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Le nom de François Guizot (1787-1874) se lit dans tous les manuels d'Histoire de France, puisqu'il a été plusieurs fois ministre sous la monarchie de juillet, puis chef du cabinet gouvernemental juste avant la révolution de 1848. C'est à lui notamment que l'instruction publique dut la création des écoles primaires dans toutes les communes de plus de cinq-cents habitants, et d'un système d'inspection. Cet homme d'État courageux, incorruptible, infatigable, fut également un géant littéraire par l'étendue et la qualité de ses productions, la plupart centrées sur l'histoire de la civilisation européenne. Descendant immédiat des pasteurs du désert, Guizot était un protestant convaincu, mais cependant appréciatif de tout l'apport culturel du catholicisme. Définitivement retiré de la politique après la chute de Louis-Philippe, installé dans l'ancienne abbaye du Val-Richer, en Normandie, l'académicien consacra les dernières vingt-cinq années de sa vie à sa passion première : l'étude de l'Histoire. C'est là qu'il écrivit aussi trois séries successives de Méditations sur la religion chrétienne, que notre numérisation ThéoTeX regroupe en un seul volume. Elles se caractérisent par une hauteur de vue remarquable, manifestement acquise par l'expérience et la réflexion profonde de leur auteur.
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Ce fichier au format EPUB, ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322474196
Auteur François Guizot. Les textes du domaine public contenus ne peuvent faire l'objet d'aucune exclusivité.Les notes, préfaces, descriptions, traductions éventuellement rajoutées restent sous la responsabilité de ThéoTEX, et ne peuvent pas être reproduites sans autorisation.ThéoTEX
site internet : theotex.orgcourriel : [email protected]François Guizot avait initialement prévu quatre séries de Méditations sur la religion chrétienne, ainsi qu'il l'explique dans la préface de la première série, parue en en 1864:
Cependant, dans la préface de la seconde série, parue deux ans après, en 1866, il annonçait avoir intervertit les titres II et III de son projet, remettant à plus tard le récit de l'histoire de l'Église (et en particulier de la division catholicisme-protestantisme), pour traiter sans plus attendre les problèmes du christianisme au xixe siècle. En réalité, les Méditations qui devaient examiner le développement de la religion chrétienne à partir des apôtres, et l'authenticité de leurs écrits, ne parurent jamais. Guizot, certainement plus connaisseur des débats philosophiques qui agitaient les penseurs de son époque, que des questions de critique textuelle biblique, fit imprimer en 1868 une troisième série de méditations qui complétaient la deuxième, en confrontant les vues chrétiennes avec diverses idéologies alors en cours, sur la liberté, la morale, la science.
Même en l'absence d'une défense de la foi chrétienne du point de vue historique, (que l'on regrette évidemment pour mieux connaître la pensée de Guizot), ces trois groupes de médiations n'en constituent pas moins une œuvre apologétique de grande valeur, toujours pertinente.
Nous ne reproduisons que la préface de 1864 (moins l'annonce du plan qui n'a pas été suivi), les deux autres ne présentant pas d'intérêt suffisant pour le lecteur d'aujourd'hui.
Depuis dix-neuf siècles, la religion chrétienne a subi et surmonté bien des attaques, quelques-unes plus violentes que celles dont elle est aujourd'hui l'objet, aucune plus grave.
Pendant dix-huit siècles, les Chrétiens ont été tour à tour persécutés ou persécuteurs. Persécutés comme Chrétiens, persécuteurs de quiconque n'était pas Chrétien, se persécutant mutuellement entre Chrétiens. La persécution a été, selon les temps et les pays, plus ou moins cruelle, plus ou moins inflexible et efficace; mais, quelle que fût la diversité des États, des Églises et des châtiments, qu'il y eût rigueur ou douceur dans la pratique, le principe était le même. Après avoir souffert la proscription et le martyre sous le régime impérial de l'État païen, la religion chrétienne a vécu à son tour sous la garde de la loi civile, et défendue par les armes du bras séculier.
Elle vit aujourd'hui en présence de la liberté. Elle a affaire à la pensée libre, à la discussion libre. Elle est appelée à se défendre, à se garder elle-même, à prouver incessamment, et contre tout venant, sa vérité morale et historique, son droit sur l'intelligence et l'âme humaine. Catholiques, Protestants ou Juifs, Chrétiens ou Philosophes, tous sont maintenant, parmi nous du moins, à l'abri de toute persécution; car nul ne pourrait, sans ridicule, taxer de persécution les sacrifices ou les déplaisirs que peut lui imposer, dans certains cas, la manifestation de sa croyance; pour tous, cette manifestation est libre, et ne saurait coûter à personne aucun des droits ni des biens de la vie civile. La liberté religieuse, c'est-à-dire la liberté de croire, de croire diversement ou de ne pas croire, est encore imparfaitement acceptée et garantie dans divers États; mais il est visible qu'elle devient de plus en plus le fait général, et qu'elle sera désormais le droit commun dans le monde civilisé.
L'une des causes qui rendent ce fait si puissant, c'est qu'il n'est pas isolé; il tient sa place dans la grande révolution intellectuelle et sociale qui, après une fermentation et une préparation de plusieurs siècles, a éclaté et s'accomplit de nos jours. L'esprit scientifique, la prépondérance démocratique et la liberté politique sont les caractères essentiels et les tendances invincibles de cette révolution. Ces puissances nouvelles peuvent tomber dans d'énormes erreurs et commettre d'énormes fautes qu'elles payeront toujours chèrement; mais elles sont définitivement installées dans la société moderne; les sciences continueront de s'y développer dans la pleine indépendance de leurs méthodes et de leurs résultats; la démocratie s'établira dans les positions qu'elle a conquises et dans les voies qui lui sont ouvertes; la liberté politique, à travers ses orages et ses mécomptes, se fera plus ou moins lentement accepter comme la garantie nécessaire de tous les biens acquis et de tous les progrès possibles dans l'ordre social. Ce sont là maintenant des faits dominateurs auxquels toutes les institutions publiques doivent s'adapter, et avec lesquels toutes les autorités morales ont besoin de vivre en paix.
