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"Éclats de souvenirs" propose une rétrospective détaillée des années soixante aux années quatre-vingt. Il explore les moments déterminants d’un parcours unique, mettant en lumière des situations marquantes qui résonnent au fil du temps. À travers une collection de souvenirs soigneusement sélectionnés, ce récit ouvre des perspectives sur un passé révélateur des expériences qui ont façonné une existence riche de sens. Plongez dans ces pages pour découvrir une vie dont les souvenirs portent les empreintes indélébiles du temps.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Noël Tenet transmute ses expériences de vie en œuvres littéraires, invitant le lecteur à un voyage intime à travers les fragments d’événements qui ont marqué et façonné son existence. Chaque souvenir, tel un éclat de lumière dans l’obscurité, révèle les moments qui illuminent la trame de sa vie.
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Seitenzahl: 148
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Noël Tenet
Éclats de souvenirs
© Lys Bleu Éditions – Noël Tenet
ISBN : 979-10-422-4508-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À ma femme, Virginie
À ma fille, Claire-Elie
À mon ami, Bernard
Le récit se divise en trois parties distinctes. Déjà me situer dans ma famille, mon enfance jusqu’à mes 18 ans. Une seconde partie traite de mes années scolarisées jusqu’à ma thèse. Enfin, la dernière partie traite de mes années SCOUT. Et puis je pourrais conclure ce premier opus.
— Dicte-moi le début.
— J’ai envie d’écrire ma vie. Je l’écris pour moi. Déjà pour en extraire la substantifique moelle. Tirer les fils d’événements inextricables d’un écheveau de mémoire, une suite de nœuds qui lient des souvenirs encore flous et cachés dans cet imbroglio du temps écoulé. Il n’est pas question de raconter ma vie, dans la marche du temps, depuis ma naissance jusqu’à ce jour où j’ai décidé d’écrire ces mots, mais de retrouver des morceaux de vie enfouis, perdus, que je vais essayer d’exhumer.
— Le parcours que j’ai vécu est comme un livre formé de paragraphes, de chapitres, de phrases plus ou moins longues ponctuées de points, de virgules, d’interrogations, d’exclamations, pour résumer tous les artifices d’écriture qui doivent me permettre de me raconter en profondeur.
— J’espère réveiller, de mes souvenirs, des pans de mon existence qui sont encore endormis. Le fait de raconter ma vie, celle qui émerge naturellement de ma mémoire, devrait m’ouvrir des portes qui mènent vers des événements enterrés jusque-là. Ce n’est pas sûr, c’est la surprise qui m’attend. Faisons cette démarche ensemble.
— J’ai été conçu pendant l’été 1951, pour naître plus tard au mois de mars, le 16 plus exactement. Ayant eu un frère 4 ans auparavant, mon père attendait une fille. Mauvaise pioche. J’étais un garçon. Mon père n’était pas venu à la maternité. Était-ce à cause de mon sexe ou à cause de son travail qui le submergeait ? Il était grossiste pour les boulangeries, il leur fournissait margarines, biscottes, café, madeleines, etc., et tout cela garnissait le dépôt près de chez nous. Je présume que ma mère avait dû jongler pour s’absenter le moins possible à la maternité, pour ne pas fermer l’épicerie qu’elle portait à bout de bras. Ouverte dès l’aube à 6 h du matin jusqu’au soir à 20 h.
— Nous sommes en 1952. Chaque quartier de la ville de Verdun était pourvu d’une épicerie de proximité. Elles étaient très prisées. Les grandes surfaces ne sévissaient pas encore. Des ménagères se pressaient tôt le matin en posant la question fatidique à ma mère.
Les mères de famille venaient nombreuses, tandis que les maris étaient au travail. Cette époque néfaste nécessitait de tout reconstruire, tout réinventer. Nous venions de traverser une période de conflit planétaire qui a tout ébranlé sur son passage. Les souvenirs de ce cataclysme étaient vécus différemment par les uns et les autres. L’exode engendré par la rupture du pacte de non-agression de la Belgique qu’Hitler va fouler aux pieds, avec inconvenance, s’organisait. Il fallait libérer les lieux, les villes et les campagnes pour s’expatrier le plus loin possible afin d’éviter que la progression éclaire des chars allemands qui ne rencontraient aucune résistance et purent ainsi se rendre sans difficulté à Paris. Les « fuyards » devaient reprendre contact avec la famille, souvent éloignée qui serait disposée à partager leur maison volontiers.
