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Philippe Boismorin est un jeune de quatorze ans à l’âme aventureuse. À la suite d’un naufrage, il passe six ans sur une île abandonnée de l’archipel des Philippines avec sept autres enfants. Après ce séjour, ils se retrouvent sur l’île de Bohol pour le tournage d’un film publicitaire. Ce projet documentaire va être bouleversé par la présence d’un petit garçon excentrique, par la visite d’un étrange voilier et par les agissements d’un gang à la recherche d’un trésor inestimable. Parviendra-t-il à se réaliser s’en encombre ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Yves Terrasse est un pilote instructeur de planeur et un praticien de la plongée sous-marine dont la passion pour la littérature a facilité l’accès à la carrière d’avocat. Ce parcours l’a amené à écrire des œuvres qui lui viennent de ses voyages, de ses expériences et de ses rencontres en qualité d’instructeur ou de plongeur.
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Yves Terrasse
Le Dauphin d’Or
Plongées aux Philippines
Roman
© Lys Bleu Éditions – Yves Terrasse
ISBN : 979-10-422-2122-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Les premières aventures de Philippe et de ses compagnons sont contées dans le roman L’île des Dauphins. On les retrouve à peu près deux ans après leur retour en France, pour de nouvelles aventures dans l’archipel des Philippines. Il est raconté et décrit beaucoup de choses dans ce nouveau roman, tout n’est pas imaginaire. Alors, en route.
Quand les parents de Julie Cuviller l’avaient emmenée avec eux, alors qu’elle était âgée de quatre ans, pour ce qui aurait dû être de merveilleuses vacances, elle était fille unique, et avait droit à toute l’affection dont étaient capables ses parents. Elle ne s’en rendait pas vraiment compte, mais elle était le centre de sa famille, d’autant que tous essayaient de vaincre sa timidité excessive à grand renfort de cadeaux, de sourires, de compliments et d’attentions diverses.
Puis, les vacances tournèrent mal. Séparée de ses parents, elle fut mise dans un avion pour fuir, elle ne savait quoi. Elle s’endormit dans l’avion, et fut réveillée aussi brutalement qu’on peut l’être quand l’avion tomba dans les arbres sur une île inconnue, et elle eut la plus grande frayeur de sa vie, quand un peu plus tard, accompagnée de la plupart des autres enfants, elle avait trouvé le pilote tué à son poste de pilotage par le choc avec la branche d’un arbre.
Puis, six ans et demi s’étaient écoulés sur cette île, avec de longues périodes de tranquillité, et parfois bien des péripéties dues notamment à la venue des trafiquants qui utilisaient l’île comme cache, et qu’ils qualifiaient de pirates.
Heureusement, il y avait eu Philippe, qui résolvait tous les problèmes, sa grande amie Lisa, et les autres, Kevin et sa sœur Chloée, Antonin, frère de Lisa, Olivier et Thibaud, qui étaient comme une nouvelle famille.
Finalement, après une périlleuse navigation sur leur radeau, entreprise pour échapper aux pirates, ils avaient été recueillis par le Bounty II, petit voilier envoyé par leurs parents, sur lequel avaient embarqué quatre d’entre eux, accompagnés d’un policier.
Rentrée en France, Julie avait séjourné pendant une année scolaire dans un pensionnat, avec ses sept camarades, puis pour reprendre une vie normale, chacun était rentré chez lui. Mais là, à la maison, il y avait quelque chose que n’avaient pas trouvé les autres à leur retour, un petit frère. Ses parents l’avaient remplacée par un petit frère, se dit-elle, et pas n’importe lequel, un petit frère qui prenait la place d’une douzaine, bruyant, exigeant, et parfois à l’inverse totalement absent, ne parlant pas, et n’écoutant rien.
Les parents de Julie l’avaient installée à son retour dans une chambre qui était, paraît-il, la sienne, ce qu’elle voulait bien croire, car elle n’était pas stupide, mais rien dans cette chambre ne lui était familier. Il y avait au mur des barbouillages colorés, et dans le placard les vêtements d’une enfant de quatre ans, alors qu’elle allait sur ses onze ans.
Ses parents avaient manifestement conservé sa chambre dans l’état ou elle était lors de sa disparition, espérant son retour, mais manifestement, cette chambre était devenue petit à petit la salle de jeu du petit frère Valentin, qui n’entendait pas se faire déloger par une inconnue.
Un jour, Julie en avait parlé à Philippe.
— Tu t’en rends compte, ils m’ont remplacée par ce petit monstre, ce n’était pas la peine que je revienne.
Philippe, qui était très réfléchi, avait répondu :
— Tu penses que ton petit frère, il est chez toi pour te remplacer ? Mais, il a quel âge ce petit frère ?
— Il a sept ans.
— Attends, si je compte bien, il est né peu de temps après qu’on arrive sur l’île des Dauphins, et donc il est né à un moment où on nous cherchait encore, puisqu’on nous a cherchés pendant deux ans au moins. Et donc quand il est né, tes parents pensaient encore que tu allais revenir, surtout qu’il paraît qu’il faut neuf mois pour qu’un bébé naisse. Au début des neuf mois, tu étais encore avec eux, et alors, ils n’ont pas fait Valentin pour te remplacer, c’est sûr. De plus, quand il est né, ils te cherchaient, tout comme mon père et les autres parents.
Cette réflexion avait rasséréné Julie, et l’avait incitée à plus de patience, ce qui d’ailleurs lui était facile, car elle était d’un naturel calme et timide. À la grande surprise de ses parents, et de l’intéressé lui-même, elle avait dit à Valentin qu’il pouvait jouer dans sa chambre si elle n’y était pas. Du coup, le petit garçon n’y voyait plus d’intérêt, puisque cela ne la ferait décidément pas repartir vers le pays mystérieux dont elle avait débarqué, et ne lui rendrait pas son statut de fils unique et choyé.
