Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
À travers son nouvel ouvrage L'Étalon-Fiat, suite de son best-seller mondial L'Étalon-Bitcoin, Saifedean Ammous nous amène dans un périple sur l'histoire de l'argent, des monnaies d'États, du système bancaire, et leurs conséquences dans nos vies au quotidien. L'or a servi le rôle de monnaie pendant des milliers d'années, avant que le gouvernement anglais de l'époque ne bascule progressivement sur une monnaie fiat. Saifedean analyse objectivement les raisons de cette transition, mettant en évidence les défauts de l'or et les avantages des monnaies fiat. Le concept "fiat" est par la suite dupliqué à de nombreux autres domaines où l'état intervient massivement. Dans la seconde partie, l'auteur met en lumière les conséquences catastrophiques du monopole des Etats sur le pouvoir monétaire, provoquant des distorsions économiques, dans des secteurs comme l'éducation, l'alimentation, la santé, l'énergie, la science et la recherche… Enfin, Saifedean explique comment un système monétaire basé sur Bitcoin permettrait une transition vers une monnaie saine, libre des mauvaises incitations économiques provoquées par les monnaies fiat. Bitcoin vient librement concurrencer le monopole monétaire centralisé actuel. Quelles en seront les conséquences ? Assisterons-nous à une transition vers un marché libre de la monnaie ? L'Étalon-Fiat tente d'y répondre, en apportant une vision critique du système fiat actuel, à l'opposé des discours mainstream. « LA PERSPICACITÉ DE SAIFEDEAN réside dans son explication originale du fonctionnement du système fiat par analogie au fonctionnement de bitcoin. Dans ce contexte, on peut considérer la monnaie fiduciaire comme une monnaie numérique, tel un altcoin, en définissant ses qualités et caractéristiques ainsi que ses forces et faiblesses. Tandis que le cadre analytique de L'Étalon-Bitcoin était centré sur l'évaluation de la vendabilité dans le temps, et sur la façon dont cette fonction de réserve de valeur explique la monétisation de l'or et du bitcoin, dans L'Étalon-Fiat, Saifedean utilise le cadre de la vendabilité dans l'espace pour expliquer la progression des monnaies fiduciaires et comment elles ont remplacé l'or. Loin d'être une attaque ciblée contre le système fiat, L'Étalon-Fiat illustre et explique clairement les avantages qui ont rendu possible l'adoption mondiale des monnaies d'État. Ce cadre constitue également la base pour analyser la montée en puissance de bitcoin, son modèle de sécurité, et ses chances de succès à long terme. » —extrait de la préface de Ross Stevens, fondateur et président exécutif, NYDIG
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 639
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
L’esclavage par la dette comme alternative à la civilisation humaine
© Ouvrage original : Saifedean Ammous, The Fiat Standard: The debt slavery alternative to human civilization
© Traduction : Gary Sablon, Catherine Charbonneau, Henry J.K.I. Young, Edouard Gallego, Morgan Taglang, Laurent Waisman, David St-Onge, Konsensus Network.
Tous droits réservés. Cette traduction est publiée avec l’autorisation de l’auteur.
Maison d’édition: Konsensus Network, The Bitcoin Publishing House
Laissez-nous vos commentaires : [email protected], https://konsensus.network/
Page d’accueil de l’auteur: https://saifedean.com/
Conception de la couverture : Niko Laamanen
Version 1.0.0
Saifedean Ammous est un économiste de renommée mondiale et auteur de L’Étalon-Bitcoin : L’alternative décentralisée aux banques centrales, ultime best-seller parmi les livres traitant du système bitcoin, traduit en 25 langues. Il est également l’auteur du manuel à paraître Principles of Economics. Saifedean donne des cours sur l’économie bitcoin ainsi que sur l’économie classique suivant la tradition de l’école autrichienne, sur sa plateforme d’apprentissage en ligne Saifedean.com, et héberge également le podcast nommé The Bitcoin Standard Podcast. www.saifedean.com.
L’auteur dédie ce livre aux lecteurs suivants qui ont soutenu son auto-édition en précommandant des exemplaires signés. Votre soutien et votre intérêt sont la raison pour laquelle j’écris !
60e75d5207d67cef0b16cea187be29f3c97b80cec30420427187892f4f004a4c, A. Milenkovic, A.W. Steinly, Aaron Dewey Olsen, Abdullah Moai, AceRich2020, Adam Miller, @Adelgary, Afsheen Bigdeli, Ágúst Ragnar Pétursson, Akihiko Murai, Alberto Toussaint, Aleksi M., Alex Bowe, Alex Chizhik, Alex Gladstein, Alex Toussaint, Alexander Tarnok, Ali Meer, Alistair Milne, Amber D. Scott, Amelia Alvarez, Amine Rahmouni, Andrés M. Tomás, Andrew K Sloan, Andrew Masters, Andrew P Hickman, Andrew W. Cleveland III, M.D., Andrewstotle, Andy Goldstein, Andy Holmes, Angelina Franklin, Anonymous, Antoni Taczanowski, Antonio Caccese, Armand Tuzel, Arvin Sahakian, Arxnovum Investments, Askar Kazhygul, Avtarkaur Sachamahithinant, Chaivit Sachamahithinant, Sujitra Sachamahithinant, AZHODL.com, Baron Bloe, Bartosz Granowski, Basem Jassin, Ben Davenport, Benoit Fontaine, Bert de Groot, Bill Daniels, Bill Sousa, Biocycle, @BitcoinIsThePin, bitcoin-schweiz.ch GmbH, bitcoinsverige.org, BklynFrank, Braiins & Slush Pool, Brandon Nabors, Bret Leon Lusskin Jr., Brett Bondi, Brian Lockhart, Brian Bilnoski, Brian Fisher, Brian L. McMichael, Britt Kelly, Browning Hi-Power 9mm, Bryan Boot, Bryan Hennecken, Bryan S. Wilson D.O., C&H, C4R3Bear, Carlos Octavio Chida Suárez, Cedric Youngelman, Chad Welch, Chafic Chahine, Charles Ruizhongtai Qi, Chiefmonkey, Chris Rye, Chris Vallé, Christian Cora, Christof Mathys, Christophe Masiero, Christopher Chang, Christopher S. Widger, CJ Wilson, Central Valley Bitcoiners, Clancy and Joe Rodgers, Clayton Maguire, Colin Heyes, Conscious Money Creators, Craig McGarrah III, Craig S Smith, D. Akira Ulmer, Dan Carman, Dan J, Dan Skeen, Daniel Carson, Daniel G. Ostermayer, Daniel Marulanda, Daniel Oon, Darin Feinstein, Darin Wilmert, Dave Burns, David Adriani, David B. Heller, David Barry, David Bryson, David Carre, David and Shauna Jeffries, David Love, David McFadzean, David Strimaitis, Decrypted LLC, Dennis Eibel, Dennis Kohler, Derek Sheeler, Derek Waltchack, Dick Trickle, Dicka, Dmitriy Molla, Doug Devine, Doug Hemingway, Michael Milmeister & the Stormrake team @stormrake.com, Dr. And Mrs. Douglas M. Moeckel, Dr. Paul Essey, Dustin Dettmer, Dylan Hedges, Dylan Wettasinghe, Ed Becker, Edgar R Tapia Gonzalez, ElCapitan, Eliah van Dijk and Anais van Dijk, Elias Andalaft—co-founder Webempresario.com, Elio S. Fattorini, Emmanuel Azih Jr., Eric Dosal, Érick Zazueta Ávila, Eugen Zimbelmann, Evangeline and Jacob, Fabian, Fabian Bürger, Fadi Mantash, Felix L., Filip Karađorđević and Danica Karađorđević, Filipe Neves, Frank Acklin, Frank T. Young, Frederick D’Mello, G Charles Harrison, Gabe C., Gabriele “gurgamezcla” Gussoni, Gaël Giusti, Gareth Hayes, Gary Lau, @gauchoeddy, Gerard N, Gerd Lüdtke, Gert Kleemann, Gina Jaramillo, Giuseppe Bueti, Glenn T., Gordon S Greer, Greg and Joy Morin, Gregory Zajaczkowski, Hadi, Harvinder Singh Sawhney, Hashim Elmegreisi, Hendel Bouchelaghem, Henry Gonzalez, Herman Vissia, Housam Majid Jarrar, Hugh