La religion chrétienne n'est pas dispensée de cette épreuve. Elle la surmontera comme elle en a surmonté tant d'autres; elle ne serait pas d'origine et d'essence divines si elle ne pouvait pas se prêter aux formes diverses des sociétés humaines, et leur servir tantôt de guide, tantôt d'appui dans toutes leurs vicissitudes, heureuses ou malheureuses. Mais il importe infiniment que les Chrétiens ne se fassent point d'illusion sur la lutte qu'ils ont à soutenir, sur ses périls et sur les armes qu'ils y peuvent employer. Contre la religion chrétienne, l'attaque est ardente et poursuivie tantôt avec un fanatisme brutal, tantôt avec une habileté savante, et au nom tantôt des plus mauvaises passions, tantôt de convictions sincères; les uns la contestent comme fausse; les autres la repoussent comme trop exigeante et gênante; la plupart la redoutent comme tyrannique. On n'oublie pas vite l'injustice et la souffrance; on ne guérit pas aisément de la peur. Les souvenirs de la persécution religieuse sont vivants et entretiennent, dans une multitude d'esprits d'ailleurs incertains, des préventions malveillantes et de vives alarmes. Les Chrétiens, de leur côté, ont peine à accepter le nouvel état social et à s'y faire; ils sont, à chaque instant, choqués, irrités, épouvantés des idées et du langage qui s'y produisent. On ne passe pas aisément du privilège au droit commun et de la domination à la liberté; on ne se résigne pas sans effort à la contradiction audacieuse et obstinée, à la nécessité quotidienne de résister et de vaincre. Le régime de la liberté est encore plus passionné et plus laborieux dans l'ordre religieux que dans l'ordre politique; les croyants ont encore plus de peine à supporter les incrédules que les gouvernements l'opposition. Et pourtant eux aussi ils y sont obligés; eux aussi ils ne peuvent trouver aujourd'hui que dans la discussion libre, et dans le plein exercice de leurs propres libertés, la force dont ils ont besoin pour s'élever au-dessus de leurs périls, et pour réduire, non pas au silence, ce qui ne se peut, mais à une guerre vaine, leurs acharnés adversaires.
Je sors de la société civile dans laquelle les diverses croyances religieuses sont aujourd'hui tenues de vivre en paix, à côté les unes des autres. J'entre dans la société religieuse elle-même, dans l'Église chrétienne de nos jours. Où en est-elle elle-même sur les grandes questions qu'elle a à débattre avec l'esprit humain libre et hardi? Comprend-elle bien, conduit-elle bien la guerre dans laquelle elle est engagée? Marche-t-elle au rétablissement d'une vraie paix et de l'harmonie active entre elle et la société générale au sein de laquelle elle vit?
Je dis l'Église chrétienne. C'est toute l'Église chrétienne en effet, et non pas telle ou telle des églises chrétiennes, qui est maintenant et radicalement attaquée. Quand on nie le surnaturel, l'inspiration des Livres saints et la divinité de Jésus -Christ, c'est sur tous les Chrétiens, Catholiques, Protestants ou Grecs, que portent les coups; c'est à tous les Chrétiens, quels que soient leurs dissentiments particuliers et les formes de leur gouvernement ecclésiastique, qu'on enlève les bases de leur foi. Et c'est par la foi que vivent toutes les églises chrétiennes; il n'y a point de forme de gouvernement, monarchique ou républicaine, concentrée ou éparse, qui suffise à maintenir une église; il n'y a point d'autorité si forte, point de liberté si large que, dans une société religieuse, elle puisse tenir lieu de la foi. Ce sont les âmes qui s'unissent dans une église, et c'est la foi qui est le lien des âmes. Quand donc les fondements de leur foi commune sont attaqués, les dissidences entre les églises chrétiennes sur des questions spéciales, ou les diversités de leur organisation et de leur gouvernement deviennent des intérêts secondaires; c'est d'un péril commun qu'elles ont à se défendre; c'est la source commune où elles puisent toutes la vie qu'elles sont menacées de voir tarir.
Je crains que le sentiment de ce péril commun ne soit pas, dans toutes les églises chrétiennes, aussi clair, aussi profond, aussi dominant que l'exige le salut commun. Je crains qu'en présence des mêmes questions partout soulevées et des mêmes attaques partout dirigées contre les faits et les dogmes vitaux de la religion chrétienne, les Chrétiens des communions diverses ne concentrent pas assez toutes leurs forces sur la grande lutte qu'ils ont tous à soutenir. Je le crains sans m'en étonner beaucoup. Quoique le péril soit le même pour tous, les traditions, les habitudes et par conséquent les dispositions actuelles sont diverses. Beaucoup de Catholiques se persuadent que la foi serait sauvée s'ils étaient délivrés de la liberté de la pensée. Beaucoup de Protestants croient qu'ils ne font qu'user du libre examen et qu'ils restent Chrétiens quand ils abandonnent les bases et s'éloignent des sources de la foi. Le Catholicisme n'a pas assez de confiance dans ses racines et tient trop à toutes ses branches; il n'y a point d'arbre qui n'ait besoin d'être cultivé et émondé selon les climats et les saisons pour porter toujours de bons fruits; ce sont les racines qu'il faut défendre de toute atteinte. Le Protestantisme oublie trop que, lui aussi, il a des racines dont il ne saurait se séparer sans périr, et que la religion n'est pas une plante annuelle que les hommes cultivent et renouvellent à leur gré. Les Catholiques ont trop peur de la liberté; les Protestants ont trop peur de l'autorité. Les uns croient que, parce que la foi religieuse a des points fixes, la société religieuse ne comporte pas le mouvement et le progrès; les autres disent que la société religieuse ne saurait avoir des points fixes, et que la religion réside dans le sentiment religieux et la croyance individuelle. Que serait devenu le Christianisme s'il s'était condamné, dès sa naissance, à l'immobilité que les uns lui recommandent, et que deviendrait-il aujourd'hui s'il était livré, comme le veulent les autres, au caprice de chaque esprit et au vent de chaque jour?
Heureusement, Dieu ne permet pas que, dans cette crise, les vrais principes et les vrais intérêts de la religion chrétienne restent sans d'efficaces défenseurs. Il y a des Catholiques qui comprennent leur temps et le nouvel état social, et qui acceptent franchement ses libertés religieuses et politiques; et ce sont précisément ceux-là qui ont le plus hardiment témoigné leur attachement à la foi catholique, qui ont réclamé avec le plus d'ardeur les propres libertés de leur Église et défendu avec le plus d'énergie les droits de son chef. Il y a des Protestants qui ont usé avec un zèle infatigable de toutes les libertés acquises de nos jours au Protestantisme; ils ont fondé toutes les associations et toutes les œuvres qui ont manifesté la vie et étendu l'action de l'Église protestante; ils ont réclamé et ils réclament incessamment, pour cette Église, le rétablissement de ses synodes, c'est-à-dire son autonomie religieuse. Parmi ces Protestants, quand il s'en est rencontré qui n'ont pas trouvé, dans l'Église protestante soutenue par l'État, la pleine satisfaction de leurs convictions, ils n'ont pas hésité à s'en séparer et à fonder, avec leurs seules forces, des églises libres. Et ce sont les Protestants qui ont ainsi mis le plus largement en pratique tous les droits, toutes les libertés du protestantisme, ce sont précisément ceux-là qui aujourd'hui, dans l'épreuve intérieure que traverse le christianisme, professent le plus hautement les dogmes de la foi chrétienne, et maintiennent le plus fermement les droits de l'autorité légale au sein de leur église. Les Catholiques libéraux de nos jours sont les plus zélés défenseurs des traditions et des institutions fondamentales du Catholicisme. Les Protestants les plus actifs, depuis un demi-siècle, dans l'exercice des libertés du Protestantisme sont les plus fermes conservateurs de ses doctrines et de ses règles vitales.
