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Ancien des forces spéciales, Bellini se voit rétrogradé au poste de commissaire des affaires non élucidées après une mission controversée. Accompagné de son adjoint Ravel et de Berlioz, un chien fantasque, il se retrouve coincé à Montricourd, une ville de province envahie par les eaux et isolée du reste du monde. Alors que la tempête fait rage, quel mystère se cache derrière cette commune submergée ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une carrière dans le transport aérien,
Jean-Pierre Schickele découvre une passion pour le roman d’action et la poésie. Son premier livre, publié à compte d’auteur, reçoit un accueil chaleureux de la part de ses proches et amis, ce qui l’encourage à poursuivre cette voie.
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Seitenzahl: 289
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Jean-Pierre Schickele
Bellini fait de l’impro
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean-Pierre Schickele
ISBN : 979-10-422-4054-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le Minotaure, autoédition, 2016.
Zack, autoédition, 2021.
Ceci est une œuvre de fiction. Les personnages et les situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnages ou des événements existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.
Je vous invite à vous laisser porter
sans restriction par l’histoire.
Laissez votre imagination s’éveiller sans chercher la moindre once de vérité en ces écrits imaginés par un esprit à surveiller.
Je vous souhaite une bonne lecture !
Définition du dictionnaire de français Larousse : technique théâtrale visant à faire exécuter par l’acteur quelque chose d’imprévu.
Pour ceux qui auraient quelque chose à ajouter, vous avez ci-dessous la place pour compléter.
Mon adjoint Ravel, son chien et moi étions arrivés en fin de matinée à Montricourd. Le voyage avait été laborieux en raison des routes escarpées que dessinait le paysage et principalement des ruissellements descendant des hauteurs, entraînant des chutes de pierres sur la chaussée. Les fortes précipitations à venir risquaient de remettre en question nos conditions de déplacement. Ces éboulis ne présageaient rien de bon.
Je m’étais arrêté pour faire le plein de carburant avec la ferme intention de dégager promptement afin de rejoindre notre destination. Ce détour imprévu nous avait fait perdre assez de temps, sans avoir encore à en ajouter. Des dizaines de véhicules faisaient la queue. On se serait cru un jour de départ en vacances qui aurait pris dans le cas présent un air d’exode.
Le plein était fait. C’était l’essentiel. Nous avions à peine parcouru cinq cents mètres sur la route menant vers l’autre versant que nous étions tombéssur un barrage des forces de l’ordre. Un gendarme perché sur un monticule, armé d’un mégaphone, filtrait l’accès pendant que d’autres guidaient le flot des arrivants vers des lieux de regroupement sécurisés.
— Il ne manquait plus que ça !
Au loin, des bruits assourdissants emplissaient l’espace. Je dégageai mon véhicule et je me garai au mieux pour ne pas bloquer la circulation. Carte officielle en main, je m’adressai au premier passant, ou devrais-je dire passante, pour m’informer.
À la vue de ma carte, le visage de la dame s’était éclairé. Nous étions pris en main.
— Bonjour, messieurs. Suivez-moi !
Une explosion retentit.
— Des détonations !
— Nous faisons sauter des rochers. Nous les utilisons afin de renforcer les barrières naturelles, là où nous pouvons encore le faire.
— Vous ne craignez pas de fragiliser la montagne ?
— Ce sont des parties instables donc dangereuses qu’il nous faut retirer. Nous tentons d’éviter le pire. On termine d’évacuer tous les habitants de la vallée vers les villes voisines sécurisées. Quant à celles et ceux qui refusent de quitter Montricourd, nous les hébergeons dans le gymnase sur les hauteurs. Je ne prends aucun risque. Le village de Borg en amont a été submergé. Cinquante personnes sont portées disparues. Les derniers contrefortsde ce village sont l’ultime rempart avant que l’eau ne se déverse et emporte tout. Imaginez la puissance de l’impact ! Un tel choc équivaudrait à la rupture d’un ouvrage similaire à un barrage. J’ai de quoi m’inquiéter pour ma ville et de quoi m’occuper pour éviter une telle catastrophe. Je vous prie de m’excuser, je parle, je parle ! Je me présente : Jane Brochard, maire de la ville. Venez ! nous allons à la mairie où nous avons installé notre PC de crise. « Bienvenue à Montricourd ! »
— Ma voiture est garée…
— Elle reste là ! Nous avons bien assez de véhicules en circulation. Elle ne craint rien pour l’instant. Une bonne marche n’a jamais fait de mal à personne.
— Si vous le dites !
Il pleuvait depuis quinze jours. Protégés par nos parapluies, nous marchions à grands pas. Montricourd était située dans une zone accidentée où la météo était toujours au beau fixe, hormis quelques rares jours dans l’année. Nous étions en plein dedans. À en croire la dame, nous nous trouvions dans le plus bel endroit du pays. Quand on vous dit « du pays », autant dire du monde, enfin presque. Aujourd’hui le ciel n’était pas gris, il était d’encre, d’une noirceur à vous déprimer.
