Agence Osmonde - Arnaud Fulin Finance - E-Book

Agence Osmonde E-Book

Arnaud Fulin-Finance

0,0

Beschreibung

Dans un royaume parallèle où les mondes utopiques fusionnent avec le surnaturel, Osmonde se dresse en tant que capitale, foyer de la famille Belfond et siège de leur agence éponyme. Conformément à la loi ancestrale, seul le rang des filles aînées, consacrées légataires, confère le pouvoir de gouverner cette agence d’exception. Plongez dans l’épopée captivante de Johanna Dee, l’héritière désignée, et suivez son voyage extraordinaire vers le sommet de l’Agence Osmonde.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Arnaud Fulin Finance est un spécialiste de l'héroïc fantasy et de la science-fiction. Ses œuvres sont influencées par les mythologies grecque et scandinave, la légende arthurienne et l'histoire de France. Son ambition est de concevoir des univers captivants et de partager ses créations avec un large public.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 219

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Arnaud Fulin Finance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agence Osmonde

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Arnaud Fulin Finance

ISBN : 979-10-422-2554-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avant-propos

 

 

 

J’ai écrit sur mes deux grandes passions : le catch et la science-fiction. Cette fois, je vous emmène dans un univers victorien uchronique steampunk à la mode Jules Verne, un de mes auteurs favoris. Je n’ai aucune prétention d’être à sa hauteur. Prenez ce billet pour ce voyage en espérant vous transporter dans le monde imaginaire d’Osmonde. Les lieux et les personnages sont purement fictifs.

 

 

 

 

 

Chapitre 1

Bayley

 

 

 

Drôle d’histoire que celle-ci ! Elle prend sa source à Osmonde. Pour le commun des mortels, Osmonde n’existe pas. Cette ville ne figure sur aucune carte de notre monde connu. Pas étonnant, elle se situe sur un autre plan. Certains prétendraient que cette cité se situerait dans un monde parallèle au nôtre. Parallèle ? Non, emboîté serait le terme le plus approprié. Pourquoi emboîté plutôt que parallèle, chacun sait que deux droites parallèles ne se rejoignent qu’à l’infini. « Oui, mais dans la géométrie non euclidienne… » rétorquera un mathématicien pointilleux. Peu importe.

Cette ville d’Osmonde est un habile mélange du Paris et du Londres des années victoriennes auquel se rajoute une touche steampunk. Le quotidien est la magie et le merveilleux côtoie chaque moment. Pourquoi ses créateurs ont-ils choisi cette époque ? Ils auraient aussi bien pu choisir l’antiquité égyptienne, grecque ou romaine. Ou alors préférer de lointaines contrées dans la Méso-Amérique précolombienne, ou même dans l’Orient envoûtant des dynasties dravidiennes, Han, Khmer, ou d’ailleurs.

Le choix de l’époque, si choix il y a, n’est pas neutre. Personne ne peut s’empêcher de contempler ce spectacle surprenant. Il n’est pas rare de voir des pégases voler aux côtés de bateaux volants ou d’autres dirigeables. Les habitants ont adopté le style victorien steampunk. Ils sont pour la plupart magiciens ou des êtres fabuleux et fantastiques sortis de l’imaginaire des hommes. Cette période et ces lieux de références sont uniques. En ces temps, la science est magique quand la magie tente de se rationaliser. Rien n’étonne vraiment personne. C’est le temps du tout est possible. Les lignes de partage entre ésotérisme et rationalisme fluctuent. La riche bourgeoisie s’encanaille dans la misère quand la canaille joue au Milord.

L’ombre et la lumière se mélangent sur des lignes de frontière trouble. Le bien et le mal… Point de moralisme en ces lieux. Le bien est le mal pour certains, comme le mal est le bien pour d’autres. Ce n’est qu’une question de point de vue. Même si ces deux forces semblent s’affronter dans une guerre éternelle, elles ne font que se compléter. Il n’existe pas de chose qui n’ait son contraire. Très peu d’individus, voire de personnes, en ont conscience. Chacun lutte avec la même ferveur pour voir triompher sa cause.

