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Enfin tranquilles... ou presque...
Insouciants, comme tous les amoureux, Nancy et Jean-Gabriel flânent sur le sentier qui mène à la pointe de Pen-Hir. Instant de pur bonheur dans ce paysage grandiose. Mais, soudain, le charme est rompu par le vol stationnaire d'un hélicoptère juste au-dessus d'eux et la vie de JG va à nouveau basculer dans l'angoisse avec la disparition simultanée de la jeune femme.
Quelle est donc la sombre machination qui poursuit celle-ci à travers la France ? Revivrait-on les miasmes d'un cauchemar qu'on croyait à jamais oublié ?
Ce roman policier avec Brume sur la Presqu'île et La route de Rocamadour constitue une trilogie qui nous appelle à la vigilance : tel un phénix, le monstre n'attend que de renaître…
EXTRAIT
Ils arrivèrent, main dans la main, en haut du sentier, là où il rejoint le parking aménagé face à l’immense croix de Lorraine commémorant les sacrifices des combattants de la Libération. Mais, évitant de rejoindre la foule autour du monument, ils choisirent de redescendre un peu plus vers l’extrême pointe d’où l’on voit les vagues tout en bas et après le premier des Tas de Pois, la passe où se risquent toujours quelques bateaux quand la mer est calme et quand la marée le permet.
Quelques mètres plus bas, quelqu’un faisait de la varappe, il était en train de descendre ou peut-être de remonter le long de la roche à peu près verticale à cet endroit. Sur un des deux ou trois bateaux que l’on voyait en dessous, s’allumait le flash d’un appareil photo.
Et soudain tout devint confus. Le gros hélicoptère s’approchait à nouveau, très vite et assez bas pour donner l’impression à Jean-Gabriel que quelque chose d’anormal était en train de se produire
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Pierre Farines vit en Auvergne et en Allemagne. Poète, éditeur d'une revue de poésie et homme de théâtre, il est aussi amoureux de la presqu'île de Crozon.
À PROPOS DE L'ÉDITEUR
"Depuis sa création en 1996, pas moins de 3 millions d'exemplaires des 420 titres de la collection « Enquêtes et suspense » ont été vendus. [...] À chaque fois, la géographie est détaillée à l'extrême, et les lecteurs, qu'ils soient résidents ou de passage, peuvent voir évoluer les personnages dans les criques qu'ils fréquentent." -
Clémentine Goldszal, M le Mag, août 2023
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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près, ni de loin, avec la réalité, et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.
À Noël et Marie-Claude,pour toutes ces années.et à Maryse,à Laurence,à Sonja, toujours.
Jean-Gabriel marchait devant sur l’étroit sentier qui serpente en remontant de la plage de Veryach vers la pointe de Pen-Hir.
Quelque chose d’enchanteur dans ce décor d’une beauté exubérante, presque exagérée. Dérangeante parce qu’elle donne envie sans cesse de s’arrêter pour saisir un peu de cette émotion inexprimable, pour faire encore des photos qu’on ne regardera probablement qu’une ou deux fois. Un paysage qu’on aurait volontiers qualifié de “kitsch” à ce moment où l’impression de marcher dans une carte postale ou sur un canevas de grand-mère se dégageait des épais coussins de bruyère dont la couleur variait du brun rouge au rose fuchsia et au violet.
Juste en dessous, la marée haute fouettait les roches vernies d’écume éblouissante sous le soleil des derniers jours de juin et, à l’autre extrémité de cette anse magnifique, la falaise s’étirait, longeant la baie en direction de Ker-Loch.
Une trentaine de pas en arrière, la silhouette gracieuse de Nancy suivait Jean-Gabriel. Avec quelque chose de la perfection aussi dans la féminité de sa démarche, au milieu de ce chaos granitique et marin encore tout empreint de la violence créatrice de ce bout du monde.
Tout semblait donc très beau, presque parfait, quoique troublé périodiquement par le bourdonnement têtu et saccadé d’un gros hélicoptère de la Marine Nationale. Hanneton ventru dont les allers et retours le long du littoral ne permettaient plus d’entendre la respiration calme de l’océan. Nancy fit quelques pas un peu plus vite pour rattraper Jean-Gabriel. Elle appela :
— JG !
Il ne répondit pas. Soit qu’il n’eût pas entendu, à cause des battements des rotors de l’hélicoptère qui volait très bas à cet instant en direction de la pointe, soit qu’il fût encore de mauvaise humeur et ne voulût pas répondre. Ils croisèrent quelques randonneurs qui descendaient vers la plage, à cette heure peut-être pour pique-niquer.
Il ne se retourna pas. JG était agacé. Depuis cinq jours qu’ils étaient revenus à Camaret pour y prendre un repos bien mérité, Nancy n’avait pas une seule fois voulu se baigner avec lui. À peine si elle s’était mouillé les pieds.