Humainement parlant, c'est de l'influence qu'exercent et qu'exerceront, dans leurs Églises respectives et dans le public, ces deux classes de Chrétiens que dépend l'issue paisible de la crise que subit de nos jours le Christianisme. Notre société est certes bien loin d'être chrétienne; mais elle n'est pas non plus antichrétienne; considérée dans son vaste ensemble, elle n'a aujourd'hui, contre la religion chrétienne, point de passion hostile ni générale; elle conserve des habitudes, des instincts, je dirai volontiers des désirs chrétiens; elle sait que la foi et la loi chrétiennes servent puissamment ses intérêts d'ordre et de paix; les adversaires fanatiques du Christianisme l'inquiètent bien plus qu'ils ne la séduisent; elle a fait l'expérience de leur empire, et même quand elle ne s'en défend pas, même quand elle les vante, elle redoute au fond leurs progrès. Dans de telles dispositions, notre société peut être tirée de son indifférence et de son ignorance religieuse; elle peut être ramenée au Christianisme; mais par ceux-là seulement qui, en défendant, en propageant le Christianisme, ne blesseront pas la société elle-même dans les idées, les sentiments, les droits, les intérêts qui aujourd'hui ont pris place et racine dans sa vie intime et active. Comme la religion, la société moderne a aussi ses points fixes et ses tendances invincibles; entre la religion et elle, l'harmonie ne peut se rétablir que par l'action des hommes qui leur portent, à l'une et à l'autre, une vraie et profonde sympathie. Puisque la religion chrétienne vit aujourd'hui en présence de la liberté, ceux-là seuls sont d'efficaces défenseurs de la religion qui, en même temps, professent pleinement la foi chrétienne et acceptent sincèrement l'épreuve de la liberté.
Mais qu'en poursuivant leur pieux et salutaire travail, ces Chrétiens libéraux ne se flattent pas d'un prompt ni complet succès; ils maintiendront, ils propageront la foi chrétienne; ils ne supprimeront pas au sein de la société l'incrédulité et le doute; il faut qu'en les combattant, ils s'accoutument à supporter leur présence; le régime de la liberté est essentiellement mêlé de bien et de mal, de vérité et d'erreur; les idées et les dispositions contraires s'y produisent et s'y développent simultanément: «Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre, disait Jésus-Christ à ses apôtres; je suis venu apporter non la paix, mais l'épée. (Matth.10.34)» L'épée de Jésus-Christ, c'est la vérité chrétienne combattant l'erreur et l'imperfection humaines; la victoire, mais la victoire toujours incomplète dans la lutte incessante, c'est la condition à laquelle doivent se résigner les défenseurs de la vérité chrétienne au sein de la liberté.
Si ces vaillants et intelligents champions de la foi chrétienne n'étaient pas accueillis et accrédités dans les églises auxquelles ils appartiennent; si le Catholicisme donnait lieu de croire qu'il est essentiellement hostile aux principes et aux droits essentiels de la société moderne, et qu'il ne les tolère que comme Moïse tolérait le divorce parmi les Juifs, «à cause de la dureté de leur cœur;» si d'autre part les adversaires du surnaturel, de l'inspiration des Livres saints et de la divinité de Jésus-Christ prévalaient au sein du Protestantisme, qui ne serait plus alors qu'une philosophie hésitant à prendre son vrai nom, si toutes ces mauvaises chances venaient à se réaliser, je suis loin de penser qu'en présence de telles fautes et de tels revers, la religion chrétienne disparaîtrait du monde et retirerait définitivement aux hommes sa lumière et son appui; ses destinées sont au-dessus des égarements humains; mais, à coup sûr, pour que les hommes revinssent de tels égarements, pour que la lumière rentrât dans leur âme et l'harmonie dans la société moderne, il faudrait qu'il éclatât de nouveau, dans les âmes et dans la société, un de ces troubles immenses, une de ces tourmentes révolutionnaires dont les hommes ne recueillent les leçons qu'après en avoir souffert tous les maux.
Près d'aborder des questions plus profondes et plus permanentes, je ne fais qu'indiquer ici ce que je pense de la crise qui agite en ce moment le monde chrétien, de sa cause principale, de ses périls, et des chances bonnes ou mauvaises qu'elle laisse entrevoir pour l'avenir. Dans l'ouvrage dont je publie aujourd'hui la première partie, je laisse de côté ces faits et ces débats de circonstance; c'est de la religion chrétienne en elle-même, de ses croyances fondamentales et de leur légitimité que je m'occupe; c'est la vérité du Christianisme que je voudrais mettre en lumière en le mettant en présence des systèmes et des doutes qu'on lui oppose. Je m'abstiendrai de toute polémique directe et personnelle; les personnes embarrassent et enveniment les questions; on ménage ou l'on injurie ses adversaires; deux genres de fausseté qui me sont également antipathiques; je ne veux avoir pour adversaires que les idées; et quelles que soient les idées, j'admets la sincérité possible de ceux qui les professent; la discussion n'est sérieuse qu'à cette condition, et ni l'énormité intellectuelle de l'erreur, ni ses funestes conséquences pratiques n'excluent sa sincérité. L'esprit de l'homme est encore plus facile à séduire et plus égoïste que son cœur; quand il a conçu et exprimé une idée, il s'y attache comme à son œuvre propre, et s'y emprisonne orgueilleusement, comme s'il était en possession de la pure et pleine vérité.
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J'ai passé trente-quatre ans de ma vie à lutter, dans une bruyante arène, pour l'établissement de la liberté politique et le maintien de l'ordre selon la loi. J'ai appris, dans les travaux et les épreuves de cette lutte, ce que valent la foi et la liberté chrétiennes. Dieu permet que, dans le repos de ma retraite, je consacre à leur cause ce qu'il me conserve encore de jours et de force. C'est la plus salutaire faveur et le plus grand honneur que sa bonté me puisse accorder.
Val-Richer, juin 1864.
Depuis que le genre humain existe, partout où il a existé et où il existe, il y a des questions qui l'ont préoccupé et le préoccupent invinciblement. Non seulement à cause de sa curiosité naturelle et de son ardente soif de connaître, mais pour une autre raison bien autrement profonde et puissante: la destinée même de l'homme est intimement liée à ces questions; elles contiennent le secret non seulement de ce qu'il voit, mais de ce qu'il est lui-même; quand il aspire à les résoudre, ce n'est pas seulement pour comprendre le spectacle auquel il assiste; il se sent, il se sait acteur dans le drame; il veut savoir son rôle et son sort. Il s'agit, pour lui, de sa conduite et de son avenir comme de la satisfaction de sa pensée. Ces problèmes souverains ne sont pas, pour l'homme, des questions de science, mais des questions de vie; en leur présence, il faut dire comme Hamlet: «Être ou n'être pas, c'est la question.»
D'où viennent le monde et l'homme au milieu du monde? Comment ont-ils commencé? Où vont-ils? Quelles sont leur origine et leur fin? Il y a des lois qui les gouvernent; y a-t-il un législateur? Sous l'empire de ces lois l'homme se sent et se dit libre; l'est-il réellement? Comment sa liberté se concilie-t-elle avec les lois qui le gouvernent, lui et le monde? Est-il un instrument fatal ou un agent responsable? Quels sont, avec le législateur du monde, ses liens et ses rapports?