Certains qualifient Osmonde de capitale de la Ligue des Mondes Imaginaires Unis ou la LMIU. Quelle prétention ! Certains mondes pensent que pour vivre heureux, il faut vivre caché. Un jour peut-être…

 

Au 17 Blue-Rose se dresse une bâtisse victorienne imposante avec sa façade décorée, ses imposantes cariatides, ses lourdes portes qui protègent ses richesses intérieures. Les amateurs se raviveront de sa décoration et son ameublement en style steampunk.

Cette somptueuse demeure est le lieu de résidence du couple des plus grands magiciens d’Osmonde : les Belfond.

Marysa est une femme de tête et très aimante pour sa famille. Sa grande taille lui confère une élégance altière indiscutable. Elle est le contraire d’une femme sèche avec de belles rondeurs, sans ressembler pour autant à une imposante et plantureuse Walkyrie. Son chignon argenté impeccable ajoute la touche finale de distinction indispensable à son statut.

Son époux Rigobert est un homme plutôt athlétique, de taille moyenne, calme, flegmatique avec un moral à toute épreuve. Il soigne son apparence, toujours vêtu d’élégants costumes et de chapeaux de style victorien steampunk. Ajouté à une barbiche poivre et sel, un visage souriant, des lunettes au bout du nez, il a fière allure. Malgré son poste de Président des affaires magiques, il allie son humour caustique britannique avec un côté pince-sans-rire à la française.

Il complète bien sa femme. Ou est-ce elle qui le complète ? Ils forment un couple équilibré.

Leur fille cadette, Bayley, belle brune aux yeux verts, se drape toujours d’élégance à la mode victorienne. Elle ne manque pas de se coiffer de son chapeau haut de forme style steampunk qui ne la quitte jamais.

Particulièrement ce soir, sa silhouette de femme accomplie s’emplit d’une rare majesté. Elle possède en outre d’immenses pouvoirs magiques. Détective, elle a ouvert une agence d’un genre un peu particulier, spécialisée dans la recherche d’artefacts légendaires. Elle combat les démons commandés par Moloch, un des pires Princes des enfers qui veulent s’emparer de ces trésors inestimables. Elle entretient ainsi la tradition familiale. Assistée dans sa mission par des agents sûrs, ces derniers sont devenus ses amis. Il en va ainsi de Timour, un mage indien aux allures de sultan ; de Sophie Courtois, une magicienne française. Ce sont ses deux meilleurs agents.

La sœur aînée de Bayley, Angélina, n’est pas en reste. C’est la Calamity-Jane de la bande. Elle ne se prive pas de fumer le cigare et de boire du champagne. Moins puissante magicienne que Bayley, elle compense ce handicap par des nerfs d’acier. Cela fait d’elle une redoutable tireuse au pistolet. Son cœur devient celui d’une midinette quand il ne bat que pour Ben Hattar, le capitaine d’un bateau volant. Cet homme est loin d’être un magicien conventionnel. Bon vivant, il se moque bien des codes imposés par le haut conseil de la Magie. Nul n’ignore qu’il se révèle un ardent défenseur des siens lorsque le danger se fait sentir. Paradoxalement, il a été nommé à un poste stratégique : celui de ministre des Affaires mythologiques, ce qui équivaut à un ministre des affaires extérieures. Dans ce cadre, il est en mission. En effet, des pégases ont mystérieusement disparu. Envolées, si on peut s’exprimer ainsi, sans mauvais jeu de mots.

 

Bayley réunit ses amis et sa famille lors d’un dîner. Rien n’est épargné à ce somptueux repas, ni les entrées les plus raffinées, ni les viandes et les poissons plus succulents, rivalisant les uns avec les autres. L’apothéose du dessert ravit tous les invités. Les vins les plus fins sont servis. Pourtant, l’hôtesse se contente de boire de l’eau. Certains s’interrogent en silence. Le temps des liqueurs arrivant, tous se rendent au salon. Bayley, quelque peu intimidée, choisit le moment où tous étaient confortablement installés, appréciant la boisson servie pour faire son annonce : elle leur confie qu’elle attend un heureux événement. Cette nouvelle ravit tout le monde en apparence. Marysa semble inquiète. Pourtant, après cette déclaration, Bayley les abandonne pour rejoindre ses quartiers. Probablement se coucher, compte tenu de son état, pensent certains. Marysa demande à l’assistance de rester pour finir la soirée. Les autres membres de l’agence ne semblent pas ignorer sa demande. Marysa entre brutalement dans le vif du sujet, sur un ton grave et cérémonial.