Fowler, Hunter Hastings, Imre Michalsky, Isabella V. Fernando, Isaias De Leon, Isandi, J Dixon, J Flow, J. Kevin Coffin, J. Woods, J.M.B., Jack Heitger, Jacob Boyer, Jacob Cherian, Jakob Kucharczyk, James DelGuercio, James Harris, James Ian Thompson, James Machado, James McCoy, James Sutherland, James Swinhoe, James Viggiano, Jan W.F. van Dort—Master in digital currencies, Janajri Family, Coinbits Team, Jarod M. Bona, Jasper de Trafford, Javier Gil, Jay Chin, Jeff and Beth Ross, Jeff Aurand, Jeff Bennett, Jeff Packard, Jeff Smith, Jeffrey S. Van Harte, Jeffrey Poppenhagen, Jeffrey Williams of ILA Local 1654., Jeremiah Albright, Jeremiah James, Jeremy Cooper and #TeamCooperOhana, Jeremy Showalter, Jerrold Randall, Jerry Aguirre, Jez San, Jimmy Weaver, @JMFM_89, Joachim B., Joe Rubio, Johan M. Bergman, John Brier, John Brown, John Connor, John Dixon, John Jolly, John Mcmillan, John Silvestro, Johnathan Ly, MD, Johnny, Johnny Walsh, Jon Tan Ling Peng, Jonas Konstandin, Jordan Friedman, Joris Kemperman, Joseph Anthony Debono, Joshua D A Vincent, Justin Won-Jun Kim, @k9ert, Kami Niles, Kapitein Geweldig, Kenny G, Kenny Mayerhofer, Kenton Ralph Toews, Kevin McKernan, Kevin Sang, Kevin Wesley Avent, Kim van Nie, Kota Kojima, Kristian Kolding, Kristian Wiborg, Kyle and Rachel Ford, Lapo Pietro, Roberto Masiero, Laura Ann Feathers, Leeron Galimidi, Lennart Zahn, Leon Lawrence Stubbs, Les DeFelice, Lexbury, Liam Birch, Lincoln Liu, Lisa Cheng, Lloyedkoh, Loay Malahmeh, Locky McWilliam, Louferlou, Louis B, Lowina Blackman, Luis C. Alonso, Luis Rivera, Lynley Pillay, Maciej Kazimieruk, Manu Beuselinck, Marco Bühler, Marco Giangiulio, Marco Mouta, Marius Reeder, Mark Ioli, Mark Moss, Mark Mulvey, Mark Rodney Gardner, Mark Simonson, Mark W Roen, Markus Lindgren, Marquie Mosley, Marquita Robinson-Garcia and DVINITI Skin Care, Marshall Long, Martin Brochhaus, Martin Roberto Richmond CFA, Mathew O’Keefe, Matija Grlj, Matt “yabapmatt” Rosen, Matt Maiuri, Matt Moran, Matt Sellitto, Maurice and Jeanne Schutte, Max, Max Guimaraes, Maxon LaForge, Mazhar Memon, Michael Atwood, Michael Baker, Michael Byrne, Michael Fink, Michael Goldstein, Michael Harris, Michael Jonsson, Michal Duska and Roman Filipoiu, Milan Radojicic, Mina Eklad, Mischa Zed, Mitchel Edwards, Mitchell Kennedy, Mohammad Nauman, Money Phlow pty ltd, Mr. W. B., Nader S Dahdaleh, Nadir Seha Islam, Sibel Karakurum, Nazir Cihangir Islam, Nathan Mahaffey, Nathan Olmstead, Neal Nagely, Nicholas Sheahan and Martina Marcinska, Nick Karadza, Nick Ligerakis, Nicolás Ahumada, Nicolas Cage, Niko Laamanen, Noor Elhuda El Bawab, Olly Stedall @saltedlolly, Omar Ruiz Geronimo, Omar Sabek, Omran Kaskar, Paige Webley, Pan Dermatis, panaccoman, @panicbuyingbtc, Panties for Bitcoin, Pantiesforbitcoin.com, Paolo Illing, Pattaravut Maleehuan, Paul I. Sung, Paul John Gaston, Paul Rylands, Paul Trentham, Pedro Brannum, Pei- Hsun Kao, Per Treborg, Perry Hester, Pete Cochran, Peter & Carren Egyed, Peter Francis Fenwick, Petr Žalud, Philip Guncill, Phillip Byrne, Pierre Alessandro Gmeiner, Pieter N., Pieter Voogt, PtAd, pij, pijankengur, Piotr Krzak, Piriya Sambandaraksa, Raj Shreyas Padliya, Rajan Sohal, Rasmus Berg, Rauderce O., Rami Korhonen, Raven de la Cruz, Ravi Sohal, Red Pill Songs, Reina Bitcoin, Richard and Gigi, Richard Wiig, Richard Yu, Rick Pauw, Rickie Chang, Rijk Plasman, Rits Plasman, Rob (SATJ) Clark, Robert Alan Koonce, Robert B. Ferraro, Robert Del Riego, Robert Mearns, Robert Schulman, Roberto Costa Ramalhete, Roberto De Leon, Robin Thirtle, Rodolfo Novak (NVK), Rodrigo Gualberto, Roman Engelbrecht, Roman Filipoiu, Rory Orr, Rosa Jara, Rosie Featherby, Ruben Waterman, Ruslan Kuvaev, Russ, Rustin Watt, Ryan Anthony Williams, Ryan Blair, Ryan C Wilhoit, Ryan Cole, Ryan Jordan, Ryan Niles, Ryan Rinaldo, Ryan W. Slot, Sachin & Manavi Sharma, Samuel Claussen, Samuel Rufinatscha, San Family, Sanjay Srivatsa, Satoshi’s Domains, Scott C. Morgan @BtcVires, Scott S. Manhart, DDS, MS, Scott Schneider, Seb Walker, Sebastian Liu, SensibleYapper, Sergio Ruocco, Shakti Chauhan, Shao-Hsuan Kao, Shaun Thomson, Sheldon Friesen, Shire HODL, Shone Anstey at LQwD Fintech, Shone Sadler, Siim Männart, Simon Ree, Simona Macellari, Stacy, Stefano D’Amiano, Stephan Livera, Stephen Cole, Stephen Saunders, Steve and Paige Crozier, Subhan Tariq Esq., Tammy Fuller, Tarek, Tariq Al Muhtassib, Tarun K Chattoraj, The Goodspeed Family, The Stormrake team @stormrake.com, The Yingling Family, Thomas Hartland Mackie, Thomas Jaeger, Thomas Jenichen, Thomas Shelton, Tim Y., Tinoosh Zand, Timo Oinonen, M.D., Tipton Cole, Tom G., Tom Karadza, Torstein Habbestad, Tyler W. Thornton, U.C.J., Esq., Mrs. Vicky Essey, Victor Goico, Vijay Boyapati, Vince Oscar Benitez, Vincent en Daan, Vinicius Kenji Hashimoto, Wallet of Satoshi, Wayne Keith (@SatoshiPrime_io), Wesley Brockman, William J. Blehm, William Johnston, wiz, Yorba, Zac Woods, Zach Herbert, Zachary Hollinshead, Zafer Özkavlak, Zane Pocock, Zsurka Zoltán András.
Fondateur et Président Exécutif, NYDIG
Immédiatement après sa publication, L’Étalon-Bitcoin de Saifedean Ammous est devenu un classique – lecture obligatoire pour toute personne cherchant sérieusement à comprendre l’importance et la puissance de bitcoin. En amenant d’abord le lecteur dans un voyage captivant à travers l’histoire de la monnaie, L’Étalon-Bitcoin énonce ensuite de manière détaillée les principes fondamentaux et les avantages comparatifs de bitcoin. Parmi la littérature actuelle sur le sujet, L’Étalon-Bitcoin trône au sommet d’une liste correspondant à ce fameux mantra de la communauté bitcoin « si vous ne lisez qu’un seul livre sur bitcoin, lisez ce livre ».
Près de quatre ans plus tard, L’Étalon-Bitcoin reste toujours aussi pertinent. Bitcoin s’impose progressivement dans le quotidien de plus de cent millions de personnes à travers le monde aujourd’hui, confirmant la validité des idées de Saifedean. Bitcoin, contrairement au système fiat, est adopté et utilisé volontairement par ses utilisateurs. Il convient de remarquer que, malgré la courte existence de bitcoin, celui-ci soit devenu une institution monétaire mondiale, fournissant un moyen non étatique et non bancaire de stockage de richesse, ainsi qu’un instrument transactionnel apolitique et neutre. Les chiffres globaux de l’adoption de bitcoin sont impressionnants, mais le taux d’adoption par habitant raconte une histoire encore plus intéressante. La plus grande adoption du bitcoin par habitant se situe en Afrique subsaharienne, en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Asie du Sud-Est. Il n’est pas surprenant de voir que les citoyens de ces régions soient parmi ses premiers et plus fervents utilisateurs. En effet, ces derniers sont sujets à de fréquents épisodes inflationnistes soutenus ou à des contrôles de capitaux restrictifs. Le taux d’adoption par habitant est plus élevé dans ces pays, bitcoin s’imposant naturellement comme une alternative aux échecs de leurs institutions nationales. Il permet ainsi de pallier aux faiblesses de certains gouvernements quant au respect du droit de propriété et de la liberté monétaire des individus.
