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Alors qu’elle étudiait les expériences extraordinaires de ses patients depuis des années,
Daphné Desmettre est confrontée à un phénomène de médiumnité au cours d’une consultation, bouleversant ses certitudes professionnelles. Dans ce récit intime, elle relate ses réactions, ses doutes et ses recherches face à cet événement inattendu, ouvrant ainsi les portes à une réflexion sur la vie, la mort et la pratique thérapeutique.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Psychologue clinicienne et formatrice à la Faculté de Médecine de Lille,
Daphné Desmettre possède une riche expérience dans le domaine. Son désir de partager ses réflexions se manifeste à travers ses écrits, témoignant ainsi de son engagement envers sa profession.
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Daphné Desmettre
Quand les défunts
s’invitent chez la psy
Journal intime d’une psy
© Lys Bleu Éditions – Daphné Desmettre
ISBN : 979-10-422-3060-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce récit est avant tout un témoignage. Ce témoignage est le fruit du cheminement intérieur et personnel d’une psychologue aux prises avec des phénomènes extraordinaires. Les balayer d’un revers de main lui a été impossible. Sa curiosité face à la nouveauté l’a emportée. La nécessité d’y mettre du sens est toujours en évolution.
Ce n’est pas un ouvrage théorique.
Ce n’est pas non plus une référence en termes de pratiques thérapeutiques.
Rien de fictif ici. C’est une expérience humaine vécue et ressentie.
Bien sûr, tous les noms des patients ont été soigneusement changés ainsi qu’un maximum de détails qui permettraient leur identification. L’essence même des propos tenus par chacun a été conservée au mieux de ce que la mémoire et le délai de retranscription ont permis pour rester fidèle au déploiement de la parole de chaque protagoniste.
L’émotion la plus magnifique et la plus profonde que nous puissions éprouver est l’émotion mystique. Là est le germe de toute science véritable. Celui à qui cette émotion est étrangère, qui ne sait plus être saisi d’admiration ni éperdu d’extase, est un homme mort. Savoir que ce qui nous est impénétrable existe cependant, se manifestant comme la plus haute sagesse et la plus radieuse beauté que nos facultés obtuses n’appréhendent que sous une forme primitive, cette certitude, ce sentiment, est au cœur de toute religion véritable.
Albert Einstein
Tout a commencé le premier février 2023, j’en étais à ma deuxième consultation de la matinée. J’avais déjà pris quelques minutes de retard. J’ai horreur d’être en retard. Là c’était moins de cinq minutes. Rien d’important. Peut-être que le fait d’avoir fait une séance d’hypnose avec la première patiente de la matinée m’a mise en condition pour être plus réceptive. Je ne sais pas…
Comme à mon habitude, je vais chercher le patient dans la salle d’attente. Je m’efface pour le faire passer devant moi et je le suis. Pendant qu’il s’installe dans son fauteuil, je ferme la porte et m’installe à mon tour dans celui qui est face à la fenêtre. Déjà à ce moment-là, j’ai ressenti un grand frisson.
C’était habituel. Depuis plusieurs années, je ressens ces frissons. Je devrais dire depuis toujours. Ou plutôt, pour être précise, depuis que j’ai commencé à travailler en libéral en particulier.
Pendant longtemps, pendant de nombreuses années, j’ai pensé que c’était dû à mes hormones déréglées, à mon métabolisme ralenti ou parce que je ne faisais pas assez de sport. Tous les examens médicaux effectués ont infirmé ces hypothèses. Je m’étais résolue à être une frileuse. Ce n’est qu’il y a deux, trois ans en commençant mes recherches que j’ai compris que ça n’avait rien à voir avec ça. C’est juste la manifestation de la présence d’entités dans la pièce.
Oui, c’est bien ça ! Je suis une psy et je perçois la présence d’entités. Je pense qu’il s’agit de défunts. Comme je ne leur ai jamais parlé, je ne sais pas qui ils sont vraiment.
Mais si je réfléchis de façon un peu logique, je dirais que ce sont les défunts des patients qui viennent me consulter. Ils repartent avec eux à la fin de la séance. Il se peut que certains en souffrance soient restés avec moi avec l’espoir que, peut-être, j’entendrai leur détresse. Je le sais parce que je me suis plainte pendant de nombreuses années, d’être épuisée alors que j’ai fait le nécessaire pour avoir une hygiène de vie correcte. Vous savez, ce que je préconise à certains : se coucher et se lever à heures régulières, dormir suffisamment, faire de l’activité physique régulièrement, éviter les toxiques, s’alimenter sainement, faire de la méditation de pleine conscience, respecter ses limites, ne pas se surcharger de travail… Pourtant, j’étais épuisée. C’est grâce à mes recherches que j’ai fini par apprendre qu’on pouvait pâtir de leur présence. Car, oui, ils se servent de l’énergie des vivants pour se maintenir au contact de la terre.
