La vie à tout prix - Linda Sorge Ceppitelli - E-Book

La vie à tout prix E-Book

Linda Sorge Ceppitelli

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Beschreibung

L’existence d’un être est parsemée d’épreuves, Linda nous livre celles qu'elle traversées

Une jolie pousse blonde, qui pour se construire, oscille entre la maladie, le handicap, un père lointain et un grand-père fermé... Voici le récit d'une bataille, celle de Linda, pour avancer, se forger des repères et créer à son tour une famille. La vie à tout prix... ou comment rendre un dernier hommage à sa mère, crier les injustices, l'incompréhension, la colère et les frustrations. Linda nous dépose ses émotions, brutes et sans maquillage, elle se livre à cet exercice de partage pour enfin parvenir à redresser les épaules, à poser les pieds au sol et sourire.

Un hommage familial poignant, qui met en avant, avec délicatesse, l’importance de continuer à vivre pleinement malgré toutes les difficultés rencontrées

EXTRAIT

Avant qu’ils ne prennent cette route qui allait bousiller leur vie, papa et maman étaient heureux. Ils allaient danser toutes les semaines, il jouait de la guitare et elle de l’accordéon, elle était très douée. Ils se baladaient, mangeaient au resto et partaient en vacances dès qu’ils le pouvaient. Ils s’aimaient.

Et puis…

Maman est admise à l’hôpital. Il faut l’opérer au plus vite et enlever cette saleté de tumeur. Impuissant face à cette situation, mon père supplie le chirurgien de la sauver, elle a deux jeunes enfants qui ont besoin d’elle. C’est vrai, on a besoin de notre mère, mais on est loin d’imaginer que dans peu de temps, maman va changer pour toujours.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Linda Sorge Ceppitelli est une jeune femme qui a grandi près de Lyon. D'abord Nounou, puis Auxiliaire de vie, son enfance particulière l'a poussée à s'occuper des autres... Aujourd'hui maman d'un petit garçon, c'est pour lui et pour tous ceux qu'elle aime qu'elle a décidé de raconter son histoire et de laisser une trace...

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Linda Sorge Ceppitelli

La vie à tout prix

À ma mère, mon repère, ma plus belle lumière.

À mon grand-père, usé par la vie…

À mon frère, mon pilier, celui sans qui j’aurais coulé.

« […] C’est à toi que, pour la première fois, je dirai tout ; tu connaîtras toute ma vie, qui a toujours été à toi et dont tu n’as jamais rien su. »

– Stefan Sweig (Lettre d’une inconnue)

AVANT-PROPOS

Quand j’ai commencé à écrire il y a bien des années déjà, je me suis tout de suite demandé comment j’allais finir mon histoire, quel en serait le dernier chapitre.

J’avais alors pensé que le jour où j’aurais à mon tour la chance de mettre un enfant au monde, je terminerais ce que j’avais commencé. Le don de la vie me semblait être une belle fin. Mais quand ce moment est venu, mon intuition ne m’a pas poussée à terminer sur cette note-là, ça ne me paraissait pas logique. De temps en temps j’ouvrais mon ordinateur et j’écrivais de nouvelles lignes, puis j’arrêtais, je recommençais… L’inspiration me manquait au point de laisser de côté l’écriture, qui pourtant me tenait tellement à cœur.

Puis un jour, j’ai perdu mon grand-père. Bien sûr c’est dans l’ordre des choses me dira-t-on, c’est le cycle de la vie. Mais quand vous avez grandi et vécu tant d’années avec cette personne, il n’y a plus de logique. Il ne reste que de l’incompréhension et un sentiment d’abandon. On dit alors qu’il faut « faire le deuil »… Je n’en ai pas eu le temps.

Deux semaines à peine après sa mort, c’est sa fille, ma mère, qui s’en est allée. La terre s’est arrêtée de tourner à ce moment-là, plus rien ne comptait à part mon malheur et ma douleur. Ce fut alors une évidence, mon récit prendrait fin avec eux. J’ai ressenti l’immense besoin de me confier, de raconter mon histoire qui a commencé grâce à la leur.