« Vous n’êtes pas sans savoir que la grossesse de Bayley la met en danger. Je suis certaine qu’au fond d’elle-même, elle en est consciente. C’est sans doute pour cela qu’elle nous l’a annoncé.

— Maman, penses-tu que les démons pourraient s’en prendre à ma chère sœur ? s’inquiète Angélina.

— Je le pense. Elle est particulièrement vulnérable. Son dernier combat, ajouté à sa future maternité, la rend faible. Nous devons être unis plus que jamais. »

 

Timour et Sophie connaissent le terrible secret de cette famille. Pour l’heure, il faut agir sans tarder. Sophie avance une proposition.

« J’ai peut-être un plan. Je connais un endroit dans le monde des hommes où elle sera en sécurité. Je resterai avec elle pour la protéger, si tu n’y vois pas d’objection.

— Nous devons agir vite. Et puis, entre nous, je ne vois pas d’autres solutions. »

Timour prend la parole à son tour. Il s’adresse à Sophie avec détermination.

« Je t’accompagne dans le monde des hommes, Sophie.

— J’accepte. Mettons-nous en route immédiatement. Le plus tôt sera le mieux avant que les sbires de Moloch agissent.

— Très bien, qu’ils le fassent. Je les attends de pied ferme, renchérit Évangeline en sortant son arme anti-démons travestie en un banal pistolet.

— Range-le pour le moment, ma fille. Le dernier combat contre Moloch les a affaiblis, eux aussi, même si nous avons subi des pertes. Ta sœur Norma a eu plus de chance, elle est inconsciente. Ne discute pas ! ordonne Marysa à sa fille qui obéit.

— Dommage, maugréa-t-elle en bougonnant. »

Sophie a une mission à accomplir. Elle salue Marysa puis se rend à l’étage où se trouve la chambre de Bayley. Doucement, elle frappe à la porte.

« Entre Sophie. »

L’intéressée ouvre la porte et entre dans la chambre. Bayley est toujours habillée. Elle ne s’est pas encore changée pour aller se coucher.

« Tu as utilisé tes pouvoirs pour savoir qui était derrière la porte ?

— Non, j’ai juste reconnu ta manière de frapper.

— Tu m’étonneras toujours, je suis venue pour…

— Je suppose que ma mère t’a encore parlé du secret familial et que tu es ici pour me mettre en garde.

— Il y a de cela, mais cette fois, c’est à ma seule initiative personnelle que j’interviens. Je te conseille de ne pas faire ta tête de mule, tu me faciliterais les choses. Tu sais aussi bien que moi que c’est grave, dit-elle d’un ton convaincant. »

Bayley reste silencieuse, elle pose juste une question.

« Qu’est-ce qui te fait croire que j’accepterais ?

— Tu savais que j’allais venir, car tu ne t’es pas changé pour la nuit.

— Finement observé.

— Je suis à la bonne école, rétorque Sophie avec une dose d’humour, puis elle reprend son sérieux. Pressons-nous avant que les démons ne réagissent.

— Ben n’est pas là, soupire Bayley en se caressant le ventre.

— Je sais, ses obligations de ministre des mythologies l’ont appelé sur l’affaire des pégases disparus et puis… »

Bayley la coupe.

« Je sais que tu ne l’apprécies pas beaucoup, mais c’est le père de mon enfant. »

Sophie acquiesce. Bayley lui demande alors :

« Quel lieu me proposes-tu ?

— Te sens-tu suffisamment en forme ? lui demande Sophie assez inquiète. Je sais que dans votre famille les femmes sont vulnérables quand elles sont enceintes.

