A l'ombre des oliviers - Alix Roche - E-Book

A l'ombre des oliviers E-Book

Alix Roche

0,0

Beschreibung

Les terres méditerranéennes, gorgées de soleil, leurs paysages, leur lumière, leur art de vivre, leurs personnages, sont une inépuisable source d’inspiration. Elles sont un écrin formidable pour imaginer de nouveaux récits qui ont à dire sur ce qui nous attend ou nous menace, dans un monde à la recherche de nouveaux repères, un trésor à reconnaître, à préserver, à partager.
Ce livre fait du « Territoire », le héros et le lit de ses histoires. Raconter, révéler ses richesses, ses parfums, ses couleurs, sa musique, nous construit, nous enracine, nous permet de ré-enchanter notre quotidien et nous redonne le pouvoir d’agir.
Ces petites histoires sans prétention, mêlant l’imaginaire et la réalité, sont à lire à l’heure du farniente sous les oliviers et pourquoi pas, bercés par le chant des cigales.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Après une vie professionnelle consacrée à la prospective territoriale, et un premier ouvrage sur l’histoire de "Joanna", sa grand-mère, Alix ROCHE nous propose de lire "à l’ombre des oliviers ". 

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 144

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



AlixROCHE

À l’ombre des oliviers

Nouvelles et histoires courtes

Préambule

« Lou plus bèu de tóuti li libre es lou païs ounte abitan »

« Le plus beau de tous les livres est le pays où l’on habite »

Frédéric Mistral

C’est en pensant à Jean Giono et à Fernand Braudel qui ont si bien su nous parler de la Méditerranée et de son identité, de cet enracinement, que m’est venue l’idée de raconter quelques petites histoires, se situant sur ces terres gorgées de soleil qui se ressemblent et qui ont tant à nous dire.

« Cette mer ne sépare pas, elle unit. Aux peuples de ses rivages, bien que de races différentes, de religions opposées, elle impose les mêmes gestes.

… Ce n’est pas par-dessus cette mer que les échanges se sont faits, c’est à l’aide de cette mer... Mais sur cette eau, depuis des millénaires, les meurtres et l’amour s’échangent et un ordre spécifiquement méditerranéen s’établit. »

Jean GIONO, Provence (1959 / Gallimard, collection Folio)

Ces terroirs, leurs paysages, leur lumière, leur mode de vie, leurs personnages, ont été une inépuisable source d’inspiration pour les plus grands artistes, peintres, photographes, écrivains. Dans le passé, certains ont esquissé leurs œuvres, quelques mots griffonnés, sur une nappe en papier à la terrasse d’un café, le contour d’un visage, le détail d’une main, au dos de leurs tableaux ou de leurs toiles, un « scarabocchio ».

Ils sont aussi un écrin formidable pour imaginer de nouveaux récits qui ont à dire sur ce qui nous attend ou nous menace, dans un monde à la recherche de nouveaux repères. Les territoires méditerranéens et leurs nombreuses ressources patrimoniales, historiques, humaines sont un trésor à reconnaître, à préserver, à partager.

Ils sont un véritable rempart à l’uniformisation et la banalisation de nos paysages, de notre culture, de notre alimentation, de nos modes de vie. Faire du territoire, le héros et le lit de nos histoires, raconter, révéler ses richesses, ses parfums, ses couleurs, sa musique, nous construit, nous enracine, nous permet de ré-enchanter notre quotidien et peut nous redonner l’envie et le pouvoir d’agir.

Ces petites histoires sans prétention, mêlant l’imaginaire et la réalité, sont à lire à l’heure du farniente sous les oliviers et pourquoi pas, bercés par le chant des cigales.

1- Anatomie d’une rencontre

Pays d’Aix, Marseille

Acte1

23 octobre.

