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Intriguée par un chapeau au centre des discussions familiales, Marguerite décide d’en faire le point de départ d’une aventure singulière. Ce simple objet devient la clé d’une exploration des histoires oubliées de sa famille, la conduisant à travers continents et générations. Des souvenirs enfouis de sa grand-mère à un voyage inattendu en Afrique sur les traces de Louise, Marguerite dévoile des secrets anciens et réécrit son propre héritage. Ce récit, riche en mystère, en transmission et en découvertes, vous plonge au cœur d’une saga familiale.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Thérez Loquais a débuté comme infirmière, incarnant compassion et empathie. Devenue responsable d’établissement de soins et formatrice, elle a enrichi les pratiques de santé. Aujourd’hui, elle explore l’écriture pour donner forme à sa vision du monde.
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Seitenzahl: 258
Thérez Loquais
Au fil du chapeau
Roman
© Lys Bleu Éditions – Thérez Loquais
ISBN : 979-10-422-4718-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes parents, je vous suis éternellement reconnaissante de m’avoir mise au monde.
À mon prince charmant, Alberto, mon sourire et ma joie de vivre.
Mes enfants, étincelles de bonté, étoiles de lumière et de mirages.
Mes petits-enfants, mes amours, mes soleils.
Je vous aime tellement dans la tendresse d’un matin de printemps harmonieux, doux et lumineux.
Ce roman est le fruit de mon imagination et même s’il s’inspire de faits réels, les personnages sont une pure fiction.
Libre de mes choix, j’ai décidé de quitter le monde de la santé pour me consacrer entièrement à ma passion : le délice de la lecture et la jubilation de l’écriture.
Tout d’abord, le plaisir d’écrire remonte à mon enfance. J’étais interdit de parole. Il reprenait tous en chœur : « Marguerite, t’exagères, tais-toi, tu dis n’importe quoi, comme d’habitude », bien avant la fin de ma phrase. En conséquence, je me suis créé un espace de résilience et activé mes neurones : un monde imaginaire d’écriture.
Quand l’expression orale demeure difficile, je trouve toujours une belle consolation de la plume pour remplir une page blanche.
Cette situation provoque un sentiment de réconfort, une paix avec moi-même.
Fermer la porte du conscient pour pénétrer avec une intense curiosité vers la découverte de l’inconnu. Oser s’aventurer dans un monde d’invention, de création, de vagabondage ; c’est totalement magique.
Conjuguer la liberté individuelle avec le plaisir de la solitude, c’est ma recette de l’euphorie.
Pendant ma marche quotidienne en forêt, mes neurones de l’écriture fignolent le prochain chapitre de mon histoire. À l’approche de la mer, en contemplant le profil de l’île, mon cerveau fait la synthèse de ce que je vais écrire au retour. Ainsi va naître mon premier roman.
Par ailleurs, je peux attendre des heures, peu m’importe l’endroit, si mon fidèle compagnon est près de moi : le bouquin que j’ai choisi avec soin. Il accompagne mes soirées, au bord de l’eau, au coin du feu. C’est également ma pilule de l’endormissement.
J’adore me baigner dans la magie du livre, de la lecture, faire des rencontres et échanger sur la même passion. Je ne suis pas une littéraire, pardonnez-moi. J’utilise les mots de mon quotidien. Je cherche mes phrases, à l’image d’une note de musique qui fait vibrer.
J’aime délirer, joyeusement, dans cet univers qui me fascine.
Agréable lecture.
Cette épopée s’annonce périlleuse, à l’image d’une excursion en montagne.
La route est longue, parsemée d’embûches et de péripéties.
Réunir toutes ses forces et rester concentré pour atteindre le sommet de la compréhension de cette affaire silencieuse qui traverse plusieurs générations.
Ne sors jamais sans ton borsalino, indispensable à l’habillement, marque d’admiration ou de personnalité.
La dernière de la fratrie, la quatorzième enfant, est un cas à part.
Pour retracer son histoire, il faut remonter aux débuts de la famille, comprendre les dynamiques familiales, les épreuves et les réussites, et voir comment chaque membre a contribué à façonner cette saga familiale.