Ses yeux violets agrandis par la peur disaient assez pourquoi elle refusait obstinément d’aller plus loin. Et plusieurs fois, ils étaient ainsi restés au bord de l’eau, elle, incapable d’avancer et lui, cherchant en vain à l’encourager puis finissant par aller nager tout seul en regrettant de perdre des occasions si belles de profiter ensemble d’un soleil éclatant et d’une eau à vingt-trois degrés.
Il pouvait bien comprendre cependant puisqu’elle avait reçu des menaces. Subi même une agression sur cette plage où elle ne voulait pas entrer dans l’eau*. De cela, à vrai dire, elle n’était pas absolument sûre. Peut-être que la fatigue lui avait fait croire... Elle ne savait plus mais se répétait toujours la même chose :
« S’ils m’ont suivie jusque là-bas, sur la route, c’est qu’ils vont revenir, sinon c’est insensé. »
Elle en avait perdu le sourire et une partie de son appétit alors qu’elle était, aux yeux de Jean-Gabriel, la joie de vivre incarnée. Quant à lui, il commençait à se dire que les hommes qui avaient cherché à lui faire peur, avaient maintenant renoncé à l’inquiéter davantage. Seulement deux dangereux imbéciles, comme on en croise sur les routes, qui avaient voulu s’amuser aux dépens d’une jolie femme et s’imaginaient être intéressants.
— JG !
Elle appela encore, profitant d’un moment de silence entre deux passages de l’hélicoptère. Il se retourna enfin et l’attendit. En la regardant se rapprocher de lui, il était presque convaincu que n’importe quel mâle normalement constitué ne pouvait que désirer la séduire, fût-ce parfois par les moyens les plus stupides. Il se sentit submergé, comme chaque fois qu’il la regardait, d’une vague de tendresse et de désir confondus. Il connaissait son courage et sa fragilité. Savait aussi qu’elle lui était devenue d’autant plus proche qu’ils avaient affronté ensemble les mêmes dangers et ne pouvaient que partager les mêmes inquiétudes.
L’hélicoptère revenait très vite, assez bas au-dessus d’eux, comme une menace qui se rapprochait, jouait sur les nerfs, et s’éloignait en laissant assourdis pour quelques secondes, avant que leurs pensées ne reprennent leur cours, les marcheurs qui parcouraient paisiblement le chemin.
À ce moment, JG s’en voulait de n’être pas plus aimable, plus prévenant avec Nancy, de s’être laissé emporté par sa mauvaise humeur bien qu’il eût fait de grands efforts pour se dominer. Peut-être à cause de la fatigue de ces dernières semaines... Il eut brièvement l’intuition qu’il n’avait pas fini de regretter son attitude mais il effaça très vite cette pensée, craignant déjà d’y déceler quelque prémonition.
* Voir La route de Rocamadour, même auteur, même collection.
Ils arrivèrent, main dans la main, en haut du sentier, là où il rejoint le parking aménagé face à l’immense croix de Lorraine commémorant les sacrifices des combattants de la Libération. Mais, évitant de rejoindre la foule autour du monument, ils choisirent de redescendre un peu plus vers l’extrême pointe d’où l’on voit les vagues tout en bas et après le premier des Tas de Pois, la passe où se risquent toujours quelques bateaux quand la mer est calme et quand la marée le permet.
Quelques mètres plus bas, quelqu’un faisait de la varappe, il était en train de descendre ou peut-être de remonter le long de la roche à peu près verticale à cet endroit. Sur un des deux ou trois bateaux que l’on voyait en dessous, s’allumait le flash d’un appareil photo.
Et soudain tout devint confus. Le gros hélicoptère s’approchait à nouveau, très vite et assez bas pour donner l’impression à Jean-Gabriel que quelque chose d’anormal était en train de se produire. Levant la tête pour observer le lourd engin qui semblait foncer exactement sur eux, il eut le réflexe, pour la protéger, d’attirer Nancy contre lui, tandis qu’elle tenait d’une main sa casquette dans le puissant courant d’air. JG distinguait les casques et les visières bombées, telles de gros yeux de mouches, des pilotes. Le temps semblait arrêté. Il voyait aussi de très près les cocardes frappées d’une ancre de la Marine Nationale et comprit que l’hélicoptère était en vol stationnaire juste au-dessus d’eux. On eût dit un film au ralenti, et muet, excepté le bruit assourdissant.
L’appareil s’inclina fortement vers le bord de l’à-pic. JG, baissant les yeux, vit alors le grimpeur dans une pose étrange, le buste rejeté en arrière, la tête s’inclinant avec un angle anormal comme si l’homme avait voulu regarder aussi le ciel. Mais sa bouche était grande ouverte pour un cri de terreur inaudible dans le vacarme. Ses yeux écarquillés semblaient traduire une intense surprise et, avec une lenteur fascinante, il se détachait de la paroi et basculait dans le vide.
