Entre-deux - Aude Binimbi - E-Book

Entre-deux E-Book

Aude Binimbi

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Beschreibung

"Entre-deux" est une œuvre autobiographique, un voyage à travers trente-neuf années d’expériences et d’aventures, explorant en profondeur les questions d’identité et de croissance personnelle au fil des changements de la vie. De son enfance au Congo à sa découverte de la vie en France à l’adolescence, en passant par son ouverture au monde et sa quête spirituelle à l’âge adulte, Aude relate les différentes étapes qui ont façonné son parcours. À trente ans, elle a trouvé un nouvel équilibre grâce à la pratique du bouddhisme, une dimension spirituelle qu’elle partage avec le lecteur. À l’aube de ses quarante ans, elle entame un nouveau cycle. Parviendra-t-elle à trouver l’harmonie dans ces espaces d’inconfort d’entre-deux ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Aude Binimbi aime partager des publications sur les réseaux sociaux. Écrire un livre était une suite logique et naturelle. Avec ce récit, elle partage son histoire, ses compréhensions, ses réflexions, sa philosophie de vie sur l’importance de s’adapter et de trouver sa place dans ces moments de transition et d’incertitude.

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Aude Binimbi

Entre-deux

© Lys Bleu Éditions – Aude Binimbi

ISBN : 979-10-422-3240-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma chère mère,

Qui m’inspire tellement,

Par sa force, sa résilience et son amour.

Accepte ce qui est, laisse aller ce qui était, aie confiance en ce qui sera.

Bouddha

Préface

Nous avons tous une histoire à raconter, notre histoire, et elle est unique. La vie est une succession de chapitres et d’expériences qui m’ont amenée à grandir, à évoluer et à apprendre à mieux me connaître.

L’entre-deux est un passage, un espace intermédiaire, une période de transition qui nous guide de l’ancien vers le nouveau, du dernier chapitre de notre vie vers le suivant.

Je me suis toujours sentie entre deux mondes et le voyage de ma vie m’a amenée à trouver un équilibre entre ces mondes, à trouver du confort, dans ces périodes d’inconfort d’entre-deux.

À travers ce récit, je vous raconte mon histoire, celle des trente-neuf années de ma vie, je partage mes réflexions sur l’importance de s’adapter et de trouver sa place dans ces moments d’incertitude qui finalement façonnent notre être.

J’ai commencé à écrire ce livre au cours de ma trente-neuvième année, à l’aube de mes quarante ans, comme une rétrospective des principaux événements qui ont marqué ma vie. Je l’ai achevé quatre mois après mon quarantième anniversaire.

Trente-sept chapitres pour trente-sept leçons de vie. C’est ainsi que j’ai décidé de diviser mon récit. Ces trente-sept chapitres se divisent à leur tour en quatre périodes consacrées respectivement à l’enfance (0 à 10 ans), l’adolescence (11 à 19 ans), la vingtaine (20 à 29 ans) et la trentaine (30 à 39 ans). Cette division en quatre périodes calque parfaitement aux transitions importantes que j’ai vécues. Le passage de la trentaine à la quarantaine fera peut-être, un jour, l’objet d’un autre livre.

Il m’est plus facile de mettre des mots sur mes ressentis, par l’écriture. Les mots me permettent d’exprimer ce qui se passe à l’intérieur de moi, mes émotions, mes pensées, mes réflexions, mes compréhensions et d’ainsi les partager plus facilement.

La vie est un voyage fait d’expériences et d’aventures. Mon voyage n’a pas toujours été facile, il y a eu quelques turbulences que j’ai vécues, parfois avec difficultés, quelquefois avec courage.

Ce récit de mes expériences est écrit d’un point de vue strictement personnel. Je raconte le récit de ma vie, telle que je l’ai vécue et expérimentée.

Par respect pour la vie privée, j’ai modifié les noms propres des personnes que je cite dans ce livre.

Si je ne mentionne pas les adresses postales, j’indique cependant le pays, la région, le département et le quartier uniquement pour le Congo. Dans les chapitres 30 et 31, j’ai fait le choix de ne pas révéler les lieux où se sont déroulés le mariage, le voyage de noces et l’enterrement. Du reste, j’ai fait une entorse à la période de la vingtaine : j’ai dix-neuf ans dans les chapitres 18 et 20. J’ai tenu à mettre ces chapitres dans le livre trois la vingtaine car cela rendait le récit plus fluide et plus harmonieux.