À l’inverse, Philippe était bien content d’avoir un petit frère d’adoption, en la personne de Thibaud Peyronnet, fils de Nathalie Vasseur, nouvelle épouse de son père. Des huit enfants qui s’étaient retrouvés isolés pendant six ans et demi sur l’île des Dauphins, Thibaud était le plus renfermé, et un des plus calme, bien que ses compagnons aient pu constater en certaines occasions qu’il était d’une résolution redoutable, n’hésitant pas à prendre des risques insensés pour parvenir à ses fins.
Et donc, Philippe appréciait beaucoup d’avoir conservé près de lui ce compagnon âgé de trois ans de moins que lui, avec lequel il partageait tous ses centres d’intérêt, et notamment la plupart de ses lectures.
Pour Thibaud, Philippe était la personne la plus formidable qui puisse exister, pas un dieu, mais presque, au point qu’il était difficile à Philippe de toujours mériter cette vénération. Heureusement, Nathalie et André allaient consacrer leur récent mariage par la naissance d’un bébé, dont l’arrivée était annoncée dans plusieurs mois encore, ce qui aurait inévitablement pour effet de mettre un peu d’espace entre les deux garçons.
En attendant, la maison Boismorin que Julie qualifiait de « maison de Micky et de la poupée Margritte », du nom de l’ours en peluche et de la poupée qu’ils avaient conservés sur l’île, et qu’avait gardés Philippe, avait retrouvé une saine agitation causée par Nathalie, André, Philippe, Thibaud et souvent leurs amis, et familles, adultes et enfants. Parmi ces derniers, les plus assidus étaient sans conteste Kevin Leroy et sa petite sœur Chloée. Cette dernière avait pour Philippe la même vénération que Thibaud, avec cette différence qu’on la qualifiait, peut-être non sans raison, d’un peu amoureuse. En tout cas, pour tout le monde, Chloée était la copine de Philippe.
Kevin accompagnait sa sœur, pour le plaisir de rencontrer Philippe et Thibaud. Il avait avec Philippe de grandes conversations sur des sujets multiples, émaillées de recherches diverses sur ordinateur, ou dans des livres et journaux, dont le thème était souvent la mer et les avions, passions qu’ils partageaient avec leurs parents.
Ce samedi matin, Philippe, Thibaud, André et Nathalie attendaient de la visite en vaquant à leurs occupations. En fait, Nathalie tricotait dans un fauteuil la future layette du bébé. Peu avant midi, une voiture se gara dans la cour. Il en descendit Gérard, et Patricia Cuviller, puis leurs enfants, Julie et Valentin.
— Papa, disait ce dernier, je ne voulais pas venir ici, on s’ennuie, et puis je n’ai pas mes jouets, et puis je voulais des frites, et je suis sûr qu’on n’aura pas de frites.
— Tu vois ce que je supporte, Philippe, il est toujours comme ça, dit Julie.
Ils se firent la bise.
Philippe, Thibaud et Julie échangèrent différents propos, mais c’est la conversation des adultes qui les intéressa vivement.
— Vous savez, dit André Boismorin, que le jeune Estéban Mendes de Oliveira, que les enfants avaient recueilli après qu’il ait échappé à ses ravisseurs, a pris contact avec nous. Il s’était particulièrement lié avec Thibaud pendant son séjour sur l’île, jusqu’à ce qu’il soit capturé à nouveau, malgré les efforts des enfants pour le cacher.
— Nous n’avons que peu de détails sur cette histoire, répondit Patricia. Je crois qu’il avait été enlevé contre rançon.
— C’est ce qu’il semble. Monsieur Francisco Mendes de Oliveira et son épouse sont à la tête d’une importante compagnie d’assurance au Chili, appelée O.S.U. À ce titre ils avaient fait diligenter une enquête aux Philippines concernant divers criminels dont les méfaits avaient coûté cher à la compagnie d’assurance. Le père d’Estéban s’était rendu lui-même aux Philippines avec son épouse et l’aîné de ses enfants, Esteban, pour suivre l’enquête. Il semble que c’est d’abord pour faire cesser cette enquête qu’Esteban avait été enlevé.
— Un chantage en somme.
— Oui, le but était probablement d’impressionner les parents. Ils s’en sont tiré en payant une rançon.
— Est-ce qu’on a arrêté ces criminels ? interrogea Gérard Cuviller.
— Hélas, non. Ils sont malins.
— J’aime bien Esteban, remarqua Thibaud, il m’a envoyé des cartes postales, et il apprend le français exprès pour ça.
— C’est vrai, confirma Philippe, il écrit pour nous tous, mais surtout pour Thibaud, c’est que Thibaud, il a pris des risques pour lui, ça ne s’oublie pas. Thibaud, parfois, c’est un vrai guerrier, on ne dirait pas à le voir.
— Le père d’Esteban évoque la possibilité de prendre des vacances en commun, permettant ainsi aux enfants de se revoir.
— Ce serait bien, dit Philippe.
— Oui, sans doute, mais ce n’est pas simple à organiser, et à payer. L’expédition sur le Bounty II nous a coûté cher à tous.
— Quand même, dit Philippe, ça serait bien.
Quand tous furent passés à table, la conversation porta sur ce futur voyage et sur des souvenirs des voyages passés. D’avoir animé et dirigé des années durant un groupe d’enfants, Philippe avait gardé une parole facile. Il relata certaines de leurs aventures en insistant sur le rôle de chacun. Valentin, d’abord dissipé, l’écouta avec attention.