Ma mère, plus que quiconque, a toujours été pour moi une grande source d’inspiration. Cette tumeur, ces séquelles, n’ont cessé de l’abîmer au fil des années. Je me suis toujours sentie impuissante, incapable de l’aider. Le drame de ma vie, je l’ai toujours dit. Grandir avec elle a été ma plus grande souffrance mais aussi ma plus grande force. Elle m’a donné ce courage qui l’a poussée à se battre autant qu’elle a pu.

J’ai vu la mort s’immiscer en elle à petits pas. J’ai senti son corps se refroidir, j’ai entendu sa respiration s’affaiblir. Quand il a fallu décrire les derniers jours de sa vie, mes derniers mots, mon dernier « je t’aime », j’ai éprouvé une telle douleur… mais c’était nécessaire. Moi qui ai eu tant de mal à me construire et à accepter sa destinée. Je suis sûre que toutes ces épreuves n’ont pas été vaines, un jour j’aurai des réponses je le sais. Aujourd’hui j’ai compris grâce à elle qu’il me fallait bien vivre pour bien mourir.

Son histoire, c’est aussi la mienne. Je veux lui rendre hommage. Ses petits-enfants n’auront pas la chance de la connaître. Je veux qu’ils sachent qui elle était et qu’ils comprennent le combat qu’elle a mené.

Pour que son souvenir, reste à jamais gravé.

1 – MA VIE CONTRE LA TIENNE

« C’est une loi : souffrir pour comprendre. »

– Eschyle

19 Décembre 1985

Lyon, hôpital Saint Joseph, cinq heures cinquante du matin. Je pointe le bout de mon nez. Linda, c’est comme ça que mes parents ont décidé de m’appeler. Moi, ce deuxième et dernier enfant de la famille. Merci à mes parents de m’avoir donné la vie. Un cadeau précieux et un poids à porter ; celui de trouver un sens à mon existence.

Je commence ma vie comme tous les bébés, et déjà je grandis, ou plutôt je commence à vieillir sans savoir ce que sera ma vie. J’entame mon apprentissage ; je fais des sons avec ma bouche, puis j’articule des mots, je rampe à quatre pattes pour finir titubant sur mes deux pieds, enfin j’imagine. L’évolution continue jusqu’à cette étape cruciale : l’entrée en maternelle, mais mes souvenirs sont peu nombreux.

Pendant tout ce temps maman a des migraines, des vertiges, une légère bosse derrière la tête. Parfois elle a des spasmes, des troubles de la vision qui l’obligent à se tenir au mur pour avancer. Notre médecin de famille lui prescrit une pommade à appliquer sur sa bosse. Bien sûr cette crème n’arrange rien, avec tous les symptômes qu’elle présente il est évident que c’est autre chose qu’une vilaine bosse. Pas besoin de faire médecine pour comprendre ça. Même moi, du haut de mes quelques années j’aurais pu deviner.

Les différents médecins qu’elle consulte par la suite sont incapables d’établir un diagnostic, personne ne trouve l’origine de ses maux. Puis un jour, la moitié de son visage se paralyse… là il est vraiment temps de s’affoler ! Elle passe enfin un scanner et le verdict tombe.

Tumeur au cerveau.

Une tumeur qui va transformer ma maman et bouleverser sa vie à tout jamais. La mienne aussi. Ma vie à moi qui commence à ce moment précis, les souvenirs aussi.

1990

Premier souvenir. J’ai quatre ans. Mon père me tire par la main et m’emmène d’un pas pressé chez la voisine. Je ne sais pas ce qu’il se passe, on ne me dit rien mais je sens comme une atmosphère de panique. Je me retrouve rapidement derrière la fenêtre du salon et je tape contre la vitre. Les joues inondées de larmes, je hurle : « Maman… maman… maman… »

Mon père s’éloigne avec ma mère dans son vieux break… je ne comprends pas. Je pleure toutes les larmes de mon corps, je voudrais juste que quelqu’un me serre très fort dans ses bras pour me consoler. Mais personne ne fait rien, personne ne me dit rien. Petit être que je suis, petite blonde aux yeux clairs que tout le monde trouve jolie. Jolie ? Oui, de l’extérieur. À l’intérieur je suis brisée, en mille morceaux.