De plus, pour faciliter la lecture de ce livre, j’utilise le terme « Congo » pour désigner le « Congo-Brazzaville » également appelé la « République du Congo. »

Commençons avant tout ces quelques pages de ma vie, par l’enfance…

Livre I

L’enfance

ou

Les dix premières années de ma vie

1

« J’aime ma vie, j’aime ce que je fais, je me remercie pour tout le chemin parcouru et d’avoir su écouter mon cœur. Je me sens enfin à ma place. Je m’aime. » Assise sur un banc à l’ombre d’un arbre dans un magnifique parc coloré et fleuri, un sentiment de joie profonde envahissait toutes les cellules de mon corps. Je me sentais confiante.

Je n’aurais jamais pensé, il y a encore un an, pouvoir prononcer cette phrase et encore moins être là où j’en suis aujourd’hui. Je me suis toujours sentie entre deux mondes. Et à l’aube de mes quarante ans, je me sens enfin à ma place, heureuse et libre d’être moi-même. Je vis enfin la vie que j’ai souhaitée, rêvée, et c’était loin d’être gagné.

Mais tout d’abord, permettez-moi de remonter trente-neuf ans en arrière, jusqu’au moment où mon histoire a commencé.

Née au Congo-Brazzaville, pays d’Afrique centrale, dans une famille catholique congolaise, je suis le deuxième enfant et la première fille de mes parents. Mon frère, Rodrigue, était venu au monde trois années plus tôt. Mes parents sont des intellectuels congolais. Ils ont tous les deux étudié à l’étranger, ma mère à Cuba, mon père en URSS. Ma mère parlait couramment l’espagnol et mon père parlait le russe.

Pendant la guerre froide, les étudiants congolais partaient effectuer leurs études supérieures à l’étranger, dans des pays communistes. Le Congo-Brazzaville, ancienne colonie française, se nommait à cette époque, la République Populaire du Congo et avait adopté le régime du bloc soviétique.

J’ai toujours admiré l’adaptabilité des étudiants africains qui osent sortir de leur zone de confort, partent de leur pays natal pour s’ouvrir à une nouvelle culture et vivre l’aventure de pays lointains.

Mes parents ont de nombreux points communs et quelques différences. Intelligents, ouverts d’esprit et curieux, ils ont tous les deux cette soif de découvrir et d’apprendre. Ils partagent le même signe astrologique, Gémeaux, et exerçaient dans le même domaine d’activité professionnelle : mon père était pharmacien et ma mère, assistante en pharmacie.

Ma mère est de taille moyenne avec des rondeurs, elle est sociable, aime communiquer et interagir avec les autres. Elle noue facilement des relations et sait mettre à l’aise les gens. Elle a également un grand sens de l’humour et aime plaisanter. Et elle a souvent des histoires drôles à raconter.

Mon père est plus réservé, grand et mince, calme, assez distant, il communique peu et semble détaché de tout. Il ne manifeste aucun intérêt pour les choses matérielles et du quotidien. Il aspire à la tranquillité. C’est un intellectuel, très cultivé, ouvert à la découverte et fuyant la routine. Son esprit, constamment en action, le pousse à analyser, à concevoir et à décortiquer ce qui l’entoure. Il est également farceur. Je pense qu’il cachait sa sensibilité et ses émotions derrière la distance qu’il entretenait avec son entourage, sa famille. C’est un trait de caractère que je partage, j’ai parfois tendance à tout intérioriser et à contenir mes émotions.

Quelques mois après ma naissance, mes parents, ma tante, sœur benjamine de ma mère, mon frère et moi déménagions en France, en région bordelaise.

J’ai peu de souvenirs de cette période de ma vie. Les photos de famille et les récits de mes parents m’aident à me rafraîchir la mémoire. Je me souviens sur une des photos d’enfance, je portais une combinaison de ski rouge alors qu’il ne neigeait pas ! Cette photo me fait sourire…

Nous habitions dans un appartement, avec un immense salon, dans un grand immeuble. Mes parents connaissaient très bien la France, y ayant séjourné à plusieurs reprises au cours de leurs études. Ils rendaient visite notamment à mon oncle et ma tante, habitant en région parisienne.