Alors que les adultes prenaient le café sur des sièges pliants disposés sur la terrasse, Philippe s’assit sur une marche de l’escalier extérieur pour les écouter. Valentin vint s’asseoir à côté de lui. Il le regarda avec intérêt. Valentin était blond comme sa sœur, mais avec une touffe de cheveux en bataille au sommet du crâne, et alors que celle-ci avait des yeux bleu clair, Valentin avait des yeux bleu marine assez surprenants. Il lui sourit, et l’encouragea à parler.
— Dis Philippe, est-ce qu’il y avait beaucoup de bêtes sauvages sur l’île où vous avez habité ?
— Sur l’île, il n’y avait pas de gros animaux, il y avait surtout des oiseaux, mais quand même on voyait parfois la nuit un petit animal bien mignon, qui s’appelle un tarsier. C’est un petit mammifère qui mange des insectes, et qui est très adroit. On l’appelait Toutoui, et j’inventais des histoires, dont il était un des personnages.
— Julie m’a dit qu’il y avait des tigres et des lions.
— Elle t’a dit ça ! Elle plaisantait. Remarque, on craignait le loup la nuit, alors que c’est sûr, il n’y avait pas de loup.
— Ici, dans les forêts, il y a des loups.
— C’est bien possible, mais là-bas, on n’a jamais vu d’animaux dangereux, même pas dans la mer.
— Pas de requins ?
— Non, il y avait des dauphins dans la mer, mais ils ont toujours été gentils avec nous, et même ils pêchaient avec nous. Ce sont les pirates qui étaient dangereux.
— Des vrais pirates, avec des sabres et des pistolets ?
— Oui, mais pires encore, ceux qu’on a rencontrés avaient des mitraillettes, des pistolets et des grenades, même qu’une grenade a blessé ta sœur, c’est pour ça qu’elle a une cicatrice à l’épaule.
— Ha oui, je ne savais pas.
Philippe poursuivit en décrivant les fonds sous-marins et leurs merveilles, et Valentin l’écoutait avec attention, posant des questions parfois, et Philippe le trouvait très sympathique, loin de l’image catastrophique qu’en donnait sa sœur.
Plus tard, les enfants rédigèrent une lettre destinée à Esteban, dans laquelle ils exprimaient leur souhait de se revoir.
Estéban Mendes de Oliveira était un beau garçon de quinze ans, aux cheveux bruns abondants et aux yeux noirs. Il se trouvait en cette fin d’après-midi dans le jardin de la propriété de ses parents à Santiago du Chili, en compagnie d’Arioso, le jardinier qui, depuis sa petite enfance n’était pas pour lui que l’employé de ses parents, mais surtout un ami et un confident.
Arioso lui avait appris beaucoup de choses sur la nature, les animaux, le ciel, les nuages, les plantes. Il lui avait appris à tresser des roseaux ou des lianes, pour la construction d’une cabane, à allumer un feu, et plein d’autres choses qu’apprécient les enfants.
Ces savoirs, peu ordinaires chez le fils d’un grand bourgeois chilien, lui avaient d’ailleurs servi de manière inattendue à l’occasion de son séjour sur l’île des Dauphins, notamment pour améliorer son confort en se fabriquant un lit. Au demeurant, ses parents étaient assez tolérants, et tant qu’il travaillait bien à l’école, ils ne voyaient rien à redire à des apprentissages pratiques, se disant que plus on en sait, mieux c’est.
Estéban était revenu assez meurtri de sa séquestration, il avait été absent de chez lui pendant plus de deux ans, avait été menacé de mort, et s’était senti abandonné, au point de se sauver en sautant du bateau de ses ravisseurs en pleine tempête, au risque de sa vie, pour rejoindre un rivage inconnu, visible du pont ou on l’avait fait monter. Cette évasion très risquée avait finalement échoué, puisqu’il avait été repris par ses ravisseurs quelques mois plus tard.
Cependant, elle n’avait pas été vaine, puisque dans l’intervalle, il avait été recueilli par un groupe d’enfants naufragés de l’air, en raison de la chute de leur avion ; Thibaud, Antonin, Chloée, Olivier, Kevin, Lisa et Julie, qui s’étaient placés sous la direction amicale et efficace de leur aîné Philippe. Quoique plus jeunes que lui, ceux-ci l’avaient abrité, protégé, et nourri, et il leur avait apporté en retour toute l’aide qu’il pouvait, leur faisant bénéficier de son précieux savoir en matière de construction de cabanes, et chose très précieuse, il leur avait fait découvrir les ananas présents sur l’île sans qu’ils s’en doutent. Il s’était attaché à eux, et particulièrement au petit Thibaud qui avait été le premier à l’aider, si bien que, dès qu’il avait su que ses amis avaient retrouvé leurs familles, il s’était empressé de renouer le contact, et de perfectionner son français.
Il était occupé à fabriquer un nichoir qu’il destinait à l’arbre devant sa chambre, quand Arioso vint le rejoindre après s’être absenté un petit moment.
— Estéban, ton père veut te parler.
— Pourquoi ?
— Ton père ne dit pas à son jardinier ce qu’il a à dire à son fils.
— Bien sûr, excuse-moi, j’y vais.
Estéban grimpa les marches de marbre du perron, traversa le hall d’entrée, décoré de cariatides et de tableaux, grimpa l’escalier recouvert d’un tapis rouge et bleu, puis parcourut le couloir du premier étage éclairé de lustres à pendeloques. Il arriva devant l’épaisse porte en bois verni. Il était un peu inquiet. Il était très proche de son père, avant son enlèvement, mais la vague rancune qu’il avait depuis contre lui avait mis de la distance entre eux. Il frappa.