En ouvrant ses persiennes, Elle voit tout de suite que la journée va être difficile. Le ciel est très sombre. La Météo annonce un épisode cévenol. Des trombes d’eau vont tomber avec leurs cortèges de dégâts. L’autoroute sera saturée, les automobilistes énervés. Peut-être des accidents. Des retards annoncés.

Avant de se rendre au bureau à Marseille, Elle a une réunion prévue à l’Agence rue du Puy neuf, à Aix. Elle est élue dans son village et à ce titre administratrice de l’agence.

Elle se prépare hâtivement, pour partir au plus tôt. Il pleut, la circulation est difficile. Quand elle arrive enfin à Aix, impossible de se garer, Elle est en retard. Elle court dans les rues mouillées aux pavés glissants, son parapluie s’envole. Elle est trempée. Ses longs cheveux noirs dégoulinent sur son visage.

Elle arrive enfin à destination, dans un vieil immeuble. Elle monte les escaliers pavés de tommettes rouges à la volée…

La réunion a commencé. Elle trouve une place autour de la table de travail, une quinzaine de personnes sont déjà là. Elle s’installe le plus discrètement possible.

Le Président de l’agence a commencé à dérouler son ordre du jour, il égrène un à un les sujets. Le Président, souriant, lui adresse un mot de bienvenue. Sa bienveillance la rassure. Elle cherche dans son dossier les éléments relatifs au point présenté, les portraits de territoire du pays d’Aix, tout en écoutant d’une oreille encore distraite.

Dehors, c’est toujours le déluge. Le tonnerre gronde. Son souffle est encore haletant.

C’est alors qu’Il entre dans la salle et s’installe à côté d’elle. Lui aussi a pris l’eau.

Elle ne le connaît pas.

Il lui demande où nous en sommes. Elle ne peut lui répondre encore, toute à sa confusion en raison de ce retard. Elle n’ose pas le regarder. Elle lui précise qu’elle arrive à peine. Le calme revient.

Très vite, au gré des dossiers, une complicité s’installe. Elle comprend qui il est. Elle a déjà débattu avec lui par presse interposée, à propos de l’intercommunalité. Ils n’ont pas la même approche.

Elle le voit pour la première fois. C’est un bel homme brun, jeune, mélange de charisme et de retenue, d’idéalisme et d’ironie. Les points du jour évacués, ils se lèvent tous pour échanger entre administrateurs.

Ils sont soudain face à face. Sourire aux lèvres, regards soutenus, son cœur s’emballe. Elle est séduite, c’est le coup de foudre. Elle essaie de garder son sang-froid.

Quelques mots échangés avec les autres élus, la bienséance. Le temps passe très vite, chacun repart vers ses obligations. Le soleil tente une percée et vient illuminer la pièce. Elle a la certitude que cette rencontre, bien qu’éphémère ce jour-là, aura des prolongements.

Acte2

21 décembre.

La trêve des confiseurs approche, un temps de repli sur la famille ou les amis. Chacun à la tête à la fête, aux repas, aux réveillons, aux présents.

Mais les institutions n’attendent pas. Le rendez-vous a été donné en l’hôtel de ville d’Aix-en-Provence. Il s’agit d’installer la Communauté de Communes du pays d’Aix. Premier mariage entre six communes qu’il a fallu convaincre. La plupart d’entre elles craignaient d’être absorbées par la grande ville. Impossible d’envisager une association plus large, en particulier avec Marseille, cela ne viendra que bien plus tard. Un accouchement métropolitain dans la douleur, qui prendra plus de 20 ans, mais nous n’en sommes paslà.

Ces derniers mois, les réunions ont été nombreuses, un vrai marathon sur tout le territoire, confrontations d’arguments, le pour, le contre, et la sempiternelle question de la corbeille de mariée.

L’accord est trouvé, enfin. Le grand jour arrive.

Il fait très froid malgré le soleil et le ciel très bleu. Emmitouflés dans leurs manteaux et leurs écharpes, les délégués des communes arrivent un à un jusqu’à la mairie, pour honorer leur mandat et prendre acte de leurs nouvelles fonctions de conseiller. Chacun se découvre, se salue, s’apostrophe, on prend contact. On s’évalue un peu, dans la perspective des alliances à venir.