Julien s’est mis à parler. C’est son rôle. C’est la consigne que je lui ai donnée lors de notre deuxième séance après que nous ayons convenu de travailler par associations libres. L’idée est de me dire tout ce qui lui passe par la tête sans mettre de côté aucune idée. Et moi, je vais l’écouter attentivement ou selon la formule orthodoxe, avec une « attention flottante », de façon à repérer tout ce qui peut être signifiant dans son discours, un mot, une formulation, un lapsus, une idée, une métaphore… Se met en route de mon côté également un ensemble d’associations d’idées en fonction de ce qu’il m’a déjà dit, de ce que je sais au niveau théorique, de tout ce que j’ai entendu chez tous mes patients, de ce que j’ai pu moi-même vivre ou travailler en supervision, en intervision ou dans mon travail personnel, de tout ce que j’ai déjà vu, lu, entendu ou ressenti… Évidemment, vous avez bien compris que ça fait constamment plein de connexions dans ma tête en même temps que défile le flot de paroles du patient. Parfois me prend une envie de faire une interprétation, de reformuler pour appuyer ce qui vient d’être prononcé, de prêter ma propre association d’idées, de proposer une hypothèse, de demander une précision pour valider intérieurement une hypothèse, de souligner l’émergence d’une émotion, d’inciter à mettre des mots sur l’émotion ou sur un silence… Ça n’arrête pas au long de la séance. Je suis à la fois dans un dialogue intérieur et avec le patient. Parfois, il me semble judicieux de lui proposer un exercice ou de lui donner des informations théoriques pour qu’il comprenne ce qui lui arrive ou qu’il puisse tenter d’avancer.
Je veille au mieux que je le peux à m’adapter à lui, puis lui proposer un pas en avant raisonnable par rapport à ses possibilités. Le temps de l’un n’est pas le temps de l’autre. J’encourage les tentatives. Je souligne les progrès. Je félicite les réussites.
Après six mois en arrêt maladie d’une part, parce qu’il était en burn-out, et d’autre part parce que ses parents sont décédés à cinq jours d’intervalle en octobre dernier, il vient de reprendre le travail mi-janvier. Ça va. Il a quand même de plus en plus de mal avec la hiérarchie. Il y a eu deux départs en retraite la semaine dernière : la directrice et une collègue avec laquelle il a démarré. Ça lui fait tout drôle d’ailleurs.
J’essaie de rester concentrée, mais alors qu’il parle, j’entends nettement Il faut lui dire qu’on est là. Je comprends aussitôt que ce sont ses parents qui parlent. Je n’ai pas d’hésitations. Je sais que ça ne vient pas de l’extérieur. Tout est habituel dans les sons que j’entends qui viennent de l’extérieur de moi, tant ce qui vient de la pièce, que du couloir, de l’escalier, du rez-de-chaussée ou de dehors. Je sais que je suis seule à l’entendre parce que Julien continue de parler comme si de rien n’était. Il n’y a que moi qui entends ces mots. Je les entends, mais pas comme si je les entendais de mes oreilles. Non, le terme qui convient le mieux c’est capter. C’est une communication de pensée à pensée. Et je ressens la force, l’énergie, l’intention avec laquelle ces pensées me sont adressées. Je ne sais pas quoi en faire. Je suis chamboulée et je contiens au mieux que je peux ce charivari intérieur.
La directrice avait un discours flippant, laissant entendre qu’elle avait de plus en plus de difficultés à supporter les pressions politiques. Elle a dit : « Quand ça ne va plus, il faut prendre la bonne décision. »
Il faut lui dire qu’on est là ! se répète et revient de plus en plus rapidement. Je peine à maintenir mon écoute attentive. Je ne sais pas quoi faire. Je tente une question à Julien pour ne pas perdre le fil : « Elles partent pour aller où ? »
La collègue part dans un service de petite enfance et la directrice pour suivre son conjoint. Lui et ses collègues sont fliqués par la chef de service. Elle les infantilise et intervient sur des choses qui ne la regardent pas. Il compte passer outre. Elle est de plus en plus dans la sanction.
Dites-lui qu’on sera toujours là pour l’aider ! Punaise, ils insistent. Je ne vais pas y arriver. Je renforce mon effort de concentration sur les paroles de Julien.
Cette nouvelle chef de service a les dents qui rayent le parquet.
Je tente : « Elle est arrivée quand déjà ? Au printemps ? »
On est là. Il faut lui dire.
JULIEN : Oui, en avril. Elle fonctionne au détriment des usagers.
MOI : Quel âge a-t-elle ?
JULIEN : Une quarantaine d’années. La semaine prochaine, Louna, sa fille, vient faire son stage de 3e. Ça devrait bien se passer. Elle se projette postbac en alternance. Il est étonné de la voir ainsi faire preuve de maturité. Ils sont allés aux portes ouvertes du lycée Lacordaire.
On était là et on l’a guidée.
Elle a déjà choisi sa filière. Mon patient est content. Il ne s’attendait pas à ce que ça se précise si bien. Son fils a commencé sa rééducation en orthophonie…
On était là. Il faut lui dire qu’on est là. Mon patient continue de parler, mais je ne peux plus l’écouter. Je n’ai plus la force de soutenir l’échange avec ces perturbations. Je me lance, tant pis…
MOI : Excusez-moi, mais je n’arrive plus à vous écouter. Vos parents sont entrés avec vous tout à l’heure. Ils sont là. Je les sens et je les entends. Du moins, je capte ce qu’ils veulent communiquer. Ils veulent que je vous dise qu’ils sont là. Qu’ils vous protègent. Je suis désolée. Vous allez me prendre pour une folle. Je tiens quand même à vous dire que ça ne vient pas comme ça, les défunts. En fait, je les sens depuis longtemps. Au début, je ne savais pas ce que c’était. Mais j’ai fait des recherches quand certains patients m’ont parlé de ce qu’ils voyaient ou entendaient, alors que je savais bien qu’ils n’étaient pas psychotiques et que ce n’était pas des hallucinations. J’ai donc enquêté sur les phénomènes extraordinaires pour savoir comment les accueillir et comment travailler avec, mais là, je suis désolée maintenant je les « entends ».
