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Deux jumeaux nés en 1940 s’aperçoivent en grandissant qu’ils ont une particularité, celle d’être télépathes. Devenus des hommes, l’un est ingénieur à Paris et l’autre restaurateur à Strasbourg. Malgré la distance, ils n’arrêtent pas de communiquer par voie extra-sensorielle. En rendant visite à son frère à Strasbourg, le Parisien meurt dans un accident d’automobile. Les conversations continuent bien qu’un mur les sépare désormais. L’esprit du défunt explique comment s’organise la vie dans l’au-delà et transmet d’importantes informations pour le monde des vivants. Comment les dévoiler sans se faire traiter de fou, voire de manipulateur ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dans
Ce mur qui nous sépare,
Claude Portenseigne vous invite au cœur d'un monde où les âmes sont connectées entre elles. Il y met en exergue la vie après la mort.
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Seitenzahl: 270
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Claude Portenseigne
Ce mur qui nous sépare
Roman
© Lys Bleu Éditions – Claude Portenseigne
ISBN : 979-10-377-7671-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Strasbourg 21 mai
La restauration est ma vie.
Je fis mes classes à l’école hôtelière de Illkirch-Graffenstaden et obtins un Bac professionnel Cuisine.
Pour une bonne formation, je fis plusieurs stages dans de grandes maisons et finis par trouver mon maître à l’auberge de Lill chez Marc Haeberlin avec qui je suis resté trois ans.
Puis j’ai créé mon restaurant à Strasbourg, rue des Hannetons.
Je suis fier de montrer à mon frère cet établissement qui occupe tout mon temps.
Je suis fier de l’atelier avec ses pianos en inox, brillants comme des bijoux et qui sont le soin attentif de mes seconds.
Je suis fier de cette salle, de ces petits recoins où le client se sent bien et à l’abri des autres.
Je suis fier de cette décoration authentique et régionale avec ces objets chinés dans les brocantes alentour.
Je suis heureux d’accueillir mon frère.
Tellement heureux.
Lui aussi, il me le dit et cela me touche beaucoup.
Il est venu avec sa femme, Catherine.
Ils n’ont pas d’enfants et se sont offert une petite escapade en amoureux.
Nous nous réservons une table ronde dans un petit coin tranquille de la salle.
Je confie pour l’occasion les pianos à mon second et ne le regrette pas.
Il nous a concocté une cascade de spécialités régionales dont je ne ferai pas état pour ne pas faire de jaloux. Le tout arrosé d’un Riesling Vielles Vignes de chez mon ami Georges.
Le personnel est au petit soin, vous pensez, le patron en salle !
Au fait, c’est la première fois que je dine en client.
Ce week-end a été parfait, le temps ensoleillé nous a permis de profiter un peu de la campagne, de nous promener dans les vignes.
Le départ est là, on s’étreint, un adieu, une main à la fenêtre qui s’agite.
La voiture s’éloigne lentement sur la route, comme à regret.
Le service du soir va commencer.
Les seconds de cuisine sont là attentifs aux consignes, ce soir, c’est le banquet des anciens combattants.
Il n’est pas question de faire d’impair.
J’entends déjà les chants dans la salle, le vin blanc fait son effet.
Les plats s’enchainent, ainsi que les discours.
Au dessert, on lance la musique à la demande de ces dames, la compagnie danse joyeusement.
Il me semble avoir même entendu quelques Jodelns, signe que l’ambiance est excellente.
La soirée se termine, le personnel range les tables, le restaurant s’éteint.
Je monte chez moi décidé à prendre un peu de repos.
Je commence à m’endormir.
Deux jours sans nouvelles.
Je ne comprends pas son silence, je téléphone à mon frère sur son portable, pas de réponse.
Je tente de joindre nos amis de Paris, personne n’a vu le couple.
Je suis inquiet.
J’interroge la gendarmerie et, le lendemain, j’apprends qu’ils se sont tués en percutant un platane dans un virage aux alentours de Vitry le François.
La vie s’arrête pour ceux qui s’en vont, ainsi que pour ceux qui restent.
