Légendes pour les enfants - Anonymous - E-Book

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Beschreibung

L'ouvrage "Légendes pour les enfants" est une collection riche de contes populaires et de fables qui puise dans la tradition orale pour transmettre des leçons de vie aux jeunes lecteurs. Ce recueil se distingue par son style narratif accessible, alliant un langage simple à des illustrations évocatrices qui captivent l'imagination des enfants. Dans un contexte littéraire où les récits moraux et les histoires édifiantes occupent une place prépondérante, ce livre résonne particulièrement avec les valeurs éducatives du XIXe siècle, tout en gardant une pertinence intemporelle. L'auteur anonyme, dont on connaît peu de choses, fait écho à la voix collective de nombreux conteurs d'antan, s'inscrivant ainsi dans une tradition qui valorise la transmission du savoir à travers les âges. Ce choix d'anonymat pourrait refléter une volonté de donner la primauté au contenu plutôt qu'à la figure de l'auteur, plaçant ainsi l'accent sur l'importance des histoires elles-mêmes dans l'éducation des enfants. Je recommande vivement "Légendes pour les enfants" aux parents et aux éducateurs cherchant des outils littéraires pour éveiller la curiosité et l'imagination des plus jeunes. En plus d'amuser, ce livre transmet des valeurs fondamentales comme la justice, la solidarité et la sagesse, essentiels dans la formation de l'esprit des enfants.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Anonymous

Légendes pour les enfants

 
EAN 8596547427629
DigiCat, 2022 Contact: [email protected]

Table des matières

ARRANGÉES PAR PAUL BOITEAU
ET ILLUSTRÉES DE 42 VIGNETTES PAR BERTALL
1861
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
LE ROI DAGOBERT
NOTICE.
LE ROI DAGOBERT.
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
GENEVIÈVE DE BRABANT
NOTICE.
GENEVIÈVE DE BRABANT.
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
XXX
XXXI
XXXII
XXXIII
XXXIV
XXXV
XXXVI
ROBERT LE DIABLE
NOTICE.
ROBERT LE DIABLE.
I
II
III
IV
V
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
XXX
XXXI
JEAN DE PARIS.
JEAN DE PARIS.
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
XXX
XXXI
XXXII
XXXIII
XXXIV
XXXV
XXXVI
XXXVII
XXXVIII
XXXIX
XL
XLI
XLII
XLIII
XLIV
GRISELIDIS
NOTICE.
GRISELIDIS.
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
LE JUIF ERRANT
NOTICE.
LE JUIF ERRANT.
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII

ARRANGÉES PAR PAUL BOITEAU

ET ILLUSTRÉES DE 42 VIGNETTES PAR BERTALL

Table des matières

DEUXIÈME ÉDITION

PARIS LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie RUE PIERRE-SARRAZIN, No 14

1861

Table des matières

PARIS.--IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET Cie Rues de Fleurus, 9, et de l'Ouest, 21

PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Table des matières

Ce volume contient six légendes qui, les unes, sont tirées de la Bibliothèque bleue et, les autres, sont écrites ici pour la première fois.

Ces légendes sont: Le roi Dagobert, Geneviève de Brabant, Robert le Diable, Jean de Paris, Griselidis et le Juif errant.

La première et la dernière de ces légendes sont celles qui ne font pas partie de la Bibliothèque bleue. Toutes les autres y figurent, et à peu près dans l'état où nous les avons reproduites.

La Bibliothèque bleue, qui n'est guère connue aujourd'hui que par le souvenir, a joué un fort grand rôle dans l'histoire des lectures populaires et des amusements de l'enfance. Pendant plus de deux siècles, le dix-septième et le dix-huitième, elle a été une encyclopédie toute spéciale des romans, légendes, fabliaux, chansons et satires de notre pays. La couverture bleue qui était la simple parure des divers ouvrages dont elle était d'abord composée, invariablement reproduite, avait fini par donner un nom de couleur à ces ouvrages et à la Bibliothèque elle-même, et ce n'était là qu'un nouvel attrait pour l'imagination des lecteurs naïfs.