Abasourdi, Jean-Gabriel demeurait immobile, serrant toujours Nancy contre lui. Il cria quelque chose dont il ne se souvint même pas par la suite et, réalisant que l’hélicoptère s’était enfin éloigné, il parvint dans le silence revenu à intégrer dans sa pensée tout ce qu’il venait de voir. Le grimpeur avait disparu à ses yeux, il s’approcha du bord et vit le corps suspendu beaucoup plus bas, se balançant doucement au bout de sa corde de rappel.
Plusieurs secondes s’écoulèrent avant qu’il réussît à réfléchir un peu plus posément. Porter secours semblait très difficile, presque impossible à cet endroit. En bas, les trois bateaux luttaient contre le courant, il voulut leur faire signe, mais on ne lui répondait pas. Il réussit à descendre de quelques mètres, Nancy restant penchée au-dessus de lui. Elle criait quelque chose comme : « Fais attention ! » qu’il devinait sur ses lèvres plus qu’il ne l’entendait car, d’où il était parvenu, le mouvement des vagues produisait maintenant un vacarme suffisant pour couvrir tous les autres bruits.
Quelques dizaines de goélands tournaient en dessous, déjà intéressés par le corps suspendu à leur portée. Il descendit encore un peu, mais ses mains se blessaient sur la roche et ses chaussures de tennis menaçaient à chaque instant de déraper. De là, le grimpeur semblait maintenant immobile. Peut-être mort ou simplement assommé. C’était un homme en apparence très jeune, pour autant que son casque permît de bien s’en rendre compte. Une vingtaine d’années tout au plus et sa tête, inclinée sur le côté, ne laissait deviner aucun signe de souffrance ou de vie.
Nancy hocha la tête pour signifier qu’elle avait compris lorsque JG, lâchant prudemment sa prise sur le rocher, porta une main à son oreille pour mimer un appel téléphonique. Elle disparut à sa vue. Il appela à plusieurs reprises le garçon accidenté qui ne répondait pas. Le corps suspendu tournait sur lui-même imperceptiblement tandis que se rapprochait le nuage criard des goélands. Et Jean-Gabriel se souvenait avec horreur du témoignage d’un marin sénan qui commandait alors un bateau de sauvetage. Cet homme racontait comment, ayant retrouvé des naufragés, il avait dû commencer par chasser les oiseaux qui dévoraient déjà les yeux des noyés. Fallait-il écarter déjà ces charognards ? Il hurla, sans effet. Une sueur glacée courait sur son dos tandis que JG s’apercevait qu’il avait pourtant très chaud, ainsi collé à la roche en plein soleil de midi. Et pas un souffle de vent, si bien que les voiliers ici et là paraissaient quasiment immobiles sur l’océan étale.
Ne voyant toujours pas revenir Nancy, il se fatiguait à rester ainsi accroché à des prises incertaines. Il décida de remonter les quelques mètres qui le séparaient de la plate-forme au-dessus. Mais, quand il y parvint, ce fut pour constater que personne ne semblait avoir rien vu du drame et que Nancy devait chercher ailleurs du secours puisqu’elle n’était pas encore là.
Un peu plus loin, au-delà de la ligne des campingcars en stationnement, un camion blanc s’éloignait sur la route, le chauffeur n’ayant sans doute rien pu voir de la scène. JG remarqua seulement une plaque finissant par 29. Mais cela n’avait bien sûr aucune importance. Du regard, il parcourut la foule des touristes qui continuaient à se repasser des paires de jumelles et à prendre des photos. Nulle part la queue-de-cheval rousse et la casquette noire de Nancy.
Tout le monde se retournait maintenant et regardait sans comprendre cet homme criant et gesticulant qui courait dans leur direction. Pour lui, c’était un de ces cauchemars où on court et on n’avance pas, on crie mais la voix se heurte à un écran invisible. D’une part, il commençait à s’inquiéter de n’apercevoir nulle part Nancy. De l’autre, il avait envie de bousculer tous ces gens qui posaient sur lui des regards vides ou déjà agacés parce qu’il les dérangeait.
En plein soleil, sur ce promontoire d’où on contemplait les îles dans le lointain brumeux, tout semblait s’être figé et la vie, prendre un relief surprenant, comme quand on se réveille soudain sans plus savoir vraiment pourquoi on est là.
Il s’arrêta de courir. Les bruits d’une activité normale revenaient lentement. Il nota, au loin, le ronflement de l’hélicoptère qui s’en allait maintenant vers Brest.
— Attendez !
Des groupes s’éloignaient devant lui, inquiets peut-être à la vue de cet énergumène et craignant déjà des ennuis. Du geste, il voulut les retenir tandis qu’il reprenait son souffle et tâchait encore d’identifier Nancy au milieu de la foule.