Je passe sur les cérémonies, les embrassades et autres condoléances.
C’est le vide. Un sentiment d’abandon, nous étions tellement unis.
Nous étions des frères jumeaux unis par l’esprit en permanence.
C’est le vide, le néant.
Nous sommes plus que des jumeaux ordinaires, nous avions une particularité que personne ne possède.
Nous correspondions par la pensée.
Vous me direz que tous les jumeaux sont fusionnels, oui mais nous, nous sommes comme interconnectés.
Mot aujourd’hui à la mode.
Petits, nos parents nous croyaient atteints d’une maladie mentale.
Nous jouions en silence, sans querelles, alors que les autres enfants étaient turbulents.
Nous conversions cependant, mais par la pensée sans que personne ne le sache.
Toute notre jeunesse, nous avons partagé ainsi nos sentiments, nos émotions, nos émois.
L’autre n’est pas lui, mais « lui » en moi !
Je sais, c’est difficile à comprendre, mais c’est une réalité.
Communication avec l’autre côté du mur
Une sensation bizarre, comme l’impression d’une présence à mes côtés.
J’ai quitté ton monde, je vous ai tous ressentis pendant la cérémonie.
Tout cet amour envers nous, ces émotions, merci à tous.
Je suis surpris, comment Pierre peut-il me parler ?
Il est mort, quelque part dans un autre monde, le Paradis, je souhaite.
Ce n’est pas possible, je divague, je rêve, mon mental en prend un coup.
Brusquement, un animal a surgi du fossé, j’ai freiné, un coup de volant, le choc.
Les Gendarmes qui font la circulation, les Pompiers qui évacuent nos corps encore chauds et nos « Esprits », là, côte à côte, sur le bord de la route qui voient l’ambulance partir.
Es-tu au Paradis, en Enfer, sur un nuage ?
Vous les vivants, vous ne nous voyez pas, vous ne ressentez pas notre
présence alors que nous sommes à vos côtés.
Il y a réellement une frontière, un mur, entre nos deux mondes.
Ici, il n’y a pas de paradis ou d’enfer, ce sont les hommes qui ont créé ces notions.
Il n’y a ni blonds, ni bruns, ni cathos, ni Bouddhistes, nous sommes tous
égaux.
Il n’y a aucune appartenance à une religion, les religions sont des
inventions humaines.
Nous évoluons dans un monde sans limites, sans distances, il n’y a pas
une administration centrale qui dicte sa loi. La loi c’est l’amour des uns et
des autres.
Je n’ai vu aucun tribunal. Je suis entouré d’esprits positifs, je suis au
calme.
Depuis que je vous ai quittés, j’existe au milieu de milliards d’autres
entités.
Il me reste ma mémoire, mon vécu.
C’est ce que nous partageons tous, les uns avec les autres.
C’est notre personnalité.
Nous n’avons pas de limites de temps ni de lieu, nous sommes au milieu
de vous dans un autre monde.
Nous quittons notre enveloppe terrestre, notre « moi intérieur » s’envole,
s’évade avec ses souvenirs.
Nous vivons à côté de vous, nous vous entendons et pour te parler sans
entendre le brouhaha des autres, je me fixe sur un sujet, toi.
Enquête
Ils se présentent un matin au restaurant.
C’est un mauvais moment pour être dérangé, mais je les reçois en salle.
Votre frère était un grand physicien, il développait pour l’armée un programme nucléaire classé « secret défense ».
Vous en avait-il parlé ?
En réalité, vu l’importance du projet la DGA2 avait mis à sa disposition un laboratoire au CEA3 de Cadarache.
C’était plus discret que dans une enceinte militaire, plus approprié et tout aussi bien gardé.
Il ne s’est pas présenté à son laboratoire de Cadarache, ce qui nous a inquiété, voici la raison de notre présence chez vous.
Ahurissement de l’auditoire.
Nous n’en parlons pas car cela pourrait créer des troubles dans notre pays et dans le monde entier.