La communauté doit prendre forme.

Dans la salle des États de Provence, l’ambiance est assez solennelle. C’est tout de même impressionnant, ce petit pas de l’histoire locale placé sous les auspices de l’administration provinciale de l’ancien régime, entre clergé, noblesse et tiers état de la Provence. Ce vaste territoire borné selon Frédéric Mistral par les Alpes, la Méditerranée, le Rhône et au Nord par une ligne allant d’Embrun à Saint Paul les Trois châteaux.

Aix en était la capitale, elle en a la nostalgie.

Pourtant, dans cette assemblée, il n’y a pas de débat. Tout a été préparé, négocié en amont.

Mais, dans cette enceinte, ils vont se retrouver. Elle a été mandatée par sa commune. Il a été désigné par la sienne.

Ils se revoient pour la première fois, depuis leur rencontre automnale.

Ils se font un signe de la tête, un sourire esquissé. Une reconnaissance empreinte de pudeur.

À la fin de la séance, ils ont le sentiment d’avoir été les acteurs très disciplinés d’une mise en scène officielle. C’est le jeu. C’est ainsi. Mais la vie reprend ses droits.

À la fin de la séance, il se rapproche, prend des nouvelles, ils échangent quelques mots. Elle est touchée. En son for intérieur, elle l’espérait. Mais rien ne transparaît. Il est pressé. Il est attendu.

Lorsqu’elle repart, dans le froid, la nuit est déjà tombée.

Acte 3

Mars

L’installation de l’Assemblée communautaire et de ses instances a généré quelques surprises. Les votes codifiés par les groupes politiques n’ont pas donné exactement les résultats escomptés dans la composition des instances. « Aléas » des non encartés, complicité inédite, sur fond d’expression démocratique. On se compte, on s’interroge, certains en prennent ombrage, d’autres se félicitent.

Une tournée de découverte des communes a permis de mieux se connaître, d’échanger entre territoires, mais également entre élus, la plupart du temps en marge des assemblées.

L’essentiel se passe souvent ailleurs.

Le mystère de leur rencontre reste néanmoins entier, laissant toute latitude aux rêveries, à l’imaginaire, à l’espérance. La vie poursuit son cours, au gré des convocations, des réunions, des assemblées et commissions, lorsque surgit l’inattendu.

Un matin, la secrétaire de direction de son bureau à Marseille vient la chercher alors qu’elle était en entretien. Un homme l’attend dans le vestibule. Il ne s’est pas annoncé.

C’est lui.

Il porte un costume de velours couleur chocolat, une chemise blanche, col ouvert. Les cheveux noirs légèrement ondulés, les yeux noisette. Un charme fou, une audace désarmante.

Il est passé à l’improviste dit-il, un bouquet de mimosa odorant et très fleuri à la main, un sourire aux lèvres.

La surprise est totale.

Ils ne peuvent réprimer quelques rires légers, un peu gênés par cette intimité soudaine. Le plaisir partagé de la visite.

Une opportunité bien sûr, pas plus d’explications.

Ils prennent un café dans le bureau, discutent un peu de tout, de rien, de politique, de boulot, des prochaines élections, mais le temps presse. Il faut se séparer.

On se propose un rendez-vous pour un diner en ville, à Aix, la semaine suivante.

Elle le raccompagne jusque dans la rue, il doit se rendre en Préfecture de région.

Son cœur bat trèsfort.

Quelques jours plus tard, en soirée, Elle marche d’un pas rapide, sur les pavés disjoints dans le quartier de l’hôtel de ville, vers un restaurant qu’elle ne connaît pas. Il est tenu par un ami à Lui, qui ne tarde pas à venir les saluer, avant de prendre la commande.