Deux ans après ma naissance, ma petite sœur, Axelle, avait rejoint notre petite fratrie. Je n’étais plus la petite dernière de la famille, j’étais dorénavant, la grande sœur. Je ne savais pas ce que ce nouveau rôle impliquait, mais j’étais contente d’avoir un nouveau partenaire de jeux.

J’avais un peu plus de quatre ans quand mon père obtint un poste au Congo. C’est à ce moment-là que mes parents décidèrent de rentrer dans leur pays d’origine.

2

Notre retour au Congo a été mon premier changement radical de vie. En regardant autour de moi, je sentais que la France était bien loin. Tout était différent. Cela fut un changement à tous les niveaux : pays, culture, habitudes, environnement, climat, mode de vie, etc.

J’abandonnais les quatre saisons pour un climat chaud et humide, marqué par deux saisons : la saison des pluies et la saison sèche. J’avais l’impression de vivre toute l’année en été.

Je ne ressentais pas de dépaysement concernant la langue, le français, qui est la langue officielle au Congo.

Il nous a fallu un moment pour nous acclimater à notre nouvelle vie et nous adapter à notre nouvel environnement. Nous réagissons tous différemment face aux changements. Je me suis adaptée très vite à cette nouvelle situation. Les enfants ont cet avantage de s’adapter plus facilement aux évènements par rapport aux adultes et de se sentir plus vite à l’aise face à un bouleversement.

Nous recommencions notre vie à zéro dans un nouvel environnement avec de nouvelles personnes et de nouvelles expériences. Nous habitions dans la capitale, Brazzaville, qui porte le nom de Pierre Savorgnan de Brazza, explorateur italien, naturalisé français. Bordée par le majestueux fleuve Congo, Brazzaville est aussi appelée « Brazza la Verte » en raison de sa verdure abondante.

Nous vivions dans un quartier animé, dans une maison avec une cour commune, partagée avec une autre famille, originaire du Bénin. Ils devinrent ainsi nos plus proches voisins pour les prochaines années. Le père travaillait pour la compagnie aérienne Air Afrique, qui desservait à l’époque, plusieurs états africains francophones avec pour volonté de créer une grande compagnie africaine. La mère était au foyer et élevait sa petite fille qui avait à peu près mon âge. Elle était aidée et accompagnée de sa propre mère.

Je découvrais une nouvelle manière de vivre, rapprochée de nos voisins, qui devenaient mon entourage le plus proche physiquement, après ma famille. Nous vivions en harmonie avec nos voisins, nous nous soutenions et nous nous entraidions. Le vivre ensemble est commun au Congo. Il est courant d’acheter un terrain, de le découper en plusieurs parcelles, pour y faire construire plusieurs maisons avec une cour commune partagée.

La famille au Congo, comme dans d’autres pays d’Afrique, a longtemps fonctionné sur le mode traditionnel basé sur le principe de la solidarité et de la vie en communauté, ce qui explique que plusieurs générations peuvent vivre sous le même toit. Mais cela est de moins en moins répandu de nos jours.

Nous partagions également avec nos voisins, les sanitaires, les douches et les toilettes, qui étaient en extérieur. Pour la douche, nous utilisions un seau d’eau pour notre toilette comme le font beaucoup d’Africains encore de nos jours. Les toilettes ressemblaient à ce que nous appelons les toilettes turques avec de simples trous dans le sol. Cela nous amenait à être dans une position accroupie, plus sportive. Je me sentais mal à l’aise d’être dans cette posture acrobatique. Je faisais en sorte d’y rester le moins longtemps possible.

Notre maison avait deux chambres, celle de nos parents, et la nôtre. Nous dormions tous les trois, mon frère, ma sœur et moi, dans une grande chambre. Je partageais le lit avec ma sœur et nous avions une moustiquaire pour nous protéger des moustiques, vecteurs de maladies comme le paludisme.

Au petit-déjeuner, nous mangions des beignets, petites pâtisseries rondes, cuites et dorées dans une friture. J’adore les beignets et personnellement, je trouve qu’ils ont meilleur goût, le lendemain de la cuisson. Mon petit-déjeuner préféré était constitué de beignets à la banane que je trempais dans la bouillie épaisse de maïs. J’étais pleinement rassasiée après ce riche repas.