Avec mon frère, nous avions une particularité, nous communiquions par la pensée à quelque distance que ce soit.
Depuis son décès cela continue, je communique avec un être physiquement mort, avec son esprit, dans un autre monde.
Pourrais-je interroger pour la routine votre personnel ?
Je les conduis dans mon bureau.
Mon second est appelé.
Tout le personnel est passé dans « son » bureau et cela a quelque peu déréglé la préparation du service.
Puis ils sont repartis comme ils sont venus et j’ai comme l’impression qu’ils
me prennent pour un fou.
LE CAPITAINE BRODARD :
Mercier, vous faites une enquête sur ce type : voisinage, habitudes, train de vie et bien sûr, famille. Envisagez, s’il avait un intérêt à faire disparaître son frère.
C’est un barjo, parler avec l’au-delà ! On aura tout vu.
L’enfance
Nous sommes nés le 26 juin 1940 à Paris, d’une mère Morvendiote et d’un père Alsacien.
Les deux premières années, à ce que nous ont dit nos parents, nous vivions à Paris.
Un quartier agréable, les Buttes-Chaumont, la province en ville.
Maman nous promenait en poussette dans les allées, autour du lac.
Il y avait des pelouses qu’un gardien en pélerine et sifflet nous interdisait de fréquenter. Un manège et des jeux pour les petits.
Un havre de paix en cette période troublée par l’occupant et les restrictions.
Puis vint la séparation.
Nous primes le train pour Pau.
Un petit village, Tardets, une petite maison avec un grand jardin où Mamie « Tine » allait cueillir les légumes pour la soupe.
Maman nous expliqua que vivre à Paris devenait dangereux, que nous serions plus heureux ici avec Papy et Mamie.
Elle devait rentrer rejoindre son homme et continuer à travailler.
Elle reviendra nous voir pour les vacances.
Tristesse, larmes, départ en autocar pour la gare.
Nous étions seuls.
Très vite nous primes nos marques, à bientôt quatre ans nous explorions le jardin.
Attention, il était interdit de marcher au milieu des salades, radis et autres choux !
Le Grand Père surveillait son pré carré.
Par contre la pelouse et la cabane de jardin en bois où Papy rangeait ses outils nous étaient autorisées. Cette cabane devint vite notre château, notre refuge.
On s’y contait des histoires de chevaliers va-t’en guerre. Epée en bois et chapeaux faits de journaux pliés.
L’insouciance.
Puis, vers cinq ans, Papy et Mamie nous inscrivirent à l’école communale.
Nous étions les « Parigots ».
Des étrangers qui ne parlaient pas la même langue.
Eux parlaient le Bigoudou, le Patois Occitan, nous le Pointu !
C’est à cette époque que nous avons développé nos conversations secrètes.
Revenons à l’école.
Dans la cour de récréation, comme tous les gamins de cet âge, nous jouions avec nos petits camarades.
Ils parlaient en patois, nous discutions silencieusement tous les deux pour les contrer. Cela amenait à des incompréhensions lorsqu’on gagnait.
— Ils trichent, ils tustent ! disaient-ils en leur langue.
De même, en classe, nos devoirs étaient semblables à la virgule près.
Nous ne pensions pas avoir un don spécial et ne prêtions pas attention au fait.
La Libération, des drapeaux partout, des chants des bals dans le village que nous ne pouvions voir.
Nous, nous savions que c’était la joie au village.
Les flonflons nous parvenaient portés par le vent.
Il y avait même un feu d’artifice, la bleue, la rouge, ça pète fort.
Le grand Père, ce gaillard, un gamin dans chaque bras sautait de joie à chaque explosion.
La vie reprit son cours lentement après ces festivités.
La Libération de quoi ?
Nous, les verts de gris comme ils disent, on n’en a pas vu.
Pensez, Tardets, personne ne sait où ça se trouve.
Au pied de la montagne il n’y a que des brebis, là-haut, dans les nuages.
Nous nous souvenons de nos parties de pêche avec Grand-Père dans le gave
« Le Saison » situé près de la maison.
Il était fort, Papy, pour ramener les truites.