Il y a en effet, et cela se sent surtout lorsqu'on est jeune, un langage particulier dans certains mots qui affectent un air de mystère. Qu'est-ce qu'un conte bleu? Comment une histoire peut-elle être bleue? Voilà ce que l'enfant demande et ce qui l'étonne. Il s'attache à la recherche de ce problème singulier; il regarde le récit qui lui est fait comme un récit d'un ordre surnaturel, et un plaisir étrange assaisonne sa lecture.

Je me souviens des jouissances extraordinaires qui, en mon tout jeune âge, me surprenaient devant ces livres d'une littérature si originale et de toutes manières si bien faite pour émouvoir l'âme et plaire à l'esprit des enfants ou des villageois. Le titre seul, la vue seule d'un conte bleu me ravissait au milieu de je ne sais quel monde qui n'était pas celui des fées, que je distinguais bien, qui était plus humain, plus vrai, un peu moins bruyant, un peu plus triste, et que j'aimais davantage.

Les contes de fées amusent, mais ils ne charment pas; les contes bleus, qui donnent moins de gaieté, remuent le coeur. On entre peu à peu, avec ces récits, dans le domaine de l'histoire. Ce sont des mensonges; mais ces mensonges ont, en quelque sorte, des racines dans la vérité. Il y a des époques peintes, des caractères tracés, et tout un pittoresque naturel dans ces légendes qui n'ont fait défaut à aucun peuple. La vie de nos pères nous apparaît au travers de ces peintures; nous nous la rappelons sans l'avoir connue, et, tout jeunes, nous apprenons à aimer religieusement les hommes d'autrefois.

La Bibliothèque bleue a obtenu un succès incomparable. C'est Jean Oudot, libraire de Troyes, qui dès les premières années du seizième siècle, sous Henri IV, eut l'idée de recueillir et de publier successivement, à l'usage des campagnes, les légendes chevaleresques de la vieille France.

Le moment était merveilleusement choisi. La vie ancienne de la France avait cessé et le travail de transformation commençait qui allait, au dix-septième siècle, réduire et limiter tout à fait, dans les moeurs et dans la langue, la part des vieilles moeurs et du vieux langage. Le moyen âge était enseveli; le monde nouveau naissait. C'était l'heure propice pour les contes qui parlaient des héros de l'âge anéanti.

La Bibliothèque bleue parut; elle était composée de volumes qui, presque tous, étaient des in-quarto, d'un format semblable à celui du Messager de Bâle, ou du Messager de Strasbourg, imprimés sur le même gros papier et revêtus de la même couverture bleu foncé.

En 1665, le fils de Jean Oudot, Nicolas, ayant épousé la fille d'un libraire de Paris, vint s'établir rue de la Harpe, à l'image de Notre-Dame, et, devenu libraire parisien, agrandit le cercle de ses entreprises et de ses affaires. De cette époque datent la plupart des publications qui ont fait la fortune de la Bibliothèque.

Lorsque Nicolas fut mort, la veuve Oudot continua son commerce avec habileté. Elle eut divers successeurs qui, comme elle et comme les fondateurs de la Bibliothèque bleue, vécurent des profits de la popularité qui s'était attachée à ces ouvrages. L'un des principaux de ces successeurs est le libraire Garnier, de Troyes. C'est à Troyes surtout qu'on a continué l'impression des volumes détachés de la Bibliothèque bleue dont, encore aujourd'hui, les campagnes consomment des milliers d'exemplaires.

En 1770, un très-médiocre écrivain nommé Castillon, songea à publier, en un même corps d'ouvrage, ces contes rajeunis par lui; il s'avisa malheureusement d'y ajouter des situations nouvelles et des épisodes nouveaux.