La famille de ma mère s’étaitretrouvée dans le Pays basque chez une sœur de ma grand-mère. Chacun avait traversé cette douloureuse époque avec plus ou moins de fortune. L’existence des camps de la mort qui rationalisaient la mise en œuvre de ce dessein funeste se trouvait dans toutes les pensées. Toutes les atrocités, les exactions, les trahisons, les séparations étaient la loi de la guerre qui ne s’encombre pas de morale. Par ailleurs, Paris ouvrait ses cabarets où l’on pouvait s’amuser sans scrupule et sans gêne.
Comme toute chose, cette époque s’est déroulée et s’est achevée, comme toutes les autres.
Après le partage du monde en deux camps et après quelques tonsures de femmes « fauteuses », la fin de la guerre pouvait être sonnée. Chacun reprit une vie normale vers un nouvel avenir incertain.
Un lieu de rencontre incontestable.
Le souvenir phare qui domine mon existante jusqu’à l’adolescence est l’ÉPICERIE. Ma mère était le capitaine de cette embarcation. Elle régnait en maître à la barre depuis sa caisse. L’endroit était chargé de toutes les choses quotidiennes utiles pour tout un chacun. La caisse s’imposait à l’entrée. Ma mère s’y tenait droite comme un I, fièrement. De chaque côté, le long des 2 vitrines, à gauche s’accumulaient les légumes ; carottes, poireaux côtoyant le céleri, radis, tubercules, haricots, salades et les fruits ; oranges, pommes, bananes conditionnées dans des caisses en bois que j’ai utilisées comme étagères dans mes installations estudiantines futures. À droite se trouvaient les trésors sucrés qui faisaient scintiller les yeux des enfants du quartier : le domaine des BONBONS ; carambars, malabars, roudoudous, rouleaux de réglisse, caramels, les souris qui niquaient les dents, les bonbons à la violette, les sucettes… toute l’imagination sans limite des fabricants, pour sucrer toute une génération de marmots, était en œuvre. Les gosses s’agglutinaient en masse, en manque de leur drogue dure, pressés d’acquérir tous ces trésors à portée de main au moment de la sortie des écoles, nombreuses dans le quartier. Ma mère était une dealeuse efficace, la disposition des « bombecs » était optimale. Un grand plateau, chargé des pépites sucrées, était contre la vitrine à bonne hauteur suffisante pour que l’acheteur puisse montrer l’objet de sa recherche sans le toucher, surtout pas ! C’est ma mère, en tant que maître des cérémonies qui officiait et présentait le bonbon à l’intéressé en mains propres, contre monnaies sonnantes et trébuchantes. On pouvait découvrir et choisir son bonbon en bavant d’envie depuis l’extérieur, à travers la vitrine, avant d’entrer dans la boutique.
En prolongement de la caisse, trônait une vitrine frigo qui présentait des volailles, des blocs de jambon, des côtes de porc, des viandes prêtes à être tranchées, toute sorte de charcuteries.
Devant cette vitrine s’alignaient, bien empilés, les paquets de lessive colorés indiquant en gros caractères les différentes marques proposées : ARIEL, SKIP, PERSIL OMO et aussi la fameuse lessive BONUX qui cachait des cadeaux surprises à l’intérieur.
Perpendiculairement, une autre vitrine réfrigérée exposait les mottes de beurre, les crèmes épaisses et fromages à la coupe comme le gruyère. Derrière cette vitrine, un chemin barré d’une cordelette menait à une trappe en bois qui, soulevée, rendait accessible un escalier pour se rendre à la cave.
Tous les murs du magasin étaient garnis d’étagères du haut en bas, partout. Cela permettait de stocker toute sorte de produits divers et variés qui contentaient tous les clients. L’épicerie devait proposer une grande variété de denrées du quotidien et de proximité. On pouvait y trouver aussi bien de la mercerie, de la droguerie, des fournitures scolaires, le pain, le journal du jour (l’Est républicain), des vins à 11° et à 12° réservés pour le dimanche. Toute sorte de marchandises qui emplissaient les lieux au maximum et donnaient ainsi une impression de bien-être, d’abondance, de plaisir, de bonheur. Tout semblait accessible. On avait à cœur d’oublier le temps, pas si lointain, des privations.