Bitcoin est un véritable modèle de marché libre de la monnaie, où l’émission monétaire est prédéterminée, limitée et connue de tous. De cette manière, une élite privilégiée ne peut émerger via un accès exclusif à la planche à billets. Le minage de nouveaux bitcoins via le mécanisme de preuve de travail oblige les mineurs à allouer des ressources physiques à cette activité (de l’électricité ainsi que du matériel informatique). De cette manière, les mineurs de bitcoins doivent impérativement supporter un coût réel afin d’obtenir le privilège de « battre monnaie ».
Saifedean décrit brillamment ces problématiques dans L’Étalon-Fiat. Sa perspicacité lui permet de fournir une explication originale du fonctionnement du système fiat par analogie au fonctionnement de bitcoin. Dans ce contexte, on peut considérer la monnaie fiat comme une monnaie numérique, tel un altcoin, en définissant ses qualités et caractéristiques ainsi que ses forces et faiblesses. Par analogie, Saifedean décrit la création monétaire par le crédit comme étant l’équivalent du minage de bitcoins, et les institutions bancaires comme mineurs de monnaie fiat. Tout comme les mineurs de bitcoins, les mineurs de monnaie fiat sont incités à maximiser l’émission de nouvelles unités monétaires pour en acquérir autant que possible. Cependant, contrairement aux mineurs de bitcoins, les mineurs de monnaie fiat ne sont pas limités par le mécanisme d’ajustement de la difficulté de bitcoin. Ainsi, la création monétaire fiat n’a aucun mécanisme de contrôle des émissions, ce qui explique l’explosion croissante de la masse monétaire de chaque monnaie fiduciaire, pays après pays, décennie après décennie. Saifedean démontre en outre que les effondrements du système fiat que l’on peut observer ne représentent, tout comme des ponts mal conçus, rien de plus que le résultat inévitable et inexorable de mauvaises pratiques d’ingénierie ainsi que de défauts de conception.
Loin d’être une attaque ciblée contre le système fiat, L’Étalon-Fiat illustre et explique clairement les avantages qui ont rendu possible l’adoption mondiale des monnaies fiduciaires. Tandis que le cadre analytique de L’Étalon-Bitcoin était centré sur l’évaluation de la vendabilité dans le temps, et sur la façon dont cette fonction de réserve de valeur explique la monétisation de l’or et du bitcoin, dans L’Étalon-Fiat, Saifedean utilise le cadre de la vendabilité dans l’espace pour expliquer la progression des monnaies d’État et comment elles ont remplacé l’or. Ce cadre constitue également la base pour analyser la montée en puissance de bitcoin, son modèle de sécurité, et ses chances de succès à long terme.
En tirant parti du langage « jetons fiat » de Saifedean, nous comprenons avec plus de clarté pourquoi les banques centrales et commerciales modernes provoquent, au lieu de résoudre, de graves récessions économiques. En cédant à la clameur populiste pour une distribution d’argent magique toujours plus conséquente et sans contreparties, la création monétaire fiat détruit le mécanisme de régulation du marché, ayant pour rôle l’allocation efficace du capital. En effet, une création monétaire incontrôlée fausse complètement tous les prix. En 2020, et en l’absence de limites quant à l’émission de jetons fiat, les défauts souverains n’ont jamais été aussi élevés depuis plus de vingt ans, et les ratios d’endettements des États (par rapport à leur PIB) ont atteint un niveau sans précédent. Après avoir établi les défauts de conception inhérents aux systèmes monétaires fiat, Saifedean énonce ensuite les conséquences et les implications de ces défauts dans divers domaines de notre vie quotidienne : l’architecture, la famille, la nourriture, la science, l’énergie, etc. Cette section controversée laissera certains lecteurs en colère, fortement en désaccord, voire pire. Cependant, de nombreux lecteurs à l’esprit ouvert émergeront avec une grande quantité de questions et de remarques stimulantes concernant la nocivité des monnaies fiduciaires. Le cadre analytique que nous propose Saifedean représente une contribution importante et originale à la discussion sur les raisons pour lesquelles un système monétaire gouverné par des dirigeants conduit à de vastes inégalités, à des déséquilibres et à des conséquences imprévues.
Je ne gâcherai aucune surprise ici. Cependant, en guise d’aperçu de ce qui va arriver, rappelez-vous que si bitcoin nécessite son processus de preuve de travail suffisamment coûteux afin de créer de nouveaux jetons, le processus de minage de monnaie fiat efface le concept de coût d’opportunité dans la création de ses jetons. Ce contraste explique l’attachement désespéré au pouvoir des créateurs de jetons fiat – et donc le manque total de surprise quand on découvre que ce groupe est celui qui se sent le plus menacé par le bitcoin. Ne voyant aucun coût d’opportunité dans la création de jetons fiat en toute insouciance, de nombreux mineurs de monnaie fiat agissent comme s’ils obtenaient quelque chose en échange de rien. Considérez les vastes implications sociétales de cette perception erronée de la réalité.
Saifedean termine sur une note d’optimisme mêlée de praticité en explorant les façons dont les monnaies fiduciaires et le bitcoin peuvent coexister, ainsi qu’un scénario où le bitcoin pourrait potentiellement permettre une réduction graduelle de la dette. L’accélération de l’adoption du bitcoin associée au déclin continu des monnaies d’État pourrait offrir à l’humanité une transition graduelle vers une monnaie saine. Ainsi, l’avènement de bitcoin n’a nul besoin de provoquer un effondrement catastrophique du système fiat, et il est aussi tout à fait possible de considérer le bitcoin comme une forme d’assurance patrimoniale (libellée en monnaie fiat). Cela implique une allocation en bitcoin non nulle dans le patrimoine de tout individu.
Bitcoin peut également être considéré comme une forme d’assurance-vie, non pas dans le sens traditionnel du terme, mais plutôt comme un moyen financier de souveraineté individuelle, de liberté et de dignité. Dans un monde rempli d’inégalités, d’injustice, d’institutionnalisation de l’aléa moral et de l’intervention croissante de l’État dans notre quotidien, le respect incorruptible de bitcoin envers l’équité, la justice, la vérité et la beauté représentent un phare pour tous les optimistes qui recherchent l’épanouissement personnel et la paix.
Il est encore temps, pour chaque citoyen du monde, de faire un choix. Vous pouvez rester sur l’étalon-fiat, système dans lequel certaines personnes peuvent produire gratuitement un nombre illimité de nouvelles unités de monnaie, mais probablement pas vous. Sinon, vous pouvez opter pour l’étalon-bitcoin, système dans lequel personne ne peut créer d’argent magique, y compris vous. Deux options s’offrent à vous, un système monétaire régi par des règles et un autre par des dirigeants ; nous devons être reconnaissants de l’opportunité et de la responsabilité personnelle de faire ce choix.
Cette année marque le cinquantième anniversaire de la décision du gouvernement américain de supprimer la convertibilité du dollar en or, confirmant ainsi le passage vers un système monétaire fiat1. La grande majorité des personnes en vie aujourd’hui n’ont jamais utilisé autre chose que de la monnaie fiduciaire. Il ne s’agit pas d’un hasard inexplicable, et les économistes devraient être en mesure de démontrer comment ce système fonctionne et survit, malgré ses nombreux défauts évidents. La longévité de la monnaie fiat implique qu’il n’est pas raisonnable de continuer à la considérer comme une fraude irrémédiable, au bord de l’effondrement, comme l’ont fait nombre de ses détracteurs pendant des décennies. Après tout, il existe de nombreux marchés dans le monde qui sont massivement faussés par les interventions gouvernementales, mais qui continuent néanmoins à survivre. Ce n’est pas faire l’apologie de ces interventions que de tenter d’expliquer comment elles persistent.
Dans son livre de 1929, The Thing, G. K. Chesterton raconte l’histoire d’un homme qui trouve une clôture qui semble ne servir à rien et décide de l’enlever. Un autre homme réplique : « Si vous n’en voyez pas l’utilité, je ne vous laisserai certainement pas l’enlever. Partez et réfléchissez. Ensuite, lorsque vous reviendrez en me disant que vous en voyez l’utilité, je vous autoriserai peut-être à la détruire. »2 Cinquante ans après avoir pris sa forme définitive, et plus d’un siècle après sa genèse, avec un nouveau concurrent qui menace potentiellement de le supprimer, une évaluation des caractéristiques du système fiat est désormais possible et nécessaire.
Bien que les monnaies d’État n’aient pas gagné leur statut par une adoption libre sur le marché, et bien que leurs défauts et leurs limites soient nombreux, on ne peut nier que ce système ait fonctionné pendant une grande partie du siècle dernier, et a facilité d’innombrables transactions et échanges dans le monde entier. Son fonctionnement continu rend sa compréhension utile, d’autant plus que nous vivons toujours dans un monde qui fonctionne sur un étalon-fiat. Ce n’est pas parce que vous en avez fini avec la monnaie fiduciaire qu’elle en a fini avec vous ! Comprendre le fonctionnement de l’étalon-fiat ainsi que ses imperfections intrinsèques sont des connaissances essentielles pour chaque individu.