En 1843 M. Le Roux de Lincy, sous le titre de Nouvelle Bibliothèque bleue ou Légendes populaires de la France, a publié, en un volume, Robert le Diable, Richard sans Peur, Jean de Paris, Jean de Calais, Geneviève de Brabant, Jehanne d'Arc et Griselidis. Nous n'avons pas l'intention de critiquer un travail qui nous a été fort utile; mais nous pouvons dire pourquoi nous avons cru ne pas devoir suivre tout à fait la même voie que M. Le Roux de Lincy. Peut-être Richard sans Peur, très-joli conte, cela est vrai, fait-il un peu double emploi avec le conte de Robert le Diable qui, du reste, paraît être l'oeuvre du même auteur? Jean de Calais est bien loin d'avoir la grâce et le vif esprit du récit des aventures de Jean de Paris; c'est d'ailleurs une oeuvre beaucoup plus récente, et d'un style qui n'a point de qualités; enfin la légende de Jehanne d'Arc est assez insignifiante. Nous avons donc écarté d'abord Jehanne d'Arc, Jean de Calais et Richard sans Peur.

«Bien loin d'imiter Castillon, disait M. Le Roux de Lincy, je me suis appliqué à reproduire les textes de l'ancienne Bibliothèque bleue. Il faut respecter cette version admise par le peuple; elle est sacramentelle et nous a conservé la mémoire de nos plus anciennes traditions. En effet, quand on lit le catalogue de Nicolas Oudot, on y retrouve avec plaisir tous ces récits dans lesquels se sont perpétuées les légendes, ou sacrées ou profanes, qui ont été célèbres en Europe pendant le moyen âge. On doit considérer la Bibliothèque bleue comme étant la dernière forme de cette littérature romanesque si nécessaire à bien connaître quand on veut comprendre la vie privée de nos aïeux.»

Pour nous qui ne songions point à imprimer un recueil pour les archéologues et les bibliophiles, mais qui nous adressions aux enfants, nous n'avons pas dû leur présenter ces légendes telles quelles, dans leur appareil archaïque et avec leurs erreurs elles-mêmes. Nous n'avons introduit ni épisodes, ni situations; mais nous avons, sans détruire la physionomie de chaque récit, retranché tout ce qui est tombé en désuétude dans le style; et nous avons fait que rien ne s'y rencontrât qui aujourd'hui même ne se pût écrire.

De cette manière le volume entier a un même aspect et il n'enseignera point aux enfants plusieurs langues.

Nous n'avons d'ailleurs eu que des modifications bien légères à introduire dans ces textes pour les amener à une harmonie suffisante, et, si nous nous sommes permis de faire suivre chaque légende d'une sorte de moralité, à la manière de Perrault, c'est là un caprice qui n'a rien de sacrilége.

La Bibliothèque bleue, entre autres ouvrages, renfermait: L'Histoire des quatre fils Aymon;--Huon de Bordeaux (en deux parties qui se vendent séparément, dit le catalogue);--l'Histoire de Mélusine ancienne;--l'Histoire de Valentin et Orson;--Les conquêtes du roy Charlemagne;--Fortunatus;--le Roman de la belle Hélène;--l'Histoire de Pierre de Provence et de la belle Magdelone;--Le fameux Gargantua.

Nous aurions pu choisir quelqu'une de ces légendes; mais il nous a semblé que celles que nous réimprimions suffisaient, et nous avons voulu donner quelque nouveauté à notre volume. C'est pour cela que nous y avons introduit deux légendes d'une nature et surtout d'une origine différente.

L'histoire de Dagobert et du Juif errant nous appartiennent donc en propre, pour ce qui est du récit. Nous n'avons pas cherché à faire un pastiche du style des autres contes, et nous avons tout uniment écrit les nôtres de la manière qui nous a paru le mieux appropriée aux sujets.