Avant qu’ils ne prennent cette route qui allait bousiller leur vie, papa et maman étaient heureux. Ils allaient danser toutes les semaines, il jouait de la guitare et elle de l’accordéon, elle était très douée. Ils se baladaient, mangeaient au resto et partaient en vacances dès qu’ils le pouvaient. Ils s’aimaient.

Et puis…

*

Maman est admise à l’hôpital. Il faut l’opérer au plus vite et enlever cette saleté de tumeur. Impuissant face à cette situation, mon père supplie le chirurgien de la sauver, elle a deux jeunes enfants qui ont besoin d’elle. C’est vrai, on a besoin de notre mère, mais on est loin d’imaginer que dans peu de temps, maman va changer pour toujours.

La veille de son opération maman se balade dans les couloirs de l’hôpital comme si de rien était, stoïque. Main dans la main avec celui qui partage encore sa vie.

Peut-être que sa tumeur agit déjà sur son cerveau, sur sa façon de penser au point qu’elle ne se rend pas compte qu’elle est entre la vie et la mort.

J’aurais tant voulu être assez grande pour la soutenir et lui tenir la main. J’aurais aimé qu’elle m’explique ce qu’elle a ressenti à ce moment-là. Est-ce grâce à nous ses enfants, qu’elle a eu la force de se battre ? Oh oui j’aurais voulu savoir si j’ai été une motivation pour elle. Si son amour pour nous a été plus fort que ce coup du sort.

*

Qui dit opération du cerveau dit coma artificiel pendant quarante-huit heures. Je ne sais pas combien d’heures ils sont restés au bloc pour lui enlever cette espèce de boule qui envahissait sa tête.

L’opération se termine, il faut maintenant attendre qu’elle sorte de ce coma. Sauf que maman ne se réveille pas, elle dort profondément. À plusieurs reprises le médecin dit à mon père que si elle ne se réveille pas rapidement « elle partira les pieds devant ». Oui mais ma mère c’est une battante, elle ne lâche rien et ne va surtout pas donner raison à cet idiot de docteur sans gêne. Il se prend pour qui celui-là !

Elle finit par se réveiller des semaines plus tard avec un corps qu’elle ne maîtrise plus, un corps qui ne lui appartient plus. Je n’ai pas le droit d’aller la voir à l’hôpital ; alors je lui cueille des fleurs dans le jardin pour que mon père les lui donne.

Après ce long coma, il lui est difficile de parler, elle ne mange que des aliments moulinés et ne peut plus se déplacer sans aide. Il faut tout réapprendre et entreprendre une chimio et des rayons pour enlever le reste de tumeur que les chirurgiens n’ont pu atteindre.

Quand papa ne travaille pas, il l’accompagne à ses séances qui lui bousillent les neurones et les cheveux. Il fait l’imbécile dans les couloirs en poussant son fauteuil roulant à toute allure, comme s’il faisait la course. Il fait ce qu’il peut pour lui changer les idées et revoir son sourire. Souvent après les séances maman est malade, elle vomit ses tripes et papa ramasse. Comme elle n’a plus de cheveux, il décide de lui acheter une perruque, comme pour cacher l’inacceptable.

Après ces mois de torture qui ont eu pour but de lui sauver la vie, elle rentre enfin à la maison. Le temps a passé sans elle ; j’ai encore grandi. Elle est encore en vie et c’est sûrement un miracle, les médecins ne donnaient pas cher de sa peau.

*

Moi je suis une petite fille et l’école primaire débute. Ce n’est jamais ma mère qui vient me chercher à l’école mais toujours une de nos voisines. Ça me fait de la peine, j’adorerais qu’elle s’occupe de moi maman… Je me sens déjà différente des autres et je n’aime pas ça. Je comprends qu’à la maison c’est particulier et que je dois me débrouiller toute seule. On me dit dégourdie… alors ça va aller.