Il n’est pas non plus approprié de juger le système fiat sur la base des arguments commerciaux mis en avant par ses promoteurs et bénéficiaires au sein de milieux académiques financés par ce système et de la presse grand public. Si le système monétaire mondial a jusqu’à présent évité l’effondrement complet que ses détracteurs lui ont prédit, cela ne justifie pas la publicité qu’en font ses fervents promoteurs qui le présentent comme un système gratuit, sans coût d’opportunité3 ni conséquences. Plus de soixante épisodes d’hyperinflation ont eu lieu dans des pays utilisant le système fiat au cours du siècle dernier4. De plus, le simple fait que le système mondial de monnaie fiduciaire ait tenu jusqu’à présent sans s’effondrer lamentablement ne suffit guère à le présenter comme un développement positif technologique, économique et social.
Entre la propagande incessante de ses partisans et les dénonciations de ses détracteurs, ce livre tente d’offrir quelque chose de nouveau : une exploration du système monétaire fiat en tant que technologie, d’un point de vue technique et fonctionnel, en soulignant ses objectifs et ses défauts, et en déduisant les implications économiques, politiques et sociales dérivant de son utilisation. L’adoption de cette approche pour la rédaction de The Bitcoin Standard (ou L’Étalon-Bitcoin) a contribué à en faire le livre le plus vendu sur bitcoin à ce jour, aidant des centaines de milliers de lecteurs dans plus de 25 langues à comprendre la signification et les implications de bitcoin.
De manière contre-intuitive, je pense qu’en comprenant d’abord le fonctionnement de bitcoin, vous pourrez ensuite mieux comprendre les opérations équivalentes dans le système fiat. Il est plus simple d’expliquer le fonctionnement d’un boulier à l’utilisateur d’un ordinateur que l’inverse. Une technologie plus avancée remplit ses fonctions de manière plus productive et plus efficace, ce qui permet d’exposer clairement les mécanismes de la technologie plus simple, qui lui est antérieure, et d’en révéler les faiblesses. Mon objectif est d’expliquer le fonctionnement et la structure technique du système monétaire fiat et la façon dont il fonctionne réellement, loin du discours romancé qu’en font les gouvernements et les banques qui ont bénéficié de ce système pendant plus d’un siècle.
Les sept premiers chapitres de L’Étalon-Bitcoin expliquent l’histoire et la fonction de la monnaie, ainsi que son importance dans l’ordre économique. Une fois ces bases posées, les trois derniers chapitres présentent bitcoin, expliquent son fonctionnement et précisent sa relation par rapport aux questions économiques abordées dans les chapitres précédents. Ma motivation en tant qu’auteur était de permettre aux lecteurs de comprendre le fonctionnement de bitcoin et sa signification monétaire sans qu’ils aient besoin d’avoir de connaissances préalables en économie ou en monnaies digitales. Si bitcoin n’avait pas été inventé, les sept premiers chapitres de L’Étalon-Bitcoin auraient pu servir d’introduction pour expliquer le fonctionnement du système monétaire fiat. Ce livre reprend là où le chapitre 7 de L’Étalon-Bitcoin s’est arrêté. Les premiers chapitres de ce livre sont calqués sur les trois derniers chapitres de L’Étalon-Bitcoin, mais appliqués à la monnaie fiduciaire.
Comment le système monétaire fiat fonctionne-t-il réellement, au sens opérationnel ? Le succès de bitcoin en tant que système monétaire opérant librement sur le marché, de manière autonome, permet d’élucider les propriétés et les fonctions nécessaires au fonctionnement d’un système monétaire. Bitcoin a été conçu par un ingénieur informatique qui a créé un système monétaire en se concentrant sur ses aspects essentiels. Ces choix ont ensuite été validés par un marché libre de millions de personnes à travers le monde, qui utilisent ce système et lui confient actuellement plus de 800 milliards de dollars de leur patrimoine. Le système monétaire fiat, en revanche, n’a jamais été mis sur un marché libre pour que ses utilisateurs puissent émettre le seul jugement qui compte à son sujet. Les crises systémiques et fréquentes du système monétaire fiat sont sans doute le véritable jugement qui émerge du marché. Bitcoin nous montre comment un système monétaire avancé peut fonctionner de manière totalement indépendante du contrôle gouvernemental, et nous permet d’identifier clairement les propriétés requises pour qu’un système monétaire puisse fonctionner sur un marché libre. Il nous permet également de mieux comprendre les modes de fonctionnement de la monnaie fiat, et pourquoi ce système tend à se révéler instable si fréquemment.
Pour commencer, il est important de comprendre que le système fiat n’a pas été conçu soigneusement, consciemment ou délibérément, contrairement à bitcoin ; il a plutôt évolué par le biais d’un processus complexe de compromis entre contraintes politiques et gestion des défauts de remboursement. Le chapitre suivant illustre cela en examinant des documents historiques récemment publiés sur la manière dont l’étalon-fiat est né et comment il a remplacé l’étalon-or, en commençant par l’Angleterre au début du XXe siècle et en achevant la transition en 1971 outre-Atlantique. Cependant, il ne s’agit pas d’un livre d’histoire, et il ne s’agit pas ici de faire un compte-rendu historique complet du développement de la monnaie au cours du siècle dernier, de la même manière que L’Étalon-Bitcoin ne s’est pas plongé trop profondément dans l’étude du développement historique du protocole bitcoin. La première partie du livre se concentrera sur le fonctionnement de l’étalon-fiat, en faisant l’analogie avec le fonctionnement du réseau bitcoin, dans ce que l’on pourrait appeler une étude comparative de deux systèmes économiques et monétaires différents.
Le chapitre 3 analyse la technologie sous-jacente à la monnaie fiduciaire. Contrairement à ce que son nom suggère, la monnaie fiat moderne n’est pas créée de toutes pièces par un gouvernement. Le gouvernement ne se contente pas d’imprimer de la monnaie et de la distribuer à la société, qui l’accepte comme monnaie. La monnaie d’État moderne est beaucoup plus sophistiquée et alambiquée dans son fonctionnement. Sa caractéristique technique fondamentale est de traiter les promesses futures d’argent comme si elles étaient aussi sûres que l’argent actuel, car le gouvernement garantit ces promesses. Alors qu’un tel arrangement ne survivrait pas sur le marché libre, la coercition du gouvernement peut le maintenir pendant très longtemps.
Le chapitre 4 examine comment se passe la création de nouvelles unités de « jetons5» fiat, c’est-à-dire de monnaie d’État, utilisant un système désuet et désordonné. La monnaie fiduciaire étant du crédit, la création de crédit dans une monnaie fiat entraîne la création de nouvelle monnaie, ce qui signifie que le crédit est à la monnaie fiduciaire ce que le minage6 est au bitcoin. Les mineurs de monnaie fiduciaire sont les institutions financières capables de générer des dettes en monnaie d’État avec des garanties du gouvernement et/ou des banques centrales. Contrairement à l’ajustement de la difficulté de bitcoin, la monnaie fiat ne dispose d’aucun mécanisme de contrôle de l’émission. Au contraire, étant basée sur de la dette, elle provoque des cycles constants d’expansion et de contraction de la masse monétaire avec, à terme, des conséquences dévastatrices.
Le chapitre 5 analyse ensuite la balance des comptes sur le réseau fiat et montre que ce système monétaire présente la caractéristique unique que de nombreux utilisateurs, sinon la plupart, ont des soldes de comptes négatifs. L’énorme incitation à disposer de fiat facilement en émettant de la dette signifie que les particuliers, les entreprises et les gouvernements sont tous fortement incités à s’endetter. La monétisation et l’universalisation de la dette constituent également une guerre contre l’épargne, que les gouvernements ont menée furtivement et avec succès contre leurs citoyens au cours du siècle dernier.
Sur la base de cette analyse, le chapitre 6 conclut la première section du livre en discutant des utilisations de la monnaie fiduciaire et des problèmes qu’elle résout. Il y a deux utilisations évidentes de la monnaie fiat. La première est qu’elle permet aux gouvernements de se financer facilement. La seconde est qu’elle donne l’opportunité aux banques d’essayer de gérer l’appariement de monnaies dont les maturités sont différentes et de pratiquer un système bancaire de réserves fractionnaires, tout en se prémunissant en grande partie du risque de faillite. Mais il existe une troisième utilisation de la monnaie d’État, celle qui a été la plus importante à sa survie : sa vendabilité7 dans l’espace.
D’emblée, je vais faire une confession au lecteur. En analysant le système monétaire fiat en termes d’ingénierie et en essayant de comprendre le problème qu’il résout, j’ai pu apprécier son utilité et évaluer moins sévèrement les motifs et les circonstances qui ont conduit à son émergence. La compréhension du problème que le système fiat essayait de résoudre me font paraître le passage de l’étalon-or à l’étalon-fiat moins farfelu et insensé que lorsque j’écrivais L’Étalon-Bitcoin, en tant que partisan d’une monnaie dure8, qui ne voyait rien de bon ou de raisonnable dans le passage à une monnaie plus facile.