Les petites notices qui précèdent chacune de ces histoires donneront des détails particuliers à ceux qui croiront à propos de les lire. Nous n'avons songé à faire ni un livre d'érudition pure, ni un livre de pure imagination. Notre seul désir a été de donner à lire aux enfants quelques légendes variées qui ont enchanté notre enfance, et notre espoir est qu'ils s'y plairont comme nous.

Si Peau d'Ane m'était conté,

J'y prendrais un plaisir extrême,

a dit le plus habile des conteurs, La Fontaine.

On a banni les démons et les fées, disait, avec l'expression d'un vif regret, Voltaire, et il ajoutait:

Ah! croyez-moi, l'erreur a son mérite1.

Note 1:(retour)

O l'heureux temps que celui de ces fables,

Des bons démons, des esprits familiers.

Des farfadets, aux mortels secourables!

On écoutait tous ces faits admirables

Dans son château, près d'un large foyer.

Le père et l'oncle, et la mère et la fille;

Et les voisins, et toute la famille,

Ouvraient l'oreille à monsieur l'aumônier,

Qui leur faisait des contes de sorcier.

On a banni les démons et les fées;

Sous la raison les grâces étouffées

Livrent nos coeurs à l'insipidité;

Le raisonner tristement s'accrédite,

On court, hélas! après la vérité:

Ah! croyez-moi, l'erreur a son mérite.

Nous pourrions recueillir ainsi, en faveur des contes, de fort nombreux et fort éloquents témoignages. L'auteur de Don Quichotte, Cervantes, l'ennemi le plus redoutable qui ait croisé la plume contre l'épée de la chevalerie, fait dire à un cabaretier:

«Est-ce qu'il y a une meilleure lecture au monde? J'ai lu deux ou trois de ces livres, et je puis bien assurer qu'ils m'ont donné la vie; et non-seulement à moi, mais encore à beaucoup d'autres. Car, dans la saison des blés, il vient ici quantité de moissonneurs, les jours de fête, et comme il s'en trouve toujours quelqu'un qui sait lire, nous nous mettons vingt ou trente autour de lui; et nous nous amusons si bien, qu'il ne peut finir de lire, ni nous de l'entendre. Il ne faut point que je mente: quand j'entends parler de ces terribles coups que donnent les chevaliers errants, je meurs d'envie d'aller chercher les aventures, et je ne m'ennuierais pas d'entendre lire les jours et les nuits.»

Ce cabaretier-là ne dit rien qui ne soit l'exacte vérité. Et je citerais tel vigneron des vignes de la Franche-Comté qui n'a qu'un livre pour toute bibliothèque, les Aventures des quatre fils Aymon. Ce livre est même le seul volume du village. Au printemps, l'herbe pousse, le soleil luit dans l'herbe, les fleurs sourient au soleil; cela va bien, on est aux champs; l'été, la vigne fleurit et porte fruit; en automne, c'est la vendange et la pressée. Mais l'hiver, dans les longues veillées, là où il n'y a ni chanvreurs, habiles à dire des histoires, comme dans le Berri, ni colporteurs de passage, le vigneron prend son livre dans la huche; il le lit tout entier; lu, il le recommence, et il le relit tous les hivers. Le village entier assiste à ses lectures. Je vous assure que dans vingt ans, si le volume n'est pas trop déchiré, on le lira encore, sans ennui, avec une joie toujours aussi vive.

Paul Boiteau. 1857, au printemps.

LE ROI DAGOBERT

Table des matières

NOTICE.

Table des matières

Les moines du moyen âge, dans le silence de leurs couvents, ont recueilli la plupart des vieilles légendes et des vieilles chansons qui, avant eux et jusqu'à eux, rappelaient le souvenir des anciens personnages célèbres de cette Gaule franque qui devait devenir la France. Ces légendes et ces chansons, altérées par le temps comme une monnaie par l'usage, ne laissaient guère deviner que quelques-uns des traits de ces rois, de ces guerriers, de ces évêques d'autrefois; mais les moines qui, en ce temps-là, ne savaient pas ce que c'est que la critique, acceptaient cela pour de l'histoire. Ainsi ont été écrites les Grandes chroniques de Saint-Denis; ainsi ont été composées les Gesta Dagoberti ou les Faits et gestes de Dagobert, qui sont les deux principales sources de la présente légende.