Je lève ma main et la fais retomber en signe de désolation.
J’ai conscience d’avoir lâché ce que j’appellerai une bombe. Je crains la réaction de Julien. Je ne sais plus quoi penser. Je suis suspendue à son visage et en même temps une part de moi a abandonné.
Alexandre a de la force. Dites-lui qu’on l’aime.
JULIEN : C’est surprenant ce que vous me dites. Ça fait bizarre. C’est vrai que j’ai une amie qui a perdu sa mère et qui m’a dit…
Je n’enregistre plus rien de ce qu’il me raconte. Je lui répète : « Ils me disent qu’Alexandre a de la force. Il va y arriver. »
JULIEN : C’est vrai. Il a du caractère.
MOI : Ils me demandent de vous dire qu’ils vous aiment.
JULIEN : Ça me touche.
MOI : Je les trouve hyperprésents et pressants. C’est leur caractère ?
JULIEN : Oui, oui, ça ne me surprend pas du tout.
MOI : Ils étaient là lors de la porte ouverte. Ce sera important qu’ils acceptent de monter vers la lumière.
En effet, selon ce que j’ai appris au cours de mes recherches, un défunt qui quitte son enveloppe charnelle est appelé à changer de plan vibratoire. Autrement dit, à quitter la terre pour s’élever. Au plus, on s’élève, au plus, on s’approche de la Lumière qui est Amour1. Certains défunts refusent de quitter la terre. Le plus souvent la cause est qu’ils estiment avoir encore quelque chose à faire ici, ou qu’ils refusent d’accepter leur mort ou encore qu’ils sentent que leur proche ne peut pas les « lâcher ». Ce sont des âmes errantes.
Je pense que tant que les cendres de ses parents n’ont pas été dispersées, il n’est pas curieux qu’ils soient présents. Je demande confirmation.
JULIEN : Oui, les cendres seront dispersées, là, pendant les vacances de février.
Dites-lui qu’on le protégera toujours. Il ne sera jamais seul.
MOIqui répète et précise : Je pense qu’ils insistent là-dessus parce que vous êtes fils unique et qu’ils savent que tout ce qui s’est passé ces derniers mois a été particulièrement pesant pour vous.
JULIEN : Ah, ça me fait vraiment bizarre. Je ne sais pas quoi penser de tout ça. Je suis plutôt ouvert sur ce sujet, mais ça me surprend qu’ils ne soient pas venus me le dire directement.
Mais on est en train de le faire là ! Dites-lui qu’on l’aime.
MOI : Ils disent que c’est ce qu’ils font en passant par moi.
JULIEN : Ah, oui, c’est vrai…
MOI : Ils continuent de parler et de dire qu’ils vous aiment. Je les trouve très insistants. C’est incroyable !
JULIEN : Ça leur ressemble tout à fait.
La consultation s’achève. Au bureau, j’entends : « Dites-lui merci de nous avoir écoutés. » Je transmets et il me remercie de lui avoir partagé ça. Il est très ému et souligne qu’il en tremble. Je comprends tout à fait le caractère exceptionnel du moment.
Merci d’avoir dit.
Je lui dis qu’ils me remercient. Il espère qu’ils ne vont pas m’embêter toute la journée. Je le rassure. Ils sont là pour lui et vont repartir avec lui. Ils veillent sur lui.
Je referme la porte. Bouleversée. Il me faudrait du temps pour penser à ce qui s’est passé. Il me faudrait du temps pour graver en mémoire ces instants précieux. Mais je n’ai pas le temps. Je dois enchaîner avec la patiente suivante. D’habitude, c’est si facile. Heureusement que je la connais bien. Je sais qu’elle va m’amener du matériel pour capter mon attention. Je prends le temps de boire une gorgée d’eau.
*
D’où je parle ? Pour que vous puissiez me suivre, identifier mon point de départ, m’accompagner dans les méandres de mon parcours et peut-être accueillir mon propos avec bienveillance, je vais vous donner quelques éléments essentiels de mon histoire.
Je suis la troisième d’une fratrie de six enfants de la deuxième union de mon père.
Mon père a été maltraité dans tous les sens du terme par ses congénères de pensionnat plus âgés de 8 à 13 ans. Il a tout occulté pour pouvoir vivre.
Ma mère a perdu sa maman à l’âge de 11 ans d’un rétrécissement mitral dû à un rhumatisme articulaire aiguë. Elle a été rejetée par sa belle-mère et son père.
Il y aurait plein de détails à rajouter, mais je ne fais pas ma psychothérapie ici. Je vous laisse broder au gré de votre imagination.
Mon enfance a été marquée par le conflit conjugal de mes parents d’abord larvé puis ouvert à partir de l’arrivée dans la maison qu’ils avaient fait construire à la campagne pour réaliser le rêve de mon père d’y vivre avec ses deux fils aînés quand j’avais 8 ans. La situation familiale s’est dégradée au fil des années et aucun enfant n’a été épargné et n’a pu éviter d’en garder des séquelles.
Je me suis réfugiée dans les apprentissages. C’est à cette période que se sont installés les éléments obsessionnels de ma personnalité : le besoin de contrôle, l’inhibition à la découverte de nouveaux environnements, les rituels d’apaisement constitués de prières, car mes parents étaient catholiques pratiquants et m’ont élevée dans cet esprit.