— Entre mon fils !
— Bonsoir père.
Francisco était assis derrière un bureau encombré de divers dossiers, et de quelques bibelots. Il contempla son fils. Qu’il avait grandi ! Les kidnappeurs lui avaient pris un enfant, et rendu un jeune homme.
— Estéban, j’ai pu discuter par internet avec André Boismorin, le père de ton ami Philippe, tu vois qui c’est ?
— Bien entendu, même qu’il a épousé la mère de Thibaud, qui avait divorcé.
— Je pense que ce sont des gens très bien. J’apprécie que tu aies de telles relations.
— Vous savez, père, je ne les ai pas choisis, mais c’est vrai, je pense qu’ils sont bien.
— En tout cas, Monsieur Boismorin m’a indiqué que lui-même, et les autres parents de tes anciens compagnons ne dissimulent rien à leurs enfants, au sujet de ce qui leur est arrivé, et il m’est venu à l’idée qu’alors que tu es le plus âgé des neuf, je ne te l’ai jamais expliqué.
— Mais je le sais.
— Non, tu penses que tu as été enlevé contre une rançon.
— C’est ça, non ?
— En réalité, non, c’est plus compliqué. Ne reste par debout, assieds-toi.
Estéban ne s’était jamais assis dans le bureau de son père, d’ordinaire réservé à son travail. Cette nouveauté lui fit prendre conscience de l’importance que son père accordait à cet entretien.
— Ta mère et moi t’avons expliqué que tu as été enlevé par des malfrats, voulant t’échanger contre une rançon. De telles choses sont malheureusement fréquentes dans certains pays, et c’était l’explication la plus simple.
— Ce n’est pas ça ?
— Pas vraiment. Tu sais que je préside une compagnie d’assurance. Le rôle d’une assurance est notamment d’indemniser les victimes de vols. Cela coûte cher aux assureurs, mais c’est leur métier. Les indemnités sont compensées par des cotisations.
— Je comprends, et d’ailleurs, je ne suis pas bête, je le savais déjà.
— Très bien, tu n’es pas fils d’un assureur pour rien. Par contre, ce que tu ignores peut-être, c’est qu’un assureur fait de grosses économies, s’il retrouve les biens volés, et permet d’arrêter les voleurs, et pour cela, il emploie des détectives.
— Ha oui, comme à la télévision, sauf qu’en général c’est plutôt pour des meurtres qu’il y a des détectives.
— Ce n’est pas notre créneau, même si malheureusement un vol est parfois accompagné d’un meurtre. Notre compagnie a un gros client hollandais, Monsieur Van Ostade, un bijoutier qui fait du négoce d’objets précieux, et a une succursale au Chili, car la famille de ce bijoutier s’était réfugiée au Chili pendant la guerre, pour échapper à des persécutions.
— Quelle guerre ?
— C’est vrai que pour un garçon de ta génération, ce n’est pas aussi évident que pour moi. Il s’agit de la Deuxième Guerre mondiale, bien entendu. Il y a quelques années, ce négociant hollandais a été victime d’importants vols de bijoux de la part d’un gang international, à Santiago. Nos enquêteurs, en collaboration avec Interpol, ont pu retrouver la trace de certains biens volés.
— Je comprends, quand ils sont revendus, on peut les reconnaître.
— Oui, cela arrive, et certains objets ont été identifiés au Japon.
— Alors on a enquêté au Japon.
— Tout juste, et cela a amené les enquêteurs à un gang philippin, qui dispose de beaucoup d’argent grâce au trafic de drogue.
À ce moment Estéban se dit que tout cela avait peut-être bien un rapport avec sa propre aventure.
— Alors, c’est pour cela qu’on est allé aux Philippines ?
— En effet, Charles Kappa, de l’agence Caïmans, notre agence de détectives avait remonté la piste jusqu’à ce gang, dirigé par un certain Nick Zapanta. Celui-ci était établi à Santa-Cruz, aux Philippines, où selon nos renseignements se trouvaient cachés chez lui beaucoup d’objets volés de grande valeur, et notamment ceux provenant du vol au préjudice de notre client hollandais, M. Jacob Van Ostade, et aussi des pièces historiques pillées dans le Pacifique. Je devais y aller pour identifier les objets volés, et aider ainsi Charles Kappa.
— Et alors ?
— En principe c’était simple, et pour ta mère et moi, c’était l’occasion de visiter les Philippines avec l’aîné de nos enfants, c’est pour ça que tu étais du voyage.
— Mais, donc, il y a eu problème, si j’ai bien compris.
— En effet, je savais que des biens de valeur avaient été retrouvés, mais pas qu’une opération de police serait en cours pendant notre séjour. De plus, il y a eu des fuites, et la veille du jour où la police devait faire une descente chez Zapanta, tu as été enlevé dans la maison que nous avions louée.
— Mais pourquoi ?
— C’était une intimidation, pour faire stopper l’opération.
— Et elle a stoppé ?
— Oui, j’ai demandé qu’elle soit stoppée, car je craignais pour ta vie, mais les malfrats ne t’ont pas libéré, il leur fallait du temps pour cacher à nouveau leur butin, et ils ont eu l’idée d’en profiter pour demander une rançon.
— Une grosse rançon ?
— Oui, très grosse, il ne nous était pas possible de la payer, en tout cas rapidement, du coup la police a lancé des recherches, elle a trouvé la maison ou tu étais séquestré, mais tu n’y étais plus. À l’époque on n’a pas su qu’ils t’avaient embarqué sur un bateau, pour qu’on ne te retrouve pas, probablement pour aller vers une autre cachette, chez des complices.
