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Issu d’une famille dysfonctionnelle avec un père violent et alcoolique, l’auteur a été, tel un colis, constamment déplacé de famille en famille, perdant tout repère stable dès son plus jeune âge. À travers les années, il a exploré différentes identités sexuelles et connu des relations complexes, devenant un mari trompé puis infidèle et un père privé de ses droits de visite par des manœuvres malhonnêtes de son ex-épouse. Ce récit soulève des questions profondes sur la construction de l’identité sociale qui vous intrigueront.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Francis Thomy est un homme ordinaire confronté à de douloureuses épreuves depuis son enfance. Il se tourne vers l’écriture non pas pour susciter la compassion, mais pour encourager la réflexion, utilisant des mots clairs pour exorciser les démons de son passé.
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Francis Thomy
Un homme presque comme
un autre
© Lys Bleu Éditions – Francis Thomy
ISBN : 979-10-422-3288-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Envie d’écrire un livre alors que l’on n’a rien d’un écrivain, l’idée peut sembler étrange. C’est pourtant celle qui m’est venue, un soir où ma vie n’allait pas si mal que ça. Un soir où, ni triste ni gai, je me suis dit que tout aurait pu finir tellement plus mal pour moi…
Ce livre commencerait par l’exposé de cette enfance trop dure à vivre, jalonnée de traitements, de comportements injustes et brutaux. Je tenterais de l’écrire dans un effort intense pour retrouver le souvenir lointain d’actes, de situations, qui ont laissé au plus profond de moi des cicatrices mal suturées. Je continuerais ensuite en évoquant une adolescence encore douloureuse. L’écrire noir sur blanc me semble une tâche bien difficile. Il me serait plus simple de me dépouiller de tous mes vêtements pour m’exposer entièrement nu, que de me découvrir page après page, pour donner à voir ce que fut autrefois l’homme que je suis devenu.
Cependant, je désire accomplir cet acte le plus honnêtement possible afin que le résultat ne soit pas vain. Effeuiller la jeunesse de Francis pour construire page après page, une biographie sincère qui prouve que, même cabossé de toutes parts, on peut conserver l’envie de vivre jusqu’à parvenir à se reconstruire… Et qu’à partir de cette reconstruction, tout devient à nouveau possible : Aimer une femme puis bâtir avec elle une famille qui apporte à une histoire triste une suite pleine d’espoir et de bonheur.
Mener mon livre à son terme m’aura permis de construire aujourd’hui mon existence avec des mots. Laisser la trace de mon vécu avec tout ce qu’il comporte de souffrances, de difficultés à vivre, de complexités à tenter d’expliquer.
Exprimer tout cela avec des mots simples et sincères, pour me retrouver tout d’abord, puis pour que ceux que j’aime sachent.
Qu’ils sachent enfin sur quelles ruines, avec la volonté d’y parvenir et de la chance aussi, s’est enfin édifié cet avenir serein et conforme à ce que j’ai si longtemps souhaité.
Mes plus lointains souvenirs remontent à mes trois ou quatre ans. C’est une époque imprécise au niveau des dates, cependant certains flashes sont très exactement inscrits dans ma mémoire. Nous étions ce que l’on appelle aujourd’hui, une famille nombreuse. L’aînée, ma sœur Francine, a alors onze ans. Très jolie, gentille, je l’aime bien. Elle me prend souvent sur ses genoux, s’amuse avec moi. Puis il y a Lucette, neuf ans, mais je ne la connais pas : elle habite chez mon oncle et ma tante à Wolvertem en Belgique. Arrivent ensuite deux garçons : Philippe, sept ans et Patrick, six ans. Patrick, c’est mon grand copain, on est toujours ensemble. À l’époque de mes trois ans, je suis encore le dernier-né de la famille. Maman a trente et un ans et son mari, notre père, de dix-huit ans son aîné, est quasiment quinquagénaire. Nous habitons à Aulbinay-la-Forêt, dans un vieux chalet. Tout près de ce chalet, une vieille bâtisse d’une seule et unique pièce. C’est là que ma mère faisait bouillir le linge familial dans une lessiveuse étamée. À côté se trouvait une grande bassine qui avait deux usages principaux : nous y prenions notre bain, et mon père y noyait les chiots lorsque notre chienne faisait des petits. Je revois très nettement les énormes mains paternelles enfermant les minuscules boules de poils dans un sac. Il plongeait ensuite le tout dans la bassine, les maintenait de longues minutes sous l’eau, puis lorsqu’il estimait les petites créatures bien mortes, il jetait le sac au sol en s’exclamant :
— Voilà une bonne chose de faite !
À l’extérieur, juste devant le chalet, une petite cour d’une centaine de mètres carrés, fermée par un très joli portail de bois peint en rouge. De chaque côté de celui-ci, un grand et beau rosier grimpant avec des roses rouges et plein de coccinelles. Voilà les principales images que je garde des lieux de ma prime enfance, c’est peu, mais teinté de touches tristes et de couleurs gaies… comme la vie.