J’avais un besoin compulsif de savoir. Et j’ai bien compris par la suite qu’il s’agissait de « ça voir ». Voir ce qu’il y avait dans les tiroirs des tables de chevet des parents, et y découvrir un thermomètre et un graphique. Voir ce qu’il y avait dans la bibliothèque et le bureau des parents et y découvrir un stylo plume en or ciselé ou l’image en couleur d’un accouchement sanglant d’un livre de médecine de ma mère. Voir ce qui se passe chez les voisins en n’utilisant pas la lunette astronomique que je me suis faite offrir au Noël de mes onze ans seulement pour regarder les étoiles. J’ai trouvé un merveilleux moyen de sublimer cette pulsion scopique en devenant psychologue et sexothérapeute. Les gens viennent de leur propre volonté me raconter l’intime de leur pensée, de leur vie, de leurs émotions et ils me paient pour que je les écoute. Bien sûr, je ne me contente pas de les entendre. Je les écoute. Je les guide pour qu’ils gagnent en conscience. J’aime mon métier. Voir au-delà des apparences et sonder l’invisible. Adolescente, je me passionnais pour l’astrologie, la graphologie, la chirologie, la numérologie, la morphopsychologie et les tarots. Je réalisais les thèmes astrologiques de mes copains pour dix francs. Lors des sorties de classe, dans le bus, je faisais passer des tests de projection de personnalité, le test du cube et le test de la forêt. J’adorais ça : montrer que je savais des choses sur eux qu’ils ne savaient pas eux-mêmes.
J’avais décidé de faire la fac de psycho plutôt que la fac de philo même si j’avais eu 19 au bac dans cette matière. Je n’avais jamais vu ma prof de philo aussi excitée que le jour où elle a brandi dans l’escalier principal du lycée le petit feuillet avec le détail de mes notes en criant : « Ah, Daphné ! Daphné ! » J’en suis fière. C’est normal.
J’avais déjà essayé de sauver ma famille en les incitant à consulter mon prof de psychopathologie qui était psychiatre à l’hôpital psychiatrique d’Armentières. Mais, est-ce son incompétence de thérapeute ? Est-ce le conflit familial trop enkysté ? Cela a fait pire que mieux.
Deux jours avant mes 19 ans, mon frère Raphaël, qui avait vingt mois de plus que moi, s’est suicidé. Ça a été un traumatisme, un séisme dans ma vie et dans la famille. Puis mon petit frère, qui a découvert le corps de Raphaël pendu, a plongé dans la drogue dure. C’est moi qui ai compris avant les psychiatres qu’il avait décompensé et utilisait la drogue comme anxiolytique. Il lui fallait quelque chose de fort pour contenir son angoisse psychotique de paranoïaque. Ce n’est que lorsqu’il a tenté de poignarder un chauffeur de bus et que la maison d’arrêt a compris qu’il délirait qu’il a été enfin gardé en psychiatrie et traité correctement. Devoir faire hospitaliser un proche à la demande d’un tiers est très pénible. Mais sa violence en période de manque l’exigeait.
Je reconnais qu’à la période du décès de mon frère, ma foi m’a beaucoup aidée. Je me suis accrochée à l’espoir de retrouver Raphaël un jour. Je me suis reproché de n’avoir pas fait assez, de n’avoir pas compris sa détresse la dernière fois qu’il m’a raccompagnée dans mon studio d’étudiante et que nous avons parlé dans la voiture, de ne pas avoir su le sauver. J’ai plongé à corps perdu dans le devoir de sauver mon petit frère, et le reste de la famille. Ce n’est qu’au bout de nombreuses années de psychanalyse que j’ai compris qu’il fallait que j’abandonne l’idée de vouloir sauver le monde. Que je ne pouvais qu’accompagner ceux qui le voulaient ! Qu’il faut être institué par l’autre en position d’aidant pour que cela fonctionne. Si je suis la sœur, la fille, la compagne ou la mère, ça ne marche pas !
J’ai continué mes études. J’ai réappris à vivre. J’ai vécu fort. J’ai été plus vite que les autres. Du moins, j’en avais la sensation à cette époque. Aucune gloire à ça. Juste un train d’avance. Je me suis mariée avant les autres. Beaucoup m’ont rattrapée ensuite. J’ai eu un enfant avant les autres. J’ai divorcé avant les autres. J’ai eu de gros problèmes de santé à 32 ans, deux opérations et en prime une douleur neuropathique que j’ai d’abord réussi à éteindre à grand renfort de dérivés morphiniques et antiépileptiques puis grâce à l’autohypnose analgésique. C’est une gestion au quotidien de la douleur dix-sept ans après.
J’ai fait mes études de psychologie à l’Université Catholique de Lille dont la coloration théorique était très psychanalytique. Je me suis familiarisée avec Freud, Jung et Lacan notamment. J’ai choisi de faire mon Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées (DESS) à Paris Sorbonne pour l’ouverture que cela pouvait m’apporter sur les thérapies systémiques2 et sur les neurosciences. Je me suis spécialisée dans les addictions, la famille, l’évaluation neuropsychologique et projective3. J’ai fait des stages dans le secteur de l’enfance en danger (évaluation des agressions sexuelles et maltraitance en secteur hospitalier – aide sociale à l’enfance), dans une clinique de traitement de l’alcoolisme, dans un Centre Médico-Psychologique (CMP) adulte où j’ai rencontré un maître de stage caricatural. Elle était en fin de carrière et se sentait complètement libre de ses horaires. Aussi, me laissait-elle entièrement libre de faire ce que je voulais avec les patients. Elle m’avait invité chez elle au prétexte de discuter de mon rapport de stage et, par prosélytisme, avait cherché à me convaincre de l’authenticité du Protocole des Sages de Sion, qu’elle m’avait remis sous le manteau pour lecture. Cela n’a trouvé aucun écho chez moi si ce n’est la détermination à garder une attitude éthique : le contraire de ce que j’avais vécu là. C’est d’ailleurs à cette période que j’ai arrêté de croire en Dieu. Je suis devenue rationaliste et matérialiste. C’est un autre genre de croyance.