— Et alors ?
— Ta mère et moi, on était très inquiets, tu penses. On a réuni une grosse somme d’argent, et on fait savoir aux kidnappeurs qu’on la leur donnait contre ta libération, mais là, il y a eu problème, tu vois lequel ?
— Oui, il y a eu une tempête, j’ai pensé que le bateau allait couler. La cale où j’étais enfermé se remplissait d’eau, et on m’a fait monter sur le pont. Comme on était tout près d’une île, j’ai sauté à l’eau, j’ai nagé tout habillé, puis arrivé sur cette île, je me suis caché. À un moment, il est arrivé le petit Thibaud, qui s’était perdu dans l’île, je crois. Il m’a aidé, puis on s’est séparé, et il a retrouvé ses copains, et là, ils m’ont cherché, et comme ils ne me trouvaient pas, ils ont fait du bruit en tapant sur une aile de leur avion, et là, j’ai suivi le bruit, et comme ça, ils m’ont trouvé. Ce qui est bizarre, quand j’y pense, c’est que le bateau est parti sans qu’on me recherche. En réalité, j’ai pensé qu’il avait coulé, mais en fait non.
— Il avait été endommagé par la tempête, il faisait eau, et il a bien failli réellement couler. Son équipage t’a vu aborder, mais les matelots du bateau ne pouvaient pas te suivre, occupés à sauver leur bateau. Ils sont donc repartis pour réparer, quand la tempête s’est calmée, et c’est à leur arrivée dans leur repaire aux Philippines qu’ils ont appris mon offre de payer une rançon, alors ils ont accepté, mais il fallait qu’ils te récupèrent, et ça leur a pris du temps.
— Moi, j’étais bien, sur cette île, être kidnappé c’est pas marrant, on est toujours enfermé, et aussi inquiet, et là, j’avais de bons copains.
— Je ne te reproche rien, Estéban, d’ailleurs, si on t’avait trouvé sur l’île, c’était l’idéal, on aurait fait l’économie de la rançon. Malheureusement ils t’ont repris, et il a encore fallu des mois pour obtenir ta libération. On avait peur, tu penses, qu’ils te tuent après avoir eu la rançon. Avec l’aide de Charles Kappa, et pour préserver ta sécurité, j’ai pu négocier que tu sois détenu par un intermédiaire, n’appartenant pas à la même bande que tes ravisseurs, intermédiaire qui devait te libérer dès le feu vert obtenu de ceux-ci.
— C’est compliqué.
— Oui, mais ça a marché, tu as été transféré dans un sous-sol de Manille, j’ai payé la rançon, plus une commission à ceux qui te détenaient, et tu as été libéré.
— Quand même, ç’a été long.
— L’important, c’est ton retour, et puis tu t’es fait des amis français.
— J’aimerais bien les revoir.
— Justement, cela va être peut-être possible, mais il faut que vous acceptiez tous de retourner aux Philippines.
— Mais pourquoi ?
— J’ai là-bas un ami, qui possède des hôtels, des commerces, et même un club de plongée sous-marine, et ce club le met en relation avec des clients richissimes, des Coréens, des Chinois, mais aussi des Philippins, et des Japonais, et il paraît que certains ont des informations précieuses pour mon enquête, alors l’idée, c’est d’inviter tout le monde à un séjour de plongée sous-marine dans un très bel endroit, appelée Bohol, et d’en profiter pour faire quelques rencontres.
— Je n’ai pas un très bon souvenir des Philippines.
— Bohol n’a rien à voir avec Manille ou tu étais détenu, et tes amis apprécieraient peut-être la plongée sous-marine.
— Oui, je crois. Là-bas, ils plongeaient en apnée, avec ou sans masque. C’est vrai, ça pourrait être bien de tous se retrouver là-bas, mais ils ne doivent pas être très riches, ils ne pourront peut-être pas payer ce voyage ?
— Ça, je m’en charge, et tu auras ainsi l’occasion d’apprendre à plonger dans un site réputé, et très beau, je te l’assure. Alors Esteban, c’est d’accord ?
— Oui, si maman veut bien.
Pepito Oliveira demeurait dans une modeste maison proche de Papeete, avec son épouse et ses trois enfants. La maison, qui était entourée d’un jardin tropical et d’un potager, paraissait propre et bien tenue.
Trois hommes l’observaient, d’une grosse voiture stationnée à quelques dizaines de mètres.
— Il a l’air seul avec sa famille, on pourrait y aller, dit l’un d’eux.
— Oui, on y va, il n’y a rien à craindre, je pense.
— Je le connais, fit le troisième, c’est pas un violent.
Ils descendirent de la voiture, approchèrent de la maison, suivirent l’allée, et l’un d’entre eux toqua à la porte. Une femme corpulente vint ouvrir.
— C’est pourquoi ?
— On voudrait voir Pepito, est-il là ?
— Oui, attendez. Pepito, il y a trois messieurs qui veulent te parler !
— Pepito s’approcha, et son visage afficha tout de suite de la crainte à la vue des trois hommes, mais il se reprit vite, il s’attendait à ce qu’un jour ou l’autre, il reçoive une telle visite.
— Tu me reconnais ? dit celui qui paraissait diriger le petit groupe.
— Bien entendu, tu es Salipata Herrera, on s’est vu plusieurs fois chez Kimura.
— Mes copains et moi, on a quelques questions à te poser.
— Mais, qui est-ce qui vous envoie ?
— Je travaille toujours pour Zapanta, alors peux-tu répondre à mes questions ?