Il est curieux et la presse de questions. Une curiosité orientée. Sa présentation reste très professionnelle, celui d’une jeune mère élue, occupant des responsabilités importantes dans une grande collectivité.

Un petit verre de vin blanc, la pression descend laissant place à la douceur de vivre. Le repas est délicieux. On apprend à se connaître, les heures défilent.

Il va falloir rentrer. Chacun repart le cœur joyeux, une foule de questions se bousculant dans leur tête. Ils vont se revoir.

Acte4

25 juillet.

Quelques mois ont passé, c’est l’été. Le festival d’Aix mobilise les agendas des édiles, avant de tomber dans la douce torpeur du mois d’août.

Dans la chaleur écrasante, les cigales emplissent tout l’espace, de leur chant assourdissant. Caché dans les carrières de Bibémus, sur le plateau de Sainte Victoire, le cabanon est accessible par un sentier escarpé, de terre ocre, veiné de racines, scandé de petites marches dans les rochers. Il est caché dans la forêt de pins, de chênes kermès et d’eucalyptus. La cyste pourpre, la sauge et le romarin mauve apportent une touche odorante, de couleurs vives. Ce cabanon est proche de celui de Cézanne, le refuge à partir duquel il a tant de fois, peint cette Montagne Sainte victoire, chère à soncœur.

Il n’y a pas âme qui vive. En cette période, l’accès au massif est interdit en raison des risques d’incendie, sauf aux riverains.

Connaissant son goût pour la nature et l’escalade, un ami sculpteur lui a confié la grosse clé du cabanon pour quelques jours, en son absence.

Il lui a proposé de le rejoindre. Elle a accepté l’invitation, a quitté l’ambiance survoltée de Marseille et la sollicitation incessante du bureau et de la mairie, pour quelques heures d’une parenthèse enchantée.

Elle arrive la première.

Il apparaît soudain sur le sentier, le torse nu, tout moite, après les efforts accomplis dans la chaleur sur les rochers, situés en contrebas, sur lesquels les grimpeurs rivalisent d’agilité, se livrant à des ballets acrobatiques, les doigts blanchis par la magnésie, glissés dans les aspérités de la roche.

La porte, à la peinture couleur sang de bœuf écaillée, grince un peu. Le bois a dû gonfler avec les pluies du printemps. Après une douche de fortune prise à l’extérieur, il lui fait visiter la maisonnette.

L’aménagement intérieur est spartiate. Une petite pièce à vivre, avec son banc de pierre agrémenté de trois coussins, une table en bois sur laquelle trône un petit saladier en céramique empli de quelques pêches jaunes et de belles tomates bien mûres, une pile et un réchaud. Au fond de la pièce, un escalier conduit à la chambre. Un grand matelas est posé au sol, recouvert d’un boutis fleuri. Des étagères de fortune sont masquées par un rideau coloré. Ils redescendent.

Dehors, le paysage est grandiose. La soirée le sera tout autant, par sa simplicité, son authenticité, son intensité.

Éclairés par les petites bougies blanches, posées sur un bougeoir sculpté en pierre de taille, la spirale de citronnelle fumante, la nuit étoilée les abrite, protège leur intimité, loin des oreilles indiscrètes. Leurs ombres projetées sur les murs de pierre, ils parlent encore et encore, avant de se dévoiler, se rapprocher, loin de tout ce qui fait leur quotidien et son cortège de contraintes.

Les prémices de l’amour, une caresse de la vie, une bulle hors du temps. Le bonheur enfin.

2- Fugues inachevées

Aix-en-Provence, Cassis

I-Margaux

C’était en avril, peu de temps avant Pâques. Dans le ciel azur soufflait un mistral violent assorti d’un soleil lumineux, malgré le froid. Enveloppée dans mon trenchcoat, je marchais d’un pas pressé, place des prêcheurs à Aix-en-Provence, mes copies sous le bras. Le talon de mon escarpin donnait des signes de faiblesse, je commençais à boiter un peu.