— Écoutez… Non, ne partez pas ! Il y a eu un accident… quelqu’un qui est tombé… là-bas.
Il montrait du doigt la direction des Tas de Pois.
— Y a-t-il un médecin parmi vous ?
Quelqu’un s’avança qui semblait avoir compris.
— Un accident de la route ?
— Non, pas du tout. Une chute. Quelqu’un qui faisait de l’escalade et qui a dévissé. Là-bas, à cent mètres à peine. Mais d’ici, c’est vrai qu’on ne voit rien.
Ceux qui avaient entendu commençaient à presser le pas dans la direction indiquée par Jean-Gabriel. Comme une vague qui reflue, la foule massée au pied de la croix de Lorraine et au bord de la falaise changea de direction pour migrer maintenant vers le lieu de l’accident. Il soupçonna que certains espéraient déjà filmer ou prendre encore des photos. Il insista :
— S’il vous plaît ! Personne n’est médecin ici ?
Il suivait maintenant le mouvement des curieux qui s’éloignaient sans plus s’intéresser au paysage. Prêt à s’énerver, il prit par le bras un homme qui passait à côté de lui sans lui prêter la moindre attention.
— Hé ! Qu’est-ce que c’est que ces manières ?
— Excusez-moi, il y a quelqu’un qui…
L’autre le dévisageait.
— Non rien, excusez-moi…
Désemparé, il lâcha le bras de cet homme qui sembla littéralement prendre la fuite. D’un coup d’œil circulaire, il vérifia encore que Nancy restait en dehors de son champ de vision.
— Je ne suis pas médecin, je suis infirmière. Si je peux faire quelque chose en attendant mieux…
C’était une petite femme brune, au regard éveillé. Une cinquantaine d’années peut-être. Il la trouva immédiatement sympathique, tant son comportement contrastait avec celui des autres.
— Je vous remercie. Oui, si vous voulez venir…
JG allait l’entraîner à sa suite quand il avisa l’homme juste à côté qui semblait encore méfiant.
— Qu’est-ce que vous voulez ?
La femme se tourna vers celui qui semblait être son mari.
— Laisse. Ce monsieur a besoin d’aide. Il y a eu un accident. Je dois y aller.
— Ah ! Très bien.
Les choses s’accéléraient. Tandis qu’ils couraient vers la pointe rocheuse, la femme s’arrêta près d’une Citroën bleu marine. JG pensa un instant qu’elle voulait peut-être s’esquiver aussi. Il eut un geste comme pour la retenir.
— N’ayez crainte ! Je veux seulement prendre mon portable pour appeler le SAMU.
Elle composait un numéro et expliquait brièvement la situation tandis qu’ils repartaient au pas de course pour arriver enfin au bord de la plate-forme rocheuse. Parmi les curieux qui s’étaient maintenant rassemblés, ils se frayèrent un passage vers le rebord dominant la mer.
Tout demeurait pétrifié dans la lumière éblouissante de midi, exactement comme l’avait vu JG, environ deux minutes plus tôt. En fond sonore, dans les graves, le bruit des vagues et, très haut dans les aigus, le piaillement hystérique des goélands. En bas, les bateaux semblaient rester sur place, peut-être pour mieux observer la scène de l’accident. Dans ce décor de tragédie, toujours inerte, suspendu à son harnais, le grimpeur, les bras en croix, tournait lentement dans le vide. On devinait dans le lointain le battement des pales d’un hélicoptère qui se rapprochait.
Depuis que l’accident s’était produit, il s’était écoulé moins de cinq minutes, mais cela semblait dans un temps différent et désordonné où la pensée perdait ses repères. Jean-Gabriel revint en arrière et, au-dessus des touristes rangés en demi-cercle, chercha encore une fois Nancy du regard. Comment pouvait-elle ainsi demeurer invisible ? Le promontoire vers la croix de Lorraine était à présent désert sous un soleil de plomb. Un instant, il revit la silhouette gracieuse tandis qu’ils gravissaient ensemble le chemin. En un éclair, il croisa son regard violet quand elle se penchait vers lui et lui criait de faire attention. Mais l’infirmière qui avait maintenant mesuré la gravité de la situation lui parlait :
— Je vais essayer de descendre pour me rapprocher. Vous pouvez m’aider ?
Comme son mari voulait s’interposer, elle le rassura d’un geste et prit la main de Jean-Gabriel qu’elle jugeait apparemment plus souple et plus apte à la retenir. Puis elle descendit avec difficulté de deux mètres environ, avant de s’avouer incapable d’aller plus loin :
— Je ne peux pas. C’est trop difficile pour moi…
— Tu vois bien que c’est trop dangereux, ça va faire deux blessés au lieu d’un, ou encore pire. Remonte ! Et en plus, les secours arrivent.