J’étais une enfant espiègle. Par exemple, je disais des personnes qui avaient de grosses joues qu’elles avaient des joues de beignets. Cela faisait rire ma mère. Des années plus tard, lors d’un séjour en Normandie, j’ai été surprise de retrouver ces pâtisseries dans un stand d’une confiserie qui vendait différentes douceurs : chichi, gaufres, crêpes, glaces italiennes, et… des croustillons ! « Mais ce sont nos beignets », disais-je avec beaucoup d’enthousiasme. Je me suis empressée de les acheter. Ils étaient aussi bons et moelleux que « nos beignets » à la différence que nous ne les saupoudrons pas de sucre. Des souvenirs d’enfance me revenaient en les mangeant. C’était un peu comme ma madeleine de Proust. J’apprenais qu’on retrouvait ces pâtisseries dans l’ensemble de la Normandie lors des fêtes foraines connues aussi sous le nom de « croustillons hollandais » ou de « beignets rapides. »

Je passais donc le reste de mon enfance, au Congo, à découvrir ce nouveau mode de vie, riche en rebondissements, en expériences humaines et en émotions.

3

C’était le jour de la rentrée des classes. J’entrais au CP, l’école « des grands ». Cela m’enthousiasmait. Je rentrais à la grande école parce que j’avais grandi et j’allais apprendre de nouvelles choses. J’allais enfin apprendre à lire et à écrire. C’était une nouvelle étape dans ma vie.

La vie d’un enfant, et même d’un adulte, est jalonnée de changements qui sont synonymes d’évolution et de progrès. J’étais impatiente et en même temps fébrile de rentrer dans ce nouveau monde. « Allais-je trouver de nouveaux copains de classe ? Est-ce que notre enseignant serait sympa et bienveillant ou plutôt sévère et strict ? » pensais-je. Je me posais ces questions en préparant la veille, avec ma mère, mon cartable et ma tenue scolaire.

Nous portions des uniformes. Au Congo, l’uniforme scolaire est obligatoire dans les écoles publiques et privées. Toutefois, chaque établissement scolaire privé était libre de choisir leur propre tenue. Dans les écoles publiques, au primaire, les filles portaient des jupes de couleur bleu marine et les garçons, des bermudas de même couleur. Les chemises étaient de couleur kaki. Les collégiens portaient des pantalons bleu marine accompagnés de chemise bleu ciel. Les lycéennes avaient le même uniforme que les collégiens tandis que les lycéens portaient des pantalons et chemises de couleur kaki.

Le sentiment d’appartenance est l’une des raisons pour lesquelles l’uniforme scolaire est imposé. Le fait de porter une tenue commune favoriserait l’intégration de chacun et serait garant d’une unité en apparence, chacun se sentirait d’une même famille, et le sentiment d’exclusion disparaîtrait. À l’opposé, cela crée des concurrences entre les établissements scolaires, des rivalités avec d’autres écoles, un sentiment de dualité qui nous sépare et nous distingue « nous » et « les autres. »

Je portais donc une jupe bleu marine assortie d’une chemise kaki pour mon premier jour dans une école publique. Mes parents m’ont accompagnée pour cette première rentrée. Je me revois, anxieuse, en entrant dans la salle de classe. Des écoliers étaient déjà présents, assis sur des tables-bancs, ardoises naturelles à craie posées sur les pupitres, observant les allées et venues des personnes qui entraient et sortaient de la salle de classe.

Je trouvais une place pour m’asseoir. Puis, je contemplais autour de moi. Une certaine agitation y régnait. Le nombre important d’élèves dans la salle de classe y était pour beaucoup. Nous étions une soixantaine. L’enseignant semblait accablé et débordé, ne sachant où donner de la tête. De nature sensible, je ressentais fortement le stress généré par cet environnement bruyant, écrasant et difficile à gérer. Cela eut un impact sur mon état émotionnel. Je n’étais pas préparée à vivre ce changement éprouvant. C’était trop pour moi. Je ne me sentais pas à ma place.