Chaque document trouvé dans les archives ajoute une pièce au puzzle, rapprochant un peu plus de compréhension à cette affaire complexe et multigénérationnelle.
La naissance de Marguerite et les prémices d’un enfant qui raconte des histoires farfelues, en exagérant bien sûr.
« Mais tais-toi, tu ne sais pas ce que tu dis ! »
Très vite, cette expression s’imprime dans sa mémoire de manière indélébile, en toutes circonstances, et suscite en elle une envie irrésistible de raconter.
Ce postulat, d’abord inconscient, s’ancre profondément dans son esprit. Le langage et l’écriture deviennent alors ses armes puissantes, une belle façon d’exister et d’apprendre à les manier habilement tout au long de sa vie, sans nécessairement jouer les rebelles.
Surprise ! Elle était là, discrète, imprévisible, toujours là où on ne l’attendait pas.
« Ah, que fais-tu là ? Tu ne vois pas que tu gênes ? »
L’éternel refrain familial.
Le chapeau, accessoire indispensable, symbole de distinction ou de personnalité, camoufle bien des secrets.
Ainsi commence sa vie, un long parcours solitaire : écouter, entendre, comprendre, traduire, percevoir l’environnement, observer les éléments contextuels.
Elle absorbe tout comme une éponge ; la tronche de celle-ci après plusieurs années !
Elle se prépare à défendre la justice, la liberté, la veuve et l’orphelin.
Est-elle destinée à une reconnaissance hors du commun ?
Pour grandir rapidement, elle adopte cette posture : faire de son mieux, avancer pas à pas, tout en imaginant demander à un escargot de se déplacer rapido presto et d’envisager cette réponse :
« Seule dans sa petite coquille, la prudence est de mise pour éviter l’écrasement. »
Tel cet escargot avançant lentement, elle progresse à son rythme, avec ses peurs, ses impatiences, ses colères.
Déterminée à percer les mystères coûte que coûte, ses rêves et ses désirs jalonnent joyeusement son existence, l’engageant sur le chemin de la réussite.
Elle éprouve une folle envie de découvrir, avide de tout ce qui lui est inconnu. Elle désire mener une vie singulière et se démarquer.
Un défi dans ce groupe qui semble s’y opposer.
Surtout, ne t’envole pas avant d’établir le secret de ce chapeau à plusieurs bosses.
« Si vous aviez réglé les problèmes avec votre père beaucoup plus tôt, vous n’en seriez pas là ! »
Le décor est posé, en une minute. Le temps de le dire, il résume trente-sept années de son histoire.
Elle aime bien la psychologie. C’est franc, direct et il faut du caractère pour ne pas sombrer. Elle a de la chance, car elle en a plein à craquer.
Elle part finalement du principe, après avoir épuisé son stock de larmes et une boîte de mouchoirs, qu’il s’agit d’un message salutaire qui va lui permettre de passer du statut de survie à celui d’acteur de sa vie.
Elle s’équipe et part pour une longue randonnée sur le chemin de la découverte de soi.
Elle éprouve un immense plaisir à vous ouvrir les portes de sa belle saga familiale.
Elle commence froidement, dans l’austérité, principalement dans un village qui se nomme Saint-Hichéons.
Son père, Ambroise, fils aîné, vit pauvrement dans la campagne paysanne. Son papa alcoolique meurt très jeune.
Il laisse une famille de 13 enfants.
Ambroise sera contraint de reprendre la ferme.
Ses deux sœurs cadettes partent dans les ordres. C’est plus simple de se sentir rappeler, dans ces moments douloureux, par les voix du seigneur et de s’y consacrer.
Pour subvenir au besoin quotidien de la famille, il sera également jardinier au château Dubois situé à quelques kilomètres. Il a une passion pour les arbres, notamment pour les chênes qu’ils plantent dans cette propriété, sans oublier sa belle parcelle de jardin.
C’est un homme courageux, robuste et plutôt beau.
Sa mère, Jeanne, pupille de la nation, vit dans une maison attenante au château Dubois avec sa mère.