Pepito réfléchit rapidement. Les mettre dehors, ce n’était pas possible, il pourrait y avoir des représailles, et il pensait d’abord à la sécurité de sa famille. Autant les accueillir au mieux, se dit-il.
— Entrez, entrez, allons dans le salon.
Il s’adressa à son épouse, et à ses trois enfants qui s’étaient approchés curieux :
— Ne nous dérangez pas. Vous voyez, dit-il aux trois hommes, je suis rentré hier, et j’aidais les enfants à faire leurs devoirs, c’est important pour leur avenir.
Ils pénétrèrent dans le petit salon sobrement meublé, mais propre et décoré de diverses babioles, souvenirs de voyages
Salipata, un homme au teint cuivré, d’une cinquantaine d’années, reprit :
— Quand Nick Zapanta a appris qu’on t’avait revu à Papeete, il m’a envoyé ici pour te rencontrer, et il y a quelques jours déjà qu’on guettait ton retour, et maintenant te voilà.
— Je ne me cache pas, je suis cuisinier sur un bateau de croisière, et là je suis de repos. J’ai une famille à faire vivre, et j’ai été longtemps absent. Pour un peu, on devait vendre la maison à mon retour.
— Pourtant, tu avais disparu des années, avec Kimura, et un jour tu ressurgis, mais tu ressurgis seul, c’est étrange, et alors où sont Kimura et le reste de son équipage, où est le chargement du bateau ? Il y en avait pour une fortune. Tu l’as gardé pour toi ?
— Moi, sur ce bateau, j’étais le cuisinier, et la valeur de tout cela, ça ne me concernait pas.
— Tu te fiches de nous !
— Écoute Salipata, je me doutais bien que ça faisait beaucoup d’argent, car Kimura était prêt même à massacrer des enfants pour récupérer ce chargement, mais je n’étais pas dans le premier bateau, celui qui a été attaqué, cette marchandise, je l’ai à peine vue, quand elle a été chargée sur notre bateau après avoir été récupérée. Tu n’es pas bête, tu comprends bien que si j’en avais gardé ne fut-ce que le dixième, je serai dans une villa de luxe à Miami, je ne ferai pas cuisiner pour des touristes.
L’autre réfléchit, et sourit.
— Ce que tu dis est vrai, je te crois.
Pepito se leva.
— Lola, sers-nous l’apéro, avec des glaçons.
L’atmosphère se détendit, quand Lola servit chacun. Une des petites filles amena même quelques friandises. Pepito savoura la boisson, car, s’il buvait rarement, il savait apprécier, et il reprit :
— Je vais vous expliquer ce qui s’est passé. Vous voyez, Kimura et les autres, ils sont morts, c’est pour ça que personne ne les a revus, et le bateau, il a coulé.
— Morts, mais comment ?
— Notre bateau a explosé.
— Il a explosé ! Et toi tu es là, tranquillement à nous le raconter. S’il a explosé, pourquoi n’as-tu pas explosé avec ?
— Si vous avez le temps, je vous explique tout, enfin, tout ce que j’ai vu et compris.
— Remarque, je pensais bien que Kimura était mort, car plus personne n’en a eu de nouvelles.
— Moi, Kimura m’avait demandé d’embarquer sur ce bateau, qui s’appelait le Takamoto, comme cuisinier, c’est mon métier, et je ne pouvais pas refuser, car j’avais une dette d’argent envers lui, et refuser de rembourser Kimura, c’était dangereux.
— C’est sûr, dit un des compagnons de Salipata.
— J’ai donc embarqué avec eux sur le Takamoto, sans même savoir où nous allions ni pourquoi. Au départ, nous n’étions que trois, Kimura, Alberto et moi, et il ne s’agissait que de convoyer ce bateau de Polynésie aux Philippines. Ça fait un sacré trajet. Quand nous sommes arrivés au port de Vigan, d’autres hommes ont embarqué, et on est reparti après s’être ravitaillé, et à ce moment, en écoutant les conversations, j’ai compris qu’il s’agissait de récupérer un chargement d’une grande valeur, qui avait dû être caché sur une île. Ce chargement, c’était de la poudre.
— Oui, c’est vrai, mais n’y avait-il pas autre chose ?
— Si, on devait aussi récupérer un butin en provenance notamment d’un vol au Chili et d’un gros cambriolage aux Philippines, par le réseau de Nick Zapanta, et même un trésor récupéré dans un sous-marin.
— C’est bien cela, oui. Continue.
— Trois jours plus tard, on est arrivé au large d’une petite île, petite, mais assez haute, et à proximité se trouve une île plus petite, qui elle, est toute plate. Je vous dis tout de suite que je ne sais pas où elles se trouvent exactement, même si je situe la région. Kimura la connaissait, bien sûr, puisque c’est là qu’il avait été attaqué, après y avoir débarqué sa marchandise, dans l’attente de clients, je crois. C’était une de ses caches. Le bateau a fait le tour de l’île, et on a stoppé près d’une crique, hors de la vue du sommet, pour permettre à Kimura, Alberto et deux autres de débarquer discrètement, en emportant une radio. Je le sais, car je leur ai apporté des provisions à leur départ. Ensuite, on a continué à tourner doucement autour de l’île, et deux ou trois heures après, on a récupéré Kimura. Il avait l’air furieux quand il est revenu, il engueulait tout le monde.
— Pourquoi ?
— Ils étaient allés à la cache, que Kimura appelait le blockhaus. C’est là que toute la marchandise avait été entreposée, et ils l’avaient trouvée vide.
— Vide ?