En cette période de disette nous ne manquâmes de rien.
Le jardin qui fournissait les légumes et les cerises, le majoral qui descendait de l’estive nous apportait le fromage, Papy, lui fournissait des truites. C’est la débrouille.
Mamy, le soir, cherchait un poireau, faisait une soupe avec des pommes de terre et du lard.
Lorsque nos parents arrivèrent en vacances ils furent émerveillés.
Eux nous parlaient de ticket de pain, de rationnement. Ici c’c’était le paradis.
Nous partîmes avec eux visiter les troupeaux en estive, le majoral nous fit goûter son fromage de brebis. Nous longeâmes les gaves qui descendaient de la montagne sans trop mettre les pieds dans l’eau, froide comme des glaçons.
Ça les changeait de la ville et des alertes nocturnes dues aux bombardements.
Les grandes vacances arrivèrent, les escapades en montagne aussi.
Deux mois de vie sauvage à courir la campagne avec les copains.
Les parties de pêche dans le gave près de la maison.
Tout ça a une fin.
Papa vint nous chercher.
L’école vous attend à Paris.
Devenus des hommes
Les jours heureux de l’enfance passés, nos voies se sont séparées, pas notre vie.
Pierre est resté à Paris, je suis parti à Strasbourg.
Il a fait des études d’ingénieur, j’ai appris la cuisine.
Par je ne sais quel hasard ou pour quelle raison, nous, jumeaux, n’avons cessé de correspondre par la pensée.
Je ne comprends toujours rien à ses mathématiques qu’il affiche à mon esprit.
Il continue à faire trop cuire ses œufs au plat.
Lorsqu’il aime une blonde je la vois, et ressens son bonheur.
Cela nous joue des tours, nous confondons quelquefois les prénoms tellement nous vivons l’autre.
Catherine est venue dans sa vie, simplement devant un verre au café de Flore. Un sourire timide, une œillade, elle quitte sa table et Cupidon lance sa flèche.
Pierre, pourtant timide, est un don Juan qui a collectionné les aventures, souvent sans lever le petit doigt.
Que de jaloux n’a-t-il pas fait. Il est beau, mon Pierre !
Cette fois il est amoureux, la perte du célibat est en vue.
Le croiseur va couler, comme il est dit dans la marine.
L’océan des blondes, des brunes, des rousses est en deuil.
Ce fut un beau mariage, tous les copains sont venus.
La famille heureuse, émue a versé sa larme.
Le gâteau généreux n’était pas de moi.
On ne travaille pas le jour du mariage de son frère.
Après des études à Strasbourg, je suis devenu cuisinier.
Commis, puis assistant, puis premier de cuisine.
Enfin Chef de partie.
Le but est atteint, je prends un établissement et règne enfin sur une brigade.
Notre jeunesse est passée comme un fleuve tranquille, notre duo ne s’est jamais interrompu. Nous conversons après chaque événement, chaque rencontre.
Avec nous, La Poste ne s’est pas enrichie.
Pas besoin d’internet.
« Bonjour tu vas bien ? »
Réponse immédiate, pas besoin d’attendre le facteur.
La vie des « jumeaux connectés », est bizarre.
Nous ne le sommes pas en permanence, il n’y a pas de voyeurisme de l’un sur l’autre. Ce serait invivable.
Il faut qu’il y ait une demande, un appel, un message. Je ressens un besoin de contact et j’écoute.
Je suis conscient que pour vous cela parait incroyable.
C’est un fait inexplicable, dû à notre gémellité.
Catherine, la femme de Pierre, est souvent surprise par ce fait.
Un soir, de retour au foyer conjugal, Pierre lui annonce :
Ils se regardent et pouffent de rire.
Toujours l’enquête
Virée en camping-car avec son chien le temps d’un week-end.
Etude à l’école hôtelière de Strasbourg, bien noté.
Il a ouvert son restaurant voici deux ans.
Pas de famille à l’exception de son frère.
Ne le lâchez pas, gardez-le à l’œil.