Les moines que Dagobert a protégés et enrichis (ceux de Saint-Denis particulièrement), lui ont gardé quelque reconnaissance. Ils ont eu soin de ne pas le traiter plus mal que les chansons ne le traitaient; ils ont même ajouté quelque chose à ces chansons. Par exemple, les miracles qui ont une couleur religieuse et que nous n'avons pas dû négliger.

Nous aurions voulu paraphraser plus largement la chanson populaire; mais il aurait fallu pour cela sortir tout à fait de l'histoire vraisemblable, et nous ne voulions pas faire ce sacrifice à des couplets qui ne datent pas de plus d'un siècle, et qui, privés de leur air, ne sont pas un chef-d'oeuvre d'espièglerie2.

Note 2:(retour) Il y a comme cela cinq ou six chansons très-fameuses qu'il ne faut pas regarder de trop près si l'on ne veut pas qu'elles perdent leur charme. La chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi est peut-être celle qu'il faut se rappeler du plus loin. On ne s'explique même pas bien la fortune de ces couplets que le premier venu a écrits sans rimes ni raison et sans beaucoup d'esprit. Il faut que l'air sur lequel on les chante soit très-ancien et qu'il retentisse depuis quelques centaines d'années, matinal et sonore comme un chant de cor de chasse, dans la mémoire des générations. C'est l'air qui est gai et qui parle un langage; la chanson, sauf votre respect, est assez bête.

Nous nous en sommes donc tenu, à peu de chose près, au texte des deux ouvrages que nous indiquions tout à l'heure. Si nous avons emprunté un ou deux traits ailleurs, ç'a été pour que le tableau des moeurs du temps, même en une fable historique, eût une couleur plus marquée.

Il eût été facile de se laisser entraîner, si on eût voulu, à propos de saint Éloi ou de saint Ouen, à analyser et à fondre en un même récit toutes les historiettes que les écrivains religieux ont de tout temps composées en leur honneur. C'est par douzaines que se comptent les biographies, latines ou françaises, de ces bienheureux évêques. Nous n'avons pas été séduit par le luxe des merveilleuses actions qui s'y trouvent décrites et nous en avons cru l'exposition trop monotone. On remarquera peut-être dans ce récit un épisode ingénieux dont l'idée première ne nous appartient pas et qui a été mis en scène par un maître en l'art de conter (Alexandre Dumas: Impressions de voyage en Suisse): nous aurions bien voulu lui prendre aussi son style et nous lui offrons ici nos remercîments pour la gracieuse façon qu'il a de permettre aux gens d'entrer dans son pré.

Peut-être doutera-t-on de l'authenticité de quelques-uns des événements que nous disons puisés dans des vieilles chroniques? Nous ne nous opposons pas à ce qu'on en doute, et nous demandons seulement qu'on ait quelque indulgence pour une légende qui est écrite ici pour la première fois.

LE ROI DAGOBERT.

Table des matières

I

Table des matières

La chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi.

Tout le monde connaît la chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi. Cette chanson rappelle le souvenir d'un roi qui fut un chasseur sans pareil et d'un grand saint qui a fait quelques actions mémorables; il n'y a pas en France d'ancien roi et de saint plus populaires. Le bon roi Dagobert est l'ami des petits enfants, et le grand saint Éloi voit briller son image sur l'enseigne de tôle de tous les maréchaux ferrants des campagnes.