L’orage se fracassait dans la vallée, renvoyant son écho sur les contreforts des versants montagneux. Je suivais du regard les impacts sonores, comme l’on suit la course des boules de billard sur le tapis vert. La région était championne des cours d’eau, des rivières paisibles et paresseuses, sauf que depuis quelques jours ces dernières sortaient de leur lit et convergeaient au point de former des torrents dévastateurs.
— En bas vous avez la partie industrielle. Dans les années passées, on a bâti dans l’urgence sans s’embarrasser des risques qui n’arrivent qu’une fois tous les cent ans.
— La zone était déjà habitée ?
— Avant ? il n’y avait que de la caillasse. Le Rigoulo serpentait discrètement entre les rochers. Il n’y avait presque pas de végétation. Le sol était aride. Dans les années 70, l’urbanisation sauvage a changé la donne. Les appétits de certains ont eu tôt fait de marginaliser, de ringardiser ceux qui détenaient la connaissance de notre environnement. La sagesse de nos pères n’était qu’un souvenir. Quand tout sera terminé, du moins je l’espère, il faudra faire preuve d’imagination, de créativité, de persévérance, et surtout mobiliser des moyens financiers pour réaménager la vallée. Peut-être la seule solution sera-t-elle de lui rendre son aspect d’antan, néanmoins, qui dit moins d’industrie, dit plus de chômage. Le dilemme.
La ville laborieuse était comme une plaie bâtie sur deux rives séparées par le Rigoulo que l’on traversait à pied l’été. La rive gauche était constituée d’entrepôts de logistique, d’industries du bois. La rive droite, en contrebas, était flanquée d’une disgracieuse cité-dortoir baignant à présent sous plusieurs mètres d’eau. Quel contraste avec la ville ancienne et touristique des hauteurs ! J’y avais déjà séjourné. Le centre-ville était magnifique avec ses places, ses arcades, ses rues médiévales, ses résidences, son théâtre. L’été s’y déroulaient des festivals, attirant les touristes, au cœur d’une ancienne arène romaine. Les fauconniers faisaient la démonstration de leur art devant un public fasciné. Son marché était réputé et avait été plusieurs fois primé. La ville historique s’étalait sur des kilomètres avec ses larges terrasses où se côtoyaient le passé et un urbanisme moderne, respectueux de l’environnement et du patrimoine. L’association des deux avait été audacieuse. On ne distinguait aucun câble électrique ni conduit disgracieux, tout était dissimulé. La ville recyclait tout. Elle était autonome en énergie, du moins elle l’était avant que des tonnes de rochers s’écrasent sur le terrain en réduisant à néant tous les efforts de la fierté locale. Il y en avait pour des mois de travaux.
— Nous sommes aux premières loges pour les catastrophes naturelles. Je ne compte plus les feux de forêt. Nous avons un talon d’Achille. Il est de taille. Hormis la partie troglodyte, toutes nos belles demeures ont été érigées sur d’anciens souterrains datant de l’époque romaine, d’où les éventuels risques d’effondrement. Le sous-sol primitif a servi à ériger des arènes, des ponts, des bâtiments divers, ici et en d’autres lieux. Bien plus tard, pendant les guerres de religion, nos ancêtres ont pris possession de la montagne. Ils s’y sont réfugiés durant de nombreuses générations avant de se réapproprier les terres. La ville a prospéré en harmonie avec son environnement et ses voisins durant des siècles, puis l’on a bâti.
La ville se situait au-dessus d’une véritable bombe à retardement. L’eau ne demandait qu’à s’engouffrer. C’était l’eau du Rigoulo. Quel nom à la con !
— Nous avons à gérer les égarements du passé. Nous disposons d’un plan local d’urgence particulièrement adapté à notre situation. Tout est prévu pour, le cas échéant, évacuer la population.
— Aviez-vous déjà réalisé ce genre d’exercice ?
— Nous en avons effectué régulièrement.
— Vous devriez organiser des processions pour conjurer le mauvais sort ou implorer les dieux locaux. Il paraît que c’est à la mode.
— Vous ne croyez pas si bien dire.
On ressortait d’antiques objets sacrés dans les campagnes. Des cortèges de foules désespérées défilaient, baladant sur leur dos de pèlerins les reliques du patelin. À quand les flagellations, les apparitions ? L’inquiétude s’emparait des petites gens.
La déconnexion avec les grandes villes était patente. Les vieilles croyances ressurgissaient. Toute catastrophe émanait pour certains de la colère divine.
— D’ici que M. le curé vous propose ce genre de manifestation pour apaiser le Rigoulo, il n’y a pas loin. Que ferez-vous ?
— Je ne l’imagine pas.
