en 1754, son arrière-grand-père, Pierre-Paul, reçoit 30 livres par an du trésorier de l’église Notre-Dame de Carentan « pour l’embouchure du serpent » 35qu’il joue en cette même église. Il semble36 que cette famille ait compté parmi les membres de nombreux artisans, alliés à la meilleure bourgeoisie.
La famille de Baudre, qui tient son nom de la commune de Baudre, est connue depuis le XIIIe. À la fin du XVIIIe, la branche à laquelle appartenait la mère de Le Verrier était la moins connue, elle ne possédait d’ailleurs plus le fief de Baudre qui appartenait à la famille Kadot (Lamotte & Lantier, 1977, p. 30-31).
Par sa grand-mère maternelle Jeanne Dufayel, Urbain Le Verrier aurait des liens de parenté avec la famille de la Mare de Crux et par conséquent une parenté par alliance avec Barbey d’Aurevilly (Lamotte & Lantier, 1977, p. 30).
L’acte de baptême en date du 13 mars 181137, conservé aux Archives Diocésaines, alors que l’original de l’État civil a été détruit en 1944, qualifie le père d’employé du Timbre’ et donne le nom de ses parrain et marraine : Noël Le Verrier et Renée Le Verrier38 (p. 30).
En 1837, Urbain a 26 ans. Il épouse Lucile Marie Clotilde Choquet, âgée de 17 ans, fille de son ancien professeur, réputé, de l’Institution Mayer, qui contribua à sa préparation à l’école Polytechnique.
L’épouse Le Verrier, Lucile Choquet, est fille unique. Sachant qu’elle s’est mariée à l’âge de 17 ans, et qu’elle est devenue mère à 18 ans, nous pouvons facilement imaginer qu’elle s’est consacrée rapidement à sa vie d’épouse et de mère.
Elle est connue par sa grande élégance. C’est elle qui guide la vie mondaine de son mari où elle sait grouper autour d’elle des hommes intelligents, attirés par sa beauté, sa dignité et son amabilité, et que le caractère insupportable du mari ne mettait pas en fuite lorsqu’il voulait bien accepter de se montrer courtois, écrit F. Lamotte (Lamotte & Lantier, 1977, p. 122). En mars 1859, on parlait déjà du luxe effréné qu’affichait Mme Le Verrier et de ses diamants (Verdier, 2015, p. 35).
Il n’ait bruit, dans le monde universitaire, que du luxe effréné et des diamantsde Mme Le Verrier. Où et comment cette petite drôlesse les a-t-elle gagnés ? Quel est le malheureux qui a fait des folies pour cette femme fort gentille il y a vingt ans ? (p. 35)
Le couple Le Verrier accompagna le couple formé par Napoléon III et l’impératrice Eugénie à Londres pendant la guerre de Crimée (Lamotte & Lantier, 1977, p. 122).
À cette occasion, elle joue le rôle de dame d’honneur et se fait remarquer par la distinction de son esprit et sa toilette d’un goût parfait (p. 122).
Le Verrier participera à un autre grand voyage, puisqu’il aurait accompagné l’impératrice lors de l’inauguration du canal de Suez (p. 122) qui a eu lieu le 17 novembre 1869. Pourtant, sa fille n’en parle pas dans son journal.
Lucile, décrit sa mère comme une femme d’élite (Le Verrier L., 1994, p. 19). Cette dernière est sujette à des crises nerveuses. Sa vie d’épouse d’Urbain Le Verrier a-t-elle été facile ? Quel message avait-elle à passer à sa fille quand elle lui donne à lire un procès qui prouve qu’il ne faut pas trop aimerson mari. Lucile écrit : je ne crois pas que cela me convertisse à la froideur, et la seule conclusion que je tire d’avance, c’est non pas qu’il est mauvais de trop aimer son mari, mais qu’il est indispensable de le choisir tel qu’on ne puisse pas trop l’aimer (p. 68).
Lucile dit passer une grande partie de son temps à chercher à arracher des sourires à sa mère, à la gronder pour ses vilaines idées (p. 79). Madame Le Verrier souffrirait d’une neurasthénie sévère39, écrit Louis Mercadié (Mercadié, Marie Talabot, une Aveyronnaise dans le tourbillon du XIXe siècle, 2013, p. 364). S’adressant à son frère Léon, Lucile écrit le 17 juillet 1869 (à cette date, le couple a déjà 31 ans de vie commune) : depuis deux mois maman a eu de plus en plus des crises nerveuses, et elle a fini peu à peu par retomber dans la maladie dont elle avait déjà souffert trois fois. (Le Verrier L., 1994, p. 73) Par ailleurs, sa fille la décrit comme une maîtresse sévère avec ses domestiques. Elle semblait agir avec eux avec sévérité et parfois avec insensibilité et absence totale d’empathie.