Lorsque le cor de chasse, au fond des bois, entonne l'air joyeux de la chanson, l'imagination se met bien vite en train. Tous les couplets défilent, l'un après l'autre, comme une procession de mascarade. On croit voir le bon roi Dagobert et le grand saint Éloi qui se promènent familièrement; on sourit à l'aspect de la culotte du monarque; on aperçoit bientôt son bel habit vert percé au coude, ses bas qui laissent voir les mollets, sa barbe mal faite, sa perruque ébouriffée, son manteau court, son chapeau mis de travers; on suit le roi lorsqu'il va chasser «dans la plaine d'Anvers» et qu'un lapin lui fait peur; lorsqu'il demande un grand sabre de bois à la place de son grand sabre de fer; lorsqu'il envoie au lavoir ses chiens galeux, et en bien d'autres circonstances que la chanson aurait pu laisser de côté. Mais ces images singulières ne sont pas tout à fait d'accord avec la vérité. Ce bon roi Dagobert, si étourdi, si peu soigneux de sa personne, mangeur si avide, buveur si infatigable, chasseur si effarouché, guerrier si timide, si pacifique ami de saint Éloi, si prompt à la riposte enjouée, ce Dagobert-là ne ressemble guère au véritable Dagobert Ier, fils du cruel Chlother II, petit-fils de la cruelle Frédégonde, roi des Franks de Neustrie, d'Austrasie, de Bourgogne et d'Aquitaine.

Si l'on en croit la chanson, la France n'a jamais eu de roi plus débonnaire; si l'on interroge l'histoire, peu de princes ont été plus terribles. Adieu donc, petite chanson mensongère; va réjouir les échos des forêts; va faire trembler les petits oiseaux dans leurs nids. Voici l'histoire véridique du roi Dagobert.

II

Table des matières

Enfance de Dagobert, fils du roi Chlother et de la reine Berthetrude.

Dagobert, à un an, était un enfant joufflu, déjà très-vif, très-impatient, qui courait à merveille, sans se soucier des chutes, et qui s'occupait beaucoup moins de sa nourrice, de sa mère et de son père que des chiens qu'il rencontrait. Aussitôt qu'il en voyait un, si laid qu'il fût, il le prenait dans ses bras, le couvrait de caresses, et lui parlait un petit langage que le chien comprenait très-bien. Les gens habitués à tirer de tout des pronostics, jugeaient par la qu'il aimerait avec passion l'exercice de la chasse. Mais il suffisait de voir le bambin trépigner, remuer les bras, pousser des cris lorsqu'on avait le malheur de lui refuser quelque chose qu'il convoitait, une grappe de raisin doré ou une galette de blé noir, pour conjecturer que son humeur ne serait pas toujours des plus accommodantes. Il aimait les vêtements éclatants, tels que pouvaient alors les porter les enfants des rois. Il est inutile de dire que Dagobert avait la longue chevelure et le grand pied, le pied formidable, le pied monumental des Mérovingiens. Ce pied était son arme favorite; et ceux qui en avaient pu connaître la solidité et la vivacité ne s'exposaient plus au mécontentement de l'enfant royal.

Chlother II, père de Dagobert, avait d'abord confié l'éducation de son fils à l'Austrasien Arnulph qui était le plus sage des hommes; mais Arnulph, élu évêque de Metz, se retira bientôt de la cour et alla dans son évêché où il vécut dans la pratique de toutes les vertus. L'Église le vénère sous le nom de saint Arnould. Assurément, si Dagobert avait pu suivre jusqu'au bout les leçons d'un tel maître, il ne les aurait jamais oubliées; mais ce fut un très-méchant homme, nommé Sadragésile, qui fut choisi par Chlother pour succéder à Arnulph dans les fonctions de gouverneur du jeune prince. On avait réuni autour de Dagobert une dizaine d'enfants de son âge, les uns fils de quelques officiers du roi, les autres simples petits bergers. Toute cette bande vivait en plein air, dans les cours du palais, qu'elle faisait retentir de ses cris et de ses jeux bruyants. Dagobert s'était lié plus particulièrement avec les petits bergers, qui le respectaient par crainte de son grand pied, et il les employait à battre leurs camarades lorsque ceux-ci s'avisaient de lui déplaire.