Aidée par les deux hommes, elle se hissa de nouveau à leur côté.
— Je suis désolée, c’est au-dessus de mes forces. Mais, d’après ce que j’ai pu voir, il a l’air très mal en point.
Quelqu’un lui tendit une paire de jumelles qu’elle braqua aussitôt sur le blessé.
— Oh ! C’est presque un gosse ! C’est désolant, ils sont tellement imprudents !
À nouveau, les événements se précipitaient. L’hélicoptère qu’on entendait arriver depuis quelques instants se posait juste derrière le groupe des curieux qui s’écartaient devant un médecin approchant à longues enjambées, suivi d’un infirmier.
— Anjalbert, médecin urgentiste. Qui est-ce qui m’a appelé ?
— C’est moi, je suis infirmière – elle ajouta comme si c’était important – à Nantes.
Le bruit du rotor obligeait à crier et, tandis qu’il mourait dans une espèce de gémissement, on entendait aussi les klaxons de plusieurs véhicules de pompiers. L’infirmière montra du doigt le grimpeur toujours dans sa position pitoyable.
— Il est tombé et il a perdu connaissance. Je ne peux pas vous en dire plus, je n’ai pas pu m’approcher.
— Heureusement, vous risquiez de tomber aussi. Et ça n’aurait rien arrangé.
— Ah, tu vois…
C’était le cri du cœur du mari que les pompiers faisaient reculer en même temps que les touristes, dégageant ainsi un périmètre de sécurité pour mettre en place leur matériel de secours. En plus du médecin du SAMU, il y avait maintenant les pompiers que l’hélicoptère de la Marine Nationale avait alertés. JG se tourna vers l’infirmière restée à côté de lui. À un homme en uniforme qui voulait les éloigner, il expliqua leur présence comme témoins.
— C’est moi qui ai cherché du secours et c’est cette dame qui a appelé le SAMU. Mais je voudrais…
— OK, restez par là, s’il vous plaît.
Il dut s’écarter. On avait très rapidement installé des treuils, visiblement les pompiers avaient l’habitude de ce genre d’accident, et deux hommes descendaient déjà le long de la paroi. JG les regardait en même temps qu’il examinait la foule rassemblée où il n’arrivait pas à comprendre l’absence de Nancy. Un nœud douloureux commençait à se former dans son estomac.
— C’est bon, remontez-le !
L’ordre était crachoté par une radio et l’on vit se rapprocher lentement le grimpeur inanimé. Il fut déposé sur une civière avec toutes les précautions requises pour éviter d’aggraver son état. Et comme on défaisait son harnais pour glisser un coussin gonflable sous son côté gauche, le médecin s’exclama :
— Arrêtez ! Il faut soigner, il y a une blessure qui saigne abondamment… Hé ! Il y a quelque chose là… merde alors ! On dirait une blessure par balle ! Soulevez doucement.
Il se pencha plus près et examina longuement la blessure.
— OK, posez-le sur le côté… oui, comme ça. Bon, ben, y a aucun doute. Donc je lui fais juste de quoi supporter le transport et on l’évacue tout de suite sur La Cavale Blanche.
Un des pompiers demanda :
— Les flics vont arriver, on ne les attend pas ?
— Ah non, il est encore vivant, pas question de prendre des risques en perdant du temps ! On stoppe l’hémorragie et on évacue.
Et soudain ce fut à nouveau le silence. L’hélicoptère était reparti, les goélands braillards s’étaient dispersés, en même temps que les curieux qui bordaient la plate-forme. Les uns cherchant plus loin une pitance improbable, les autres allant prendre ailleurs les photos dont ils assommeraient leurs amis en rentrant de vacances. Grondait seulement, inlassablement, la basse assourdie de l’océan battant les rochers depuis la nuit des temps.
JG et l’infirmière attendaient l’arrivée des gendarmes ainsi qu’on les en avait priés. Nancy n’était toujours pas là. C’était incompréhensible. Avait-elle rejoint Veryach ou peut-être même Camaret pour demander de l’aide ? Ça semblait parfaitement absurde, mais JG s’efforçait de le croire puisque rien ne semblait normal depuis qu’ils étaient parvenus sur cette pointe rocheuse.
Il avait demandé ce que c’était que La Cavale Blanche. « Le CHU de Brest », lui avait répondu un des pompiers, comme si c’était évident pour tout le monde.
Les voitures de la gendarmerie entrèrent en scène enfin, déchirant l’air à leur tour de leurs sirènes et de leurs gyrophares. Puis les gendarmes voulurent s’informer plus précisément, non sans s’être d’abord excusés :
— On a été retardés par la circulation. Vous avez dit qu’il y avait un blessé par balle ?
— Affirmatif, mais ils l’ont évacué sur Brest, il était très mal en point.
— On ne pouvait pas le garder plus longtemps ?