— Ne t’inquiète pas. J’ai encore assez de pouvoirs. Bayley se veut rassurante. Donne-moi ma canne. Alors, où comptes-tu m’exiler pour que je meure d’ennui ? »

Sophie est ennuyée, mais fait mine de la croire sur sa puissance. Elle saisit l’objet demandé et le tend à Bayley qui s’en saisit fermement. La Française s’approche d’elle doucement jusqu’à ce que leurs visages soient près de se toucher. D’une main, elle la prend par la taille quand l’autre se pose sur sa nuque. Ce geste empreint de sensualité pourtant dénué d’équivoque n’est qu’apaisant et rassurant. Il s’apparente à celui d’une mère pour un enfant qui ne demande qu’à être protégé. Elle lui glisse à l’oreille le secret de la destination. Bayley esquisse un sourire. Son visage détendu, elle ferme les yeux avant de frapper de trois petits coups sur le sol de sa chambre. Un vortex s’ouvre sur les deux femmes. Elle le passe promptement avant qu’il ne se referme derrière elles.

En bas, au salon, Timour, avec la famille de Bayley, a senti que Sophie a réussi sa part de la mission. Il n’a plus rien à faire ici. D’autres tâches d’importance l’attendent. Il se libère des mondanités avec élégance. Enfin, il les salue théâtralement avant de disparaître dans un halo de fumée. La soirée s’achève aussi pour Angélina. Il ne lui reste qu’à quitter à son tour l’agence, laissant seule Marysa et son mari. Restés seuls, le mari se rapproche de son épouse. Il la devine inquiète, préoccupée.

« De quoi as-tu peur ma chérie ? dit-il en se servant un verre de brandy.

— Je ne sais pas. Nous n’avons pas de nouvelles de Ben. Moloch pourrait profiter de la situation…

— Faisons confiance à nos agents. Rigobert se place derrière son épouse en l’enlaçant d’un geste tendre et protecteur. Allons, ils ne nous ont jamais déçus. De plus, nous sommes là pour protéger les arrières de notre fille, dit-il en posant une main sur l’épaule de Marysa tout en la rassurant. Nous serons toujours présents pour elle. Allons, tu sais bien que notre soutien possède la force tranquille de notre amour. »

Marysa semble apaisée par les paroles de Rigobert.

« J’admire ton flegme. Elle pose sa main sur la sienne. C’est aussi pour cela que je t’aime. Et puis Bayley a toujours été ta petite préférée.

— Tu racontes n’importe quoi…

— …

— Mais tu as sans doute raison, répond Rigobert en faisant tourner son brandy dans son verre avant d’en boire une gorgée. »

 

Le vortex conduit nos deux héroïnes dans la pièce d’une demeure familière à Bayley.

« J’ai l’impression de connaître cet endroit. Tu es certaine que nous ne sommes plus à Osmonde ?

— Oui, nous sommes dans le monde des hommes dans une ville qui se nomme Londres, dans le quartier Mayfair. Cette demeure est l’exacte réplique de notre agence.

— Qui habite ici ?

— Moi, bien sûr.

— Toi ? Je croyais que tu vivais à Paris !

— Oui, c’est vrai. Je conserve aussi quelques pieds à terre pour des occasions comme celles-ci. Cela m’a rendu bien des services par le passé. Je ne vais pas te raconter une partie secrète de ma vie que tu ignores. Je ne déteste pas conserver un peu de mystère, même avec toi. Pour revenir à cette maison, je la loue à un riche et jeune lord : Walker Pourcell. »

À cet instant précis, Walker rentre de sa séance à la chambre des Lords. Rageusement, sans prendre la peine de se dévêtir, il entre en coup de vent dans le salon. Il semble prodigieusement énervé.

« Quels bons à rien ces Radicaux ! Je comprends pourquoi notre Chère Souveraine les déteste ! » tempête-t-il sans s’apercevoir de la présence des deux femmes. Bayley fixe ce jeune Lord à l’allure altière. Elle semble subjuguée par lui. Plus rien ne semble exister autour d’elle.

Une main sur le poignet de Bayley, Sophie lui demande de la laisser gérer la situation. Elle accompagne ce geste d’un clin d’œil et d’un sourire. Cette dernière reste de marbre continuant à fixer cet homme, objet de tous ses désirs de l’instant. Une adolescente énamourée n’aurait pas la même attitude aussi mièvre. Ignorante du drame sentimental en train de se jouer, Sophie s’avance, avec toute la grâce française, vers ce Lord qui a presque perdu le sens des convenances. Elle s’adresse à lui avec un charme doté d’une pointe d’humour :

« Bonjour Lord Purcell.