Le Rigoulo. C’était comme un nom de clown. C’était surtout comme un ballon de baudruche. On s’émerveille, il éclate, le malheur apparaît entre deux rires, habillé de larmes et de laideur. Je n’ai jamais aimé les clowns. Leur sourire m’a toujours semblé cacher de la perversité, de la souffrance. Quand j’étais enfant, je rêvais de les faire entrer dans la cage aux fauves. J’aurais aimé savoir si leurs facéties pouvaient amuser les gros matous.
— En laissant se noyer la vallée, vous préservez les hauteurs.
— Je n’ai eu aucune autre alternative. La nature nous a imposé son diktat.
— Vous devriez quitter la ville une bonne fois pour toutes. Laissez votre Rigoulo à ses sautes d’humeur !
— La solution serait radicale. Notre ancrage est ici et nulle part ailleurs. Il y a des lieux où les risques sont plus présents. Où voulez-vous que nous allions ? Ici nous sommes chez nous. On s’adaptera, comme on l’a toujours fait. C’est le propre de l’être humain. Les grandes villes sont des territoires primitifs plus dangereux que nos montagnes.
— Cette obstination vous met en danger.
— Vous voyez les choses d’un mauvais œil. Je suppose que vous êtes de la ville ?
— Exactement. Le matin, je descends prendre mon café, je papote avec tout le monde, je consulte les news, mes mails, et éventuellement je prends quelques fleurs que je rapporte à ma mère, enfin quand je ne suis pas en déplacement. Mon environnement n’est pas assujetti aux caprices des saisons. J’ai tout ce dont j’ai besoin à portée de main.
Son regard se posa sur mon ventre.
— Je vous envie. Continuez, vous êtes parfait. Vous avez les rats, la pollution, la délinquance, les épidémies, vos habitations sont sans humanité, vous donnez des leçons aux autres tout en logeant à votre âge chez maman… Tout un programme !
Je dois avouer que j’avais poussé le bouchon un peu loin. Je venais de donner de moi une image pathétique. Je ne pouvais pas avoir été plus maladroit, plus mal élevé. J’étais vidé nerveusement. En attendant, accompagné de mes deux boulets, je suivais par entêtement cette dame au pas de charge, sans trop comprendre le sens de son invitation. Elle avait un débit verbal impressionnant. En cinq minutes, elle nous avait brossé un résumé complet de la situation, curieusement paré d’un séduisant accent anglais. J’étais déjà sous son charme.
J’en avais plein les jambes. La côte était dure. Je n’en voyais pas le bout. Je manquais sérieusement d’exercice. Je devais me reprendre en main. Mon parapluie s’envola. Je le regardai finir sa course dans un arbre.
— Nous arrivons !
— Vous avez un accent charmant.
— Merci, je le tiens de ma mère. Je suis née à Montricourd, par contre j’ai passé toute ma jeunesse à Inverness dans les Highlands. Mes parents, trop occupés, m’avaient envoyée parfaire mon éducation chez une tante. Encore un effort, messieurs. Nous y sommes !
Je soufflais comme un bœuf. Le bâtiment de la mairie était somptueux. Je le trouvais encore plus beau qu’à ma première visite. Quel éclat ! Nous étions face à une merveille creusée dans la pierre au cœur d’une nature hostile. De telles habitations étaient nombreuses, toutes drapées d’une végétation abondante et colorée. Sur le perron de la mairie, notre représentante de l’autorité locale se retrouva assaillie par une nuée de parapluies en colère. Je décidai de m’éloigner.
— Ravel, mettons-nous à l’abri sous ce porche. Surtout, on reste à l’écart.
— Dites, commissaire, sommes-nous obligés de suivre cette dame ?
Je suivais la dame comme Ravel avait suivi l’intuition de son toutou : « bêtement ». J’étais comme séduit. Je l’observais. Elle était telles les femmes d’Italie fières et gracieuses, au caractère bien affirmé.
— Commissaire, commissaire !
— Je ne suis pas sourd.
— On fait quoi ?
Là était la question. Je regardais à distance l’agitation autour de Mme le maire. Elle maîtrisait. Elle nous repéra très vite, nous désigna d’un geste. Poliment, j’adressai un coucou de la main, le chien leva la patte, et Ravel les yeux au ciel. La troupe des parapluies se tourna vers nous et repartit en nous adressant des au revoir souriants. Je m’interrogeai. Cela ressemblait à des signes d’encouragement. Un doute m’envahit subitement. Il ne nous restait qu’à rejoindre Mme Brochard. L’inspecteur Ravel, désespéré, me regardait fixement, tel un gosse tirant la manche de son père, désirant rentrer chez lui.
— Commissaire, on fait quoi ?
— Il faut rester poli, on échange autour d’un café et ciao ! De toutes les façons, il nous faudra attendre que l’évacuation soit bien engagée avant de pouvoir quitter ce lieu. Si vous avez une idée, je prends. Toutefois, vu votre imagination, je reste dubitatif quant aux résultats.