J’ai commencé à travailler par un remplacement de congés maternité dans un foyer relevant de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Puis, supportant mal la période de chômage qui a suivi et en ayant pris conseil auprès de mon superviseur, j’ai décidé de m’installer en libéral. Le jour de la signature du bail du local, j’ai su que j’étais prise en temps partiel dans un service d’Éducation Spéciale à Domicile du Valenciennois pour travailler auprès d’enfants déficients intellectuels et dans un autre de la Métropole Lilloise pour travailler auprès d’enfants déficients moteurs et polyhandicapés. J’y ai travaillé pendant une dizaine d’années.
J’ai été harcelée au travail par une chef de service incompétente qui ne tolérait pas mes absences dues à mes problèmes de santé. J’ai quitté à un an d’intervalle ces deux postes pour me mettre complètement en libéral. J’ai ouvert un deuxième cabinet dans les Flandres. À l’époque, il y avait peu de psychologues en libéral. Les demandes ont explosé. Je ne m’y attendais pas. J’ai tenu six mois en commençant les consultations à 7 h 30 le matin et en les enchaînant jusqu’à 21 h 30 le soir parfois sans prendre de pause pour déjeuner ou trop peu. Je ne savais pas dire non. Il était inconcevable que je refuse d’aider quelqu’un, d’autant plus que j’avais souffert de manque d’argent quand j’étais étudiante à l’époque où les parents se sont séparés et ont entamé leur divorce un an après le suicide de mon frère. In extremis, juste avant de tomber dans le burn-out, j’ai pris une collaboratrice. Aujourd’hui, j’ai trouvé un certain équilibre professionnel tout en gardant une tendance à m’en mettre facilement de trop sur le dos. Je veille donc régulièrement à me mettre des coups de frein, à accepter d’avoir le droit de prendre le temps pour me reposer ou pour aller tranquillement au bout de ce que j’ai entrepris.
J’ai commencé à donner des formations en 2008 d’abord pour des centres de formation dans le médico-social puis à la faculté de médecine de Lille pour les aspirants sexologues.
J’ai donc fait une analyse de 1995 à 2012 avec trois psychanalystes différents. Ça peut sembler être présenté comme une évidence, car, pour moi, c’est une nécessité. Un bon professionnel de santé mentale se doit d’avoir travaillé à nettoyer son périmètre avant d’essayer d’aider les autres, pour être conscient de ce qu’il peut projeter dans la relation avec l’autre et qui pourrait perturber la progression du patient. J’ai également fait de l’hypnose analgésique, de l’EMDR4, de l’haptonomie5, une thérapie de couple systémique, de l’EFT6, des constellations familiales, pour ce qui est orthodoxe ou presque.
Cependant face à la résistance de la douleur, à la persistance des problèmes de santé, à la succession des difficultés familiales, je ne me suis pas contentée de ça. Ma fille aînée a été une enfant caractérielle qui a vu de nombreux psys étant enfants. À l’adolescence, les signes de décompensation sont devenus de plus en plus nombreux, inquiétants et violents. Elle a fini par être diagnostiquée bipolaire. Ma deuxième fille et mon fils ont tous les deux un trouble atypique du langage oral qui a perturbé ou perturbe encore leur scolarité. Et comme la vie n’est pas un long fleuve tranquille, la vie conjugale a ses aléas. Il n’est pas facile d’y faire face.
Un jour, une patiente m’a dit qu’elle était allée voir une voyante. Elle lui avait dit entre autres choses qu’elle était aidée par une femme blonde dont le frère s’était suicidé. J’étais sur les fesses. Elle ne connaissait que moi comme femme blonde aidante. Était-ce vrai ? Je n’ai pu qu’acquiescer.
J’ai eu envie d’aller voir cette femme. Elle m’a annoncé des choses que j’ignorais concernant des proches, dont j’ai eu confirmation ensuite. Il y a eu également des prédictions qui ne se sont pas révélées justes dans le temps indiqué ou suffisamment précises pour en tirer quelque chose. Néanmoins, en des moments de déstabilisation plus intense, j’y suis retournée.
J’ai donc compris grâce à l’ensemble de ce travail personnel que j’ai une structure de personnalité névrotique ce qui me confère un bon ancrage dans la réalité.
Mon côté hystérique s’est manifesté certainement au travers de toutes mes difficultés physiques – frilosité, fatigue voir épuisement, problèmes de sommeil, maux de tête, maux de dos ou d’articulation, douleur à gérer qui n’était pas entendue par les médecins conventionnels, – en partant à la recherche de quelqu’un qui serait capable de me soigner, de m’aider, de supprimer ces symptômes. Je savais que je devais mettre du sens dessus et considérer le message qu’ils cherchaient à me délivrer. Mais je n’avais pas intégré le fait que je pouvais moi-même y changer quelque chose. Que je n’avais rien à attendre du soignant, mais tout de moi. C’est ce lent cheminement-là qui m’a pris le plus de temps. C’est moi qui peux changer quelque chose à ma douleur.