Son médecin (Dr Duchaussois) lui a prescrit un traitement hydrothérapique. Le 17 juillet 1869, Lucile écrit : Maman a pris sa première douche avec une grande peur (p. 74).
Lucile Choquet, épouse Le Verrier, a été brouillée avec ses parents pendant plusieurs années. Le lundi 3 juin 1878, Lucile, sa fille, écrit : Nous avons eu samedi la visite de mon grand-père et de sa femme. Nous avons été longtemps brouillés avec eux (p. 279). Quand Lucile parle de la femme de son grand-père, s’agit-il de la seconde épouse du grand-père ? S’agit-il de sa grand-mère maternelle qu’elle désigne ainsi, Mme Choquet,toujours mal disposée pour maman, avait rompu avec elle et moi pour les motifs les plus puérils, et avait exigé pour des offenses imaginaires des excuses que nous n’avions jamais voulu faire ; mon mari du reste s’y opposait absolument. À la fin, un demi-rapprochement eut lieu avec maman, ce qui n’empêcha pas mon grand-père, complètement sous la domination de sa femme, d’être bien froid, bien dur, lors de la mort de papa (p. 279). Le 1er janvier 1867, Lucile qui avait 14 ans parlait de ses grands-parents qui lui avaient donné 40 francs comme cadeau de fin d’année. Comme il ne peut pas s’agir des grands-parents paternels, les deux étant décédés, il s’agit donc de ses grands-parents maternels. Lucile a-t-elle perdu sa grand-mère maternelle ? Si oui quand et pourquoi n’en a -t-elle pas parlé ? N’était-ce pas un événement important ? Douloureux ? Peut-être est-il intervenu avant sa naissance ou, au moins, avant la tenue de son journal.
Lucile écrit le 31 octobre 1870 à son grand-père qu’elle appelle tendrement petit-père et lui demande de dire à sa marraine qu’elle lui écrirait bientôt (p. 129-130). Lionel Mirisch précise dans une note qu’il s’agit de : La seconde femme de M. Choquet (Le Verrier L., 1994, p. 292). Effectivement, la première épouse Choquet, est morte avant la naissance de Lucile, donc avant 1853, comme elle en témoigne dans son journal : Mon grand-père s’est remarié et c’est sa seconde femme qui est ma marraine chérie. Je n’ai pas connu la première (la mère de maman), non plus que les parents de papa ; je n’ai ni cousins, ni cousines, ni oncles ; j’ai une tante, mais elle est brouillée avec papa et nous ne la voyons pas. La famille est donc très restreinte (p. 22-23).
Urbain et Lucile Le Verrier, eurent 3 enfants : Léon, Urbain et Lucile.
Léon (1838-1876) est entré à l’École polytechnique en 1856. En 1866, il était ingénieur des mines à Lille. Chimiste distingué et ingénieur des chemins de fer de l’Ouest, il démissionna en 1870 et monta une fabrique de sucre dans le but d’améliorer ses revenus, mais celle-ci fit faillite. Il acceptera d’occuper des places modestes dans différentes administrations. Ce pauvre frère avait gâché sa vie. L’amour immodéré des plaisirs lui avait fait, il y a plusieurs années, abandonner sa solide carrière d’ingénieur des Mines pour l’industrie, afin de gagner de l’argent. Loin d’en gagner, il y perdit celui que mon père lui avait donné, et beaucoup plus ; il fit faillite. Après un intervalle de tâtonnements, de découragements, il parvint à avoir dans différentes administrations des places modestes, mais où il eut pu retrouver un avenir. Hélas, l’amour des plaisirs reparut, il mécontenta ses chefs, se vit remercié… et sa pauvre tête, toujours faible, n’y résista pas (p. 67). Léon est mort le 2 avril 187540. Nous reviendrons sur les circonstances de sa mort.
Urbain-Louis-Paul (1849-1911), ingénieur des mines, professeur au Conservatoire des Arts et Métiers et à l’École Nationale Supérieure des Mines.