Après avoir emprunté un grand escalier de pierre, nous nous retrouvâmes dans une salle – ou devrais-je dire une cavité – aux proportions hors norme ! Tout était d’époque. Des boiseries calfeutraient la pièce tel un écrin, des lustres aux pampilles de cristal imposaient leur force. Le parquet en chêne massif accompagnait de légers craquements nos premiers pas hésitants. J’étais subjugué par le lieu. Je me demandais quel était ce singulier personnage ayant pu enrichir la roche de si belles parures. Un frisson me parcourut le corps.
— Il fait toujours aussi froid chez vous ?
— Pourquoi croyez-vous que nous ayons demandé votre aide ? J’attends avec impatience vos groupes électrogènes, accumulateurs, et toute l’aide de la sécurité civile. Qu’en est-il ?
Voilà ! Je venais de comprendre. C’était un malentendu.
— Pardon ?
Elle fronça les sourcils, pencha légèrement la tête en arrière. Nous étions en pleine méprise. Je me remémorai les sourires des porteurs de parapluie. Ben voyons. Nous étions malgré nous des faiseurs de miracles, tel Moïse devant la mer Rouge. Le seul bémol, nous n’étions que deux types et un chien égaré sur des terres hostiles. La chute allait être rude.
— Vous n’avez pas bien regardé ma carte, madame. Je suis commissaire, commissaire Cesare Bellini. Le monsieur avec l’air ailleurs est l’inspecteur Ravel, des stupéfiants, avec son chien Berlioz au nez fouineur. Ils sont inséparables pour se faire un délire. Du coup, je ne vois pas en quoi je peux vous aider ni à quoi vous faites allusion.
— Pardon ! En d’autres lieux et contextes, j’aurais trouvé votre association de patronymes amusante, là… Vous pouvez vous appeler comme bon vous semble, je m’en fous, monsieur Rossini.
— Bellini, madame, mon nom est Bellini.
— J’ai besoin d’aide pour sortir la ville de ce chaos.
Elle ne manquait pas d’humour. Je reformulai. La méprise, la déception furent de taille. Nous n’étions pas les bons interlocuteurs, elle était désespérée.
— Alors, que faites-vous là ?
— Il faut poser la question au chien !
Elle me regarda comme on observe un grand imbécile. Elle s’arrêta face à une ouverture donnant sur la rue. Elle scruta le ciel quelques secondes, prit une grande bouffée d’air avant de saisir son portable d’une main ferme. Elle était tellement sous pression qu’elle dut s’y reprendre à trois fois pour composer le numéro. Les sonneries se succédèrent sans réponse avant que…
— Monsieur le préfet, où est l’aide que je vous ai demandée ? J’ai besoin de votre soutien, la situation devient ingérable. Nous courons à la catastrophe.
Je ne voyais que son dos et sa tête baissée. Les doigts de sa main droite tapotaient sur le chambranle de la fenêtre. Elle n’était pas près de recevoir ce qu’elle attendait. D’autres communes étaient à première vue prioritaires, assurément privilégiées, selon elle. Le territoire avait subi les affres de l’été avec ses évacuations d’urgence à répétition dues aux feux. Le monde avait changé. Il fallait à présent économiser, préserver les biens naturels, faire table rase de besoins, d’habitudes qui nous paraissaient encore hier indispensables. Face aux multiples contraintes, le repli sur soi était manifeste. Chaque ville, chaque village refusait de partager les efforts. Nous étions dans le chacun pour soi. Les plus malins, les plus forts s’accaparaient l’aide, les secours, au détriment des autres. Notre société se liquéfiait.
— Monsieur le préfet, répondez-moi !
Pendant qu’elle poursuivait une conversation devenue de plus en plus tendue avec son interlocuteur, je m’étais approché de son bureau. J’avais laissé glisser mes doigts instinctivement sur différents dossiers. Ils s’étalaient devant moi à feuilles ouvertes. C’était trop tentant. On y trouvait le plan d’urgence, un schéma d’évacuation, une liste des besoins qu’elle avait transmis à la préfecture, les heures de rationnement de l’eau, un dossier au nom de « Casino », une invitation à une représentation théâtrale datant de six mois, avec un mot très tendre signé « Matthias », des dossiers grands ouverts. Ce désordre me perturbait. Il en troublait un autre. Berlioz se mit à tourner. Que cherchait-il ? Il s’arrêta net sur un coin du bureau. Il grogna puis il déposa sa truffe pleine de bave sur une enveloppe. Pendant que Ravel félicitait son toutou, j’avais pris la chose gluante délicatement avant que le clébard ne me l’arrache des mains.
— Il est con, ce clebs. Qui a dressé ce chien ?
— Quand on me l’a affecté, il était déjà dressé.
— S’il me bouffe la main, c’est normal ?
— Parfois, il disjoncte.
— Merci de me prévenir !