La vie de l’autre côté
MON FRÈRE :
Regarde ce champ de pâquerettes au printemps.
Tu les vois ?
Des milliers de têtes blanches qui, insoucieuses, se nourrissent des rayons du soleil.
Puis quelques fleurs jaunes, dont une jeunette qui te regarde, essaie de communiquer, semble t’implorer. Tu ne comprends pas son langage. Elle veut vivre et craint la faucheuse qui lui coupera la tête.
Le genre humain craint aussi la faucheuse.
L’odeur du gazon fraichement coupé est agréable aux narines, elle est synonyme de fraicheur, de propreté pour toi. Elle se propage comme un cri d’alarme pour tous les végétaux aux alentours.
De branche en branche, les arbres le répercutent, les jeunes pousses sont effrayées, les fleurs se fanent prématurément.
La nature ressent la présence humaine et la subit.
Le pas de l’homme dans un champ est désastreux sans qu’il s’en rende compte.
Il écrase des végétaux, des organismes vivants, fourmis, vers de terre et autres insectes.
Nous ne le soupçonnions pas, mon frère, mais nous sommes responsables de bien des maux envers la nature.
Les plantes, les arbres, les insectes, sont nos amis. Nous ne parlons pas le même langage et malgré tout il faut nous comprendre.
Je parle avec eux, je les entends.
Je parle avec toi, tu captes mes pensées.
C’est une occasion unique de faire communiquer les deux mondes.
Ce serait une formidable réussite.
Moi, le vivant,
comment faire pour faire comprendre l’inexplicable.
Dois-je voir le curé de mon village pour lui dire que je communique avec l’au-delà ? On a brûlé des sorcières pour moins que ça !
Admettons qu’il me croit, il lui faudra convaincre l’Archiprêtre qui devra convaincre l’Evêque…
Dois-je écrire à mon député pour lui dire que mon frère…
Il me prendra pour un fou et le dossier sera classé.
Il me reste l’option d’un scientifique, mais lequel ?
Un personnage connu, médiatique.
Il y a bien ce professeur Tournesol qui passe souvent à la télé. Comment s’appelle-t-il ?
Jean Gellin, professeur à Paris 5.
Il a un visage rondouillard, des lunettes aux verres épais, des cheveux ébouriffés, il a l’air sympathique et assène des vérités scientifiques incontestables.
Il est souvent interviewé lors de phénomènes climatiques extraordinaires, il explique aux auditeurs et téléspectateurs, simplement la raison de leur inquiétude.
Je vais lui écrire.
Je peaufine mon courrier.
Explique le phénomène de notre gémellité communiante et communicante.
Notre jeunesse, notre vie, son accident, sa mort, puis de nouveau nos contacts.
Je lui dis mon désarroi et lui demande son aide.
Je porte le courrier à la boite aux lettres.
Je n’attends rien car je pense qu’il va me prendre pour un illuminé.
Je le dis à Pierre qui calme mon esprit et me redonne confiance.
Le facteur passe chaque matin vers 11 heures.
Chaque matin, je guette évidemment son passage.
Un long mois passe, puis un matin, une enveloppe tamponnée à Paris 15éme.
Fébrilement, je décachète le pli, une lettre aux caractères bien formés, comme écrits à la plume Sergent Major de mon enfance, m’apparait.
otre histoire m’intéresse, c’est une affaire extravagante, je souhaite mieux vous connaitre, vous, votre frère et votre famille.
Je ne vous dis pas que j’adhère et vous laisse peu d’espoir.
Je viens, néanmoins vous voir car je veux connaitre votre environnement.
Il me laisse son numéro de téléphone.
Nous convenons d’un jour et j’attends.
La rencontre
Il arrive, il est là, devant moi.
Il est comme à la télé, rondouillard, ébouriffé, ses lunettes sont incroyables.
Des petits cercles de métal qui entourent des loupes.
Il baisse la tête pour vous regarder par-dessus ses montures.
Vous savez on me l’a souvent fait, mais comme je m’intéresse à tout ce qui n’est pas logique je viens vous voir.