— C’était vraiment trop risqué d’après le toubib…
Suivit une conversation téléphonique dans un bus bleu marine et un adjudant s’approcha de JG qui se demandait déjà s’il allait revoir celui à qui il avait eu affaire l’hiver précédent*. Mais de toute évidence, ce n’était pas le même, celui-ci étant grand, costaud et placide, quand l’autre était tout le contraire : petit, maigre et nerveux.
— Vous êtes les témoins ?
— Moi, je suis venue porter secours. C’est ce monsieur qui a assisté à l’accident.
— Bien, alors vous pouvez disposer. Mais vous, vous restez, je vais prendre tout de suite votre déposition. Vous êtes ici pour quelque temps ?
JG était pris de court. Nancy et lui n’ayant pas encore décidé d’une date pour repartir. En plus, elle n’était pas là, alors…
— Je ne sais pas trop. Au moins quelques jours. Nous avions réservé pour une semaine mais…
— Bon, nous allons prendre vos coordonnées. Suivez-moi, s’il vous plaît.
Dans le minibus où il faisait une chaleur étouffante comme dans un four, JG commença à tout expliquer, parlant de l’hélicoptère de la Marine, de la chute du varappeur, de sa tentative pour lui porter secours, de Nancy pour qui il s’inquiétait…
— Qui est cette personne ? Votre épouse ?
— Non, c’est ma compagne. Nous ne sommes pas mariés, mais… et… enfin, elle a disparu.
Le gendarme cessa de pianoter sur son ordinateur et leva la tête.
— Qu’est-ce que ça veut dire : « elle a disparu » ?
Dans son regard, JG lisait subitement quelque chose comme de la méfiance.
Quelque chose qu’il ne comprenait pas, qu’il ne pouvait pas maîtriser, était en train de déraper et de l’entraîner.
— Je n’y comprends rien. Moi, j’ai tout de suite essayé de descendre pour secourir ce garçon et elle, Nancy, elle est restée en haut pour téléphoner et appeler des secours. Alors c’est vrai, je n’y comprends rien. Je ne sais pas où elle est allée. Elle est anglaise, elle n’a peut-être pas su comment ça marche ici. Peut-être qu’elle ne connaît pas le 18. Je n’en sais rien. Tout ce que je peux dire c’est que, depuis ce moment, je ne l’ai pas revue.
— Vous voulez dire qu’elle s’est carrément volatilisée ?
— C’est à peu près ça, oui.
— Et ça juste après que quelqu’un a tiré un ou plusieurs coups de feu sur ce gamin qui faisait de l’escalade. Vous ne le connaissiez pas, lui ?
— Non, bien sûr que non ! Je ne suis pas d’ici.
— Et vous étiez seuls, vous et votre compagne, à ce moment-là, à la pointe ?
— Oui, ça s’est produit comme ça.
— Et il n’y a pas d’autres témoins que vous deux ?
— Non, enfin je ne pense pas, non. Ou peut-être sur les bateaux qui passaient en bas…
— Ceux-là, sauf s’ils se manifestent spontanément, il y a peu de chances de les identifier.
— Il y avait aussi un hélicoptère.
— De la Marine, c’est ça ?
— Oui, vous pouvez peut-être les contacter. Je suis sûr qu’ils ont vu l’accident.
— Oui, ce sont eux qui nous ont alertés, en même temps que les pompiers. Mais ils ne nous ont pas parlé de vous.
— Je suppose qu’ils avaient autre chose à faire…
JG étouffait littéralement et se demandait comment son vis-à-vis, en uniforme, supportait cette chaleur sans paraître incommodé. L’habitude sans doute. Il sentait très nettement que la discussion avait changé de ton en même temps que de direction. Il y avait un doute maintenant dans l’esprit du gendarme qui l’interrogeait.
— Donc, vous avez assisté à la chute de la victime qui avait reçu une ou plusieurs balles. D’où provenaient les coups de feu d’après vous ?
— Mais ça, je n’en sais absolument rien ! J’ai cru qu’il était tombé comme ça, par maladresse. Je ne sais pas. Et le bruit de l’hélicoptère…
— Vous ne supposez tout de même pas que les coups de feu pouvaient provenir de là-haut ? – Il montrait le plafond du véhicule, ou plutôt le ciel – Je veux dire de cet hélico.
— Non, ça ne m’a pas effleuré l’esprit, et d’ailleurs je ne suppose rien du tout. Je n’ai su que cet homme avait reçu une balle que lorsque le médecin l’a examiné devant nous.
Chaque phrase devenait lourde de sens et Jean-Gabriel sentait le doute se transformer en soupçon dans la pensée de son interlocuteur. Mais, regardant tout autour par les fenêtres, il espérait à tout moment voir apparaître Nancy, sur la route ou un sentier, pour le rejoindre dans ce minibus où la chaleur devenait proprement suffocante.