Un soir, ma mère, Francine et moi étions allés voir un feu d’artifice à une centaine de mètres de la maison. Je m’en souviens comme si c’était hier. Ma sœur était vêtue d’une belle longue robe blanche. Nous regardions le spectacle comme des enfants émerveillés. Un réel moment de bonheur… jusqu’à l’instant où quelques étincelles tombèrent sur la robe. De petits trous bordés de noir : la fête était finie. Ses longs cheveux noirs frisés ne parvenaient pas à cacher les grosses larmes qui coulaient sur sa jolie frimousse mate soudain devenue toute triste. Le bonheur fut si prompt à s’enfuir que je garde encore intacte, au fond de mon cœur, l’intensité de la douleur de sa perte.
Pas très loin de chez nous, ma mère avait une amie, une femme de son âge, avec deux enfants dont l’aînée était ma marraine. Elle avait environ quatorze ans. J’aimais bien leur rendre visite ; on buvait le café, nous mangions des biscuits et moi surtout, je voyais ma marraine ! Je ne sais pas pourquoi mon père ne venait jamais avec nous, c’est peut-être qu’il travaillait beaucoup. À ce moment-là, il était routier et conduisait des convois exceptionnels. Quand il partait travailler, c’était pour longtemps : un, deux, trois mois parfois sans qu’il ne rentre à la maison, sans le voir.
Et puis un jour, malheureusement pour lui, nous avons pu le voir tous les jours. À l’hôpital ! Il avait eu un accident sur la route, un accident de travail. Je me souviens combien ces visites étaient impressionnantes pour maman et moi. Nous arrivions toujours avant l’heure réglementaire et devions attendre hors de l’hôpital, le long des grands murs, devant la porte grise. L’extérieur était sinistre et, une fois entrés, les choses ne s’arrangeaient pas ! D’interminables couloirs à parcourir avant d’accéder à sa chambre. Sa chambre… c’était un dortoir d’une vingtaine de lits alignés les uns à côté des autres. La première fois que je l’ai vu allongé là, sur son lit, ça m’a fait bizarre.
Bras et jambes suspendus par des cordes et des poulies, son front pris sous un large bandage, ainsi m’est apparu mon père. J’ai compris que c’était très grave, l’hospitalisation dura trois mois.
À sa sortie, sans aucune forme d’explication, les parents nous annoncèrent que nous allions changer de maison. Nous ne changeons pas seulement d’habitation, nous quittons la région parisienne pour un lieu nommé Pelaincy-l’Eglise à deux ou trois cents kilomètres d’Aulbinay-la-Forêt. Je n’ai pas envie de partir : je suis bien ici, il y a ma marraine… À Pelaincy-l’Eglise je ne la verrai plus ! Le jour du déménagement, ma sœur sanglote dans un coin d’une pièce vidée de tous ses meubles ; personne pour lui expliquer, la consoler. Seuls mes frères s’approchent d’elle, mais c’est pour lui tomber dessus à coups de pied et de poings. De la violence, de la tristesse, des questions non formulées qui resteraient de toute façon sans réponses… et la vie continue.
En route pour une nouvelle destination. Personnes et biens matériels s’entassent dans deux véhicules, une voiture et un camion prêtés à mon père par son patron. Quelques heures de voyage et nous voici devant notre nouvelle maison. Elle semble bien grande ! Trois chambres, une belle salle à manger et une cuisine. Environ mille cinq cents mètres carrés de terrain sur lequel quelque chose me ravit immédiatement : un joli puits. Et les parents qui ne cessent de nous répéter comme pour nous convaincre :
— Vous allez voir, les enfants ; on sera bien ici !
Mais je n’y crois pas : comment être heureux sans ma chienne pour jouer avec moi dans le jardin ? Mon père nous a expliqué que durant le trajet il s’était arrêté pour faire pipi et la chienne en avait profité pour se sauver. Je n’ai que six ans, mais je ne le crois pas. Au fond de moi, je sais qu’il s’en est débarrassé.
Alors la nouvelle maison, bof ! Une maison ou une autre, quelle différence ? Moi, je ne vois qu’une chose, ici, il n’y a pas ma marraine et je sens bien que je ne la reverrai plus. Comme ma chienne…
« Vous verrez les enfants, on sera bien ici. » C’est mal parti !
Comment croire aux affirmations optimistes de ces parents qui souvent nous mentent ?