J’ouvris ce qui me semblait être l’objet d’un délit. Mme Brochard se retourna à l’instant où je prenais connaissance du contenu.
— Faites comme chez vous !
— Désolé, déformation professionnelle.
— De quel droit ouvrez-vous mon courrier ?
— Vous recevez souvent ce genre de mot doux ?
Elle m’arracha la feuille des mains.
— Donnez-moi ce courrier !
Elle lut les quelques lignes.
Au loin, les détonations se succédaient.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Des explosions, madame. Je suppose.
— Je veux dire ce torchon.
— Tout dépend de la perception que vous avez des choses. Soit un ultimatum, soit l’œuvre d’un admirateur vous invitant à démissionner. À votre avis ? Avez-vous déjà reçu des menaces ? Votre bureau est-il toujours dans un tel état ?
À cet instant, elle se figea. Elle cherchait quelque chose sur le bureau. Elle tendit la main avant de se raviser.
— On a fouillé dans mes affaires !
— Il vous manque quelque chose ?
— Je ne sais pas. Je ne crois pas.
Le vol était évident. J’allais laisser à d’autres le soin de régler la question.
— Ne touchez à rien, surtout ! Je me suis permis d’ouvrir votre courrier parce que le chien a reniflé des traces de stupéfiants sur cette enveloppe. On en trouve aussi sur le coin de table. Avez-vous l’habitude de…
— Vous me prenez pour qui ?
Le téléphone de la dame vibra. C’était la gendarmerie. À observer son visage, ce n’était pas bon signe.
— Vous êtes sûr ? Vous vous rendez compte de ce que vous me dites ?!
Quelques minutes s’écoulèrent dans un silence pesant. Elle rappela le préfet. Elle s’éloigna. La discussion devenait presque apaisée, pourtant quelque chose clochait. Elle faisait les cent pas, tête baissée. Elle s’arrêta, balayant machinalement de son pied le parquet.
— J’en avise immédiatement le conseil municipal et les habitants qui sont restés. Merci beaucoup, monsieur le préfet, et désolée pour tout à l’heure. Je vous informerai au fur et à mesure des événements.
Je m’apprêtai à prendre congé quand Mme le maire me fit signe d’attendre. Une fois la conversation terminée, elle jeta son téléphone sur un siège. Elle s’assit dans un fauteuil et posa ses pieds sur le bureau. Elle me regarda comme un chenapan prêt à vous faire une bonne blague.
— Je crois que nous allons avoir le loisir de mieux nous connaître, monsieur le commissaire. Le pont nous reliant à la vallée vient de s’effondrer ; quant au deuxième menant sur l’autre versant, un glissement de terrain le rend provisoirement impraticable. Espérons que le tablier tienne sous la charge et que nous ne subissions pas d’autre catastrophe. Heureusement il n’y a pas de blessé. Nous sommes coupés du monde, que ce soit par la vallée ou par le col. Les événements étant ce qu’ils sont, le préfet m’envoie enfin l’aide promise. Je vais essayer d’évacuer tous ceux qui sont bloqués sur la route. La gendarmerie s’emploie à les rassembler dans le stade. Voilà, c’est la seule information positive du jour si j’ose dire. La gendarmerie et la caserne des pompiers sont basées chez nous, encore faut-il que tous nos gars soient du bon côté de la rive. Je vous laisse, commissaire, j’ai quelques coups de téléphone à passer avant la réunion dans deux heures, si vous voulez bien m’y rejoindre, vous serez le bienvenu.
— Votre histoire de pont, c’est pour me taquiner ?
— Votre histoire de drogue, c’est pour me taquiner, commissaire ?
Elle nous pria de sortir.
Nous étions bloqués à Montricourd ! Ravel me regarda en secouant la tête.
— Je peux vous poser une question, commissaire ?
— Surtout pas !
Je ne comptais pas rester dans ce coin. Il me fallait trouver une solution. Mon ventre gargouillait. Face à la mairie, il y avait un restaurant. J’envoyai l’inspecteur en éclaireur s’assurer qu’il était ouvert.
— Commandez-moi si possible quelque chose de consistant. Je vous rejoins.
J’enrageais d’avoir suivi cette femme. Pour l’instant, je devais récupérer ma voiture. Je fis péniblement le chemin qu’il me restait à parcourir sous une pluie battante et glaciale. Les ruelles étaient de vrais pièges à touristes, je faillis m’y égarer en voulant emprunter un raccourci, idée qui aurait pu m’être fatale si je n’avais rencontré un policier municipal. Celui-ci m’avait agrippé fermement le bras au moment où le sol se dérobait sous mes pas.
— Vous l’avez échappé belle. Vous n’avez pas vu le panneau ?
— Désolé, j’allais juste récupérer mon véhicule. Sans vous, j’y passais. Je vous remercie.