— Si vous permettez, je voudrais pouvoir partir maintenant, pour chercher mon amie. Je suppose qu’elle est rentrée à Camaret…
— Comme ça, sans vous ?
— Je ne vois pas d’autre explication. Tout ça semble difficile à croire, je le sais, mais… je pense qu’elle n’a pas su…
— Vous ne possédez pas d’arme ?
— Une arme ?
Il lui revint une image de son père, peu de temps avant sa mort, quand JG était encore un petit enfant. Il lui avait confisqué un revolver en plastique prêté par un copain : « Je ne veux pas te voir avec ça dans les mains ! »
Le ton était péremptoire.
— Non pas du tout, je n’ai pas d’arme et je n’en ai jamais eu.
— Vous permettez bien sûr que l’on fouille votre sac à dos ?
— Évidemment, ce sont seulement mes affaires de plage.
Ayant étalé, à côté de lui, une bouteille d’eau, le maillot de bain et la serviette encore mouillés, une revue de littérature et de poésie que le gendarme considéra d’un œil soupçonneux, et un porte-monnaie, l’adjudant dut admettre que le sac ne contenait rien de suspect.
— Mais vous pourriez avoir utilisé une arme et l’avoir ensuite jetée dans la mer… Ce serait très facile d’ici, n’est-ce pas ?
Comme assommé, JG se voyait lentement transformer en suspect, après avoir été simple témoin. Seule Nancy aurait pu confirmer sa déposition, pourtant chaque fois qu’il parlait d’elle, son témoignage devenait de plus en plus sujet à caution.
— Je voudrais sortir, pour respirer un peu, s’il vous plaît. Je peux boire un verre d’eau ?
— Naturellement.
Le gendarme lui tendit la bouteille qu’il était sur le point de remettre dans le sac et, avant qu’il ait eu le temps de la porter à ses lèvres :
— Monsieur Toirac, je crois bien que vous allez venir avec nous à la gendarmerie de Crozon.
* Voir Brume sur la Presqu’île, même auteur, même collection.
Deux gendarmes étaient restés sur place à la pointe de Pen-Hir. Ils attendaient les hommes des services techniques en protégeant le périmètre où s’était produite l’agression.
JG regardait sans le voir le paysage de ses vacances qui fuyait lentement au gré des encombrements de la circulation. Les avertisseurs et les gyrophares ne pouvaient pas grand-chose dans le flot continu des voitures de vacanciers. Il se taisait. Il avait d’abord voulu protester, puis s’était rendu compte qu’il ne faisait que se rendre plus suspect encore.
À l’entrée de Crozon, il savait très bien où se trouvait la gendarmerie, ils tournèrent sur le rond-point avant d’entrer sur un parking près des bâtiments carrés où, quelques mois plus tôt, Nancy avait été convoquée. Il entendit biper le portable de l’adjudant qui prit aussitôt la communication. Ce fut très bref, puis :
— Vous n’allez pas rester avec nous, monsieur Toirac.
C’était une affirmation, mais Jean-Gabriel n’eut même pas le temps de respirer ni d’entrevoir là une lueur d’espoir.
— Une voiture de la PJ de Brest va venir vous chercher. C’est le procureur de Quimper qui vient de prendre cette décision. Je suppose que c’est pour faciliter l’enquête en vous rapprochant de la personne “accidentée”.
On entendait les guillemets dans la manière de souligner très ostensiblement le mot “accidentée”. Les gendarmes pensaient évidemment qu’il avait inventé toute cette histoire et la décision du procureur était la conséquence directe du rapport qu’on lui avait fait. JG les comprenait parce que c’était finalement assez logique.
— Est-ce que j’ai le droit de téléphoner ?
— Pour l’instant, un appel seulement.
— Je n’ai pas de portable, c’est elle… c’est Nancy qui aurait dû prendre le sien.
D’un geste, on lui montra le fixe posé sur le bureau.
— Allez-y…
Il composa le numéro du portable de Nancy. Après quatre ou cinq sonneries, la boîte vocale lui demanda de laisser un message. Hésitant et totalement pris au dépourvu, il ne sut même pas à quel numéro lui demander de le rappeler et raccrocha.
— Ce n’est pas normal du tout ! Je ne comprends pas où elle est. Je suis presque certain qu’elle avait son portable dans son sac.
Mais au fond, il n’était plus sûr de rien et préféra ne pas insister. En fait, il n’avait aucune certitude quant à ce qu’ils avaient emporté le matin. Et c’était sans doute ça, elle n’avait pas pris son portable et si elle s’était éloignée si longtemps, c’était précisément pour trouver un endroit où téléphoner. En même temps qu’il cherchait à s’en convaincre, il était assailli de doutes. Elle eût été vraiment maladroite en agissant ainsi, et elle ne l’était pas le moins du monde.