Expliquez-moi. Parlez-moi de votre famille, de votre vie avec votre frère, je veux tout savoir.
Je lui raconte notre enfance, nos vies respectives, il m’écoute avec attention.
Il a l’air néanmoins sceptique.
A ce moment, Pierre me contacte. « Rappelle-lui Ville d’Avray, sa demande en mariage, près de l’écluse »
Je m’exécute, là, je vois la surprise dans les yeux du bonhomme.
MON FRÈRE :
Dis-lui que sa femme tient à ce qu’il rentre avant 19 h car sa petite fille Sarah vient diner avec eux et qu’elle leur présentera son fiancé.
Je m’exécute.
Votre frère, peut-il me décrire son environnement ?
Je vous promets, je reviens vous voir et espère apporter la solution.
L’aventure commence.
On pénètre dans l’irréel.
Un mois se passe puis « Tournesol » me téléphone.
Il souhaite rester quelques jours avec moi, à Strasbourg, pour dégrossir le problème, me dit-il.
Quand peut-on commencer.
A mon domicile, le lendemain matin, il s’installe à la grande table de la salle à manger.
Il ouvre sa serviette de Professeur, en sort, cahier, stylo, et un petit magnétophone.
L’interrogatoire dure toute la matinée.
C’est épuisant.
Nous nous dirigeons vers la rue des Hannetons, où se trouve mon établissement.
MON FRÈRE :
Offre-lui un verre de ton meilleur Gewurtz, c’est son vin préféré.
Après nous être installés, je m’exécute.
La serveuse arrive avec une bouteille de Gewurztraminer Zinnkoepflé qu’elle pose délicatement sur la table ainsi que deux verres à long pied, caractéristiques de cette région.
Tournesol est ravi.
Pour le moment je suis obligé de croire ce que vous me dites, je n’ai pas de preuves.
L’après-midi passe en discussions diverses, puis vers dix-huit heures mon frère me dit :
Nous devons apprendre à ton monde ce qu’il ignore.
Propose-lui de prendre en note ce que je te dis.
Qu’il me pose les questions qu’il souhaite, je répondrai.
Je transmets notre conversation, la proposition semble convenir.
Je vais poser des questions dont moi seul connais les réponses.
Vous transmettez et j’attends le résultat.
Il s’en suivit un long moment d’échanges dont je passe ici les détails.
Les questions étaient relatives à la vie privée du professeur, notamment de sa jeunesse, détails dont personne ne pouvait avoir connaissance.
Ne parlez à personne d’autre que moi.
Je rentre à l’hôtel, je dois réfléchir.
A demain matin.
MON FRÈRE :
Il est secoué, je pense qu’il ne dormira pas de la nuit. Nous avons une chance de réussir. En fait, je sais, je le vois, demain il aura trouvé une solution.
Au matin, c’est un professeur « Tournesol » plus échevelé que la veille, excité qui sonne à la porte.
Nous sommes devant une situation difficile, voire, qui pourrait être dangereuse pour vous.
Comment annoncer au monde que l’on communique avec l’autre côté. Avec l’esprit d’un défunt.
L’Eglise va crier au blasphème.
La science va vous prendre pour un fou ou un manipulateur.
Si un mégalomane croit en vous il essaiera d’en tirer parti, voire, de vous enlever.
Non. Pour le moment il ne faut rien dire, rester prudent.
Nous allons réfléchir, je rentre à Paris et vous appelle lorsque j’aurai la solution.
MON FRÈRE :
Il a raison, ne dis rien, ne fais rien, cela risque d’apporter le trouble.
Comment expliquer au monde entier ce déséquilibre entre votre réalité et la mienne ?
La réalité de l’au-delà
MON FRÈRE :
Ici il n’y a aucun paradis ni enfer. Je te l’ai déjà dit.
Il n’y a que des consciences qui évoluent dans un espace vide, ce que les corps ont fait en bas, les esprits n’en portent pas le poids.
Comment expliquer aux religieux que leur pouvoir est futile ?