J’ai donc vu des magnétiseurs, des énergéticiens, des praticiens en shiatsu, des ostéopathes, des chiropraticiens, des acupuncteurs, des naturopathes, des kinésiologues, des réflexologues… L’un recommandant l’autre. Ou en fonction des solutions trouvées par les patients qui semblaient leur réussir. Mon premier formateur en hypnose disait qu’il ne faut jamais dévaloriser la solution du patient, qu’elle ait fonctionné pour lui ou pas. Ma curiosité l’emporte toujours. Il faut que j’aille voir par moi-même.
Mais c’est bien l’expression de mon côté obsessionnel qui a contribué à mon choix de faire des études de psychologie. Comprendre le fonctionnement psychique pour mieux me maîtriser, me contrôler ou contrôler ce qui m’arrive. Avoir une sorte de pouvoir sur moi-même. Contenir l’angoisse. J’ai donc tendance à vouloir comprendre quand un phénomène m’échappe ou que je suis affectée par quelque chose. C’est pourquoi, lorsque j’ai été confrontée à des phénomènes extraordinaires, il a fallu que je cherche et que je comprenne autrement que ce qui m’avait été enseigné – à savoir que ce sont des manifestations délirantes, point – que cela puisse advenir.
Jeudi 2 février
C’est vraiment étrange. Cela fait plusieurs semaines que je m’interroge. Quelle formation dois-je faire ?7 Il y a tant de choses qui m’intéressent. Je ne sais pas à quoi donner priorité.
J’ai sélectionné certaines formations, que je ne peux pas faire, du moins cette année, soit parce qu’elles ont commencé sans moi, soit parce qu’elles commencent ce week-end où je serai moi-même en train d’en débuter une, soit que je doute de les commencer parce que cela va m’embarquer dans une direction et ce n’est peut-être pas la bonne. Dois-je même faire de nouvelles formations ? Je veux dire, est-ce utile pour le travail, pour les patients ? Je pourrai simplement conforter mes acquis.
Je n’ai pas l’habitude d’être assaillie aussi longtemps par le doute. En général, je parviens assez facilement à peser le pour, le contre et à décider. Je sais bien que prendre une route signifie renoncer aux autres au moins temporairement.
Notre mental n’est pas toujours un allié et il faut le dompter. J’en ai bien conscience. En attendant d’y parvenir, j’ai bien du mal. Et dans la voiture qui m’emmène vers la campagne de Charleroi, je tourne en rond les possibilités.
Il y a d’abord cette formation-ci. Celle que je débute demain : une initiation à l’utilisation des baguettes coudées8. On est clairement dans une approche énergétique et c’est la première fois que j’ose orienter mon travail dans cette direction. Jusque-là, j’en profitais juste à titre personnel. Quand je me suis inscrite, il y a quelques mois, cela me semblait tout à fait évident que rajouter ce type de soin à la liste des possibilités thérapeutiques que je propose aux patients était un plus. Un atout pour aller plus loin. J’avais repris cet été les bases des travaux de Jung9 qui me servent déjà en séance. J’avais envie d’aller plus en profondeur (et c’est bien ainsi qu’il nommait son approche : la psychologie des profondeurs) en y associant un outil technique qui me permette d’être le moins possible dans l’interprétation. Ça me semble être le cas de l’utilisation des baguettes coudées. Mais je m’interroge : est-ce le meilleur chemin pour y parvenir ? Je ne me suis d’ailleurs pas encore inscrite au cycle complet.
J’ai découvert les constellations familiales, il y a dix-huit mois. Je connaissais le principe. La dénomination qui m’était familière est « psychodrame analytique ». En fait, les constellations familiales ne tiennent pas compte uniquement du conflit actuel – ce qui est travaillé habituellement dans le psychodrame –, mais aussi des aspects transgénérationnels par un travail sur le génogramme. Cela permet de débusquer les phénomènes de répétitions ou les secrets de famille. Elles ont le vent en poupe. J’en ai fait quatre en groupe et ça m’a beaucoup aidé. Une amie psychologue m’en avait parlé, il y a quatre, cinq ans. Elle en avait tiré un grand profit pour avancer dans le dénouement de nœuds familiaux et parentaux. Je ne devais pas encore être prête pour cet outil, car, à l’époque, j’avais mis l’information de côté, en me disant que ce serait une option pour après, au cas où ce que je faisais sur le moment était insuffisant. Ça l’a été. Dans la série Le Chemin de l’Olivier10, j’ai apprécié de découvrir le travail individuel en me projetant offrir cette possibilité thérapeutique à mes patients, car je n’ai pas assez de place pour accueillir un groupe au cabinet et ça me semble nécessiter plus d’expériences que je n’en ai. Il faut que je me forme.
Dans la poursuite de mes formations sur le couple, j’ai expérimenté les dialogues Imago11. Ça m’a semblé également un formidable outil pour dénouer les conflits et gérer l’après-montée de charge émotionnelle. Ce type de dialogue permet de rendre à César ce qui est à César. Il responsabilise. Il autonomise. Il rend conscient. Et ça, ça me plaît !