Après les civilités d’usage, l’homme m’accompagna jusqu’à ma voiture. Celle-ci était toujours là. L’eau commençait à monter à mi-hauteur des pneus. Il ne fallait pas traîner. Des dizaines de véhicules étaient abandonnés sur le bas-côté. Je fixai le gyrophare sur le toit et je roulai lentement. Il fallait rester prudent, la route était dégradée. La perte du pont avait créé un mouvement de foule contraire. C’était dantesque, les autorités s’activaient au mieux à canaliser les flux. Seuls les véhicules prioritaires pouvaient circuler. Le périple achevé, j’arrivai enfin sur le parking de la mairie. Celui-ci étant complet, je me garai sur la seule place disponible « Mme Brochard, maire » avant de retrouver l’inspecteur au restaurant Les Deux Ponts.
On me déposa une belle assiette au comptoir. Ravel entamait un dessert. La serveuse semblait débordée.
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, voyez avec la patronne. Nous avons été réquisitionnés. Je dois aller livrer des repas pour les sinistrés. Je vous préviens, elle n’est pas d’humeur. Elle s’inquiète pour la facture.
— Pas très généreuse, votre patronne.
— Vous pouvez le dire. Pas de soucis pour elle, la note sera salée pour la ville. Elle fera son beurre sur la détresse des autres, quelle tristesse ! Le grand-père faisait déjà du trafic en son temps.
— Il n’a jamais été inquiété ?
— Un malin, le vieux. Il savait en jouer. Bon appétit !
L’inspecteur Ravel regardait son chien.
— Problème, inspecteur ?
— Qu’est-ce qu’on fout dans ce bled, commissaire ?
En effet, nous n’avions aucune raison de nous trouver là, car nous étions attendus ailleurs, sauf que Berlioz avait eu une intuition, une sorte de prémonition que Ravel avait décelée en observant l’attitude du malinois, ce qui nous avait conduits à effectuer ce crochet sur Montricourd. Ce genre de tocade lui arrivait depuis qu’il avait fait l’acquisition de ce chien. J’avais déjà un fil à la patte avec l’inspecteur, on m’en avait collé un deuxième de taille. Je n’arrêtais pas d’éternuer. J’avais les yeux explosés. Allergie, selon le pharmacien.
— Il nous suggère quoi, Berlioz, pour sortir d’ici ? Atchoum !
Ravel avala son café. Il regardait son chien en espérant sans doute trouver la solution dans ses yeux vairons. Ce dernier posa sa patte humide sur sa jambe en témoignage de compassion.
— Je vais les appeler, commissaire.
Nous étions attendus à l’école des inspecteurs de police, située à 100 kilomètres d’ici, pour participer à leur séminaire annuel. Le chien en était la vedette mais ce dernier nous avait infligé son caprice.
— Contactez le directeur de l’école. Il va immanquablement vous féliciter. Moi, je m’en lave les mains. Expliquez-lui bien la raison de notre retard. Comme je compte déjeuner au calme, vous l’appellerez dehors. Profitez-en pour sortir Berlioz. Il a une envie pressante, et nourrissez-le avant qu’il ne vous dévore un mollet.
J’y étais allé fort avec Ravel. J’étais vraiment de mauvaise foi, car, étant son supérieur, le seul responsable de la situation, c’était moi. Je regardai Ravel marchant de long en large, téléphone à la main, pendant que le chien se soulageait sur un réverbère. Retour de l’équipage. Ravel était penaud. Il était du style lèche-bottes. Il était très contrarié. Ce type ne me disait rien de bon. Il sentait le fils à papa pistonné qu’il fallait caser, style cas désespéré. Je regardai Berlioz. Il se léchait. Il était heureux d’avoir pu se soulager. Il cherchait une gamelle.
— Ravel !
— Hein ?
— Le chien, il a soif, il a faim. Est-ce dans vos cordes de prendre soin de lui ?
— Oui !
Ravel restait collé à son siège.
— Vous attendez quoi ? Que l’écuelle vienne à vous ?
Je fermai quelques secondes les yeux. Nous n’étions pas près de rentrer. Dehors l’agitation était à son comble et tous les citoyens encore présents semblaient converger vers la mairie. Le repas terminé, je réglai la note et je réclamai une fiche sous le regard revêche de la patronne. Une fois à l’extérieur, j’allumai une cigarette. Elle disparut en moins d’une seconde sous la pluie. Le vent s’ajoutait au désastre et faisait s’envoler tables et chaises de la terrasse. Où avais-je mis mes gants ?
— Certains osent encore dire que tous ces événements météorologiques sont normaux. Inspecteur ! mettez votre brassard si vous voulez que l’on soit à l’heure à leur réunion. Il va falloir jouer des coudes.
— Ce n’est pas notre problème !
— Vous avez d’autres occupations, inspecteur ?
— Aucune.
— On a intérêt à savoir ce qui se trame à la mairie et quels sont les projets à court terme de cette assemblée.