Elle bénéficie d’une éducation plutôt de nature bourgeoise.
Femme belle et brillante, elle est promise à un bel avenir. En tout cas, une idée très claire lui trotte toujours dans la tête :
« Si je me marie, je ferai beaucoup d’enfants. Je souffre trop de solitude et d’être dans l’obligation de découper des personnages dans les magazines pour jouer. »
Ambroise, homme intègre et solitaire, rêve d’une cinquantaine plus tranquille.
Dans ce joyeux contexte, Marguerite arrive sonnante et pleine de vie !
Le livret de famille est déjà complet et il faut rajouter un feuillet pour le numéro quatorze.
Le cru est exceptionnel. Elle est différente des treize autres.
Elle parle, rit, proteste et « veut… »
Aie aie aie, elle est mal barrée cette petite !
D’autant plus qu’elle doit faire face à seize personnes qui se relaient, immanquablement, sans pour autant lui apporter une attention particulière, sauf Maggy, sa marraine, son frère Jean, son amour de Caramel, la professeure Pandore et son parrain Julien.
Les autres ont peu d’impact sur sa vie.
À l’approche de la préadolescence, des belles-sœurs viennent s’ajouter à son quotidien. Souvent, elles s’immiscent dans des affaires qui ne les concernent pas. Inutile d’en dire davantage.
Ce genre de situation, où la méchanceté et l’autorité s’exercent sur un enfant, est malheureusement courant et banal.
C’est triste, quoi qu’il en soit.
Son idée n’est pas de vous raconter un malheur d’enfance, mais plutôt, au regard d’un contexte d’indifférence, comprendre comment cet espace de liberté, dans le silence et la solitude, va être résilient.
Elle navigue dans une dualité : Elle veut bien plaire, toutefois, tant pis si elle n’y arrive pas. Sa force est de se sentir dans un bateau, en solitaire, pas pour gagner, mais arriver à bon port.
Détaillons ce paradoxe intrigant.
D’un côté, il y a une grande solitude et une timidité qui caractérisent cette personne. Cette solitude lui offre un espace pour se construire de manière autonome, comme si elle évoluait seule sur un terrain de jeu personnel.
Cela signifie qu’elle se développe intérieurement, forgeant son identité et ses compétences sans dépendre des autres, cultivant ainsi une indépendance remarquable.
En contraste, cette même personne possède un culot extraordinaire qui la pousse à avancer audacieusement, ouvrant toutes les portes de la curiosité. Cela indique qu’elle n’hésite pas à explorer de nouveaux horizons, à s’aventurer dans l’inconnu et à saisir les opportunités qui se présentent à elle, même si cela requiert de sortir de sa zone de confort.
Ce double aspect de sa personnalité se manifeste comme une course en solitaire.
Elle progresse de manière indépendante, guidée par un sens aigu de l’observation silencieuse.
Son attention aux détails et sa capacité à analyser son environnement sans intervenir directement lui permettent d’apprendre et de grandir de manière subtile, mais efficace.
En somme, ce paradoxe crée une dynamique unique où la solitude et la timidité nourrissent une audace et une curiosité qui l’entraînent toujours plus loin.
Peut-être a-t-elle croisé dans les premières années de sa vie cette femme tout en bleu ?
Elle a un grand privilège : celui d’être toujours trop petite à leurs yeux !
Alors elle classe dans un des tiroirs de son cerveau deux énigmes :
Pourquoi cette folle envie d’aventure et de voyage pour rechercher, entre autres, l’odeur de la cacahuète grillée chez les p’tits noirs ?
Que recèle le secret du chapeau ?
Un petit détour pour comprendre la famille dans cette ferme dénommée Crachefor, à Saint-Hichéons.
Maggy, sa sœur aînée, a déjà vingt ans. Elle travaille avec son père au milieu des travaux de la ferme dans la joie et la bonne humeur. Ils s’entendent bien, ces deux-là ! Ce n’est pas au goût de sa mère, sans doute un peu jalouse de cette relation.
Aussi, lorsqu’elle arrive à la maison en méritant un repos, les tâches ménagères l’attendent : vaisselle, ménage et la lessive.