Urbain (qui porte le même prénom que son père), est investi autrement par la sœur. Âgée alors de 14 ans et parlant de son frère Urbain, Lucile écrit le 26 décembre 1866 : Urbain, âgé de 18 ans, travaille pour entrer à l’École polytechnique. Il est doué d’une intelligence rare et est musicien jusqu’au fond de l’âme ; que l’on juge, d’après cela, si nous nous entendons bien. Il est resté pieux et raisonnable. Nous entendons : contrairement à Léon même si Lucile relate des moments d’inquiétude autour d’Urbain quant à son éloignement de Dieu et sa perte de foi. Elle poursuit : c’est un garçon excellent de cœur et hors-ligne en fait d’aptitudes, de facilité et d’esprit, et qui fait envie à bien des pères. Aussi en suis-je bien fière ; je regrette qu’il soit mon frère… C’est une nature comme celle-là qu’il me faudrait pour mari, et en trouverai-je ? (p. 23).
Urbain semble aussi avoir une place privilégiée par rapport à son frère aîné. Il existe par ailleurs des événements montrant la rivalité père-fils qui s’exprime par exemple lors des moments de jeux en famille : Nous jouons beaucoup au croquet ; maman aime à regarder. Notre dernière partie a été brusquement interrompue par une brouille entre papa et Urbain, une brouille de joueurs qu’il faudra raccommoder demain (p. 78). Nous soulignons aussi, la phrase curieuse dite par Lucile que le caractère docile de son frère faisait envie à bien des pères.
Marie Geneviève Joséphine Lucile (1853-1931), prénom de sa mère, est née le 18 février 1853. Qu’on juge de ma reconnaissance envers Dieu ; il m’avait donné une fille, et je ne l’avais achetée (sic !) que par des souffrances bien courtes, écrivait sa mère (Le Verrier L., 1994, p. 15).
Artiste, Lucile joue du piano, chante et compose. Elle épouse en 1875, à l’âge de 22 ans, Lucien Magne, Inspecteur général des Monuments historiques, Professeur à l’École des Beaux-Arts et au Conservatoire des Arts et Métiers.
C’est grâce à Lionel Mirisch que nous avons accès au Journal de Lucile. Lycéen, âgé de 14 ans, il découvrit dans le grenier de « la vieille maison » neuf cahiers cartonnés. Il y en avait eu dix, ajoute-t-il, mais Lucile avait perdu le huitième, remplacé, heureusement, par un résumé41. Nous aurons l’occasion de revenir sur la question du numéro perdu. Cette trouvaille enchanta Lionel Mirisch qui écrit : comme si, dans ma solitude d’enfant unique occupant un jour d’été à fouiner parmi des vieilleries, je venais de rencontrer une petite camarade. Lionel Mirisch n’en a envisagé la publication qu’en 1994, bien des années après sa découverte. Il en a fait un livre intitulé : Journal d’une jeune fille Second Empire. Quant au lieu de sa trouvaille, il s’agit du grenier de la maison de campagne de ses parents qui était aussi, à ses dires, la maison de campagne des Le Verrier, pas loin de Fontainebleau, au bord de la seine.
Lionel Mirisch, comme nous venons de l’écrire, commence son livre par un texte en guise de prologue qu’il présente comme étant un extrait du Journal de Madame Le Verrier, mère de Lucile. La phrase citée au début du journal de Lucile a-t-elle été copiée par Lucile du journal de sa mère ? L’auteur a-t-il découvert les deux journaux : celui de Lucile et celui de sa mère en même temps ? Pourquoi a-t-il omis d’en parler ? C’est Lucile qui l’intéresse, c’est l’histoire de cette fille modèle et de son roman d’amour qui l’ont passionné. Vous avez existé pour de bon, l’un et l’autre, écrit-il en s’adressant à Lucile et son amoureux Lucien, vous ne sortez de nulle imagination d’auteurs, vous avez goûté réellement cette attirance que n’entachait nulle accointance d’intérêts, cette idylle, ces extases ! Le jeune garçon que je fus moi-même comprit bien, éprouva, envia peut-être votre bonheur… (Le Verrier L., 1994, p. 12).
J’ai d’ailleurs eu des contacts émouvants avec l’auteur. Après avoir effectué des recherches sur internet, j’ai appelé le numéro qui m’a semblé correspondre le plus au Lionel Mirisch que je cherchais. Il n’a pas répondu, j’ai laissé un message. Quelques jours plus tard, je trouve sur mon répondeur un message vocal, ému et émouvant me disant que c’est bien lui l’éditeur du Journal d’une jeune fille Second empire