Au moment de la pause, je sortais de la salle de classe, comme tout le monde, pour ne jamais plus y entrer. Cela m’était impossible. Je ne souhaitais pas y retourner. Le temps de récréation terminé, chacun rejoignit la salle de classe. Je restai seule, dans la cour d’écoles, puis je fondis en larmes. Je restai à l’extérieur, en priant pour que l’on vienne me chercher. Et je fus entendue. Ma mère, contactée par le directeur de l’école, était venue me chercher. J’étais soulagée et heureuse de rentrer à la maison.

Le lendemain, je changeai d’école. Voilà qui était beaucoup mieux.

4

Ma deuxième rentrée scolaire était plus sereine que la première. J’avais un autre uniforme. Je portais une jupe bleue et une chemise rouge à poids blanc, tenue scolaire imposée par cette école privée. Mes parents et moi avions rencontré la directrice de l’école, où j’allais passer mes cinq prochaines années. Elle nous a fait visiter les lieux. C’était une très charmante petite école, située dans un quartier résidentiel calme, avec des villas plus belles les unes que les autres. Cette école avait été créée l’année précédente. C’était sa deuxième rentrée des classes. Ma mère avait eu vent, par une amie, qu’une nouvelle école privée venait d’ouvrir et que son propre fils y était. L’enseignement dispensé était de qualité, selon ses dires. La directrice avait décidé l’ouverture de nouvelles classes au fur et à mesure des années. Elle avait inauguré sa première classe, le CP, l’année précédente. Elle ouvrait sa deuxième classe, le CE1, cette année.

J’étais ravie de faire partie de la deuxième promotion de cette école. Je sentais que j’allais m’y plaire. Il y avait un grand terrain de verdure avec des arbres, qui nous offrait un espace de jeu suffisant, pour pratiquer nos loisirs en toute liberté et à notre guise. La vie scolaire y était agréable.

Nous étions un peu plus d’une dizaine dans ma classe, beaucoup moins nombreux qu’à l’école publique, ce qui nous permettait de recevoir un enseignement individualisé et une attention plus personnalisée. Nous bénéficiions d’une très bonne formation avec une discipline adéquate. L’apprentissage pouvait également être ludique. J’ai le souvenir que nous apprenions les départements et les grands affluents du Congo en chantant, afin de mieux les retenir.

Il y avait une cantine servant de délicieux et copieux repas. On y mangeait bien. J’adorais leurs pâtes à la bolognaise avec une sauce tomate bien grasse qui baignait dans l’huile.

Nous avions des balançoires pour nous divertir. Ah les balançoires ! J’ai toujours aimé les balançoires, même encore aujourd’hui. Cela me procure beaucoup de joie, un sentiment de liberté quand je me balance dans les airs. La balançoire est synonyme de liberté, de légèreté et de bonheur en plein air. Elle symbolise la vie en mouvement, le jeu de la vie. Nous faisions des concours de balançoires, avec mes copines et copains de classe, en duo ou en trio. Il nous fallait toujours aller plus haut, plus vite. Nous échappions ainsi à la terre pour épouser le vent.

Des activités extrascolaires nous étaient proposées. J’avais choisi de faire de la natation. J’étais bien contente d’en finir enfin avec la danse classique que j’avais commencé quelques mois plus tôt. Je trouvais la danse classique difficile, bien que pleine de grâce, de souplesse et d’élégance.

J’apprenais donc à nager. Il n’y avait pas de piscine municipale. Nous nous entraînions dans les piscines des hôtels aux alentours. J’aime nager. Cela m’apaise et me détend tout comme le fait de rester des heures à regarder la mer ou l’océan. Cela m’aide à me ressourcer et à développer ma créativité. J’ai un amour pour l’élément eau qui m’invite à la rêverie et à la contemplation. Je ressens un sentiment de vastitude et de liberté lorsque je contemple la mer, car elle ouvre l’horizon et nous questionne sur notre place dans le monde, on se sent tout petit face à elle, comme un petit grain de sable. Le va-et-vient des vagues, ce mouvement perpétuel, nous rappelle le cycle de la vie. Tout est en mouvement, tout est mouvement.

5

J’ai reçu une éducation religieuse, catholique, la religion de mes parents, comme j’aime à le rappeler. La religion chrétienne est majoritaire au Congo et compte de nombreux pratiquants. Elle tient une place importante dans ce pays et particulièrement pour ma mère.