Un brouhaha d’enfer résonnait dans le hall. La salle des mariages faisait office de salle de réunion. Elle était pleine à craquer. Notre maire, debout sur une estrade, semblait chercher quelqu’un du regard.
— Commissaire, venez !
C’était pour moi. L’inspecteur resta sur mes talons. Notre arrivée venait de produire son effet. L’assistance nous scrutait. Le chien évoluait comme au ralenti, passant fièrement en avant-garde en roulant des mécaniques. Je m’assis à côté de Mme le maire.
— Votre chien est un cabot, il tient de vous ?
— …
— J’ai soixante pour cent des effectifs de gendarmerie et des pompiers coincés de l’autre côté. Je me débats avec une problématique dont je me serais bien passée. Le préfet les a dispatchés sur d’autres secteurs. À croire que c’est fait exprès. Je ne dois pas être du bon côté de l’échiquier politique.
— Vous n’exagérez pas un peu ?
— J’espère me tromper.
— On pourrait profiter de ce désastre pour braquer une banque ou deux, vous en êtes ?
— Écoutez, commissaire, soyez sérieux. J’ai besoin de vous. Les gens croient que votre présence est liée à l’aide que nous allons recevoir. On va rester sur ce scénario si vous le voulez bien. Vous êtes notre héros. Profitez-en !
— Vous devriez leur dire la vérité…
— Je vais transmettre l’explication que j’ai donnée ce matin. Si je dois révéler à la population la présence dans notre ville d’un commissaire, d’un inspecteur des stupéfiants et d’un chien renifleur, je crains de ne pas simplifier les choses. Faites-moi plaisir, s’il vous plaît, acceptez ce compromis.
— Je n’ai nulle envie de vous contrarier. Je n’ai rien contre le fait que vous me fassiez de la pub. Je crois que vous avez raison. Si je dois évoquer les raisons de notre présence, nous y sommes encore demain.
Le chien me regarda. Je lui frottai la tête.
Dans la salle étaient présents les adjoints de la mairie, les pompiers, ainsi que la police municipale, la gendarmerie, le responsable de la voirie, le directeur de l’hôpital, enfin tous ceux qui n’étaient pas bloqués ailleurs. Nous nagions en pleine apocalypse, cependant tout paraissait sous contrôle. La maire ouvrit les débats. Le chien se vautra à ses pieds, laissant sa gueule se répandre sur le sol.
Chacun voulut s’exprimer, nous étions en pleine cacophonie, une vraie réunion de copropriétaires, jusqu’au moment où Berlioz, sortant de sa torpeur, s’étira longuement. Il se présenta, les pattes écartées, seul face au public, la gueule ouverte, les crocs dehors, quelques gouttes de bave tombant de sa gueule. Ce chien mangeait trop. C’était répugnant. Le silence s’installa d’emblée. Était-ce la puissance de son dentier ou la couleur de ses yeux vairons, je ne saurais dire. Le fait est qu’il calma tout le monde. La réunion se poursuivit dans une quiétude relative.
Mon téléphone sonna sur l’air de Fratelli d’Italia. De nouveau, tout le monde se tut, sauf un homme tenant la main d’un jeune enfant. Tous deux debout au garde-à-vous.
Fratelli d’Italia,
L’Italia s’è desta,
Dell’elmo di Scipio
S’è cinta la testa.
Dov’è la vittoria ?
Le porga la chioma,
Che schiava di Roma
Iddio la creò.
Un huissier fit gentiment taire l’homme et son enfant. Je sortis de la salle pour prendre l’appel. C’était M. Blanc, mon chef.
— Où êtes-vous, Bellini ?
— À Montricourd, patron.
— Que faites-vous là-bas ?
— Je suis coincé par les eaux et je risque de me prendre la montagne sur la tête.
— Vous plaisantez ?
J’expliquais à M. le commissaire divisionnaire, homme dépourvu d’humour, la situation.
— Bon, je vous envoie par mail votre mise à la retraite anticipée. Vos dernières frasques nous ont coûté assez cher pour que nous puissions dès maintenant mettre fin à notre collaboration malsaine.
— Vous plaisantez ?!
— Vous n’aviez rien à faire à Montricourd. Vous m’avez été affecté contre ma volonté. Mon département n’a pas besoin d’un je-m’en-foutiste comme vous. J’aurais préféré recevoir votre démission, cela m’aurait évité de la paperasse inutile. Vos collègues seront ravis d’apprendre la nouvelle.
— Écoutez ! Il y a des hélicos qui vont atterrir pour apporter de l’aide humanitaire et rapatrier des civils. Il me suffit de monter à bord. Je serai de retour dès ce soir pour m’expliquer.
— Que vous rentriez ou pas m’importe peu. Je ne veux plus de vous dans mon département. D’ailleurs, le commissaire général me soutient. Vous êtes rendu à la vie civile à partir de ce soir minuit. N’oubliez pas de restituer votre arme de service, votre carte aux autorités de la police de… Comment s’appelle l’endroit où vous avez échoué ?