Le cadre analytique de L’Étalon-Bitcoin était construit autour du concept de vendabilité dans le temps, de la faculté de l’argent à conserver sa valeur dans le futur, et de leurs conséquences sur la société. Vu sous ce prisme, l’étalon-fiat pouvait apparaître initialement comme une conspiration, une tentative délibérée de nuire à la civilisation humaine. Mais l’écriture de ce livre, et la réflexion approfondie sur la réalité opérationnelle de la monnaie fiduciaire, a mis en évidence sa propriété de vendabilité dans l’espace et, ce faisant, a permis d’éclaircir les raisons de l’émergence de ce système. Malgré tous ses défauts, on ne peut échapper à la conclusion que la monnaie fiat était effectivement une solution à un problème réel et majeur de l’étalon-or, à savoir sa faible vendabilité dans l’espace.
La possibilité de transférer de la valeur géographiquement a rendu tolérable la vendabilité dans le temps limitée de la monnaie fiduciaire. Plus important encore, la monnaie fiat a donné aux gouvernements du monde entier une énorme marge de manœuvre pour soudoyer leurs citoyens actuels aux dépens de leurs futurs concitoyens grâce à ce système d’argent facile. La monnaie d’État était pratique pour les utilisateurs, mais encore plus pour les autorités étatiques qui contrôlaient les seuls nœuds9 complets du système. En faisant le bilan d’un siècle entier de fonctionnement de ce système monétaire, une évaluation sobre et nuancée permet d’apprécier l’importance de cette solution pour faciliter le commerce mondial, tout en comprenant comment elle a permis l’inflation qui a profité aux gouvernements au détriment de leurs citoyens, présents et futurs. L’étalon-fiat a véritablement été un grand pas en avant pour sa vendabilité dans l’espace, mais un énorme bond en arrière sur sa capacité à maintenir sa valeur dans le temps.
Après avoir exposé les mécanismes de fonctionnement de la monnaie fiduciaire dans la première section, la deuxième section de l’ouvrage, la vie fiat, se penche sur les implications économiques, sociales et politiques d’une société utilisant une forme de monnaie dont la vendabilité dans le temps est incertaine, voire faible. La monnaie fiat repose plus sur l’allégeance politique et a tendance à dissocier les récompenses économiques de la productivité réelle. Cette tentative de suppression du coût d’opportunité va à l’encontre de l’ordre naturel du monde, dans lequel les êtres humains ainsi que tous les autres animaux doivent faire face à la rareté de leurs ressources chaque jour. La nature ne récompense les humains que lorsque leur labeur est couronné de succès, et de même, les marchés ne récompensent les humains que lorsqu’ils sont capables de produire quelque chose que d’autres apprécient subjectivement. Après un siècle d’attribution de la valeur économique dictée sous la menace du pouvoir en place, ces réalités indiscutables de la vie sont inconnues ou niées par d’immenses pans de la population mondiale qui attendent de leur gouvernement qu’il assure leur salut et leur subsistance.
La suspension du fonctionnement normal de la rareté par le diktat gouvernemental a des implications énormes sur la préférence temporelle10 et la prise de décision de chaque individu, avec des conséquences importantes sur de nombreux aspects de la vie. Dans la deuxième partie du livre, nous explorons les impacts de la monnaie fiduciaire sur la famille, l’alimentation, l’éducation, la science, la santé, l’énergie, la gouvernance internationale, et la géopolitique. Cette section se concentre sur l’analyse des implications de deux mécanismes économiques provoqués par la monnaie fiat : l’utilisation de la dette comme monnaie et la capacité du gouvernement à émettre cette dette sans frais. La partie II se termine par une analyse coûts-bénéfices du système monétaire fiat.
Bien que le titre de l’ouvrage fasse référence à la monnaie d’État, il s’agit en réalité d’un livre sur bitcoin, et les deux premières sections constituent la base analytique de la troisième partie de l’ouvrage, qui se concentre sur la question majeure que L’Étalon-Bitcoin laisse au lecteur : quelle sera la relation entre la monnaie fiat et le bitcoin dans les années à venir ? Le chapitre 13 examine les propriétés spécifiques de bitcoin, qui en font une potentielle solution aux problèmes de la monnaie fiduciaire.
Alors que L’Étalon-Bitcoin se concentrait sur la vendabilité dans le temps du bitcoin, L’Étalon-fiat examine comment la vendabilité dans l’espace du bitcoin en fait une menace plus sérieuse pour la monnaie fiat que l’or, ou que les autres monnaies physiques à faible vendabilité dans l’espace. Bitcoin est un actif robuste, avec une forte vendabilité dans l’espace, et est monétisable directement, non pas comme l’étalon-or où des créances étaient monétisées sur cet actif. Dans son expression la plus simple, bitcoin augmente la capacité de l’humanité à effectuer des paiements internationaux – peu importe la distance – d’environ 500 000 transactions par jour, et effectue ces règlements en quelques heures. Il s’agit d’une amélioration considérable, comparé à l’or, rendant le marché des règlements internationaux beaucoup plus ouvert et libre, donc bien plus difficile à monopoliser. Cela nous aide également à comprendre que la proposition de valeur du bitcoin ne consiste pas seulement à être plus rare que l’or, mais aussi à être beaucoup plus transportable. Bitcoin allie efficacement la vendabilité dans le temps de l’or et la vendabilité dans l’espace de la monnaie fiat, tout en étant libre d’accès, immuable et apolitique.
Étant un actif en quantité limitée, le bitcoin est également sans dette, et la création de nouvelles unités de bitcoin n’implique pas la création de dettes en contrepartie. En permettant de régler définitivement les transactions toutes les dix minutes, le bitcoin rend également très difficile l’utilisation du crédit en tant que monnaie. À chaque nouveau bloc11, la propriété de tous les bitcoins est confirmée par des dizaines de milliers de nœuds dans le monde entier. Il ne peut y avoir aucune autorité supérieure capable d’interférer dans le fonctionnement ou la création de bitcoins. Les institutions financières qui fonctionnent avec un système de réserves fractionnaires dans une économie basée sur le bitcoin seront toujours sous la menace d’une panique bancaire, car il n’existe pas d’institution capable de produire des bitcoins à un prix nettement inférieur à celui du marché, comme les gouvernements peuvent le faire avec leur monnaie fiat.
Le chapitre 14 aborde en détail le passage à l’échelle du bitcoin et affirme que cela passera probablement par le biais de solutions de couche secondaire12, qui seront optimisées pour traiter de grands volumes de transactions à faible coût et qui devront prendre en compte les arbitrages entre sécurité du réseau et liquidité sur celui-ci. Le chapitre 15 s’appuie sur cette analyse pour imaginer ce à quoi ressemblerait le système bancaire sous un étalon-bitcoin, tandis que le chapitre 16 traite de la consommation énergétique de bitcoin et de son implication sur la sécurité du réseau, ainsi que son impact sur le marché de l’énergie au niveau mondial. Le chapitre 17 est dédié à une analyse des bénéfices du passage d’un étalon-fiat vers un étalon-bitcoin.
Sur cette base, le livre peut aborder la question suivante : comment le bitcoin peut-il s’imposer dans le monde de la monnaie fiat, et quelles sont les implications de la coexistence de ces deux étalons monétaires ? Les différentes menaces qui pèsent sur le système bitcoin seront évaluées d’un point de vue économique, et les incitations économiques nécessaires à la survie de bitcoin seront présentées. L’essor du bitcoin nécessitera-t-il un effondrement hyperinflationniste de la monnaie fiat ? Ou le changement s’apparentera-t-il plutôt à une mise à jour informatique bien ordonnée du système ? Comment le marché du crédit et l’avènement des monnaies numériques de banque centrale affecteront-ils cette relation ?
Le 6 août 1915, le gouvernement de Sa Majesté émis cet appel :
Compte tenu de l’importance de renforcer les réserves d’or du pays à des fins de change, le Trésor a donné instruction aux Postes et à tous les services publics chargés d’effectuer des paiements en espèces d’utiliser, dans la mesure du possible, des billets au lieu de pièces d’or. Le public en général est instamment prié, dans l’intérêt national, de coopérer avec le Trésor dans cette politique en (1) payant en or à la Poste et aux banques ; (2) demandant le paiement des chèques en billets plutôt qu’en or ; (3) utilisant les billets plutôt que l’or pour le paiement des salaires et des débours en espèces en général.
— Osborne, John13.
Avec cette annonce obscure et largement oubliée, la Banque d’Angleterre a en effet amorcé l’abandon de l’étalon-or comme système monétaire mondial, dans lequel toutes les obligations des gouvernements et des banques étaient remboursables en or physique. À l’époque, les pièces et les lingots d’or étaient encore largement utilisés dans le monde, mais leur utilité était limitée pour le commerce international, ce qui nécessitait le recours à des mécanismes de compensation entre banques internationales. Parmi toutes les banques de l’époque, le réseau de la Banque d’Angleterre s’étendait sur toute la planète et sa livre sterling avait, depuis des siècles, acquis la réputation d’être aussi bonne que l’or.