Quelque temps plus tard arriva septembre. Une nouvelle école nous attendait. C’était ma première rentrée des classes, ma première école ! Je ne me souviens pas du premier jour, mais de ceux qui suivirent… oh, oui ! J’aimais bien ma maîtresse. Je la trouvais jolie comme tout et je lui amenais souvent des fleurs que ma mère me donnait pour elle. Parfois même, en me rendant à pied à l’école, accompagné de mes frères, je lui en cueillais çà et là, tout heureux à l’idée de les lui offrir. Grâce à elle, j’aimais tellement l’école ! Le seul point noir, c’était l’heure de la sortie, à la fin de la journée lorsque nous devions regagner notre maison. Là, c’était plutôt dur ! Les enfants du village ne nous aimaient pas. Pourquoi ? Nous ne leur avions pourtant rien fait. Mais voilà, nous étions les nouveaux, les « parigots ». Nous tentions de repartir de l’école le plus discrètement possible, mais souvent nous avions droit, sans aucune raison, à une bataille rangée et bien sûr, très inégale : une douzaine d’enfants contre nous trois. Cela commençait toujours par un jet de pierres, venaient ensuite les coups de pied et de poings. Comme j’étais trop petit, j’avais « la chance » d’échapper à cette avalanche de coups. Mais la violence et l’injustice de cette situation, elles, ne m’échappaient pas. Spectateur impuissant, sanglotant de peur et de rage, combien il était dur pour moi de voir mes frères faire ce qu’ils pouvaient pour simplement se défendre et si les bleus sur le corps m’étaient épargnés, ceux dans mon cœur restent à jamais indélébiles.
Il y eut ce jour où Patrick reçut une pierre en pleine tête, plus précisément, en plein front. Le sang coulait sur son visage, il en avait de partout. Cette violence stupide était pratiquement notre lot quotidien. De peur, un jour je me suis pissé dessus. À mon retour à la maison, c’est mon père qui m’a changé, sans aucun commentaire. Était-ce la première fois qu’il me changeait ? En tout cas, cela m’a marqué et cette rare attention paternelle reste dans ma mémoire comme un moment de plaisir particulier.
Rentrés à la maison, nous apprenions nos leçons et faisions nos devoirs, lorsqu’il y en avait. Puis, chacun notre tour, nous allions nous laver au seul et unique point d’eau de la maison. Au robinet de l’évier de la cuisine. Ho, c’est sûr que le zizi et les pieds… et bien d’autres choses n’étaient pas très souvent lavés !
Après venaient le repas et le dodo.
Francine dormait dans une chambre mansardée aménagée dans le grenier. Philippe et Patrick partageaient une petite chambre, et moi, je dormais avec ma mère. Dans le même lit. Elle tricotait toujours très tard, moi, je m’endormais. Mon père, lui, avait sa propre chambre. Le lendemain, à nouveau l’école, encore les coups et toujours la peur. Jamais rien pour enrayer cet infernal engrenage. Que faire ? C’était comme ça.
Mon père avait repris son métier de routier, et on ne le voyait pas souvent. Jusqu’au jour où, allez savoir pourquoi, il changea de travail. Depuis son accident, ses bras le faisaient beaucoup souffrir, c’est sûrement pour cela qu’il cessa de partir dans son camion. Quoi qu’il en soit, il trouva un nouveau travail dans une usine, à une trentaine de kilomètres de chez nous. Nous ne possédions pas de voiture, aussi, été comme hiver il se rendait à l’usine en mobylette. Je me souviens qu’en hiver, il glissait des feuilles de journal sous sa veste pour faire écran au vent glacial.
« Ça tient chaud, disait-il, ça coupe le vent. »
Il travaillait six jours par semaine, parfois de nuit, d’autres fois de jour, avec des horaires qui atteignaient de dix à douze heures quotidiennes. C’était une époque très dure pour les ouvriers ayant une famille nombreuse à nourrir. Alors, on se faisait des copains de travail… cela améliorait un peu la rudesse de cette vie de labeur. Le copain de papa s’appelait Gaston. Ah, celui-là, ma mère ne l’aimait pas ! Quand il pleuvait trop fort, pour éviter à mon père de rentrer trempé comme une soupe, il le raccompagnait dans sa deux-chevaux. C’était bien gentil… oui, mais le problème c’est que chaque fois, ils finissaient la soirée, aussi saouls l’un que l’autre.
L’autre repartait tant bien que mal au volant de sa deux-chevaux tandis que mon père ne parvenait même pas à se déshabiller pour aller au lit.
Aidée par Francine, maman lui ôtait ses vêtements tout en lui disant :
« C’est du beau de te mettre dans des états pareils ; tu devrais avoir honte de te présenter comme ça devant les enfants ! »
Mais il ne fallait pas qu’elle en dise trop, car il se fâchait alors tout rouge et criait très très fort.
Et puis le lundi, tout rentrait dans l’ordre.