Les jolies mains de cette jeune Maggy se transforment en machine à laver, pour rendre propre le linge de seize personnes.
La technique est dure et laborieuse. Maggy, dans le froid de l’arrière-cuisine, trie puis met le linge dans une grande lessiveuse en fer, posée sur un trépied. Elle allume le feu pour le faire bouillir.
Inutile de préciser que celui-ci ne se lave pas toutes les semaines !
Maggy peste intérieurement… Puis s’exécute… A-t-elle vraiment le choix ?
Et puis, il y a ces moments passés dans le jardin avec son père, surtout au moment des récoltes des pommes de terre. C’est un temps de silence partagé, mais aussi de complicité, ponctué de rires joyeux qui éclatent comme des bulles de bonheur dans l’air frais. Ils travaillent côte à côte, les mains plongées dans la terre.
Ah, voilà que son petit frère, Jean, arrive en courant, le visage illuminé par un sourire espiègle.
Quelle chance ! Elle va en profiter pour papoter un peu avec lui. C’est sa distraction préférée, un moment de légèreté dans une journée bien remplie. Avec Jean, les discussions fusent, les histoires s’échangent et le temps semble suspendu. Les éclats de leurs rires résonnent à travers le jardin, ajoutant une touche de vivacité à ce tableau familial.
Très rapidement, il dévoile l’ordre donné par sa Maman. Le curé attend à la maison son père, pour discuter, entre autres, de la scolarité des enfants et notamment celle de Jean.
— Dis-lui que je suis absent, je ne veux pas le voir, celui-là.
— D’accord papa, répond Jean avec un sourire de complicité !
Maman crie de la maison :
— Ambroise, veux-tu bien venir ? Tu dois t’entretenir avec monsieur le curé !
Voilà encore un bel après-midi de loupé. Quel dommage, Maggy a tant de choses à partager !
Maggy, un beau jour, disparaît pour aller travailler comme cuisinière dans une école.
Elle trouve enfin un espace où elle peut s’épanouir. En cuisine, Maggy découvre une véritable passion pour la préparation des repas. Elle s’initie aux secrets des recettes, apprend à manier les couteaux avec dextérité et à jongler avec les casseroles et les poêles. Chaque jour, elle prépare des plats avec soin, veillant à ce qu’ils soient non seulement nourrissants, mais aussi délicieux.
Elle planifie les menus avec attention, cherchant toujours à innover et à surprendre les papilles des enfants.
La cuisine devient son refuge, un lieu où elle peut enfin être elle-même.
L’inconscient de Marguerite enregistre le mot angoisse et peur de perdre. C’est insupportable une disparition sans explication. C’est le début d’une grande absente dans son univers de poupon de quatorze mois.
Marguerite résume ses premières années ainsi.
Sûrement qu’elle bénéficie de l’allaitement maternel. Elle ne sait même pas à cette époque s’il existe du lait de substitution, donc pas vraiment le choix.
Par ailleurs, étant la dernière de quatorze enfants, inutile de vous dire que son prénom ne se prononce pas « Désiré. »
Cependant, elle a le grand honneur d’être baptisée par l’évêque. Le journal Ouest France fait un cadeau à la famille : un radiateur électrique !
Attention, les résistances sont à découvert, on pourrait presque y griller des tartines de pain.
Dans ses souvenirs, l’agencement de la maison est spartiate.
Elle se souvient d’occuper la chambre de ses parents, son petit lit placé au pied du leur, où les nuits sont ponctuées des murmures de leurs conversations. Elle croit qu’il y a aussi d’autres sœurs partageant l’espace, des présences chaleureuses malgré le manque d’intimité.
Une grande bassine, située dans un coin adjacent à la cuisine, leur sert de baignoire. Il y a toujours quelqu’un pour la récurer, rendant ce moment de bain un peu festif avec quelques éclats de rire.
À côté, une autre cuve est utilisée pour faire bouillir les marmites, dégageant une chaleur réconfortante et une vapeur odorante qui envahit la pièce.