Remplaçant la stabilité et la fiabilité que procure naturellement l’or, le nouvel étalon monétaire mondial était construit autour de règles gouvernementales, d’où son nom. Le mot fiat provient de la bible latine lorsque Dieu prononça « fiat lux : que la lumière soit » et, dans le monde anglo-saxon, ce terme a été adopté pour désigner un décret, une autorisation ou une règle formelle. Un terme approprié pour l’étalon monétaire actuel, car ce qui le distingue le plus est qu’il substitue les diktats du gouvernement au jugement du marché. Le socle sur lequel repose la monnaie fiduciaire ne repose pas sur une marchandise physique librement échangée, mais est au contraire dictée par l’autorité, qui peut contrôler son émission, son approvisionnement, sa compensation et son règlement, et même la confisquer à tout moment si elle le juge nécessaire.
Avec ce passage à l’étalon-fiat, la valeur et le choix de la monnaie ne sont désormais plus déterminés par les individus dans un marché libre et concurrentiel. Au contraire, ce sont les vainqueurs des guerres mondiales et les décisions de la géopolitique internationale qui vont dicter le choix et la valeur du support qui constituera une des deux moitiés de chaque transaction sur le marché. Alors que l’annonce faite par la Banque d’Angleterre en 1915, et d’autres semblables au même moment, étaient considérées comme des mesures d’urgence temporaires nécessaires en temps de guerre, aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard, la Banque d’Angleterre n’a toujours pas réinstauré sa promesse de remboursement de ses billets en or. Les dispositions temporaires restreignant la convertibilité des billets en or sont devenues l’infrastructure financière permanente du système fiat qui a pris son essor au cours du siècle suivant. Plus jamais les systèmes monétaires prédominants dans le monde ne seraient basés sur une monnaie entièrement échangeable en or.
Le décret ci-dessus pourrait être considéré comme l’équivalent du mail envoyé par Satoshi Nakamoto à la communauté cryptographique annonçant bitcoin14, mais contrairement à Nakamoto, le gouvernement de Sa Majesté n’a fourni aucun logiciel, aucun livre blanc, ni aucune sorte de spécification technique sur la façon dont un tel système monétaire pourrait être rendu pratique et exploitable. Contrairement à la précision froide du ton impersonnel et dépassionné de Satoshi, le gouvernement de Sa Majesté s’est appuyé sur l’appel à l’autorité et sur la manipulation émotionnelle de ses sujets et de leur sens du patriotisme. Alors que Satoshi a pu lancer le réseau bitcoin sous une forme opérationnelle quelques mois après son annonce initiale, il a fallu deux guerres mondiales, des dizaines de conférences monétaires, de multiples crises financières et trois générations de gouvernements, de banquiers et d’économistes qui se sont battus pour parvenir à une mise en œuvre totalement opérationnelle de l’étalon-fiat en 1971.
Les ennuis de la Banque d’Angleterre ont commencé à l’aube de la Grande Guerre. Le 31 juillet 1914, une foule impressionnante se tenait devant les portes du siège de la Banque sur Threadneedle Street, cherchant à convertir leurs avoirs bancaires et leurs billets de banque en pièces d’or la veille du traditionnel jour férié, le premier lundi du mois d’août. Après un mois de tensions grandissantes en Europe, l’Empire austro-hongrois venait de déclarer la guerre à la Serbie. Sur tout le continent, les investisseurs se sont précipités pour convertir leurs avoirs financiers en or, craignant que les gouvernements dévaluent leur monnaie afin de financer l’effort de guerre. En ce mois de juillet fatidique, les journaux anglais avaient qualifié la guerre à venir de « August Bank Holiday war » (La guerre du jour férié d’août), et prédisaient une victoire éclair de l’armée britannique. Pourtant, les files d’attente à l’extérieur de la plus importante institution financière du monde annonçaient une toute autre histoire : ce jour férié serait interminable.
Si la Banque d’Angleterre avait maintenu une couverture totale de ses dépôts en or, comme cela aurait dû être le cas sous un étalon-or strict, la guerre n’aurait pas posé ce problème de liquidité. Tous les dépositaires auraient pu obtenir le remboursement intégral de leurs avoirs en or, et cette panique bancaire n’aurait pas eu lieu. Toutefois, la Banque d’Angleterre avait pris la mauvaise habitude d’émettre plus de billets qu’elle ne détenait d’or en contrepartie. Les clients de la banque avaient de bonnes raisons de détenir leur argent sous forme de billets et de comptes bancaires plutôt que de garder de l’or physique. Les billets sont plus faciles à transporter et à diviser en différentes coupures, et un compte dans une banque anglaise permettait au dépositaire d’effectuer des paiements par chèque partout dans le monde bien plus rapidement qu’un envoi d’or. Une grande partie des capitaux mondiaux ont été drainés à l’intérieur du système bancaire, attirés par l’utilité de ses moyens de paiement ainsi que de la sécurité apportée. En revanche, cela a octroyé le pouvoir à la Banque d’Angleterre de se retirer d’un étalon-or strict à 100 %.
À l’époque, la Banque d’Angleterre était le centre de l’univers financier, et la livre sterling était reconnue dans le monde entier comme étant aussi fiable que l’or. La solvabilité du gouvernement britannique, la puissance de son armée et sa présence bancaire mondiale, avaient conféré à la Banque d’Angleterre une position dominante dans l’ordre financier mondial, si bien que près de la moitié des réserves de change mondiales étaient détenues en livres sterling.
Dans la période d’avant-guerre, la Banque d’Angleterre avait également offert sa propre monnaie comme monnaie de réserve pour les banques centrales de ses colonies dans le cadre de ce que l’on appelait l’étalon de change-or. Étant donné que les colonies utilisaient la Banque d’Angleterre pour effectuer leurs paiements internationaux, elles conservaient naturellement des montants importants de livres sterling en réserve et ne cherchaient pas à se faire rembourser en or. Cela permettait à la Banque d’Angleterre de disposer d’une certaine marge de manœuvre inflationniste, à tel point qu’en 1913, le ratio entre les réserves officielles et les engagements envers les autorités monétaires étrangères n’était plus que de 31 %15. La Banque d’Angleterre avait ainsi exporté son inflation vers les colonies, finançant aisément ses opérations mais se plaçant dans une situation de liquidité instable et précaire. Dans la mesure où la plupart des colonies et des dépositaires ne demandaient pas à convertir leurs avoirs en or, la liquidité ne serait pas un problème.
Pour une génération de banquiers élevés dans la stabilité et la prospérité de l’ère victorienne et de l’étalon-or, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter d’une crise de liquidité. Il y avait également très peu de raisons de s’inquiéter d’une guerre mondiale, et pourtant la guerre et la crise se sont matérialisées à l’été 1914. Si la Grande Guerre a déclenché les problèmes de liquidité de la Banque, les causes profondes étaient auto-infligées et typiques du siècle de règne de la monnaie d’État : un monopole gouvernemental sur la monnaie provoque des abus qui ne restent pas sans conséquences.
Alors que la situation s’empirait sur le continent, de nombreux dépositaires étrangers essayaient de retirer leurs avoirs de Grande-Bretagne, tout comme bon nombre de Britanniques préférant également récupérer leur or plutôt que de conserver leurs billets de banque. Au cours des six derniers jours ouvrables de juillet, la Banque a remboursé 12,3 millions de livres sterling en or, soit près de la moitié de ses réserves totales, s’élevant à 26,5 millions de livres16. Il était jusqu’à présent impensable que la Banque d’Angleterre puisse faillir à sa promesse de remboursement en or, et pourtant cette hypothèse est soudainement apparue plausible. Une dévaluation de la livre à ce stade aurait permis à la Banque de disposer de réserves suffisantes pour soutenir sa monnaie et faire face aux demandes de remboursement. En revanche, cela aurait été terriblement impopulaire auprès de la population britannique et aurait compromis définitivement la confiance envers la Banque.
En novembre 1914, le gouvernement britannique a émis la première obligation de guerre, dans le but de lever 350 millions de livres auprès d’investisseurs privés, à un taux d’intérêt de 4,1 % et avec une échéance de dix ans. Étonnamment, l’émission d’obligations est insuffisamment souscrite, et le public britannique achète moins d’un tiers de la somme visée. Pour éviter de rendre cet échec public, la Banque d’Angleterre accorde des fonds à son trésorier en chef et à son adjoint pour acheter les obligations en leur nom propre. Le Financial Times, toujours fidèle porte-parole de la Banque, publie un article proclamant que l’emprunt a largement dépassé ses objectifs. John Maynard Keynes travaillait à l’époque au Trésor public et, dans un mémo secret adressé à la Banque, les a félicités pour leur « manipulation magistrale ». Le penchant de Keynes pour les arrangements monétaires sournois inspirera par la suite des milliers de manuels d’économie publiés dans le monde entier. La Banque d’Angleterre avait donné le ton pour un siècle de collusion entre banques centrales et gouvernements à l’insu du peuple. Le Financial Times n’a publié un rectificatif que 103 ans plus tard17, lorsque cette affaire a finalement été découverte après avoir été étudiée dans les archives de la Banque par des membres du personnel audacieux, puis publiée sur le blog de la Banque18.