Le monde et l'homme lui-même offrent un étrange et douloureux spectacle. Le bien et le mal, moral et matériel, l'ordre et le désordre, la joie et la douleur y sont intimement mêlés et en lutte constante. D'où viennent ce mélange et ce combat? Est-ce le bien ou le mal qui est la condition et la loi de l'homme et du monde? Si c'est le bien, comment le mal y est-il entré? Pourquoi la souffrance et la mort? Pourquoi le désordre moral, le malheur si fréquent des bons, le bonheur si choquant des méchants? Est-ce là l'état normal et définitif de l'homme et du monde?
L'homme se sent à la fois grand et petit, fort et faible, puissant et impuissant. Il s'admire, il s'aime; et pourtant il ne se suffit point à lui-même; il cherche un appui, un secours au delà et au-dessus de lui-même; il demande, il invoque, il prie. Que veulent dire ces troubles intérieurs, ces élans alternatifs d'orgueil et de faiblesse? Ont-ils, ou non, un sens et un objet? Pourquoi la prière?
Ce sont là les problèmes naturels, tantôt obscurément pressentis, tantôt clairement posés, qui, dans tous les temps, chez tous les peuples, sous toutes les formes et à tous les degrés de la civilisation, par instinct ou par réflexion, se sont élevés et s'élèvent dans l'âme humaine. Je n'indique que les plus grands, les plus apparents; j'en pourrais rappeler bien d'autres qui se rattachent à ceux-là.
Non seulement ces problèmes sont naturels à l'homme; ils ne le sont qu'à lui; ils sont son privilège. Parmi toutes les créatures à nous connues, l'homme seul les entrevoit et les pose, et éprouve un besoin impérieux de les résoudre. J'emprunte à M. de Chateaubriand ces belles paroles: «Pourquoi le bœuf ne fait-il pas comme moi? Il peut se coucher sur la verdure, lever la tête vers les cieux, et appeler par ses mugissements l'Être inconnu qui remplit cette immensité. Mais non; préférant le gazon qu'il foule, il n'interroge point, au haut du firmament, ces soleils qui sont la grande évidence de l'existence de Dieu. Les animaux ne sont point troublés par ces espérances que manifeste le cœur de l'homme; ils atteignent sur-le-champ à leur suprême bonheur; un peu d'herbe satisfait l'agneau; un peu de sang rassasie le tigre. La seule créature qui cherche au dehors, et qui n'est pas à soi-même son tout, c'est l'hommea.»
De ces problèmes naturels et propres à l'homme sont nées toutes les religions; elles ont toutes pour objet de satisfaire la soif qu'a l'homme de les résoudre. Comme ces problèmes sont la source de la religion, les solutions qu'ils reçoivent en sont la substance et le fond. C'est, de nos jours, une tendance assez commune de faire consister essentiellement, je pourrais dire uniquement, la religion dans le sentiment religieux, dans ces belles et vagues aspirations qui sont ce qu'on appelle la poésie de l'âme, en dehors et au-dessus des réalités de la vie. Par le sentiment religieux, l'âme entre en rapport avec l'ordre divin; et ce rapport tout personnel, tout intime, indépendant de tout dogme positif, de toute Église organisée, suffit, dit-on, et doit suffire à l'homme; c'est là, pour lui, la religion vraie et nécessaire.
Certainement le sentiment religieux, le rapport intime et personnel de l'âme avec l'ordre divin est essentiel et nécessaire à la religion; mais la religion est autre chose encore, et bien davantage. L'âme humaine ne se laisse pas diviser et réduire à telle ou telle de ses facultés qu'on choisit et qu'on exalte en condamnant les autres au sommeil; l'homme n'est pas seulement un être sensible et poétique qui aspire à s'élancer, par l'imagination et l'amour, au delà du monde matériel et actuel; il pense en même temps qu'il sent; il veut connaître et croire aussi bien qu'aimer; ce n'est pas assez, pour lui, que son âme s'émeuve et s'élève; il a besoin qu'elle se fixe et se repose dans des convictions en harmonie avec ses émotions. C'est là ce que l'homme cherche dans la religion; il lui demande autre chose que des jouissances nobles et pures; il lui demande la lumière en même temps que la sympathie. Si elle ne résout pas les problèmes moraux qui assiègent sa pensée, elle peut être une poésie; elle n'est pas une religion.
Je ne puis contempler sans émotion les troubles de ces âmes élevées qui essayent de trouver, dans le sentiment religieux seul, un refuge contre le doute et l'impiété. Il est beau de conserver, dans le naufrage de la foi et le chaos de la pensée, les grands instincts de notre nature, et de persister à ressentir les besoins sublimes dont on n'obtient pas la satisfaction. Je ne sais à quel point des esprits éminents peuvent ainsi combler, par leur sincérité et leur ferveur sensible, le vide de leurs croyances; mais qu'ils ne se fassent pas illusion; pas plus sur les intérêts de leur avenir spirituel que sur ceux de la vie actuelle, les hommes ne se payent d'aspirations stériles et de beaux doutes; les problèmes naturels que j'ai rappelés seront toujours le grand fardeau des âmes, et le sentiment religieux ne sera jamais la religion suffisante du genre humain.
A côté de l'apothéose du sentiment religieux se place aujourd'hui une autre tentative bien autrement grave et hardie. Loin de sonder les problèmes naturels auxquels correspondent les religions, des écoles philosophiques qui font bruit sur la scène intellectuelle, l'école panthéiste et l'école qui s'appelle positiviste, les suppriment absolument et les nient. A les entendre, le monde existe de toute éternité et par lui-même, ainsi que les lois en vertu desquelles il se maintient et se développe. Dans leurs principes et leur ensemble, toutes choses ont toujours été ce qu'elles sont et seront. Il n'y a, dans cet univers, point de mystère; il n'y a que des faits et des lois qui s'enchaînent naturellement, nécessairement, et sur lesquels s'exerce la science humaine, incomplète mais indéfiniment progressive dans sa puissance comme dans son travail.
Ainsi la création, la providence divine et la liberté humaine, l'origine du mal, le mélange et la lutte du bien et du mal dans le monde et dans l'homme, l'imperfection de l'ordre actuel et du sort de l'homme, la perspective du rétablissement de l'ordre dans l'avenir, ce sont là de pures rêveries, des jeux de la pensée humaine; il n'y a, dans la réalité, point de questions semblables; de même qu'il est éternel, le monde, tel qu'il est, est complet, normal et définitif en même temps que progressif; et ce n'est d'aucune puissance supérieure au monde, c'est du seul progrès des sciences et des lumières humaines qu'il faut attendre le remède au mal moral et matériel dont souffre le genre humain.
Je ne discute pas, en ce moment, ce système; je ne le qualifie même pas par son vrai nom; je ne fais que le résumer. Mais, au premier et simple aspect, quel mépris des instincts spontanés et universels de l'homme! Quel oubli des faits qui remplissent l'histoire universelle et permanente du genre humain!