Les murs sont simples, sans décoration superflue, mais le foyer est animé par la chaleur humaine et l’entraide, orchestrées de manière où chacun connaît son rôle. L’oisiveté ne fait pas partie de cet univers.
L’ensemble est rudimentaire et rustique, avec des sols carrelés et une cheminée où crépite un feu bien entretenu. Les fenêtres, bien que petites, laissent entrer juste assez de lumière pour éclairer les journées.
Malgré la simplicité de ce cadre, elle ne souffre pas du froid, mais plutôt d’un manque d’attention de ceux qui l’entourent.
Elle fouille à ses heures perdues, cherchant des fragments de son passé.
Un jour, alors qu’elle explore le fond d’un vieux tiroir, ses doigts rencontrent une photographie oubliée. Sur cette photo, elle est dans les bras de son père, un sourire rayonnant illuminant leurs visages.
Cette image est la preuve tangible qu’au moins une fois, il a partagé une proximité intime et réconfortante.
La photo capture un moment de tendresse, peut-être lors d’une fête ou d’un simple après-midi en famille. Son père la tient avec douceur, et leurs regards croisés témoignent d’un lien fort et sincère.
Cette découverte réveille en elle des souvenirs et des émotions enfouies, rappelant qu’il y a eu des moments où l’affection et la complicité ont existé entre eux, malgré les années de distance et de silence qui suivirent.
Au milieu de cette maison, sa grand-mère cohabite dans un espace privatif joliment rangé et décoré avec soin.
L’endroit est empreint d’une chaleur et d’un charme d’antan, contrastant avec l’austérité du reste de la maison. Sur une petite table en bois trône une boîte à bonbons, remplie de berlingots colorés.
Lorsqu’elle coud, Marguerite ne peut s’empêcher de lui en voler un, particulièrement les rouges au goût de framboise, ses préférés.
Ces petits moments de douceur apportent un répit bienvenu dans un environnement souvent froid et peu propice à la communication.
Chaque bonbon volé est une petite échappée sucrée, un instant de plaisir et de réconfort qui illumine sa journée.
C’est comme une petite rébellion discrète et savoureuse contre l’austérité ambiante, une manière de s’offrir un fragment de bonheur simple et authentique.
Pourquoi réside-t-elle dans notre maison, la belle et chic Solange ?
Elle ne quitte jamais la maison sans porter son chapeau assorti à sa tenue du jour.
Solange est née en 1892 dans une famille de gendarme.
Elle a deux sœurs : France, de deux ans sa cadette, et Marie la dernière.
Ses parents vivent dans la caserne. Il s’agit d’une grosse bâtisse qui abrite une collectivité humaine. Sur cet espace se partagent des terres agricoles et des règles de vie propres à cette microsociété.
Ces trois filles séjournent avec leurs parents, ni pauvres ni riches, dans cet univers clos près de la grande ville de Nantes.
C’est, à l’époque, un vrai privilège.
Elles convolent le plus souvent sur place avec les filles de commerçants, d’artisans et/ou de cultivateurs aisés.
Deux de ces filles ont appris des métiers très différents : l’une couturière et l’autre infirmière.
Marie, se marie très jeune à un riche pharmacien et partage, de ce fait, moins de complicité et d’intimité avec ses aînées. Les rapports restent cependant cordiaux et conventionnels.
Solange part régulièrement dans ses rêveries pour inventer de nouveaux modèles.
Son hobby : les chapeaux, « ils finissent avec élégance les tenues de femme, puis pour les hommes, donnent un trait de caractère, disait-elle ».
Louise ne pense qu’à une chose : partir soigner en Afrique.
Des soirées sont organisées pour favoriser les rencontres et faire naître de belles histoires d’amour.
C’est ainsi que Solange fait la connaissance d’un régisseur qui travaille dans un château à quinze kilomètres de cette grande ville. Elle reste cependant toujours très troublée par le regard du Châtelain Armand, propriétaire de cette belle demeure. Il vient de se marier à une femme de son rang et pour qui, visiblement, les sentiments sont loin d’être chaleureux.
Solange est très amoureuse de son beau régisseur Joseph, élégant, souriant. Le mariage a lieu à l’automne 1912.