On connaissait tous les clients, on les voyait tous les jours. Leur vie, leurs enfants, leur joie, leur humeur, leur peine, leur malheur nous étaient souvent connus. L’épicerie était un centre d’information très efficace pour propager et divulguer tous les rumeurs et cancans qui se racontaient sous le manteau.
Sur la caisse, la balance TESTUT offrait ses 2 plateaux que l’on équilibrait à l’aide de petits poids en laiton afin d’assurer la bonne pesée. Ce meuble, appelé aujourd’hui banque d’accueil, comporte un tiroir muni d’une serrure solide pour enfermer la recette constituant le chiffre d’affaires de la journée du commerce.
Il y avait aussi le grand livre de comptes pour noter les commandes et les sommes non payées bien notées sur « l’ardoise ». Ce privilège de crédit, accordé exceptionnellement par ma mère, était exprimé par la formule magique :
Ces clients honoraient leur dette quand la paie du mari tombait. Le versement du salaire s’établissait, à l’époque, tous les 15 jours. Il fallait fêter cela. On voyait les hommes rentrer passablement avinés, traînant leur vélo péniblement, à la sortie du café, jetés dehors sans doute par le patron. Ils faisaient un ramdam jusqu’à point d’heure et recevaient les invectives exprimées par les voisins en colère, à travers les persiennes.
Ces travailleurs venaient le dimanche matin à l’épicerie solder fièrement leur ardoise. Ils parlaient fort, « chahutaient » les clientes. Une douce ambiance, mêlée d’insouciance, régnait dans ce magasin, c’était DIMANCHE, jour de repos. La recette de ce jour était la meilleure de la semaine. Le repas du dimanche devait être généreux, festif et familial. L’épicerie fournissait les volailles, les gigots, les pâtés… et des vins pour oublier tous les soucis de la semaine laborieuse.
Les livraisons débutaient de bonne heure. Dès 6 heures, le marchand de lait déposait la commande devant la porte du commerce. Venait ensuite, sur sa moto à 3 roues, le fringant italien Mario, qui sifflait des airs familiers. Le maraîcher déposait les cageots de salades, de tomates, d’aubergines… et puis arrivaient le pain, les fruits, les fromages et les crèmes… Les premiers clients commençaient à se montrer impatients. Maman ouvrait le rideau de fer qui barrait la porte d’entrée avec précaution, afin de ne pas se pincer les doigts. Elle sortait, se faufilant entre les marchandises livrées du matin, pour ouvrir les persiennes métalliques des 2 vitrines latérales en faisant toujours attention à ses doigts. Elle empoignait les cageots de salades et marchandises déposées sur le trottoir. Il fallait faire vite, le prix de vente devait être affiché. Les clients attendaient que ma mère les serve.
Avait-elle eu le temps d’avaler une tasse de café ?
Mon père terminait son petit déjeuner sans tarder. Il devait se rendre dans le dépôt, voisin de la maison, pour préparer sa tournée du jour. Il était concentré dans son travail, il ne fallait surtout pas l’interrompre ni le gêner pendant ses multiples aller-retour, pour ne pas subir ses foudres. Son métier le rendait anxieux, le submergeait. Il était de mauvaise humeur, à fleur de peau, prêt à bondir sur l’opportun qui le contrarierait. Il effectuait son travail à reculons, sans ardeur, mécaniquement et cela affectait son caractère délétère. Il avait une carapace infranchissable qui l’empêchait de communiquer avec autrui. Il était taiseux.
Mon frère et moi descendions de notre chambre que nous partagions, située à l’étage et nous devions nous fondre dans ce climat de tension, résultat de l’ouverture du magasin. Nous évoluions dans des espaces trop petits pour coexister tous ensemble. Cela favorisait des conflits surtout entre mon père et ma mère. 8 h, la femme de ménage arrivait au milieu de la bataille. Mon père nous quittait tout énervé, il sortait la camionnette du dépôt pour faire sa tournée qui était différente chaque jour.
Il était permis que l’on prenne un petit moment de répit, pendant le déjeuner, toujours frugal chez nous. Nous échangions avec notre maman des préoccupations du moment soit de l’école ou dans notre vie d’enfant. Ces moments fugaces que l’on partageait avec notre mère étaient rares et uniques, puisque souvent interrompus par un client qui poussait la porte d’entrée du magasin accompagné du retentissement du carillon, qui signifiait que maman devait être à son poste. L’épicerie devait être surveillée en permanence comme un feu qu’il faut maintenir actif.