C'est pourtant là que nous en sommes. Non pas une solution, mais la négation des problèmes naturels dont l'âme humaine est invinciblement travaillée, c'est là ce qu'on lui offre pour toute satisfaction et tout repos. Soyez mathématicien, physicien, mécanicien, chimiste, critique, romancier, poète; mais n'entrez pas dans ce qu'on appelle la sphère religieuse et théologique; il n'y a là point de questions réelles à résoudre, rien à chercher, rien à faire, rien à attendre, rien, rien.
La religion chrétienne connaît mieux et traite mieux l'homme; elle a d'autres réponses à ses questions; et c'est entre la négation absolue des problèmes religieux et la solution chrétienne de ces problèmes qu'est aujourd'hui le débat.
Il y a des mots qui nous sont devenus un sujet de méfiance et d'alarme; nous les soupçonnons de couvrir des prétentions illégitimes et la tyrannie. Tel est, de nos jours, le sort du mot dogme; ce mot implique, pour un grand nombre d'esprits, une impérieuse nécessité de croire qui les blesse et les inquiète. Singulier contraste! Nous recherchons partout les principes et nous redoutons les dogmes.
Absurde en soi, ce sentiment n'a rien d'étrange; les dogmes chrétiens ont servi de motif ou de prétexte à tant d'iniquités, d'oppressions et de cruautés que leur nom en est resté entaché et suspect. Le mot porte la peine des souvenirs qu'il réveille. La peine est légitime. Toute atteinte à la liberté de conscience, tout emploi de la force pour extirper ou pour imposer les croyances religieuses est et a toujours été un acte inique et tyrannique. Tous les pouvoirs, tous les partis, toutes les Églises ont cru de tels actes non seulement permis, mais commandés par la loi divine; tous se sont crus non seulement en droit, mais en devoir de prévenir et de châtier, par la loi et la force humaine, l'erreur en matière de religion. Ils peuvent tous alléguer pour excuse leur foi sincère dans la légitimité de cette usurpation. L'usurpation n'en est pas moins énorme et fatale, et c'est peut-être, de toutes les usurpations humaines, celle qui a infligé aux hommes les tourments et les égarements les plus odieux. Ce sera la gloire de notre temps de l'avoir rejetée: elle subsiste et résiste encore dans certains États, dans certaines lois, dans certains coins des sociétés et des âmes chrétiennes; il est encore et il sera toujours nécessaire de veiller et de combattre pour la bannir absolument et en prévenir le retour. Pourtant elle est vaincue: la liberté civile de la foi et de la vie religieuse est maintenant un principe fondamental de la civilisation et du droit. Ce n'est point dans l'arène et par la main des pouvoirs publics, c'est uniquement dans la sphère intellectuelle et par le libre travail des esprits que se débattent et se règlent les questions qui touchent aux rapports de l'homme avec Dieu.
Mais, dans cette sphère, ces questions s'élèvent impérieusement et appellent leurs solutions, c'est-à-dire les faits primitifs et les idées fondamentales, c'est-à-dire les principes qui leur répondent. La religion chrétienne a les siens qui sont les fondements rationnels de la foi qu'elle inculque et de la vie qu'elle commande. Elle les appelle ses dogmes. Les dogmes chrétiens sont les principes de la religion chrétienne, et les solutions chrétiennes des problèmes religieux naturels.
Que les hommes sérieux qui n'ont pas déclaré à la religion chrétienne une guerre à mort, et qui l'admirent en repoussant ses dogmes fondamentaux, y prennent garde: les fleurs dont le parfum les charme se faneront bien vite, les fruits qu'ils trouvent si excellents cesseront bientôt de se produire quand ils auront coupé les racines de l'arbre qui les porte.
Pour moi, arrivé au terme d'une longue vie pleine de travail, de réflexion et d'épreuves, d'épreuves dans la pensée comme dans l'action, je demeure convaincu que les dogmes chrétiens sont les légitimes et efficaces solutions des problèmes religieux naturels que l'homme porte en lui-même et auxquels il ne saurait échapper.
J'en demande d'avance pardon aux théologiens, catholiques et protestants: je n'ai point dessein de rappeler ici, ni d'expliquer, ni de soutenir tous les points de doctrine, tous les articles de foi qu'ils ont appelés des dogmes chrétiens. Depuis dix-huit siècles, la théologie chrétienne s'est bien souvent aventurée au delà et en dehors de la religion chrétienne; les hommes ont mêlé leurs œuvres à l'œuvre de Dieu. C'est la conséquence naturelle de l'activité et de l'imperfection humaines réunies. Cette conséquence s'est partout produite dans l'histoire du monde, spécialement dans l'histoire de la société et de la religion sur lesquelles Dieu a greffé la religion chrétienne. Quand Dieu a suscité Jésus-Christ parmi les Juifs, la foi et la loi des Juifs n'étaient plus uniquement la foi et la loi que Dieu leur avait données par Moïse; les Pharisiens, les Sadducéens et tant d'autres les avaient profondément modifiées, amplifiées, altérées. Le christianisme aussi a eu ses Pharisiens et ses Sadducéens; à son tour, il a subi le travail de la pensée et de la passion humaines sur la révélation divine. Je ne reconnais pas, à tous les fruits indistincts de ce travail, le droit de se donner pour des dogmes chrétiens. Je ne me propose cependant pas aujourd'hui de désigner spécialement et de combattre, dans l'Église et la théologie chrétienne, ce que je n'en accepte et n'en défends point. Il ne me convient pas, et j'ose dire qu'il ne convient à aucun chrétien de critiquer les parois intérieures de l'édifice au moment où ses fondements sont ardemment attaqués; je voudrais bien plutôt rallier dans la défense commune tous ceux qui l'habitent, et je ne parlerai ici que des dogmes qui leur sont communs à tous. Je les résume en ces termes: la création, la providence, le péché originel, l'incarnation et la rédemption. C'est là l'essence de la religion chrétienne, et, pour moi, quiconque croit a ces dogmes est chrétien.
Un grand et commun caractère me frappe d'abord dans ces dogmes: ils abordent et résolvent franchement les problèmes religieux naturels et inhérents à l'homme. Le dogme de la création atteste l'existence du Dieu créateur et législateur et le lien qui unit l'homme à Dieu. Le dogme de la providence explique et justifie la prière, ce recours instinctif de l'homme au Dieu vivant, à cette puissance suprême qui assiste à sa vie et agit sur son sort. Le dogme du péché originel rend compte de la présence du mal et du désordre dans l'homme et le monde. Les dogmes de l'incarnation et de la rédemption sauvent l'homme des conséquences du mal et lui ouvrent, dans une autre vie, les perspectives du rétablissement de l'ordre. A coup sûr, le système est grand, complet, bien lié, puissant: il répond aux appels de l'âme humaine, la délivre du fardeau qui pèse sur elle, et lui donne, avec les forces qui lui manquent, les satisfactions auxquelles elle aspire. A-t-il droit à tant de puissance? Est-il légitime aussi bien qu'efficace?
Sur le système chrétien et sur chacun de ses dogmes essentiels, j'ai porté le poids des objections; j'ai connu les anxiétés du doute. Je dirai pourquoi je suis sorti du doute et sur quoi mes convictions se fondent.