J’examinais l’état de ma chaussure, inquiète de voir si elle allait tenir jusqu’à mon domicile, lorsque soudain je tombais littéralement dans les bras d’un jeune homme, qui sortait en trombe du palais de justice. Il portait encore sa robe d’avocat et une serviette en cuir marron un peu défraîchie, dont une lanière était cassée.

Le procès venait de s’achever et il était encore sous l’emprise de la montée d’adrénaline de sa plaidoirie. Tout en marchant vivement à reculons, il s’adressait à une personne en retrait un peu plus loin sur les marches du palais, en faisant de grands gestes. Il semblait très heureux, enthousiaste, satisfait.

Le choc de nos corps et de nos dossiers fut dévastateur…

Outre nos épaules douloureuses, nos dossiers respectifs nous tombèrent des mains et ne tardèrent pas à s’envoler et se mélanger sur toute la place. On aurait dit des colombes virevoltant au gré duvent.

C’était une catastrophe !

Devant ma mine affolée, déconfite et grimaçante, il me demanda aussitôt si je n’étais pas blessée. J’appréciais cette politesse.

Alors, malgré le choc, mon épaule endolorie, tout en nous confondant en excuses, nous nous engageâmes dans une sorte de ballet sans musique, mais parsemé de petits cris, de soupirs, avec des « Oh non » ! « Vite » ! « Là » ! « Attrapez-la » ! « Encore une » ! « Elle s’envole » ! Invitant les passants à nous aider, dans la collecte de nos feuillets. « Merci Monsieur » ! « Merci Madame » ! « Comme c’est gentil » ! « J’espère qu’il ne manque rien » ! Pour ma première mission de correctrice, c’était bien ma veine…

Il était capital de tout retrouver, autant pour l’un que pour l’autre.

Il nous fallut bien un quart d’heure pour reconstituer un amas de feuilles, mélange de copies d’une épreuve blanche du baccalauréat de français et des pièces du dossier du procès de Monsieur Garcin, qui se trouvaient dans un désordre indescriptible !

Il se présenta alors :

–Enchanté, Benjamin Pascalis, avocat pénaliste.

Il avait un sourire à tomber, avec un petit accent du sud qui enchante la faconde de ce jeune avocat méridional. Un beau brun, au regard de braise. Un canon incontestablement, mais sans aucun doute, un vrai danger public pour la gent féminine !

Midi venait de sonner à la cathédrale, Benjamin proposa que nous nous installions dans une brasserie proche du palais, pour mettre de l’ordre dans nos dossiers et faire un peu mieux connaissance.

Je me dis qu’il était doté d’un vrai savoir-faire…

Je n’avais pas vraiment de temps car un gros travail de correction m’attendait, mais je ne pouvais décemment pas partir sans mes copies et j’étais un peu sonnée, il est vrai. Alors j’acceptais. Je me présentais à mon tour :

–Margaux, prof de lettres modernes au Lycée Vauvenargues.

Nous allâmes chez Paulette, rue Portalis et demandâmes une table au calme suffisamment grande pour nos travaux de classement. Prenant l’initiative, Benjamin décréta aussitôt que nous allions prendre un verre et manger un peu afin de reprendre nos esprits avant de faire le tri de nos dossiers…

Il faisait preuve d’une certaine aisance, le contact facile. Malgré son apparente empathie, il ne semblait pas plus affecté que cela par la situation, y prenant manifestement un certain plaisir.

Je voyais bien qu’il me dévorait des yeux. Quel séducteur, pensais-je.

Je restais sur la réserve, furieuse de ce choc, de ce temps perdu, de mon épaule et de mon pied douloureux, tout en étant en mon for intérieur amusée par cette rencontre inopinée, par l’irruption de ce jeune homme fort bien fait de sa personne, dans cette journée qui bien que s’annonçant laborieuse, avait pris une tournure inédite.