— Montricourd.
— Vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Blanc venait de raccrocher. L’antipathie que je lui portais croissait à vue d’œil. Il avait sans doute raison. Comment avais-je pu accepter ce deal ? L’homme que j’étais jadis n’était plus, autant l’accepter. Je devais arrêter de jouer les prolongations en division inférieure et faire mon deuil du passé en songeant sérieusement à une reconversion.
L’avenir n’était pas au beau fixe. Quelques semaines auparavant, j’avais trouvé, placardé sur la porte de mon bureau, un torchon anonyme me conseillant de quitter les lieux. Avais-je froissé des ombrageux ? Toujours est-il que j’avais arraché la feuille et que je m’étais dirigé droit sur mes collègues. Ceux-ci, goguenards, me toisaient. J’avais pris mon briquet et j’avais enflammé la feuille de chou, la laissant tomber négligemment dans une corbeille pleine de papiers.
— Il est barré, ce type ! Les extincteurs, vite !
J’étais sorti prendre l’air pendant qu’ils s’activaient à éteindre le feu. Dans l’heure qui suivit, je fus mis à pied pour une semaine avec visite obligatoire chez la psychologue de la maison.
Cabinet de la psy
— C’est quoi votre problème, Bellini ?
— Je n’ai pas de problème, madame.
J’avais déjà effectué plusieurs passages dans son cabinet.
— Perdriez-vous votre sang-froid, Bellini ?
— Je ne vois pas à quoi vous faites allusion, madame.
— On se connaît trop bien, Cesare.
— Pas de chance !
— Arrête tes conneries, Cesare. Ce n’est pas parce que nous avons été mariés que tu dois me prendre pour une imbécile. Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ?
— Je n’en sais rien. Je ne suis plus à ma place, docteur.
— J’ai oublié de te dire, le chat est mort.
— Quel âge avait-il ?
— 21 ans.
— Pauvre bête ! Il était sympa.
— Je vais faire traîner mon rapport. Cela te laissera un peu de temps pour te refaire une santé. C’est la dernière fois. Je vais finir par ne plus être crédible. Tu joues sans filet maintenant.
— Merci !
— Tu fumes toujours tes saloperies ?
— J’ai ralenti.
— Essaie d’arrêter. C’est pour ton bien.
— Comment va ta copine ?
— Ce n’est pas ma copine. Nous sommes mariées. Tu le fais exprès ?
— Non !
— Nous voulons adopter.
— Ah bon ! Passe-lui le bonjour. Bisous, Marie.
Le monde changeait, contrairement à moi. J’étais has been, dépassé par l’évolution du monde. En quelques années, j’avais pris un siècle en pleine figure. La société était comme la météo, détraquée.
— Vous avez l’air songeur, commissaire.
— Je vous prie de m’excuser.
Berlioz mordillait les pieds de ma chaise. Après un long silence, Mme le maire informa la population que sa requête auprès des hautes autorités avait été acceptée. Nous en étions les représentants. Des hélicoptères étaient en route. Il ne fallait pas tarder.
— En ma qualité de maire, en tant que responsable de mes administrés, je prie expressément toutes celles et tous ceux dont la présence n’est pas indispensable de quitter provisoirement la ville.
L’appel au bon sens eut un effet mitigé. Pendant que certains tergiversaient sur leur devenir, le chef de la police sollicita les volontaires préalablement identifiés afin d’aider au déchargement et à l’évacuation des personnes. La salle applaudit. Berlioz aboya.
À la sortie de la réunion, chacun désira se faire prendre en photo avec le chien.
— Vous m’avez porté chance, monsieur le commissaire, à moins que ce ne soit Berlioz.
— La seule chance que vous ayez eue, c’est que vos ponts ne soient plus utilisables.
— Exact. Merci de me le rappeler. Vous avez un côté rabat-joie, commissaire. Vous devez être du style à casser l’ambiance.
Ma priorité était de trouver une solution pour sortir de la ville le plus vite possible.
— Je ne vois pas comment vous allez pouvoir rentrer chez vous.
— Je compte bien profiter de votre livraison.
— Suis-je sotte ! Eh bien, on se quitte ici, commissaire. J’espère vous retrouver dans d’autres circonstances. Votre profil atypique me manque déjà.
Elle me subjuguait depuis le premier instant où je l’avais vue. J’avais le sentiment de la connaître depuis toujours. Au loin dans le ciel se dessinait la forme du premier hélicoptère. Le plus étonnant, c’était ce pressentiment qui me faisait envisager que je ne quitterais pas Montricourd.
— Commissaire, ils arrivent !
Le timing de l’opération était limité en raison d’une masse orageuse provenant du nord.
— Allez, lieutenant Ravel ! Si on allait leur donner un coup de main avant de rentrer à la maison ?
— La voiture, on la laisse, commissaire ?