— Eh bien en voici une belle colère. Vous ressemblez presque à un petit enfant auquel on aurait cassé son jouet. Cela ne vous ressemble guère.

— Bonjour Dame Sophie. Elle est légitime, répond-il en retirant ses gants, sa canne, son manteau et son chapeau haut de forme qu’il donne à un valet sorti de nulle part qui disparaît de la même manière qu’il était apparu. »

Il continue sur le même ton :

« Pensez-vous ! Ces satanés Tories ont encore rejeté une loi qui allait pour le bien de l’Empire. Non, mais ! Ces espèces de freluquets défroqués ont encore posé leur veto. Quelle bande de pitres ! Quels tristes sires !

— Vous connaissant vous vous êtes encore emporté dans vos propos à leur encontre. Reprenez-vous, cela ne vous ressemble guère.

— Je suis resté mesuré, dit-il radouci. Je respecte les convenances. Entre nous, si j’en tenais un dans mes mains, je l’étranglerais avec plaisir, dit-il en mimant le geste. »

Bayley observe la scène. Elle s’amuserait presque de cet histrion. Le Lord prend conscience de sa présence. L’apparition de cette femme magnifique et altière entraîne sur lui un effet calmant. Endossant à nouveau son rôle, il demande à Sophie :

« Par Saint-Georges, quelle divine apparition ! dit-il en s’avançant vers elle. Dame Sophie, qu’attends-tu pour me présenter cette divine créature ?

— Je vous présente mon amie Emily Belfond. Elle arrive de nos colonies en Inde. Elle y a étudié la zoologie locale.

— Madame, je suis sincèrement enchanté de vous connaître. Sir Walker lui adresse les amabilités d’usage teinté de flatteries. Lady Sophie m’avait caché votre existence. A-t-elle eu raison ou tort, je l’ignore. Jamais, de ma vie, je n’ai jamais été en présence d’une telle beauté.

— Quel flatteur faites-vous là ! rétorque Bayley un peu gênée.

— Point de flatterie quand j’exprime mes sentiments avec la plus grande franchise.

— En ce cas, je vous pardonne.

— Vous me comblez. »

Sophie sent bien que le cœur de Bayley vacille pour Walker dans la magie de l’instant. Quant à Ben, il semble ne plus exister. Il a dû s’évanouir dans un halo de fumée. Les absents ont toujours tort. Rien à dire, sauf à risquer de se faire remettre à sa place d’une façon cinglante. Et puis, qui est-elle pour se permettre de faire la morale ? Sophie adresse un regard incertain à son amie qui l’ignore souverainement.

Bayley rentre dans un autre monde : celui de la séduction. Elle joue ce jeu en tendant sa main vers le beau lord. Ce dernier s’en empare pour la lui baiser. Le contact des lèvres sur sa peau provoque en Bayley une réaction d’une sensualité peu commune. Elle réprime le délicieux frisson qui la parcourt. Ignorant de l’effet de son simple baisemain, le lord reprend, à regret, une distance convenable entre les deux femmes. Avec humour, il déclare à celle qui ne le laisse pas indifférent, les yeux dans les yeux :

« Milady, il se fait tard, je dois vous quitter. Je me vois dans l’obligation de rejoindre celle qui m’attend comme toutes les nuits.

— …

— Non, n’imaginez rien d’indécent, vous me blesseriez. Je ne vais que rejoindre les bras de Morphée, la déesse du sommeil et de l’oubli. Elle ne pourra effacer votre doux visage qui peuplera mes rêves. Je suis désolé de manquer à mes obligations, mais demain j’ai une grande journée qui m’attend. »

Sans un mot de plus, après avoir effectué une courbette de circonstance, le lord monte à l’étage rejoindre ses appartements. Énamourée, Bayley le regarde partir.

« Est-ce que tu penses à ce que je pense ? lui demande Sophie.

— Ce lord siège déjà à la chambre. Rien ne lui interdit de siéger aussi dans la mienne. »

Sophie est surprise par les paroles de son amie. Moralisatrice, elle essaie de la raisonner.