Il y a aussi la formation qu’a faite récemment ma collaboratrice, Intégration du Cycle de la Vie12. Cette technique psychocorporelle permet de travailler sur un trauma en libérant vraiment le patient. Elle s’appuie sur les neurosciences et intègre l’aspect corporel trop souvent négligé dans les psychothérapies psychanalytiques. N’ai-je tout de même pas suffisamment d’outils pour travailler sur les traumas ?
La formation de Franck Lopvet13 m’intéresse également. Il a une approche percutante, atypique et sans langue de bois. Le module sur les couples me titille. Lui aussi est dans la responsabilisation des clients/patients et la conscience de soi.
J’aimerais également faire de la thérapie transpersonnelle14. J’ai envoyé un mail en août dernier pour m’inscrire : on m’a promis une réponse que je n’ai jamais eue. Or j’ai pu expérimenter que lorsque les choses ne se font pas avec une certaine facilité, c’est que ce n’est pas le bon chemin… Ou pas le bon moment.
Il y a aussi la transcommunication hypnotique du Dr Lionel Charbonnier15 qui m’intéresse, mais il me semble qu’il ne propose pas de formation.
Je suis assez méfiante concernant les formations en hypnose spirituelle, car pour m’être formée en hypnose clinique, je sais qu’il y a de nombreuses écoles dont l’éthique n’est pas toujours orthodoxe.
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Comme j’ai déjà fait la formation d’initiation aux baguettes coudées en ligne, je n’attends pas grand-chose de ces trois jours. Je profite de me laisser porter par les formateurs. Je me suis installée juste devant le feu de bois dans cette grande pièce majestueuse. Et pourtant, rapidement dans le courant de la première matinée, je ressens de gros frissons. Il y a donc du monde ici. Pas étonnant, j’ai vu sur une commode dans le couloir de l’entrée un livre qui relate l’histoire de la famille qui occupe les lieux.
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À la fin de la deuxième journée, je suis un peu frustrée, car je ne suis pas passée pour l’exercice de la lecture d’aura16. Il s’agit de faire le tour de la bulle énergétique du consultant après qu’il ait formulé une demande et de repérer les failles (ou brèches, ou trous). Ensuite, on repère quelle est la faille prioritaire pour répondre à la problématique du consultant et on questionne une éventuelle date signifiante. Les baguettes réagissent en fonction du discours du consultant. Les mots prononcés constituent des symboles qui peuvent aider le consultant à élaborer une réponse au problème posée.
Il faut que j’attende mon tour demain matin. J’hésite d’ailleurs à poser la question de mon choix de formations.
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Nous y sommes et je me lance. J’expose mon problème. Les stagiaires qui font le tour repèrent deux brèches : l’une, dans mon dos, rein gauche. Au niveau symbolique, cela signifie qu’il y a quelque chose en lien avec la lignée familiale maternelle. C’est effectivement un sujet qui a été travaillé en constellations.
L’autre, côté droit devant moi. On est en plein dans le mille puisque, symboliquement, il correspond à l’avenir professionnel et c’est bien là que les baguettes s’arrêtent pour indiquer le trou prioritaire.
Ma collègue se met « en neutre » avec les baguettes et je commence à raconter plus en détail mon problème à la troisième collègue de notre petit groupe de travail. Les baguettes réagissent lorsque je prononce le mot « accessibilité » puis « chemin ». Puis ça piétine… On finit par demander l’aide de la formatrice. Je m’impatiente, car l’heure tourne. On va bientôt changer d’exercice et ça ne m’apprend rien de nouveau. La formatrice nous demande si nous avons demandé une date. Non, pas encore. C’est parti et ça indique 2015. Ça ne me dit rien du tout 2015. L’exercice est terminé et je reste avec ça.
Impossible de ne pas chercher pendant la pause. Comment faire remonter les souvenirs ? Je saisis mon téléphone et regarde dans l’agenda numérique. Rien. À cette époque, j’en étais encore à l’agenda papier. Je pense que j’ai dû changer en 2017-18. Je suis bredouille. Je tente les photos. Ça me fera peut-être tilt. Je fais glisser mes doigts sur le téléphone, je tape, je fais défiler. Ça y est. Janvier. Toutes. Regarde bien. Des anniversaires, des concerts, des restaurants, des vacances au ski et à la mer, les enfants qui jouent, Barcelone, des fleurs, des paysages, des châteaux, la photo de mon livre ! Le seul que j’ai publié jusqu’à présent. C’est mon mémoire de Diplôme Inter-Universitaire d’Études de la Sexualité humaine. Ça voudrait dire quoi alors, que je dois écrire ?
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L’exercice suivant nous apprend à désigner un objet avec des actions stratégiques : « croiser », « pointer », « mesurer » et « déplacer ». J’y parviens facilement. Toujours l’esprit occupé par 2015, je profite de l’agitation studieuse de mes collègues pour faire un exercice qui n’est pas encore demandé. Je me mets en position, j’active la circulation de l’énergie et je demande à ce que l’univers me montre un symbole apparent dans la pièce en lien avec 2015 et ma question sur les formations. Les baguettes m’emmènent quasi droit devant moi vers une bibliothèque et pointent un groupe de livres. Je m’applique à faire les « mesurer » et les « déplacer » pour identifier le bouquin concerné. C’est un livre de Gilles et Rose Gandy, la médecine symbolique. Ça y est ! J’ai ma réponse : c’est cette formation-là que je dois faire jusqu’au bout ! Je me demande si j’interprète bien. Je cherche des yeux le formateur. Mince, il est occupé. Je me rabats sur la formatrice. « Quelle question as-tu posée ? » Je répète précisément ma demande. « Alors attention, ça ne veut pas forcément parler du livre dans son entier. Ça peut concerner qu’un élément de la couverture ou de la tranche. Il faut continuer les “déplacer” pour le savoir. » Je repars avec le livre dans un coin de la pièce et applique la consigne. Ce qui est signifiant est sur la tranche, c’est Éditions Trajectoire ! Immédiatement, ça fait sens pour moi. Éditions renvoie au livre que j’ai édité et « Trajectoire » renvoie à « chemin » !