Ceux-là seuls seraient des adversaires sérieux du dogme de la création qui diraient que l'univers, la terre et l'homme sur la terre ont été, de toute éternité et tous ensemble, ce qu'ils sont. Mais personne ne peut tenir ce langage; les faits s'y opposent invinciblement. On a beaucoup discuté et on discute encore la question de savoir depuis combien de siècles l'homme existe sur la terre. Cela n'importe en rien au dogme de la création; il est certain, il est reconnu que l'homme n'a pas toujours existé sur la terre, et qu'elle a été longtemps dans divers états tels que l'homme n'eût pu y exister. L'homme a donc commencé, l'homme est venu sur la terre. Comment y est-il venu?
Ici, les adversaires du dogme de la création se divisent: les uns affirment les générations spontanées, les autres la transformation des espèces. Selon les uns, la matière possède, dans certaines circonstances et par le seul développement de ses forces propres, le pouvoir de créer des êtres animés. Selon les autres, les diverses espèces d'êtres animés qui ont existé, ou qui existent, aux diverses époques et dans les divers états de la terre, dérivent d'un petit nombre de types primitifs qui ont possédé, grâce à des millions ou des milliards de siècles, le pouvoir de se développer et de se perfectionner de manière à se transformer en espèces supérieures. D'où ils concluent, plus ou moins timidement, que l'espèce humaine est le résultat d'une transformation, ou d'une série de transformations semblables.
Quant au système des générations spontanées, la tentative de l'établir est de vieille date; la science l'a toujours déjouée; plus ses observations ont été exactes et profondes, plus elles ont démenti l'hypothèse de la vertu créatrice de la matière. Naguère encore, la question, attentivement étudiée par des esprits éminents, au dedans et au dehors de l'Académie des sciences, a abouti à ce résultat. Mais quand même il en serait autrement, quand même les partisans des générations spontanées pourraient alléguer certaines expériences dont l'erreur ne serait pas encore reconnue, la première apparition de l'homme sur la terre ne s'expliquerait pas mieux par cette voie, et je n'en serais pas moins en droit de redire ici ce que j'ai déjà dit ailleurs à ce sujeta: «Ce mode de production ne pourrait, n'aurait jamais pu produire que des êtres-enfants, à la première heure et dans le premier état de la vie naissante. Personne, je crois, n'a jamais dit et personne ne dira jamais que, par la vertu d'une génération spontanée, l'homme, c'est-à-dire l'homme et la femme, le couple humain, ont pu sortir et qu'ils sont sortis un jour de la matière tout formés et tout grands, en pleine possession de leur taille, de leur force, de toutes leurs facultés, comme le paganisme grec a fait sortir Minerve du cerveau de Jupiter. C'est pourtant à cette condition seulement qu'en apparaissant pour la première fois sur la terre l'homme aurait pu y vivre, s'y perpétuer et y fonder le genre humain. Se figure-t-on le premier homme naissant à l'état de la première enfance, vivant, mais inerte, inintelligent, impuissant, incapable de se suffire un moment à lui-même, tremblotant et gémissant, sans mère pour l'entendre et le nourrir! C'est pourtant là le seul premier homme que le système de la génération spontanée puisse donner. Évidemment ce n'est pas ainsi qu'est venu sur la terre le genre humain.»
Le système de la transformation des espèces n'est pas moins repoussé par la science, comme par les instincts du bon sens. Il ne repose sur aucun fait saisissable, sur aucune donnée de l'observation scientifique ou de la tradition historique; tous les faits constatés, tous les monuments recueillis, dans les divers siècles et les divers lieux, sur l'existence des espèces vivantes, attestent qu'elles n'ont subi aucune transformation, aucun changement notable et durable; on les retrouve il y a mille, deux mille, trois mille ans, telles qu'elles sont aujourd'hui. Dans une même espèce, les races peuvent varier ou se modifier l'une par l'autre; les espèces ne changent point. Et quand on a essayé de les transformer artificiellement, par des croisements entre les espèces voisines, on n'a obtenu que des modifications qui, après deux ou trois générations, ont été frappées de stérilité, comme pour attester l'impuissance de l'homme à accomplir, par la transformation progressive des espèces existantes, la création d'espèces nouvelles. L'homme n'est point un singe transformé et perfectionné par une fermentation obscure des éléments naturels et à force de siècles; cette prétendue explication de l'origine de l'espèce humaine n'est qu'une hypothèse, fruit d'une imagination facile à séduire par des conjectures ingénieuses que lui suggère le spectacle mal compris de la nature, et qu'elle sème à travers des événements inconnus et des temps infinis qu'elle charge de réaliser ses rêves. Fermement maintenu par M. Cuvier, M. Flourens, M. Coste, M. de Quatrefages et tous les observateurs sévères des faits, le principe de la diversité radicale et de la permanence des espèces reste dominant dans la science comme dans la réalité.
[Cuvier; Discours sur les Révolutions du globe, p. 117-124 (édit. de 1825). — Flourens; Ontologie naturelle (1861), p. 10-87; — Journal des savants (octobre, novembre et décembre 1863); trois articles sur l'ouvrage de Ch. Darwin: De l'Origine des espèces et des lois du progrès chez les êtres organisés. — Coste; Histoire générale et particulière du développement des corps organisés; — Discours préliminaire, t. Ier, p. 23. — Quatrefages; Métamorphoses de l'homme et des animaux (1862), p. 225, — et ses articles sur l'unité de l'espèce humaine, publiés dans la Revue des Deux Mondes, en 1860 et 1861, et réunis en un volume in-12 (1861).]
A côté de ces vaines tentatives pour se passer du Dieu créateur et pour expliquer, par les forces propres et progressives de la matière, l'origine de l'homme et du monde, le dogme chrétien de la création a encore d'autres adversaires. On s'arme, pour le combattre, du récit que donne la Bible des faits successifs de création qui ont produit le monde et l'homme; on énumère, on étale les difficultés que présente la conciliation de ce récit avec les observations et les résultats de la science. Je pèserai la valeur de ce genre d'objections en traitant de l'inspiration des livres saints, de son véritable objet et de son sens légitime. Mais dès à présent j'élève le dogme de la création au-dessus de cette attaque en le plaçant à sa hauteur propre et isolée: c'est le fait général, c'est le principe même de la création qui constitue le dogme; quelles que soient les obscurités ou les difficultés scientifiques du récit biblique, le principe et le fait général de la création n'en subsistent pas moins; le Dieu créateur n'en reste pas moins en possession de son œuvre. La religion chrétienne, dans son essence, ne dit et ne demande rien de plus.
Reste, contre le dogme chrétien de la création, l'objection générale qui s'adresse à tous les faits, à tous les actes qu'on appelle surnaturels, c'est-à-dire à l'existence de Dieu aussi bien qu'au dogme de la création, à toutes les religions aussi bien qu'à la chrétienne. Ce n'est pas à propos d'un dogme spécial, et pour défendre seulement un des flancs de l'édifice chrétien qu'une telle question doit être traitée; je l'aborderai tout à l'heure de front et dans toute sa portée.