« As-tu pensé à Ben ? Et s’il apprend que tu lui es infidèle… Tu imagines sa réaction.

— Tu me fatigues avec ta morale bourgeoise à six pence. Et c’est une Française qui me la sert ! Arrête un peu, tu veux. Entre nous, je pense qu’il connaît déjà parfaitement la situation. N’est-ce pas Sophie ? répond-elle sur un ton énigmatique.

— Mon mari ne se prive pas de visiter les maisons closes, je peux bien avoir des amants. Nous sommes assez libres dans ce domaine.

— Es-tu courtisée en ce moment ?

— Un notaire qui vit encore chez sa mère, avec moi il se dévergonde timidement. Je dois dire que c’est une affaire…

— Tu n’es plus avec le roi des mines de Zohar ?

— Non, en effet. Monsieur est retourné dans les bras de sa femme. Mais bon…

— Tu ne vois plus ton émir.

— Il n’est pas plus émir que je suis nonne, c’est juste un comédien de théâtre moyen ; ce n’est qu’un souvenir. Dis-moi, assez parlé de moi, ma grande, avant Ben tu as été pas mal courtisée !

— J’ai eu de belles aventures, mais Ben restera la plus merveilleuse.

— Si Marysa le savait, elle rougirait.

— Ma mère appartient à un autre temps.

— J’espère que tu sais ce que tu fais, ma belle.

— Bien sûr que je le sais, affirme Bayley toujours aussi mystérieusement. Et même si je ne le savais pas… »

Bayley reste dans l’entrebâillement de la porte, avant de se diriger vers l’escalier menant à la chambre du lord.

« Au revoir, Sophie, merci pour tout, dit-elle en montant l’escalier. Souhaite-moi une bonne nuit. »

Déconcertée par tant de hardiesse délurée, Sophie s’interroge. Bayley n’est-elle pas enceinte ? Certes, dans son état, les hormones produisent parfois des comportements difficilement compréhensibles. Mais de là à s’envoyer en l’air avec le premier venu, il y a de la marge. D’accord, Lord Purcell n’est pas le premier venu.

Commet-elle une lamentable erreur en présentant ce Walker à Bayley ? Elle reste circonspecte sur cette situation, tout en disparaissant dans un vortex.

 

Pendant ce temps, Bayley arrive devant la porte de la chambre de Lord Walker Pourcell. Elle frappe et ce dernier lui ouvre aussitôt. Il ne semble pas étonné de la voir, mieux il semble ravi. Elle s’en excuserait presque.

« Lady Emily ?

— Je sais que ma conduite n’est pas orthodoxe et encore moins convenable, mais je suis intriguée. Une sensation bizarre m’a fait venir jusqu’à vous. Il y a quelque chose en vous qui me parle. Mon cœur ainsi que mes sens ne m’appartiennent plus depuis que je vous ai vu.

— Entrez, parlons-en en toute intimité. »

Bayley entre, elle aperçoit posé sur une table du matériel de chimie, voire d’alchimie. Elle esquisse un sourire.

« Seriez-vous un homme de science ?

— Je m’adonne à diverses sciences comme l’alchimie par exemple. Ce n’est pas très important. Je doute que vous soyez venue ce soir, seule dans ma chambre, pour échanger à ce propos. Je ne pense pas me tromper là-dessus, dit-il en lui tournant le dos.

— Tu mens vraiment très mal, répondit-elle en lui souriant.

— Que dites-vous là ! s’étonne-t-il.

— Tu peux toujours essayer de tromper ton monde, mais pas moi. Je ne connais qu’un seul homme capable de me faire frissonner de la sorte, tant mon cœur et qu’autre chose aussi. »

Walker se retourne. Il fixe Bayley qui continue :

« Tu aurais pu choisir un autre nom que celui-là, dit-elle caustique.

— Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? lui rétorque Walker sur le même ton, en souriant.

— La manière dont tu m’as embrassé la main.

— Je savais que je ne pouvais pas te tromper, ma Bayley. »

Walker s’approche d’elle, la saisit par la taille, il la soulève du sol. Elle semble heureuse.

« Eh là doucement, repose-moi », dit-elle en riant.

Walter qui n’est autre que Ben Hattar la repose. Elle lui demande sur un ton un peu plus dur.