Dans l’ordre, mais pas souvent dans le calme et la sérénité, car depuis qu’il avait changé de travail, les disputes se multipliaient à la maison : des cris et même parfois de la casse. Quand ça allait décidément trop mal, Patrick et moi, nous partions jouer au petit carré – un endroit au fond du jardin où nous jouions aux petites voitures –. Nous ne nous quittions jamais tous les deux, alors que nous tenions Philippe à l’écart de nos jeux. Nous l’aimions pourtant bien, mais le problème, c’est qu’il n’aimait jouer qu’au cow-boy ou à la guerre. Une des rares fois où nous avons accepté de lui faire plaisir, cela tourna mal. J’étais l’indien, lui, le cow-boy. Je jetai ma lance dans sa direction et paf… sur le pied, bien plantée. Cris, pleurs… et bien sûr, finis la guéguerre et le Far West.
Tant mieux, car ce que nous adorions, Patrick et moi, c’était le vélo. Ah, ça, c’était génial ! Nous attachions la petite remorque de nos parents derrière le vélo, et en route ! Patrick pédalait… et moi, dans la remorque, je me régalais. Notre mère nous répétait toujours :
« Faites attention sur la route les gamins ! »
Tu parles ! On faisait comme on pouvait, et c’était bien. On s’amusait comme des fous, c’était le principal. Et puis un jour, ce qui devait arriver arriva, et ce fut l’accident.
Nous nous amusions à doubler et à redoubler une dame qui roulait à vélo avec sa fille. Et à chaque fois, une queue de poisson bien serrée. Jusqu’au moment où la remorque heurta la roue avant de la bicyclette de la dame. Et plouf… par terre !
Évidemment, nous avons pris la poudre d’escampette et sommes vite rentrés à la maison, bien installés dans notre chambre, nous nous sommes mis à jouer aux petites voitures. Jusqu’à l’irruption de la police à notre domicile, qui se mit à questionner ma mère afin de savoir si ses enfants n’avaient pas fait tomber une dame à vélo. Maman leur répondit :
— Eh bien, je ne crois pas, on va le leur demander. Alors nous, très étonnés :
— Non, nous on n’a rien fait !
— C’est bien sûr les enfants ?
— Oui, oui, bien sûr, on n’a rien fait !
La police s’excusa pour le dérangement et s’en alla. Nous étions bien soulagés. Quelle peur ! Mais le soulagement fut de courte durée, car peu de temps plus tard, la police ressurgit et tapa à notre porte.
Ce coup-ci, face à la sévérité de la police, et de notre mère, nous dûmes tout avouer. Honteuse, ma mère s’excusa à son tour auprès des policiers et leur assura qu’elle irait le soir même rendre visite à cette dame pour arranger cette affaire. La sincérité de notre mère était si flagrante que la police quitta notre domicile pour la seconde fois. On pourrait croire l’histoire close, ce serait une erreur : restait maintenant la correction à infliger aux petits menteurs.
Et c’est ce jour-là que je fis pour la première fois connaissance avec le Martinet. Patrick, lui, le connaissait déjà, mais pour chacun de nous deux, les conséquences des coups des lanières de cuir restaient les mêmes : nos corps qui se raidissent, les larmes qui jaillissent puis se figent, car le martinet, c’est quelque chose ! Ça fait vraiment trop mal, ça pique et ça brûle tout à la fois, et c’est dur de s’arrêter de pleurer. Une fois l’orage passé, la pluie de coups terminée, mon frère et moi comptons les marques rouge violacé sur nos corps…
Peut-être avions-nous mérité une bonne punition, cependant aujourd’hui encore, je pense que nous étions bien jeunes pour une telle correction, et vous qui me lisez en ce moment, qu’en pensez-vous ?
Quelques jours plus tard survint une méchante dispute à la maison. Mon père avait-il trop bu ou non ? De toute façon cela ne change rien, plus le temps passait, plus les cris et les crises se multipliaient chez nous pour les plus futiles prétextes. Ce jour-là, mon père prit deux ou trois bouteilles de vin dans le placard et commença par en arroser les murs et le plafond. Puis il se mit à déverser de partout le contenu des gros pots de sucre en poudre. Dans ces moments de folie, il était préférable de s’éloigner le plus possible, car une gifle ou un coup de pied au cul n’étaient pas rares. Il s’écriait aussi :
— Je vais l’écrire, là, en gros sur le mur de la cuisine, que j’ai couchée avec Francine, oui je vais 1’écrire.
Ma mère répliquait, affolée :
— Ne dis pas ça voyons, pas devant les enfants, tais-toi !
Face à ce désastre, je ne comprenais rien. Ni pourquoi il hurlait, ni la raison pour laquelle il voulait écrire sur le mur qu’il avait couché avec ma sœur.
Quel mal y avait-il à coucher avec Francine ? Moi je dormais bien avec ma mère.
Ce n’était pas la première fois qu’il disait cela. J’avais beau réfléchir, je ne comprenais pas pourquoi il insistait ainsi.