Le Dieu qui crée est aussi le Dieu qui conserve. Il vit en même temps qu'il fait vivre. Le lien entre lui et sa créature ne disparaît pas dès qu'elle est créée. Après le dogme de la création vient celui de la providence.
Il y a, dans la prière, autre chose que l'élan des désirs ou des douleurs de l'âme vers des satisfactions, des forces ou des consolations que l'âme ne trouve point en elle-même: il y a l'expression d'une foi, instinctive ou réfléchie, obscure ou claire, chancelante ou ferme, dans l'existence, la présence, la puissance et la sympathie de l'Être à qui la prière s'adresse. Sans une certaine mesure de foi et d'espérance en Dieu, la prière ne jaillirait pas ou se tarirait soudainement dans l'âme. Si elle résiste, si elle survit partout à toutes les dénégations, à tous les doutes, à toutes les ténèbres qui assiègent le genre humain, c'est que le genre humain porte en lui-même un indestructible sentiment du lien permanent qui l'unit à Dieu et Dieu à lui.
Bien loin de détruire ce sentiment, l'expérience et le spectacle de la vie l'expliquent et le confirment. L'homme, en réfléchissant sur sa destinée, reconnaît trois sources diverses et fait, pour ainsi dire, trois parts des faits qui la remplissent. Il subit des événements qui sont la conséquence de lois générales, permanentes, indépendantes de sa volonté, mais que son intelligence observe et comprend. Il fait lui-même, par l'acte de sa volonté libre, des événements dont il se reconnaît l'auteur, qui ont leurs conséquences et entrent dans le tissu de sa vie. Il éprouve des événements qui ne sont, à ses yeux, ni le résultat de lois générales auxquelles rien ne peut le soustraire, ni le fait de sa propre liberté; des événements dont il ne voit pas la cause, ni la raison, ni l'auteur.
L'homme attribue les événements de cette dernière sorte tantôt à une cause aveugle qu'il nomme le hasard, tantôt à une intention intelligente et suprême qui est Dieu. Et quand son esprit est choqué de l'inanité de ce mot le hasard qui n'explique et ne dit rien, l'homme imagine une puissance mystérieuse, impénétrable, qui n'est qu'un enchaînement nécessaire de faits inconnus, et qu'il appelle la fatalité, le destin. Pour rendre compte de cette part obscure et accidentelle de la vie humaine qui ne dérive ni de lois générales saisissables, ni de la volonté libre de l'homme lui-même, il faut choisir entre la fatalité ou la providence, le hasard ou Dieu.
J'exprime sans hésitation ma pensée. Quiconque admet, comme explication, la fatalité et le hasard ne croit pas vraiment en Dieu. Quiconque croit vraiment en Dieu compte sur la providence. Dieu n'est pas un expédient inventé pour expliquer le premier fait, un acteur appelé pour ouvrir, par la création, la scène du monde, et relégué ensuite dans une complète inutilité et inertie. Par cela seul qu'il est, Dieu assiste à son œuvre et la maintient. La providence, c'est le développement naturel et nécessaire de l'existence de Dieu; c'est la présence constante et l'action permanente de Dieu dans la création. L'instinct universel et invincible qui porte l'homme à la prière est en harmonie avec ce fait suprême: celui qui croit en Dieu ne peut pas ne pas recourir à lui et le prier.
On élève des objections au nom de Dieu même. Il n'agit, dit-on, que par des lois générales et permanentes; comment lui demander des volontés spéciales et accidentelles? Il est immuable, toujours complet et toujours le même: comment concevoir qu'il se prête à la mobilité des sentiments et des vœux humains? La prière qui monte vers lui oublie ce qu'il est. A la providence de Dieu on oppose sa nature.
Cette objection, si souvent reproduite, ne laisse pas de m'étonner. La plupart de ceux qui l'élèvent proclament en même temps que Dieu est incompréhensible et que nous ne saurions pénétrer le secret de sa nature. Que font-ils donc sinon prétendre à comprendre Dieu, et de quel droit opposent-ils sa nature à sa providence si sa nature est, pour nous, un mystère impénétrable? Je n'ai garde de leur reprocher leur ambition; elle est le privilège et la gloire de l'homme; mais qu'en la conservant, ils ne méconnaissent pas les limites de sa puissance: il faut choisir: il faut, ou bien cesser de croire en Dieu parce qu'on ne peut le comprendre, ou bien reconnaître effectivement qu'on ne peut le comprendre, tout en croyant en lui. On ne saurait passer et repasser incessamment d'un système à l'autre, et tantôt déclarer Dieu incompréhensible, tantôt traiter de lui, de sa nature et de ses attributs comme s'il était du ressort de la science humaine. Quelque grande que soit la question de la providence, celle à laquelle je touche ici est plus grande encore, car c'est la question de l'existence même de Dieu, et il s'agit, au fond, de savoir s'il est ou n'est pas. Dieu est à la fois lumière et mystère, en rapport intime avec l'homme et pourtant hors de la portée de sa science. J'essayerai tout à l'heure de marquer à quelle limite s'arrête la science humaine et quel est son domaine; mais dès à présent je tiens ceci pour certain: quiconque, croyant en Dieu et le disant incompréhensible, persiste néanmoins à tenter de le définir scientifiquement et veut percer le mystère après l'avoir admis, celui-là court grand risque de détruire sa propre croyance, et d'annuler Dieu, ce qui est une façon de le nier.
Mais je laisse là, pour un moment, l'impossibilité de comprendre Dieu à côté de la nécessité d'y croire, et j'aborde directement l'objection puisée dans le caractère général des lois de la nature contre la providence spéciale de Dieu envers l'homme. Cette objection repose sur la confusion de faits très divers et sur l'oubli d'un fait fondamental, du fait caractéristique de la nature humaine. Il est vrai: c'est par des lois générales et permanentes que la providence de Dieu préside à l'ordre du monde; il serait plus exact de donner à ces lois générales un autre nom; elles sont la volonté continue et constamment agissante de Dieu sur le monde, car le législateur est toujours là, comme ses lois. Mais quand il a créé l'homme, Dieu l'a créé autre que le monde matériel; il l'a créé libre et moral; et de là découle, entre l'action de Dieu sur le monde matériel et son action sur l'homme, une différence radicale. Je dirai plus tard quelle est, à mon sens, toute la portée de cette parole: «L'homme est un être libre,» et quelles conséquences elle entraîne; mais je prends, dès à présent, la liberté humaine, la détermination libre de l'homme dans ses actes moraux, comme un fait certain et incontestable. Ce fait admis, on ne peut pas dire que Dieu gouverne tout l'homme par des lois générales et permanentes, car c'est méconnaître et abolir la part de la liberté dans la vie de l'homme, c'est-à-dire méconnaître et mutiler l'œuvre de Dieu. L'homme prend des déterminations libres et fait ainsi, dans sa propre vie, des événements qui ne sont point le résultat de lois générales et extérieures. La providence divine assiste à la liberté humaine et en tient compte. Elle ne traite pas l'homme comme les astres du ciel et les flots de l'Océan qui ne pensent et ne veulent rien; elle a, avec l'homme, d'autres rapports qu'avec la nature et un autre mode d'action.