Ce château Dubois, construit en 1770, fut acquis par un armateur nantais qui possède des sucreries. La famille d’Armand, industriel dans le commerce du bois, en fait l’acquisition en 1833.
Solange et Joseph habitent dans le manoir à côté du château. Une servante, mise à disposition, s’affaire à la cuisine et les tâches quotidiennes du ménage. Ainsi, sa grand-mère continue à inventer des modèles, puis coudre pour les personnes nobles des environs. C’est une personne douce, plutôt réservée et joyeuse.
En 1914, elle attend son premier enfant. C’est un moment de grand bonheur qui fait la fierté de son régisseur.
Et voilà que le glas de la guerre sonne. En bon patriote, Joseph s’en va, laissant sa femme en larmes avec un ventre déjà bien rond.
Deux mois après, elle reçoit une missive : décès de Joseph, mort au combat, de façon tout à fait héroïque.
Elle met au monde début 1915, une petite fille au prénom de Jeanne.
Très entourée par Armand qui devient le tuteur de Jeanne, la vie s’organise dans un contexte de guerre, certes, mais qui affecte peu leur quotidien. Petit à petit, la vie reprend son souffle et Jeanne fait l’admiration de tous.
La solitude pèse à Solange et l’attention d’Armand rend son quotidien plus doux et harmonieux.
En novembre 1924 s’éternise un hiver éminemment rude.
Jeanne, déjà huit ans, agréable et studieuse, vit confortablement près de sa Maman.
Quand les devoirs sont terminés, elle l’aide à la couture, ou plutôt elle s’amuse avec les fils de couleurs plus ou moins brillantes, entreprend la confection d’habits pour ses poupées. Avec les restes de feutrines et dentelles, elle fabrique de petits chapeaux.
Ce jour-là, Solange remarque des signes de fébrilité, manque d’appétit. Elle associe cette fatigue passagère à ce début de saison particulièrement froid.
Le lendemain matin, Jeanne se plaint de maux de tête. La fièvre est à 39° avec des douleurs dans le dos et les jambes. Solange fait appeler le médecin qui arrivera dans l’après-midi.
— Écoute-moi, Solange, je ne veux pas t’alarmer, mais il y a plusieurs cas de typhoïde dans la région.
Nous allons la traiter rapidement. Demande à Armand s’il peut avoir des médicaments par ta sœur pharmacienne.
Au niveau de l’alimentation, évite le cru. Privilégie des aliments simples à digérer.
Fais bouillir l’eau et donne-lui tiède.
Sitôt dit, sitôt fait.
Armand arrive le soir avec un traitement et des recommandations de sa sœur Marie qui lui écrit une conduite à tenir : « Au-delà du traitement médical, ramasse des escargots. Mets-les dans un récipient avec un peu de sel et récolte la bave. Verse cette mousse obtenue dans un contenant afin qu’elle se liquéfie. Lorsque tu vois un peu de bave liquide, tamise avec un autre récipient. De cette récolte, Jeanne doit en prendre, trois fois par jour, une cuillérée à soupe. Recommence cette opération tous les jours. »
Armand lui donne trois bouteilles de champagne avec un sourire malicieux.
— Jeanne mérite le meilleur. Mon ami médecin l’utilise à l’hôpital pour des patients aisés.
Selon le corps médical, nous pouvons l’employer pour presque tous les petits maux de l’existence. Il maintient l’amélioration de l’état général, le traitement des fièvres et les différents organes, notamment le digestif…
L’emploi du champagne, lorsqu’il le faut, redonne des forces à une personne affaiblie. Il est bien le breuvage idéal pour les opérés et les convalescents.
Alors un petit verre à liqueur trois fois par jour.
Et de rajouter :
— Une petite flûte nous aidera à guérir, dans la joie, notre petite Jeanne.
— Merci, Armand, je me sens confiante et rassurée.
Avec malice, elle attrape son chapeau, puis tout sourire, le retire en effectuant une petite courbette.
Une semaine après, notre Jeanne va mieux. Une convalescence de trois semaines la guérira complètement de cette maladie ; fléau pour cette époque.