En ce temps-là on était beaucoup moins savant qu'aujourd'hui. Les leçons que reçut Dagobert se réduisirent donc à fort peu de chose; il apprit seulement à chanter au lutrin, à lire ses prières, à écrire un peu et à compter à la romaine; mais, quoiqu'il ne fût ni docile ni laborieux, il se faisait remarquer par une intelligence vive et claire. Pour ce qui est des exercices du corps, aucun de ses jeunes compagnons n'avait plus d'agilité et plus de force. Il montait à cheval dès l'âge de quatre ans; à sept ans, il chassait seul; à dix ans, d'un coup d'épieu il tuait net un sanglier. Son embonpoint précoce ne l'empêchait nullement de courir, de sauter les fossés, de monter dans les arbres.

Quand il se promenait dans les villages qui entouraient les métairies royales, il s'arrêtait où bon lui semblait et vivait sans façon sous le toit de chaume du paysan; mais il ne fallait pas que les gens, le voyant si familier, s'oubliassent et lui manquassent de respect. Il se faisait, dans ce cas, prompte justice.

Un jour qu'il avait tendu un piége à un loup et pris la bête, passa par là un grand vaurien qui, voyant la fosse et entendant le loup, voulut le tuer et l'emporter. Il ne savait pas que les trois petits chasseurs qui étaient là étaient Dagobert et deux de ses amis, et, quand il les aurait connus, il ne pensait pas que trois enfants de cet âge pussent l'empêcher d'en faire à sa tête. «Je te défends d'y toucher,» dit Dagobert dès qu'il vit quelle était son intention. «Tiens! le beau donneur d'ordres!» répondit le grand rustre. «Si tu y touches, tu auras affaire à moi.--Voilà qui m'effraye! Est-ce que tes camarades n'ont rien, non plus, à me dire?--Vois ce que tu veux faire.»

Le rustre allait tuer le loup; mais Dagobert, prenant sa petite hache de chasse qui était cachée dans l'herbe, s'élança sur lui et lui porta un coup qui le fit tomber. On accourut aux cris, on reconnut Dagobert, et on fut étonné de voir quel homme il avait mis à la raison. C'était l'un des plus redoutés coureurs de bois, un voleur de grands chemins, que l'on cherchait depuis tantôt un an, et une récompense considérable avait été promise à celui qui parviendrait à se saisir de lui. Dagobert reçut la récompense et fut grandement loué par le roi Chlother.

D'autres fois on le voyait couché sur le fumier avec les poules, prenant dans sa main les petits poulets, leur donnant du grain, du pain trempé, et, lorsqu'ils piaulaient trop, les plaçant dans sa robe. C'était alors le plus doux et le plus gai des enfants.

Cependant Sadragésile ne l'aimait pas: il disait que sa douceur était de la paresse et sa valeur de la férocité.

III

Table des matières

Commencement de l'histoire du grand saint Éloi.

Avec le temps, Dagobert grandissait et se fortifiait; mais laissons-le grandir, et, sans raconter minutieusement tous les détails de son adolescence, parlons tout de suite de saint Éloi qui arriva vers cette époque à la cour du roi Chlother II et qui devait jouer un si grand rôle sous le règne de son fils.

Eligius (c'est le nom en latin de messire Éloi) était un petit paysan du Limousin, né à Cadaillac, à ce qu'on croit, un enfant de la vieille Gaule, plein d'esprit et en même temps d'une fort belle humeur. Sa gentillesse l'avait fait prendre en amitié par un orfévre de Limoges qui l'instruisit dans son métier et lui fit faire des progrès si rapides qu'en peu de temps il n'eut plus rien à lui apprendre.