— Oui, il n’y avait plus rien dedans ni la poudre ni le butin. Kimura a fait ancrer le bateau devant une plage, mais on avait interdiction de descendre, pour ne pas donner l’alerte. On a attendu toute une journée. Pendant ce temps Kimura faisait fouiller l’île par Alberto et deux autres, sans succès d’abord. Le matin suivant, ils nous ont rejoints, et ils traînaient avec eux deux petits garçons qu’ils avaient réussi à attraper par surprise.
— Mais, d’où sortaient-ils, ceux-là ?
— Tu te souviens de cet avion qui avait disparu alors qu’il transportait des petits enfants évacués d’un hôtel de l’île Pakamobo lors d’une éruption volcanique, eh bien, ils faisaient partie de ce groupe d’enfants disparus avec leur avion.
— Ha oui, j’ai entendu parler de ça.
— Eh bien, le crash de leur avion avait eu lieu sur cette île. Le pilote avait été tué, mais eux étaient toujours là, et ils savaient forcément où était cachée la marchandise, puisque Kimura les avait forcés à la transporter de la plage jusqu’au blockhaus, après que son bateau ait coulé.
— Donc, Kimura a compris que ces gamins avaient vidé le blockhaus de sa marchandise, mais pourquoi ont-ils fait ça ?
— On l’a su plus tard, c’était pour échanger la marchandise contre deux fillettes enlevées par Hakamo. Ils avaient transporté toute la poudre dans une crevasse. Ensuite, ils ont fait l’échange de la marchandise contre les deux petites filles, si j’ai bien compris, et Hakamo est reparti avec le chargement. Pourtant, malgré ce détournement par Hakamo, Kimura était persuadé qu’il n’y allait pas pour rien, quand il a lancé cette expédition. Je le sais bien, je l’ai aidé à la préparer en recherchant un bateau.
— Je crois que Hakamo n’utilisait que des vedettes rapides, pour échapper à la police, sûrement qu’il n’avait pas pu tout embarquer par manque de place. Kimura devait le savoir.
— Oui, en effet, reprit Pepito, on n’y allait pas pour rien, car Hakamo n’avait emporté que moins de la moitié de la poudre, le reste était resté caché par les enfants. Kimura savait donc que Hakamo était passé par là, mais n’avait pas pu tout emporter, car son bateau était trop petit. C’est pour cela qu’il a demandé à Alberto de capturer des gamins, pour savoir où était cachée la marchandise restante. Ensuite, l’un des enfants a été enfermé dans la cale arrière, et c’est moi qui devais le surveiller, tandis que l’autre conduisait Kimura à la cache. Comme cela, ils ont pu récupérer la marchandise, et la transporter sur le Takamoto.
— Est-ce que tout y était ? interrogea Salipata, manifestement inquiet.
— La poudre, je crois. Le reste, je ne sais pas, je ne l’ai pas vu, puisque je n’ai pas participé au transbordement sur le bateau. Ce qui est sûr, c’est que des sacs ont été entreposés dans la cale arrière, près du gamin prisonnier, ça je l’ai vu, mais je n’ai rien vu d’autre. Une partie du butin de Zapanta a pu être entreposée ailleurs dans le bateau, ou alors, il est encore sur l’île, j’ai préféré ne pas poser de questions.
— Et ensuite ?
— Kimura a relâché le plus grand des garçons, celui qui l’avait conduit à la cache.
— Ça ne lui ressemble pas.
— En effet, ce que les enfants ne savaient pas, c’est qu’il avait fait piéger la cabane où ils habitaient avec pas mal d’explosifs dissimulés derrière la porte, pour qu’ils sautent en y retournant, et ainsi faire disparaître les témoins.
— Ça ne m’étonne pas de lui.
— Ensuite, on a levé l’ancre, et on est repartis, mais on n’est pas allé loin, puisqu’on a jeté l’ancre près de la petite île toute plate qui se trouve à proximité de l’autre. Il faisait nuit alors, et je pense que Kimura voulait entendre l’explosion de la cabane des enfants, pour être certain d’avoir éliminé les témoins.
Pepito s’interrompit pour boire un coup et manger un biscuit, puis il ajouta :
— Moi, ça ne me plaisait pas du tout qu’on tue des enfants, mais je n’ai pas osé le dire. J’ai des enfants moi-même, vous comprenez ?
Salipata hésita, puis fit :
— Je comprends, et alors ?
— Les autres ont fêté la réussite de l’expédition, en mettant la musique à fond, et en buvant du rhum, et moi je suis allé à la proue pour fumer une cigarette. J’y étais depuis un moment, quand il y a eu un premier boum, mais pas sur l’île, dans notre bateau. Je me suis retourné pour voir ce qui se passait, et peu de temps après le Takamoto a carrément explosé. J’ai été brûlé aux bras et au visage et jeté à la mer par le souffle. J’ai failli me noyer, mais il y avait à l’avant du bateau un gros réservoir d’eau douce à moitié plein, attaché par des sangles, qui a été jeté à l’eau aussi. À la lueur de l’incendie, je l’ai aperçu, et je m’y suis accroché.
— Et les autres ?
— Je n’ai vu personne. Kimura et les autres étaient tout près de l’explosion, eux. Je suis le seul survivant, j’en suis certain. Le lendemain, avec l’aide du vent, j’ai réussi à rejoindre la petite île, et à y monter le réservoir d’eau. Le jour d’après, dans la matinée, j’ai entendu une explosion du côté de l’île où avait été cachée la marchandise. J’ai pensé que le piège de Kimura avait fonctionné, et cela m’a fait de la peine. Dans les jours qui ont suivi, j’ai réalisé que personne ne viendrait me chercher, puisque cette expédition était secrète, et que Kimura n’avait certainement indiqué à personne notre destination précise, et j’ai entrepris de me construire un abri.