La Banque d’Angleterre a décidé de maintenir l’étalon-or malgré la diminution de la moitié de ses réserves, tout en cherchant un moyen d’endiguer la vague de remboursements. Sa solution a été de déclarer une guerre officieuse contre l’or. Des détails fascinants de cette guerre se trouvent dans The Bank of England 1914-21 (Unpublished War History), une étude méconnue mais très détaillée commandée par le gouverneur de la Banque, Montagu Norman, rédigée par son secrétaire personnel, John Osborne, et achevée en 1926. Cette étude est restée confidentielle jusqu’à ce que la Banque la publie sur son site Internet en septembre 201919.
Comme le peuple était peu disposé à prêter pour la guerre et que la Banque détenait de grandes quantités de dette publique, elle a dû renforcer ses liquidités avec davantage d’or. Le Trésor a lancé l’appel cité au début de ce livre, demandant au public de payer les bureaux de postes et les banques en or, d’accepter les paiements en billets plutôt qu’en or, et d’utiliser les billets pour le paiement des salaires et des dépenses courantes. À la suite de cet appel, la Banque d’Angleterre et le Trésor ont ordonné aux banques de collecter les pièces d’or et de les garder en réserve à la disposition du Trésor pendant toute la durée de la guerre.
« En 1915, la somme de 20 823 000 £ a été collectée auprès des banquiers du Royaume-Uni et, afin de fournir au Trésor un crédit supplémentaire, a été exportée aux États-Unis », écrit Osborne. « La Banque a conservé 2 423 000 £ en pièces d’or car son stock était sérieusement épuisé », ajoute-t-il dans une note de bas de page. « En novembre 1915, il est devenu nécessaire pour le gouvernement de nommer un comité – le London Exchange Committee – pour le conseiller sur le sujet des marchés boursiers étrangers. Afin d’aider le Comité dans ses opérations, il a été convenu que les banquiers cesseraient de délivrer de l’or à leurs clients, dont les besoins pourraient naturellement être satisfaits par des billets de banque. » Ces décisions, prises en petit comité et déterminant les règles monétaires, allaient devenir la norme au siècle de l’étalon-fiat.
Osborne continue :
Au cours de l’année suivante, ces décisions ont porté leurs fruits : le public s’est progressivement habitué à utiliser davantage les billets de banque, au détriment de l’usage de l’or physique. Afin d’honorer une obligation du Comité de la Bourse de Londres relative à un prêt de 50 000 000 $ consenti par un groupe de banquiers américains en novembre 1915, la Banque d’Angleterre a versé au compte du Trésor, en juin 1917, la somme de 10 000 000 £ en or, qui a été « mise en réserve » pour le compte de la Banque de réserve fédérale de New York.
Un nouvel appel aux banques a été lancé dans une lettre du Chancelier de l’Échiquier, le ministre chargé des finances et du trésor britannique, datée du 25 juillet 1917. Les banquiers étaient invités à conserver leurs stocks de pièces d’or à la disposition du gouvernement, compte tenu de l’état actuel de la bourse américaine. Par la suite, le Chancelier a incité les banques à lui remettre ces stocks d’or volontairement, afin d’éviter la nécessité d’émettre une injonction légale en vertu de l’intérêt général et de la défense du royaume. Suite à cet appel, les banquiers ont accepté de réserver 90 % de leur or et de la mettre à la disposition du Trésor.
Le 1er avril 1919, l’exportation de pièces d’or a été interdite par décret et, à la même date, lors d’une réunion de banquiers, il a été convenu que toutes les pièces et tous les lingots d’or qu’ils détenaient alors et qu’ils acquerraient par la suite (à l’exception de l’or qui pourrait être importé par les banques elles-mêmes) seraient tenus à la disposition absolue du Trésor, et que livraison serait faite à la Banque d’Angleterre. En outre, il a été convenu que tout l’or déjà affecté à un compte étranger devrait, s’il est libéré, être versé immédiatement à la Banque d’Angleterre. Les détails de tous les avoirs en or devaient être fournis à la Banque une fois par mois, et les banquiers se sont entendus afin de décourager par tous les moyens possibles les retraits d’or de la Banque d’Angleterre.
Nous nous sommes rendu compte qu’il était absolument essentiel, tant pour les banquiers en général que pour le pays tout entier, que les réserves d’or disponibles soient prêtes à être utilisées, si nécessaire, de façon centralisée, pour faire face à toute évolution menaçante des marchés étrangers, et en particulier de la bourse américaine. À la fin de l’année, le Trésor a demandé à la Banque de collecter la totalité des stocks d’or restants, détenus par les banquiers à travers le Royaume.20
La Banque d’Angleterre achetait régulièrement des pièces d’or aux banques en échange de billets. En décembre 1919, le Trésor a demandé à la Banque d’Angleterre de collecter toutes les pièces d’or détenues par les banquiers au Royaume-Uni. En juin 1920, les banquiers ont remis l’équivalent de 41 793 000 £ en pièces d’or, soit la quasi-totalité de leurs avoirs en or, en échange de billets de banque. L’ensemble de l’opération a coûté 5 516 £, à raison d’un peu plus de 1 £ par 10 000 £ collectées. La rigueur de la preuve de travail était manifestement absente à la genèse de l’étalon-fiat. La majeure partie de cet or était expédiée aux États-Unis, en échange de crédits pour financer l’effort de guerre.
De début août 1914 à la fin août 1921, le gain net de cette opération s’élevait à 62 411 000 £ d’or en faveur de la Banque d’Angleterre. Le gouvernement britannique ayant réussi à confisquer 14 684 941 onces d’or, soit environ 455,2 tonnes métriques. Aujourd’hui, cet or vaudrait environ 20 milliards de livres sterling, soit à peu près 300 fois sa valeur en 1914. Au moment de la rédaction de ces lignes, en 2021, les réserves d’or de la Banque d’Angleterre ne représentent plus que 310,3 tonnes métriques d’or.
La guerre, ayant provoqué cette forte demande d’or, a également donné à la Banque un sursis appréciable auprès de ses dépositaires étrangers, qu’elle n’était plus obligée de livrer via des transports aériens coûteux. En avril 1919, alors que la guerre prenait fin et que l’aviation reprenait, l’exportation de pièces d’or fut tout simplement interdite. L’historien économique Lawrence Officer a résumé cette période :
Le soudain déclenchement de la guerre a provoqué une ruée sur la livre sterling, obligeant la Grande-Bretagne à imposer un contrôle des changes extrême – un report des paiements nationaux et internationaux – qui a rendu de facto l’étalon-or international non opérationnel. La convertibilité n’a pas été légalement suspendue, mais la contrainte morale et la réglementation ont eu le même effet. Les exportations d’or ont été limitées par des moyens extra-légaux (et par la législation sur la coopération avec l’ennemi), la Banque d’Angleterre réquisitionnant toutes les importations d’or et exerçant une pression morale sur les banquiers et les courtiers en métaux précieux.21
Avec une moindre quantité d’or dans les mains du peuple et davantage de billets, la Banque d’Angleterre avait réussi à protéger la valeur d’échange officielle au même prix que celui fixé en 1717 par le maître de la Royal Mint, Sir Isaac Newton, soit 4,25 £ par once d’or. La crédibilité de la Banque d’Angleterre dans le remboursement de ses billets à ce taux pendant deux siècles, uniquement interrompu par les guerres napoléoniennes, était une question de fierté nationale et de renommée mondiale qui a non seulement donné à la livre sterling sa réputation légendaire d’être aussi fiable que l’or, mais a également fait de l’expression « étalon-or » la référence et le symbole d’excellence, de prévisibilité et de fiabilité – une vérité linguistique qui a survécu à un siècle d’étalon-fiat.
En profitant de la guerre pour suspendre la convertibilité à l’étranger et décourager celle-ci à l’intérieur du pays, la Banque d’Angleterre avait réussi à imposer sa monnaie fiat, ses réglementations et son monopole sur la plus importante infrastructure financière du monde pour financer l’effort de guerre sans sortir officiellement de l’étalon-or, sans annoncer une suspension du rachat de l’or ou même dévaluer la livre sterling. C’est ainsi qu’est né ce nouveau paradigme : le gouvernement était devenu un alchimiste de la monnaie. En contrôlant les banques et en confisquant l’or, les banques centrales pouvaient en effet créer de la monnaie ex nihilo. La livre sterling ayant pour statut d’être aussi fiable que l’or, ces nouveaux alchimistes, créateurs de l’étalon-fiat, ont réussi là où Newton et les anciens alchimistes ont échoué. L’or pouvait, finalement, être produit à volonté ; la planche à billets et le compte courant apparaissaient donc comme la pierre philosophale tant recherchée.