Elle avait pris depuis longtemps l’habitude de voyager, de se débrouiller. De se défendre aussi. Non, c’était forcément bien plus sérieux, et il s’en persuadait lentement. Ça creusait soudain en lui comme un grand vide et, à partir de ce moment, il sut qu’il s’avançait dangereusement dans l’inconnu.
Où était-elle ? Il n’y avait aucune réponse logique à cette question.
L’adjudant le fit asseoir et reprit son interrogatoire mais lui proposa d’abord de manger quelque chose.
— Je suppose que vous avez faim. Si ce que vous dites est vrai, vous n’avez pas eu de repas de midi.
— Non. Je me suis baigné et…
— Tout seul ? Je croyais que vous étiez deux.
— Elle n’a pas voulu, elle avait peur…
Il se mordit les lèvres et son trouble ne pouvait passer inaperçu.
Chaque mot pouvait être désormais interprété de travers, chaque phrase pouvait receler un piège. Ça n’allait pas manquer.
— Peur de quoi ?
— De l’eau, tout simplement.
— Ah oui ? Pourtant l’eau est bonne en ce moment. J’aimerais bien aller me baigner, moi ! Vous disiez donc que vous vous êtes baigné… tout seul.
— Oui. Puis nous sommes repartis, nous voulions passer par Pen-Hir et revenir en ville pour chercher un restaurant. Et c’est là qu’il y a eu l’accident. J’ai voulu porter secours à ce malheureux et… je vous l’ai déjà dit plusieurs fois…
— Mais j’aimerais bien le réentendre. Et n’oublions pas que ce n’était pas un accident.
— Enfin, je n’en savais rien. Comment j’aurais pu le savoir ?
Un gendarme entrait dans la pièce, portant un plateau et un sachet-repas.
— Prenez le temps de manger un peu. Ce n’est pas luxueux, et sûrement pas le restaurant où vous pensiez déjeuner, mais c’est chaud, enfin c’est passé au micro-ondes et c’est mangeable. Je vais vous laisser un moment en compagnie du sergent, nous reprendrons notre entretien plus tard. Reposez-vous un peu en même temps. Mais, tiens, allez donc avec lui dans le bureau voisin, ce sera plus pratique pour moi.
Le ton était conciliant, presque aimable, mais JG repoussa le plateau et se leva brusquement. À bout de nerfs, prêt à laisser éclater sa colère. En faisant un violent effort sur lui-même pour ne pas élever la voix, il demanda :
— Je fais quoi ici à la fin ? Je suis accusé de quelque chose ? Je… je suis en garde à vue ou quoi ?
Il s’entendait qui bafouillait presque.
— Vous n’êtes pas en garde à vue… pas pour le moment. Mais c’est la PJ, à Brest, qui en décidera.
— C’est ça, et on va me poser encore une fois les mêmes questions ?
— Je leur transmettrai évidemment mon rapport, mais je pense qu’ils voudront, eux aussi, vous poser quelques questions, en effet. Vous devriez manger en attendant. Vous voulez un café ?
— Non merci… Si, je veux bien !
En fait, c’était, à ce moment-là, la seule chose dont il eût un peu envie. Dans le bureau voisin, et sous l’œil du sergent qui l’avait suivi, il s’assit près d’une fenêtre d’où il apercevait plusieurs véhicules et un zodiac sur une remorque, à l’ombre de très hauts pins parasols dont il ne pouvait apercevoir le sommet. Il était presque seize heures mais il avait l’estomac complètement noué. Une cuillerée de petits pois qu’il parvint tout juste à avaler et il repoussa la cuisse de poulet sèche comme du carton. Le jus d’orange sembla lui faire du bien sur le moment. Et enfin, on lui apporta du café qu’il but presque avec plaisir. Il n’arrivait plus à réfléchir, aveuglé qu’il était par une boule de colère, d’inquiétude grandissante et de pensées en désordre. Une seule question surnageait parmi les émotions et les idées noires : « Où est-elle ? »
— Ne vous plaignez pas, monsieur Toirac, les gendarmes ont été plutôt sympas avec vous. Ils ne vous ont pas menotté, ni même mis en cellule. Pourtant…
— Pourtant quoi ? Écoutez, Commissaire…
— Commandant. Le commissaire est absent.
— Commandant, je n’y comprends rien.
— Je sais, vous l’avez déjà dit.
C’était comme un jeu où chaque mot était prétexte à embûche, à contradiction, où on cherchait à déstabiliser pour mieux faire parler, provoquer des révélations. Et ça continuait.
— Votre témoignage n’est pas assez convaincant pour que je puisse vous relâcher aussi facilement. Je suis obligé d’attendre les conclusions de mes collègues de la balistique. Et en attendant, monsieur Toirac, je suis désolé mais je vais devoir vous placer en garde à vue.