Il est peu sage d'instituer des comparaisons entre des objets ou des faits qui ne sont pas essentiellement analogues, et on a si souvent défiguré Dieu en le faisant à l'image de l'homme que je me méfie de tous les emprunts faits à l'homme pour donner quelque idée de Dieu. Pourtant je ne puis oublier que Dieu a fait l'homme à son image, ni m'interdire absolument de rechercher, dans la nature ou la vie de l'homme, quelque ombre des traits de Dieu. Que se passe-t-il dans la famille humaine? Le père et la mère assistent, en le dirigeant, au développement actif de l'enfant; ils veillent sur lui avec autorité et tendresse; ils donnent des règles à sa liberté sans l'abolir, et ils écoutent ses prières, tantôt les exauçant, tantôt s'y refusant, selon leur raison et dans la vue de son intérêt général et futur. L'enfant de son côté, sans préméditation, sans dessein, par l'instinct spontané de sa nature, reconnaît l'autorité et ressent la tendresse de ses parents: à mesure qu'il se développe, il leur obéit et leur résiste tour à tour, usant bien ou mal de sa liberté native; mais à travers les troubles de sa volonté, il demande, il prie avec confiance, joyeux et reconnaissant quand il obtient de ses parents ce qu'il désire, prêt à demander et à prier encore, toujours avec confiance, quand il a été refusé. Tels sont les faits dans le naturel et bon gouvernement de la famille humaine.
Ils sont l'image imparfaite mais vraie, l'ombre obscure et pourtant fidèle de la providence divine. C'est ainsi que la religion chrétienne qualifie et décrit l'action de Dieu dans la vie de l'homme. Elle montre Dieu toujours présent et accessible à l'homme, comme le père à l'enfant; elle exhorte, elle encourage, elle invite l'homme à demander, à se confier, à prier Dieu. Elle réserve absolument la réponse de Dieu à la prière; il exaucera ou refusera; nous n'en pénétrerons point les motifs: «Les voies de Dieu ne sont pas nos voies;» mais à la prière sans cesse renaissante le dogme chrétien lie constamment l'espérance: «Rien n'est impossible à Dieu.» Ce dogme est ainsi en pleine et intime harmonie avec la nature de l'homme; en acceptant sa liberté il rend hommage à sa grandeur; en lui offrant le recours à Dieu il pourvoit à sa faiblesse. Pour la science, il ne supprime pas le mystère qui ne saurait être supprimé; mais, dans la vie, il résout, pour l'âme humaine, le problème naturel dont elle porte le poids.
Les dogmes de la création et de la providence nous mettent en présence de Dieu; c'est l'action de Dieu sur le monde et sur l'homme qu'ils proclament et affirment. Le dogme du péché originel nous ramène à l'homme; c'est l'acte de l'homme envers Dieu qu'il pose en tête de l'histoire du genre humain.
Quel est le contenu de ce dogme? Quels sont les éléments, les faits essentiels sur lesquels il se fonde et qui le constituent? Le dogme du péché originel implique et affirme:
L'autorité de Dieu, le devoir d'obéissance à la loi de Dieu, la liberté et la responsabilité de l'homme, l'hérédité de la responsabilité humaine, tels sont, dans leur chronologie morale, les principes et les faits compris dans le dogme du péché originel.
J'oublie, pour un moment, le dogme même, sa source, son histoire, la tradition biblique et chrétienne sur ce premier pas du genre humain dans le mal. Je considère l'homme, sa nature et sa destinée dans leur état actuel et général. Je recherche et je constate les faits moraux, tels qu'ils se passent aujourd'hui et qu'ils se manifestent aux regards du bon sens, à travers les disputes des savants.
L'homme est soumis, en naissant, à l'autorité morale comme à la puissance matérielle des parents qui, humainement, l'ont créé. L'obéissance est, pour lui, un devoir en même temps qu'une nécessité. La nécessité matérielle et l'obligation morale ne sont point identiques et confondues, mais intimement liées l'une à l'autre; et dans son développement spontané, l'enfant sent instinctivement l'obligation morale bien avant qu'il se rende compte de la nécessité matérielle. L'instinct de l'obligation s'unit au sentiment naissant de l'affection, et l'enfant obéit au regard ou à la voix de sa mère sans savoir encore qu'il ne peut se passer d'elle.
De même que le sentiment de l'affection et l'instinct de l'obéissance obligatoire sont le premier éclair du bien moral dans le développement de l'enfant, de même le mouvement de la désobéissance est le premier symptôme, la première apparition du mal moral. C'est par la désobéissance volontaire à la volonté de sa mère que commence, pour l'enfant, l'infraction morale, et c'est dans la désobéissance qu'elle réside. Il ne se rend compte ni des motifs ni des conséquences de son acte; il sait seulement qu'il désobéit, et il regarde sa mère avec un sentiment mêlé de défi et d'inquiétude; il tâte, en hésitant, l'autorité maternelle; il essaye d'être et surtout de paraître indépendant en face du pouvoir naturel et légitime qui le gouverne, et qu'il reconnaît au moment même où, à cette loi supérieure, il oppose sa volonté.
Tel qu'est l'enfant, tel est l'homme. De même qu'il naît libre, ainsi l'homme vit libre, et de même qu'il naît soumis, ainsi il vit soumis. La liberté existe à côté de l'autorité et lui résiste sans l'abolir. L'autorité préexiste à la liberté, et ne lui cède pas plus qu'elle ne la supprime. L'homme rend hommage à l'autorité en lui désobéissant, car il sait qu'il désobéit. L'autorité rend hommage à la liberté de l'homme en le condamnant pour en avoir mal usé, car il ne serait pas responsable de ses actes s'il n'était pas libre. La coexistence de ces deux puissances, l'autorité et la liberté, et tantôt leur accord, tantôt leur lutte, c'est là le grand fait de la nature et de la destinée humaine, le fond de l'homme et du monde.
Bien entendu que je parle ici du monde moral, du monde de la pensée et de la volonté. Dans le monde matériel, il n'y a ni autorité ni liberté; il n'y a que des forces, des forces fatales et inégales. S'il s'agissait du monde matériel, je ne pourrais que redire ce qu'a dit excellemment Pascal: «L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser; une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.» Quand l'homme obéit ou désobéit, il sait que l'autorité est devant lui, comme la liberté est en lui. Il sait ce qu'il fait, et il en répond. L'ordre moral est là tout entier.
En tout temps donc et en tout lieu, pour tous les hommes comme pour le premier, la désobéissance à l'autorité légitime est le principe et le fond du mal moral, ou, pour l'appeler par son nom religieux, du péché. La désobéissance a des sources diverses et compliquées: elle peut provenir de la soif de l'indépendance, de l'ambition ou de la curiosité orgueilleuse, du laisser-aller à telle ou telle des inclinations et des tentations humaines; mais, en tout cas, elle est et reste le caractère essentiel de l'acte libre qui constitue le péché, et la source de la responsabilité qui l'accompagne.