Incroyable. Je comprends qu’il est attendu de moi que j’écrive et que je fasse publier. Mais quoi ? Un bouquin sur la théorie psychologique ? Un roman de mon invention ? C’est vrai que j’entends tellement d’histoires qui en seraient dignes…
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L’exercice de l’après-midi qui clôt cette initiation est la rencontre d’un espace sacré. Comme il n’y en a pas dans les proches environs, les formateurs nous proposent d’aller à la rencontre d’un arbre centenaire présent dans le domaine. Nous apprenons à nous présenter et à saluer l’arbre vénérable ainsi qu’à lui faire une demande de message.
Après l’entraînement, nous voici lâchés dans le domaine. Je demande donc à rencontrer un arbre qui a un message en lien avec les trois jours qui viennent de s’écouler. Les baguettes me font faire quelques pas puis tourner en rond sur moi-même. Je suis perplexe puis l’instant d’après tout s’éclaire : c’est moi l’arbre ! Pas besoin absolument de formation. Je suis déjà debout et droite comme un arbre. Je suis déjà capable d’accompagner correctement les gens. Il n’est pas obligatoire et nécessaire de m’en rajouter immédiatement.
La formatrice qui m’a vue tourner en rond s’approche et me demande ce qui se passe. Je lui donne ma conclusion : c’est moi l’arbre.
« Ça fait sens pour toi ?
— Oui, oui, c’est limpide.
— Très bien, il serait peut-être bon de s’assurer qu’il n’y a pas de bug avec les baguettes. Peux-tu faire une autre demande ? »
Je demande à rencontrer un arbre qui a un message à me donner pour la semaine qui vient et je précise pour mon état d’esprit dans la semaine qui vient. Et hop, les baguettes me font quitter la cour pavée et remonter un chemin qui borde un verger. Elles pointent devant un arbre que je salue et auquel je me présente. Elles me font le contourner et m’arrêtent à l’endroit où je dois me positionner pour voir le message.
Photo de l’arbre
selon le positionnement indiqué par les baguettes
Devant moi, deux branches s’élèvent droites vers le ciel en parallèle et leur ramification s’entrecroise. Le message est clair. Il me saute littéralement aux yeux : on peut suivre deux chemins en parallèle ! Cette révélation me réjouit. J’ai le cœur gonflé à bloc. Je remercie l’arbre. Je suis à la fois excitée et apaisée. Je reprends la route une heure plus tard avec une énergie incroyable. Absolument confiante.
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Lundi 6 février
Après ce week-end intense, cette première journée de la semaine s’achève avec Damien.
J’ai commencé à l’accompagner en juin dernier. Il était adressé par son ami très intime qui connaissait le cabinet pour m’avoir déjà adressé son ex-mari. Damien avait beaucoup investi son travail thérapeutique. Il était dans une phase où il souffrait d’être « ghosté » par ce boyfriend qui devenait la personne qu’il voulait tenir le plus éloigné de lui de peur de lui déverser sa colère et de le faire souffrir. Il avait également traversé une phase particulièrement difficile au travail, car son poste lui avait été soustrait sans raison objective pour être donné à une jeune recrue qu’il avait dû lui-même former au cours de l’année précédant cette inversion brutale et inexpliquée de poste. Il avait eu de la peine à parvenir à dire non aux multiples demandes de résolution de problèmes liés à la gestion calamiteuse de son collègue et au mécontentement des fournisseurs qui ne parvenaient pas à le joindre alors que lui se rendait si disponible et accessible. Il avait d’ailleurs eu une phase où il était à la limite du burn-out et avait suivi ma recommandation de s’arrêter. Quinze jours seulement. Il a ensuite repris en ayant légèrement changé sa posture. Dire NON. Il progressait de jour en jour.
Il avait récemment fait un contrôle cardiaque. Il fallait surveiller son cœur qui a subi une opération importante il y a cinq ans. Une opération à cœur ouvert dont il commençait à peine à se remettre de l’impact psychologique. Mais ce bilan avait été un nouveau signal d’alerte et le médecin l’avait sommé d’arrêter le tabac. Du jour au lendemain, il y a réussi, très motivé par l’enjeu. Je l’en avais félicité, en prenant bien note de cet évènement que je comptais lui rappeler au besoin pour lui prouver qu’il est capable de beaucoup.
Au retour des congés de fin d’années, il me fit part d’étranges sensations douloureuses au niveau des seins. Il s’était plaint d’avoir pris du poids ces derniers mois. Tout de suite, cela a fait écho en moi avec des problématiques de patients venus me voir pour désir sexuel hypoactif. Dans ce genre de situation, il est toujours judicieux de faire le point sur la biologie avant de mettre en cause le psychologique. Ici, il me semblait opportun de faire doser la prolactine qui peut être sécrétée en excès en cas d’adénome17. Il m’informa que le dosage n’avait toujours pas été fait et que l’échographie prescrite par le médecin avait lieu le lendemain.