« Où étais-tu ? J’étais inquiète.

— Ne sois pas fâchée, tu sais que le Haut Conseil m’avait envoyé en mission sur les disparitions des Pégases. Je suis tombé sur nuage d’anti-magie. J’ai lutté en vain. Mon bateau volant fut projeté dans le port de cette ville, mais j’avais perdu mes pouvoirs. Je ne pouvais donc pas revenir à Osmonde. En fait, j’ai découvert que cette mission était un piège pour m’éloigner de toi. Pourquoi ? Je ne le sais pas.

— Je pense connaître la raison pour laquelle tu as été éloigné. »

Walker fronce les sourcils, Bayley pose ses mains sur son ventre. Walker semble comprendre. Bayley le lui confirme.

« Eh oui, je suis enceinte. »

Walker connaît le secret familial de Bayley. Il comprend pourquoi Sophie l’a amené dans cette maison. Aussi après avoir discuté un moment.

« Tu n’es pas tombé dans les bras de Sophie ?

— Je suis courageux certes, mais un imbécile, répond Ben avec une certaine ironie. »

Ils décident de mettre au point leur vie future. Pendant une grande partie de la nuit, ils ont montré leurs connaissances qu’ils avaient l’un de l’autre. Sur l’autre partie, inutile d’épiloguer sur ce qui s’est passé ensuite. L’amour conserve ses secrets, nous les garderons sous silence.

 

Pendant ce temps, Sophie rentre à Paris, inquiète de la situation qu’elle a provoquée. Elle rejoint Timour. Ils se préparent à accomplir leur mission : protéger la grossesse de Bayley quoiqu’il en coûte. Elle le met au courant de la situation. Ce dernier ne semble pas particulièrement préoccupé au sujet de Bayley. Sophie se demande si on ne lui cache pas quelque chose. Elle le questionne sans relâche. Mais Timour reste silencieux. Un soir, lors d’un spectacle de magie à Paris, ils se mettent à l’écart dans les coulisses. Elle insiste encore et encore. Timour finalement cède et décide de lui révéler le secret. Timour glisse une phrase à l’oreille de Sophie. Rassurée, elle ne peut s’empêcher d’éclater de rire.

 

Six mois plus tard, Lord Walker Purcell épouse Milady Emily Belfond. Par cet acte d’amour et cette convention sociale, ils deviennent des membres respectés du grand Londres. Tant par conviction que pour ne pas rester inactif, ils œuvrent contre la pauvreté. Cela ne manque pas d’alimenter des rumeurs de la part de cette même prétendue haute société. Finalement, personne ne sait d’où vient ce couple aux allures princières, l’origine de leur immense fortune. Certains prétendent que Walker l’aurait amassée lors de différents voyages aux Indes, d’autres qu’il aurait découvert un fabuleux trésor, et enfin les derniers qu’il aurait bénéficié d’un héritage d’un oncle d’Amérique, chercheur d’or, à moins qu’il ne s’agisse du résultat de fouilles archéologiques dans un Orient mystérieux ou dans une cité d’or précolombienne. En tout état de cause, nul ne peut contester son lignage en tant que Lord, ni son appartenance au parlement de sa Majesté la reine. Lord Purcell, comme son épouse, non seulement se moque bien de ces ragots, mais en plus s’en amuse, s’il ne les alimente pas.

 

Quelque part aux enfers, l’un de plus puissants Princes des Démons trône sur son imposant siège baroque orné de crânes et d’autres sculptures maléfiques dont la seule vision heurte la raison. Moloch, ce géant velu à la tête de taureau, se considère lui-même comme l’ennemi juré de la famille Belfond depuis la nuit des temps. Mis au courant de la grossesse de Bayley et de la barrière anti-démons mise en place par Marysa afin de protéger sa fille, cela a le don de le rendre ivre de colère. Il appelle Alastor, son plus fidèle serviteur, son exécuteur préféré des basses œuvres du Royaume Noir. Dans son domaine, les rêves démoniaques, dont les noms n’ont pas encore été inventés, prennent naissance sur l’argile du malheur et la poussière de l’angoisse, sous la lumière blafarde de la Lune maudite…