Nous allions avec joie à l’Église, le dimanche, pour la messe. Nous mettions de beaux vêtements pour aller « rencontrer Dieu ». Au Congo, les chants d’église sont très rythmés, c’est très joyeux, un peu différents de la France. Nous ne nous ennuyions pas. Nous faisions également avec plaisir, les rituels quotidiens de prières avant les repas, ou encore le soir au coucher, pour remercier de ce que nous avions, exprimer notre gratitude. Ma mère nous citait souvent des passages de la bible ou des maximes. L’une d’entre elles, qu’elle continue de nous répéter encore aujourd’hui et que j’ai retenue est : « Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse » ou dit autrement « Traite les autres comme tu voudrais être traité ». C’est une règle de vie que j’essaie d’appliquer au quotidien en me rappelant que, tout comme moi, l’autre souhaite être heureux et ne souhaite pas souffrir.

Ma mère me raconta, un jour lors d’un pèlerinage à Lourdes qu’elle avait effectué, il pleuvait des cordes et elle se plaignait de la pluie qui l’empêchait de se rendre au sanctuaire. Une moniale lui dit de regarder la situation sous un autre angle et de voir la pluie comme une bénédiction. Et dans un sens, elle n’avait pas tort.

La pluie est source de vie, sans elle, il n’y aurait ni fleurs ni fruits. Elle permet à toute végétation de prendre vie, d’évoluer, de se développer, et, en retour, de nous maintenir nous-mêmes vivants en produisant l’oxygène que l’on respire. La pluie est nécessaire au bon déroulement des choses, on voit bien que lorsqu’il ne pleut pas de manière régulière, des catastrophes se produisent comme des inondations, des problèmes pour les cultures des agriculteurs, la sécheresse, et bien d’autres choses.

Cette parole de sagesse avait fait prendre conscience à ma mère que nous ne pouvons pas toujours changer les conditions extérieures de nos vies, mais que nous avons le pouvoir d’influer sur la manière dont nous percevons les différentes situations qui se présentent à nous.

J’ai commencé le catéchisme à l’âge de sept ans. Je dois vous avouer n’avoir pratiquement aucun souvenir de ces années où j’ai reçu l’enseignement religieux, je ne sais plus si j’étais heureuse ou pas d’y aller, si ce n’est que j’étais tout de même contente de retrouver mes copains et copines. La finalité était importante à mes yeux, car le catéchisme me préparait à recevoir la première communion, deux ans plus tard.

Enfin ! Je pourrai communier et prendre l’hostie, ce pain béni, donné aux fidèles lors de la célébration de la messe, pour commémorer la Cène, le dernier repas du Christ. En effet, à l’occasion de la Cène, Jésus-Christ a béni un morceau de pain et a décidé de l’offrir aux disciples en le présentant comme étant son propre corps. Depuis l’eucharistie, autre terme pour désigner la messe, est devenue une action de grâce, un témoignage de reconnaissance envers lui. L’hostie symbolise le corps du Christ, ressuscité d’entre les morts.

La première communion, c’est de recevoir pour la première fois, le corps du Christ sous forme d’hostie, consacrée par le prêtre : c’est le sacrement de l’eucharistie. Le mot eucharistie vient du grec ancien et signifie « reconnaissance, action de grâce. » C’est le repas où Jésus dit merci, rend grâce à son père parce que son amour est plus fort que le mal et la mort. La communion a pour but de créer une relation personnelle avec Jésus en nous nourrissant de sa parole et de sa propre vie.

Le dimanche, pendant les messes, j’observais les fidèles privilégiés, qui se présentaient de manière solennelle, devant l’autel, pour recevoir la communion. Cela m’intriguait. Je ressentais que cela devait être quelque chose de spécial, de très important.