Au lendemain de la guerre, il semblait n’y avoir aucun inconvénient à ce que la plus importante banque centrale et sa monnaie s’écartent de l’étalon-or. Au fil du temps, les coûts de ces manipulations monétaires sont devenus apparents et ont augmenté de manière significative pour finalement devenir une caractéristique permanente du siècle de l’étalon-fiat – un siècle où l’on échange clandestinement la prospérité et la stabilité à long terme contre l’illusion de la stabilité à court terme. Les conséquences économiques de l’inflation allaient peser sur l’économie britannique durant des décennies.
L’impact de la guerre sur la livre sterling.
En maintenant la livre sterling au taux de change en or d’avant-guerre, la Banque d’Angleterre a semé les graines de plusieurs problèmes qui sont devenus récurrents dans le système de l’étalon-fiat. La Banque a maintenu le taux de change nominal entre les billets de banque et l’or, mais en réalité les prix des biens et services ont fortement augmenté. Selon des recherches récentes menées par la Section de la politique et des statistiques économiques de la Bibliothèque de la Chambre des communes, la variation annuelle des prix entre 1915 et 1920 a été de 12,5 %, 18,1 %, 25,2 %, 22 % et 10,1 %, soit une hausse cumulée de 124 % sur les cinq années. Ces augmentations de prix ont rendu la vie difficile pour le citoyen Britannique moyen, ce qui a stimulé l’essor des syndicats de travail ainsi que de nombreuses revendications en faveur du contrôle des prix et des salaires. Inévitablement, le rationnement et les pénuries ont suivi, sans oublier le chômage de masse. À la fin de la guerre, des millions de militaires sont rentrés chez eux, mais le contrôle des prix et des salaires a rendu très difficile l’adaptation de l’économie britannique à leur retour sur le marché du travail. Une réévaluation de la livre sterling pour faire face à l’inflation aurait signifié la dévaluation de l’épargne de la population ; cependant, les prix des biens et le coût du travail se seraient réajustés sur le marché. En renonçant à cette dévaluation et en maintenant un taux de change surévalué tout en décourageant le rachat en or, la Banque a simplement retardé l’ajustement économique nécessaire et a prolongé les perturbations provoquées par l’inflation, le contrôle des prix et des salaires. De plus, la pression s’est accrue sur le gouvernement pour qu’il prenne financièrement à sa charge les chômeurs et les pauvres. Cependant, la poursuite des dépenses publiques et la politique monétaire expansionniste ont provoqué une hausse des prix encore plus importante et ont accentué la pression sur la livre sterling au niveau international. Une revendication populiste grandissante exigeait de la Banque d’Angleterre une remise en circulation des pièces d’or et un retour à l’étalon-or d’avant-guerre.
Les problèmes de la Grande-Bretagne n’étaient pas seulement internes. Alors que tous les pays européens avaient abandonné l’étalon-or en 1914, les États-Unis ne l’avaient fait qu’en 1917, drainant de grandes quantités d’or en provenance d’Europe pendant ce laps de temps. En plus du crédit accordé à la Banque d’Angleterre, la Réserve fédérale américaine a également assuré la garde d’une grande partie du stock d’or de la Grande-Bretagne. Qui détient l’or détient le pouvoir, et la Banque d’Angleterre apprenait à se réadapter à une nouvelle réalité économique mondiale dans laquelle les États-Unis et leur Réserve fédérale jouaient un rôle extrêmement important. Le Royaume-Uni devait désormais payer le prix de son alchimie monétaire. Les États-Unis ont endossé le rôle de leader mondial et la livre sterling a continué à connaître des turbulences tout au long du siècle à venir, perdant les trois quarts de sa valeur par rapport au dollar américain, et plus de 90 % de sa valeur par rapport à l’or.
Toutes les grandes économies européennes se sont engouffrées dans une inflation à grande échelle pour financer la guerre, après quoi leurs monnaies ont été dévaluées par rapport à l’or et n’étaient plus remboursables au taux de change d’avant-guerre. À ce stade, la prudence aurait voulu que l’on reconnaisse que l’étalon-fiat avait rempli son rôle de mesure temporaire pour financer la guerre et que l’on revienne à l’étalon-or. Les gouvernements l’avaient promis à plusieurs reprises et les Européens l’attendaient. Cependant, le retour à l’étalon-or signifierait la fin inévitable du pic inflationniste déclenché par l’expansion du crédit qui a financé la guerre, ainsi qu’une récession douloureuse. Les États-Unis ont choisi cette voie, ce qui a entraîné une récession brutale mais plutôt rapide en 1920, après quoi l’économie américaine a entamé l’une des plus longues périodes d’expansion de son histoire. De plus, le remboursement des billets en or a repris en 1922 après une suspension de cinq ans. La Grande-Bretagne, quant à elle, a tenté de résoudre l’impossible équation consistant à maintenir les dépenses élevées du Trésor, les exigences salariales élevées des syndicats, le rattachement de l’or à son taux d’avant-guerre et le rôle de la livre sterling en tant que monnaie de réserve mondiale. Après avoir goûté au pouvoir de la planche à billets, la Banque d’Angleterre a mis le doigt dans un engrenage dangereux, pensant qu’elle pouvait éviter de se retrouver en défaut de paiement sur ses obligations de remboursement en or par le biais de l’ingénierie financière et politique.
Plutôt que de reconnaître officiellement la réalité de l’inflation et ainsi dévaluer la livre pour revenir à l’étalon-or, la Banque d’Angleterre et le Trésor ont choisi de botter en touche. C’est ainsi qu’a commencé cette habitude néfaste des gouvernements : obtenir des résultats à court terme au détriment de la solvabilité et de la stabilité sur le long terme.
Comme l’a décrit l’économiste Murray Rothbard :
La Grande-Bretagne a insisté pour revenir à l’or à une valorisation supérieure de 10 à 20 % au taux de change courant, qui reflétait les résultats de l’inflation de la guerre et de l’après-guerre. Cela signifiait que les prix britanniques auraient dû baisser d’environ 10 à 20 % afin de rester compétitifs par rapport aux pays étrangers et de maintenir une activité d’exportation si importante. Cette baisse n’a finalement pas eu lieu, principalement parce que les syndicats n’ont pas accepté la réduction des salaires. Les salaires réels ont augmenté et un chômage de masse constant a frappé la Grande-Bretagne. La contraction des crédits bancaires n’était pas autorisée, bien que nécessaire pour provoquer une déflation, car le chômage aurait été encore plus menaçant – un chômage causé en partie par la mise en place, après la guerre, d’une assurance chômage gouvernementale (qui a permis aux syndicats de s’opposer à toute réduction des salaires). En conséquence, la Grande-Bretagne a dû diminuer son stock d’or. Au lieu de renoncer à l’assurance chômage, au levier du crédit et/ou de revenir à l’étalon-or à une parité plus réaliste, la Grande-Bretagne a gonflé sa masse monétaire pour compenser la perte d’or et s’est tournée vers les États-Unis pour obtenir de l’aide. Si le gouvernement des États-Unis acceptait d’augmenter la masse monétaire américaine, la Grande-Bretagne ne perdrait plus son stock d’or au profit des États-Unis. En bref, les Américains étaient désignés pour subir les contrecoups de l’inflation et de l’effondrement qui s’ensuivrait, afin de maintenir le gouvernement et le mouvement syndical britannique dans un équilibre instable.22
Benjamin Strong, président de la FED de New York, écrit dans une lettre citée par Rothbard :
Le fardeau de ce réajustement va retomber plus largement sur nous que sur eux [la Grande-Bretagne]. Il sera difficile politiquement et socialement pour le gouvernement britannique et la Banque d’Angleterre de faire face à ses engagements en cas de dévaluation, compte tenu de la faiblesse de leur commerce et de plus d’un million de chômeurs recevant une aide du gouvernement.23
La Grande-Bretagne a tenté d’alléger la pression sur sa monnaie en essayant de convaincre les États-Unis de s’engager dans une politique monétaire expansionniste, prétextant un besoin de liquidité. En dévaluant le dollar par rapport à l’or, les États-Unis ont stoppé la fuite de l’or de la Grande-Bretagne vers les États-Unis, et ont ainsi réduit la pression sur la livre. Pour la protéger davantage, la Banque d’Angleterre a cédé une partie de ses réserves en livres à d’autres pays qui devaient utiliser ses mécanismes de compensation et de règlement. La Grande-Bretagne et les États-Unis ont organisé la conférence de Gênes en 1922 pour tenter de rétablir un ordre monétaire mondial autour de leurs monnaies et de l’or. « L’or est le seul étalon commun que tous les pays européens pourraient actuellement accepter d’adopter »24