Un hommage à l’escargot :
Il est joli, mignonnet, facile à prendre sur sa main.
Partout dans la nature, il se balade, sûr de lui, même dans les jardins où il se régale de salades. Il est original avec son pied musclé, sa coquille de naissance, petite et molle, qui se consolide avec patience et persévérance. Il la porte sur son dos comme la tortue. En cas de danger, c’est son refuge.
La vie reprend son rythme, tout en tendresse. Les années passent pour laisser place à une belle jeune fille.
Armand, qui a aussi une entreprise de bois à Nantes, se préoccupe de l’avenir de Jeanne.
— Pensons-y, Solange. Belle, intelligente et très volontaire, mon intuition me pousse à croire, une élève très douée.
— Que penses-tu d’une inscription à l’école de Saint-Félicien ? Je prendrai tout en charge.
Solange, toujours en admiration, éprouve à son contact un sentiment de joie et d’épanouissement. Cette belle complicité est digne et respectueuse. De ces moments agréables, leurs regards croisés, doux, se perdent dans un flot de pensées imaginaires.
— Armand, je me sens redevable.
— Ne t’inquiète pas, l’argent est un moyen que je veux partager avec mes plus proches. L’avarice est pour moi immorale et m’éloigne de la candeur.
Elle sourit :
— Je peux t’offrir un nouveau costume ?
— Et le chapeau que je porterai ajoutera une touche personnelle à ma tenue en fonction de mon humeur, qu’il pleuve ou qu’il fasse soleil, tout en couvrant avec élégance et distinction ma petite tête.
Ainsi, Jeanne se retrouve sur les bancs de la meilleure école de Nantes en pension.
Elle travaille avec beaucoup d’assiduité, apprend toutes les bonnes manières et obtient son bac en 1935.
« Je serai institutrice », dit-elle à tous ceux qui veulent l’entendre !
Ses vacances s’écoulent au château Dubois. Elle s’éternise dans la propriété, à marcher ou assise sur un banc, perdue dans ses lectures.
Entourée de jeunes gens de belles familles, Jeanne se montre secrète. Elle converse très souvent avec le jardinier, car sa culture pour les fleurs et les plantes se confirme.
Solange regarde sa fille grandir.
Avec Armand, il prépare sa liste de prétendants et son avenir de femme. Elle est donc invitée, à des déjeuners, dans des familles nobles de la région. Ils espèrent le meilleur parti pour elle.
Solange, toujours de nature soucieuse, constate que sa fille reste quasi indifférente aux fiancés qu’on lui propose.
Elle a déjà compris que ses sentiments vont naturellement pour ce jardinier Ambroise.
« Que faire, que faire ? » pense-t-elle.
« Je veux le bien pour ma fille… Je ne me sens pas la force de résister à ses désirs. Laissons passer un peu de temps. »
Elle chemine tranquillement vers ses vingt et un ans.
La religion bénéficie d’une place prépondérante. Des séjours à Lourdes s’organisent régulièrement, plus spécialement au moment du rosaire, en octobre.
Parfois, l’évasion spirituelle a du bon, ou pas, selon la place occupée dans l’album de famille.
Soit la vie leur offre un choix singulier, ou bien les ordres religieux assurent le continuum intergénérationnel.
Cette année, Ambroise et Jeanne se croisent dans un univers différent. Mille étincelles brillent dans leurs yeux.
Son père entre deux rosaires tombe follement amoureux de cette belle jeune fille de caractère, intelligente, bien éduquée et lui déclare sa flamme.
Deux mondes qui ne doivent jamais se croiser ! Alors il en faut du courage et de la patiente.
— Je veux me marier avec toi Jeanne.
— Je le veux moi aussi. Je parlerai à ma mère au retour de ce merveilleux voyage.
Les choses se passent ainsi.
Entourées de plusieurs précautions, pour s’assurer de cet amour durable l’un envers l’autre, des rencontres régulières avec un chaperon1 s’organisent. Par différents moyens, cette brave dame essaie de dissuader, voire de dissoudre cette union.
Mais en vain, le mariage est célébré en 1937.