Le jour de la cérémonie de ma première communion, je portais une robe blanche, d’élégants gants et de jolies chaussures de la même couleur. J’étais coiffée d’un chignon décoré de barrettes et de perles blanches. Je ressemblais à une princesse ou à une jeune mariée. Nous étions tous vêtus de blancs, filles comme garçons. Nous étions assis à l’extérieur, impatients de débuter la cérémonie. Un grand nombre de personnes assistait à l’événement : enfants, parents, marraines, parrains, familles et amis. La messe se déroulait comme à son habitude. Puis le moment tant attendu était enfin arrivé. J’étais prête. J’avançais d’un pas décidé devant le prêtre, puis je marquais un arrêt, le prêtre psalmodiait quelques mots, je le regardais me présenter l’hostie, le corps du Christ, et je répondis « Amen. » Une joie immense m’envahissait.

Après la cérémonie à l’église, nous nous retrouvions à la maison pour une célébration festive. La famille et les amis étaient présents. Je recevais de nombreux cadeaux. C’était comme avoir un deuxième anniversaire.

6

Je me réveillais un matin extrêmement fatiguée et fiévreuse. Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Il m’était difficile de faire le moindre mouvement. Ma mère, voyant mes difficultés, posa sa main sur mon front, puis prit ma température. Au vu de sa réaction, je compris qu’il ne s’agissait pas d’un simple mal de tête. Ma mère travaillait à l’hôpital, nous y sommes donc allées. Un médecin m’ausculta puis nous fit part de son diagnostic. J’avais le paludisme. C’était la première fois.

Le paludisme ou la malaria, appelé également « fièvre des marais », très répandu au Congo, est une maladie infectieuse, potentiellement mortelle, provoquée par des parasites du genre Plasmodium. Le parasite est transmis à l’homme par la piqûre de moustiques infectés. Le paludisme débute par une fièvre après l’infection, qui peut s’accompagner de maux de tête, de nausées, de frissons, de douleurs musculaires, d’un affaiblissement, de vomissements, de diarrhées, de toux et de difficultés respiratoires.

Il est courant au Congo d’avoir recours à la médecine conventionnelle et aussi traditionnelle. La médecine traditionnelle joue un rôle important dans le traitement de certaines maladies, dont le paludisme. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer : le désert médical, les frais prohibitifs empêchent certaines personnes de bénéficier de soins médicaux. Mais ce n’est pas seulement une question d’accès à ces services, c’est tout simplement culturel, cela fait partie de la culture congolaise, je dirais même africaine. La médecine traditionnelle relève d’un système de pensées qui reste essentiel dans la vie de la plupart des Africains. Les médecins formés selon l’approche occidentale mettent principalement l’accent sur les causes biomédicales des maladies, tandis que l’approche est plus holistique dans la médecine traditionnelle.

Les guérisseurs ont une connaissance approfondie des substances que l’on trouve dans les plantes et de leurs divers pouvoirs curatifs. Ils se servent de feuilles, de graines, de tiges, d’écorces ou de racines pour traiter différents symptômes. La plupart des guérisseurs traditionnels sont à la fois herboristes et devins, certains se spécialisant dans un domaine plutôt qu’un autre. Les patients bénéficient ainsi de ce que les deux mondes, conventionnel et traditionnel, ont de mieux à offrir.

Les Congolais font régulièrement appel au service d’un guérisseur et ma mère en faisait partie. Nous avions pris rendez-vous avec l’un d’entre eux puis nous sommes allées le consulter chez lui, à domicile. À première vue, le guérisseur me paraissait tout à fait normal d’apparence. Son regard avait cependant une intensité et une profondeur comme s’il voyait au-delà des apparences physiques.

Après m’avoir examinée, il prépara dans une grande bassine, un mélange à base de plantes médicinales. Une fois qu’il eut terminé, je plongeais dans la bassine et y restais quelques instants. Je sortais après quelques minutes. Après avoir échangé quelques paroles avec ma mère, nous rentrions à la maison. Je dormais paisiblement. Le lendemain matin en me réveillant, je n’avais plus de fièvre. J’étais guérie.

Un autre événement marquant se produisit et changea notre vie tranquille : la guerre civile. Cette guerre, provoquée par un différend électoral, a évolué en une guerre ethnique. Certains quartiers de Brazzaville ont été le théâtre de cette guerre en 1993-1994. Les conflits étaient localisés et se concentraient dans une partie de la capitale. Nous vivions dans l’un de ces quartiers où des affrontements avaient lieu. Le reste de la ville continuait à vivre presque normalement. Cette guerre marqua le début de la fracture dans ce pays. Les choses ne seraient plus jamais comme avant.