— Oui, bon, mais pourquoi le bateau a explosé ?
Pepito réfléchit un instant. Il se doutait bien que le petit Kevin était à l’origine de l’explosion, puisqu’il l’avait revu plus tard parmi les huit enfants naufragés de l’air, mais il se rappelait le temps passé avec les enfants comme une période heureuse, et il se dit qu’il ne devait surtout pas dire quelque chose qui puisse les mettre en danger, mais aussi qu’il ne devait pas raconter de choses qui puissent être démenties facilement, en mettant en danger sa famille et lui-même. Il reprit.
— Pourquoi le Takamoto a explosé, je n’en sais rien. Il y avait beaucoup de munitions et d’explosifs à bord. Les autres devaient être tous saouls, c’est peut-être un accident.
— C’est peut-être le gamin qui était prisonnier qui l’a fait sauter ?
— Je ne sais pas. Il était enfermé dans la cale arrière, et les munitions dans celle d’avant. En tout cas, je me suis retrouvé seul sur cet îlot. J’ai réussi à survivre, car je connais bien les plantes, j’ai pu aussi pêcher des crustacés, et parfois des poissons, et j’ai fabriqué un système de récupération d’eau de pluie, qui me permettait d’en stocker dans le réservoir. J’ai entrepris de me faire un radeau, mais ce n’était pas facile, je n’avais aucun outil.
— Mais donc, tu y es arrivé.
— J’ai mis des mois et des mois à faire ce radeau, il fallait qu’il soit assez solide pour affronter la mer, et assez gros pour que je puisse y mettre le réservoir d’eau, puis j’ai fabriqué une voile, et enfin j’ai pu partir, et après quelques jours, un bateau m’a recueilli. J’ai raconté que je venais de Polynésie, et que j’avais fait naufrage près d’une île, et construit ce radeau, et voilà toute l’histoire.
Salipata soupira, puis reprit :
— Donc, la poudre, elle est partie en fumée, et le reste a dû couler, à moins qu’il soit resté caché sur l’île.
— Certainement.
— Est-ce que tu saurais retrouver l’endroit du naufrage ?
— Avec une bonne carte, je pense que je saurai retrouver ces deux îles, mais de là à retrouver l’épave, c’est autre chose.
— Est-ce que tu pourrais nous y conduire ?
— Pas question, fini ces histoires, et d’ailleurs quand je vous aurai montré sur une carte le lieu approximatif du naufrage, vous en saurez autant que moi.
— D’accord, je cherche une carte de cette région, et tu me montreras, mais tu n’en parles à personne.
— Je ne raconte jamais cette histoire, car je ne veux pas être accusé de complicité dans une tentative de meurtre sur des enfants, parce que, vous savez, les enfants, en réalité, ils s’en sont sortis, et ils ont tout raconté à la police. Si on savait que j’ai été mêlé aux trafics de Kimura, ça pourrait aller mal pour moi. Je repars dans huit jours, préviens-moi de ta visite d’ici là.
— C’est d’accord.
Pepito regarda partir les trois hommes avec inquiétude. Pouvait-il faire autrement que les aider ? se disait-il. À l’évidence, non.
Francisco Mendes de Oliveira venait de rejoindre son épouse Paloma au siège de la compagnie d’assurance Oliveira Seguro Unerversalis, dite O.S.U. Paloma l’entraîna dans son bureau.
— Qu’y a-t-il chérie ?
— J’ai eu une idée, au sujet de la publicité, je voudrais savoir ce que tu en penses.
— Dis-moi.
— Mon idée c’est de profiter de ce voyage à Bohol, pour le tournage d’un film publicitaire. J’en ai parlé avec Diego Gutierrez de l’agence de publicité Astra.
— Comment cela ?
— Ce serait un petit film, on y verrait des enfants en combinaison marquée O.S.U., plonger dans les profondeurs, pour retrouver un trésor volé, et assuré par la compagnie. Esteban et ses copains pourraient participer, et cela financerait en partie le voyage.
Francisco fronça les sourcils, et s’assit dans un fauteuil, se demandant si une telle chose était faisable.
— L’idée n’est pas mal, mais le conseil d’administration va nous demander pourquoi aller aux Philippines, il y a plus près.
— Une publicité marche mieux s’il y a de belles images, les fonds sous-marins de Bohol sont exceptionnels, et la plongée là-bas est peu coûteuse. Crisato Capistrano, le patron du club Télémaque est un ami, et il pourrait sûrement loger tout le monde dans la résidence du club.
— Et puis les administrateurs comprendront sans peine que ce tournage sera l’occasion d’enquêter sans éveiller les soupçons, mais il faudrait que nos amis français acceptent, mais avant de les interroger, j’en parlerai à Diego, et à Crisato, qu’on voit si c’est faisable.
Une semaine plus tard, et bien loin du Chili, après avoir longuement pédalé, Kevin et Chloée posèrent leurs bicyclettes contre la clôture de la maison Boismorin, et Chloée sonna. Philippe arriva en courant et leur ouvrit. Ils entrèrent les bicyclettes dans la cour.
— Ce que j’ai chaud, Philippe, t’imagines pas, dit Chloée.
— Il y a un sacré soleil aujourd’hui ajouta son frère, mais c’est sympa de venir vous voir à vélo. Il paraît que tu as du nouveau ?
— Oui, entrez, les parents ne sont pas là, il n’y a que Thibaud.
— Ho, bonjour Thibaud.
— Salut Chloée, salut Kevin, vous ne savez pas, on va devenir des acteurs !
— Des acteurs, tu rêves ! dit Chloée.