Ce qui prouve qu'il y a ressource à tout mal et que tel qui a commencé par être d'un naturel présomptueux s'amende à la fin, c'est l'exemple de saint Éloi qui, en sa jeunesse, avait beaucoup d'orgueil. Voici à quelle occasion et de quelle éclatante manière il fut remis dans les voies de la sagesse.

Éloi venait de quitter l'orfévre son maître; mais comme il n'avait pas assez d'argent pour ouvrir une boutique d'orfévrerie, en attendant mieux, il se fit maréchal ferrant.

Jamais on n'avait vu maréchal qui fût digne de dénouer les cordons de ses souliers.

Avec son marteau, sa tenaille et son enclume, il faisait des merveilles incomparables. Les fers qu'il forgeait (et il les forgeait sans les chauffer plus de trois fois) avaient exactement le brillant de l'argent poli et ils étaient d'un dessin plein d'élégance. Les clous qu'il préparait pour clouer ses fers étaient taillés comme des diamants. Un fer à cheval fabriqué et placé par Éloi était un véritable bijou qu'on admirait dans toute l'étendue des divers royaumes des Francs. L'orgueil le saisit lorsqu'il vit que son nom jouissait d'une si grande renommée; il se fit peindre sur sa porte ferrant un cheval et il fit écrire au-dessus de l'enseigne: Eloi, maître sur maître, maître sur tous.

On fut bien étonné un beau matin de voir cette enseigne; peu après on s'en plaignit; les maréchaux ferrants de toute l'Europe murmurèrent; enfin le bruit de ces plaintes et de ces murmures monta jusqu'au ciel. Dieu n'aime pas les gens qui ne savent pas dominer leur orgueil, et il se plaît souvent à les humilier.

Un matin, pendant que saint Éloi achevait un fer, le plus élégant et le plus brillant de tous ceux qu'il avait fabriqués, il vit un jeune homme, vêtu d'un costume d'ouvrier, qui se tenait sur le seuil de sa porte et le regardait travailler. La matinée était belle et fraîche; le soleil éclairait de grandes pièces d'avoine devant la maison de saint Éloi; il y avait encore un peu de rosée dans les touffes d'herbes qui couvraient la chaussée. Tout cela fit que saint Éloi se trouva de bonne humeur et demanda à l'inconnu d'un ton assez aimable ce qu'il voulait de lui. «Je voudrais voir si tu es un maître sans égal, comme le disent ta renommée et ton enseigne.

--A quoi te servira de le savoir?

--A cela que, si je vois que tu es plus habile que moi, je me mettrai à ton école.

--Tu es donc bien habile?

--Je le suis assez pour croire qu'on ne peut l'être davantage.

--Tu n'as donc jamais vu ce que je fais?

--Je viens ici pour te voir à l'oeuvre.

--Alors c'est un défi?

--Sans doute.

--Et combien de fois chaufferas-tu un fer comme celui-ci? Tu sais que je n'ai besoin que de trois chaudes.

--Trois chaudes! c'est deux de trop.

--Pour le coup, mon ami, je crois que tu es un peu fou.

--Eh bien, laisse-moi entrer.»

L'inconnu prend un morceau de fer, le met dans la forge, souffle le feu, tourne et retourne son fer, l'arrose, le retourne encore, le retire, le porte sur l'enclume. C'est un morceau d'argent irisé de veines bleues, de veines jaunes, de veines roses, doux et souple comme une cire; il le prend, et, de la main, du marteau, il le façonne sans le remettre dans la forge. En un instant le fer à cheval est achevé et cambré, ciselé comme un bracelet.

Éloi n'en peut croire ses yeux.

«Il y a, dit-il, quelque sortilége.

--Non; mais je suis, comme tu le vois, passé maître dans le métier.

--Mais ce fer ne peut être solide.

--Examine-le.»

Éloi prit le fer et l'examina; il n'y vit aucun défaut.

«Allons, dit-il, je n'y comprends plus rien, mais sais-tu ferrer la bête?

--Donne-moi un cheval.»