Qu’ils vous vendent un paradis qui n’existe pas, un enfer qui de toute façon n’effraie pas les méchants.
Tu te ferais écharper, brûler, souviens-toi de Jeanne d’Arc.
Ils tiennent à leur influence, c’est leur fonds de commerce.
D’ailleurs, de tout temps les religions ont engendré des guerres dans quel but ? Augmenter la présence des états, donc du commerce et leur influence.
Je ne dis pas que les religions n’ont aucune importance dans votre monde, ici elles n’existent pas.
Elles sont primordiales sur terre pour éveiller les consciences, édicter des règles morales, éviter le chaos. Mais c’est du fabriqué de toutes pièces comme disait Nietzsche, pour assouvir le petit peuple et renforcer le pouvoir d’un homme qui fabrique le « Dieu ».
Les humains sont comme ils sont, il leur faut des chefs et ces chefs en
profitent pour assoir leur pouvoir.
Quand on pense aux « Grands chefs militaires » devenus rois, empereurs ou califes qui se sont fait mener par le bout du nez par le chef suprême de leurs religions.
Des guerres, des massacres au nom d’un dieu par simple vanité.
Enfin, je te laisse te reposer, moi, ici, je ne dors pas.
Je vais retrouver Catherine.
Le désarroi
Je suis dans le noir complet. Je n’ai plus de courage.
Cela fait un mois que le professeur Jellin est parti, je n’ai plus de nouvelles.
MON FRÈRE :
Ne t’inquiète pas, je sais qu’il reviendra.
Je retourne au restaurant, les employés remarquent mon coup de mou.
Quelle chance d’avoir une bonne équipe. Il est vrai que nous travaillons ensemble depuis trois ans, elle est soudée.
C’est dit, je pars en vacances.
Je prends le Camping-car, le chien et hop à moi l’aventure. Au mois de septembre il fait encore beau et les touristes sont moins nombreux.
Après le déjeuner je m’adresse à Dino, oui je parle à mon chien, rien d’anormal, d’autres le font. C’est un Jack blanc et noir de 12 ans.
Je vois à travers la vitre deux bâtards qui se livrent à des jeux que la morale m’interdit de décrire ici.
Là, mon frère intervient.
Il ne saute pas autant que toi parce que tu le tiens toujours en laisse.
Pas évident de draguer avec un collier.
Je me suis invité dans l’esprit de ton chien.
Sais-tu comment il te voit ?
« Il a une tête avec du poil dessus, comme moi. Deux yeux que je ne quitte pas, pour savoir ce qu’il désire.
Il n’a pas de truffe mais une bouche qui parle et avale tout ce que je souhaiterais.
Ils sont bizarres ces hommes, quatre pattes mais n’en utilisent que deux pour marcher, celles du bas, qui sont immenses à toucher le ciel.
Les deux autres pattes servent à caresser et à faire des choses que je ne comprends pas et toujours lorsque moi je désire me balader.
Moi, je m’assois par terre sur mes fesses, lui sur ce qu’il appelle une chaise ou un fauteuil.
Je n’ai pas droit d’y monter si bien que l’on n’est jamais assis ensemble.
Je l’aime, car il m’a sorti de l’enfer où les autres chiens ne m’aimaient pas, me battaient parfois.
Je l’aime, car c’est lui, mon seul ami.
Il me parle, je comprends mais ne peux répondre. Je fais ce qu’il souhaite, il est content, je suis heureux.
Le matin au réveil il est un peu bizarre. Il se frotte les poils de la tête.
Il sort de la chambre et entre dans ce qu’il appelle la salle de bains.
Là, attention je ne le suis pas, s’il lui prenait l’idée de me coller sous la douche… Une fois par mois ça suffit, et toujours par surprise, le traître.
Il ressort de là, tout gaillard et enfile ses peaux.
Une première pour ses grandes pattes du bas, une deuxième pour ses pattes du haut.
Il habille aussi ses pieds, pourquoi, je ne sais pas, moi je marche bien sans habiller mes pattes !
Enfin, il fait comme il veut. Ils sont surprenants ces “grands’’. »