Armand, bon et généreux, offre la dot : une maison confortable dans le bourg et des terrains pas loin du château pour qu’Ambroise puisse continuer à cultiver la terre.
Ce couple s’organise et mutualise en bonne intelligence leurs moyens.
Jeanne, instruite, partage son savoir et sa passion pour l’apprentissage avec ses élèves.
Ambroise, quant à lui, déploie son savoir-faire dans le milieu agricole, mettant en pratique ses connaissances pour cultiver la terre.
Naturellement, Solange désire rester proche de sa fille pour l’aider dans ses tâches quotidiennes.
Ainsi, elle remplit son nouvel espace privatif, joliment égayé par ses mannequins, chapeaux et patrons, à l’intérieur de cette maison.
Pendant ce temps, Armand poursuit son existence entre son travail et le château.
La maison du régisseur reste vide et les souvenirs semblent imprégner chaque recoin.
Son petit chapeau reste accroché au porte-manteau de l’entrée.
L’arrivée des enfants de Jeanne et Ambroise apporte une animation bienvenue, et le travail ne manque pas.
La maison résonne désormais de rires d’enfants et de mouvements joyeux.
Dans sa petite pièce, à ses heures perdues, Solange continue de coudre avec passion, s’investissant dans ses créations avec encore plus d’ardeur.
Chaque point de couture est un acte d’amour, chaque modèle inventé est une expression de sa créativité débordante.
C’est là, dans cet espace intime, qu’elle trouve un refuge, un endroit où elle peut laisser libre cours à son imagination et à son talent et d’inventer de nouveaux modèles de robes et de chapeaux…
Un certain mois de mai, la mère de Marguerite disparaît soudainement, la laissant dans un état d’angoisse palpable. Perdue et inquiète, elle cherche des explications, tournoyant autour de la table en quête de réponses qui ne viennent pas. Les jours passent sans signe de sa mère, laissant un vide douloureux dans la maison. Une semaine plus tard, elle réapparaît ; son retour aussi mystérieux que sa disparition. Aucune explication ne fut donnée, mais la lourdeur du silence en disait long. Le bébé qu’elle portait n’a pas survécu.
Certaines photos capturent des moments de bonheur : le mariage de Maggy. Elle porte une robe de princesse. Moment éphémère, son cavalier la déteste déjà. Il n'aime pas la contrainte. Finalement, il l'a mordue avant même la fin du repas, premier signe d'un amour vache !
Six ans, un cartable, une blouse, direction l’école privée du village, petite fille sage, elle apprend très vite. Sœur Camille est douce et adorable. Elle fait partie des six élèves déjà très douées. Sa meilleure petite copine se nomme Marie-Reine. Elle joue, elle rit et croise sa mère, institutrice, qui effectue des remplacements. Quelques fois après les cours, elle l’attend dans la salle à manger des religieuses. Elle a droit à une tartine de confiture. C’est agréable.
Comme tout le monde, elle fait sa première communion2. Sa grand-mère lui confectionne une jolie petite robe blanche. Elle est admirée.
Le quotidien dans sa famille est simple avec des règles précises :
Ne jamais être là au moment où l’autre passe, car il va clarifier la situation :
« Tu ne vois pas que tu déranges ! », « Tu peux te pousser ! », « Tu gênes ! »
On doit vouvoyer grand-mère, père et mère.
La prière se déroule tous les jours devant la cheminée.
Si, elle prononce un mot, aussitôt la réflexion arrive : « Tu ne peux pas te taire, tu ne sais pas ce que tu dis ! », « T’es trop p’tite ! »
Gare à vous, cela lui procure de la force et du tempérament.
Elle s’invente un petit monde de rêve beaucoup plus sympathique.
Dans le silence, à l’abri des regards : « Il est beau ce cavalier sur son cheval, il lui sourit, la tranquillise. »
Heureusement, personne ne peut lire ni voir l’intérieur de son cerveau : Une vraie usine, pleine de neurones, avec des ateliers de mémoire, des photos rangées dans des tiroirs portant un nom spécifique.
Un ordinateur top secret !