Un soir mes parents sortent au restaurant pour se donner l’illusion d’avoir une vie à peu près normale malgré tout. Au cours du repas maman éternue et sa perruque s’échappe. Les personnes attablées autour d’eux ne peuvent s’empêcher de la regarder avec insistance. Mon père, attristé par ce qui vient de se passer, décide de partir aussitôt loin de ces êtres humains sans cœur. Après tout ce qu’elle a déjà enduré…

Le temps passe et maman n’a plus envie de sortir, plus envie de faire comme si de rien n’était, puisqu’en réalité, tout a changé et rien ne sera plus jamais pareil. La maladie s’immisce entre eux et les éloigne peu à peu. Pauvre papa… Tout le monde pense à ma mère, à cette terrible épreuve qui a gâché sa vie, mais pour mon père aussi, ça a sûrement été la plus grande épreuve de sa vie. J’ai souvent entendu : « Quel salaud, il se tire alors que sa femme est malade. » Je ne lui en ai jamais voulu, c’est facile de juger quand on n’est pas concerné. Et puis elle n’est pas malade d’abord, elle est handicapée et elle n’a sûrement plus envie d’allonger son corps affaibli à côté de celui d’un homme… Même si c’est l’homme de sa vie.

Inévitablement, ils finissent par divorcer. Il n’y a pas de bagarre pour notre garde, on reste avec notre mère et il nous laisse la maison sans rien réclamer. Après tout c’est quand même la moindre des choses, il ne manquerait plus qu’on se retrouve à la rue par-dessus le marché !

*

La vie continue pour nous… Maman, David mon frère et mon grand-père. Voilà ma famille à présent, la seule, l’unique. Nous quatre, quoi qu’il arrive. Pépé vit avec nous depuis des années déjà, depuis que sa femme est morte, bien avant que ma mère ne soit malade, ce qui entre parenthèses, avait déjà commencé à nuire au mariage de mes parents.

Ma mère arrive à faire quelques petites choses à la maison comme la vaisselle, ou passer un coup d’éponge sur la table… Des petits gestes du quotidien auxquels on ne prête pas attention. Des gestes qui parfois du jour au lendemain deviennent essentiels. Pour le reste c’est un peu plus compliqué. Elle se déplace à l’aide d’un déambulateur et se sert des meubles pour s’y appuyer. C’est Pépé qui cuisine, c’est toujours très gras et trop salé. Pas super pour l’alimentation équilibrée ! Bien sûr maman ne sort plus, elle n’a plus vraiment de vie en dehors de la maison. Parfois les voisins ou de vieux amis viennent lui rendre visite, mais pas tant que ça finalement. En tout cas elle est contente quand elle les voit, elle sort les petits gâteaux, le café… Ça fait plaisir à voir, ça la rend « vivante ». Pour nous faciliter la vie, une aide-ménagère vient trois fois par semaine.

Heureusement, il y a mes voisines dans le lotissement avec qui je m’amuse après l’école. C’est mon autre famille ; Fanny, Caroline, Marlène et Yann, le seul garçon de notre âge. Les soirs après manger quand il fait beau, on traîne un peu dehors jusqu’à ce que la nuit tombe. Quand les filles doivent rentrer, moi je reste encore, je suis toujours la dernière. Je m’autogère et je commence à comprendre plein de choses.

La nuit souvent j’ai peur, je fais des cauchemars qui me semblent être bien réels. Mon frère et moi partageons la même chambre et j’ai l’impression que c’est lui qui s’amuse à me faire peur. Il est plus âgé que moi et comme tous les frères et sœurs, on aime bien se chamailler. À force d’insister, je finis par avoir le droit de dormir avec maman, ça me rassure. Parfois la nuit je l’entends pleurer, elle est triste, je le sais. Elle croit que je dors alors je fais semblant parce que je ne sais pas quoi faire pour la consoler.