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L’ouvrage tend à étudier une matière qui a pris une place prépondérante dans l’ordre juridique des quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe, qui recouvrent plus de huit cents vingt millions de personnes, en ce compris tous les États membres de l’Union européenne. La Convention européenne des droits de l’homme a, en effet, pénétré presque toutes les branches du droit. Il en est ainsi particulièrement de l’ordre juridique belge dont les autorités ont, dès les débuts, témoigné d’une grande fidélité au droit de la Convention. L’ouvrage se propose ainsi d’exposer ce droit à la lumière principalement de l’ordre juridique belge, tout en accordant la prééminence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. La matière est abordée d’abord sous l’angle du droit matériel par une étude de tous les droits et libertés reconnus par la Convention et ses protocoles additionnels. La deuxième partie est consacrée au fonctionnement du système de protection, par l’analyse de ses aspects organiques et procéduraux. L’étude vise avant tout les praticiens du barreau et de la magistrature sans oublier les universitaires. Sa vocation internationale, révélée par la diffusion de la première édition, a également inspiré la deuxième édition. La jurisprudence est bien entendu privilégiée, mais la doctrine tant belge qu’étrangère n’est pas pour autant négligée malgré tout l’effort de sélectivité qu’impose l’abondance de la littérature. Le lecteur trouvera également des développements théoriques lorsque cela a paru utile.
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Seitenzahl: 3194
© Groupe Larcier s.a., 2014
EAN : 978-2-8027-4616-4
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Éditions BruylantRue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.
L’encyclopédie juridique Répertoire Pratique du Droit Belge (R.P.D.B.) se compose de verbi, publiés sous forme de monographies, rédigés par d’éminents auteurs issus de tous les horizons juridiques : universités, barreau, magistrature, notariat, juristes d’entreprises, juristes d’administration, etc.
Chaque verbo du R.P.D.B. propose une analyse approfondie de la législation, de la doctrine et de la jurisprudence, et est complété d’une bibliographie et d’un index alphabétique qui en facilitent la consultation.
Le R.P.D.B. traite de toutes les matières du droit applicables en Belgique : droits civil, judiciaire, commercial, économique et financier, fiscal, pénal, social, public et administratif, européen et international. Il est destiné à tous les praticiens du droit, qu’ils soient avocats, magistrats, notaires, huissiers de justice, (experts-)comptables, fiscalistes, conseils fiscaux, juristes d’entreprise, réviseurs d’entreprises…, mais également aux professeurs, étudiants et chercheurs.
Sous la direction de :
Robert Andersen, Premier président du Conseil d’État, Professeur extraordinaire à l’Université catholique de Louvain
Jean du Jardin, Procureur général émérite à la Cour de cassation, Premier avocat général chef de parquet honoraire de la Cour de Justice Benelux, Professeur extraordinaire émérite aux Facultés de droit de l'Université catholique de Louvain et des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur
Paul Alain Foriers, Avocat à la Cour de cassation, Professeur ordinaire à l’Université
libre de Bruxelles
Lucien Simont, Avocat, Ancien bâtonnier du barreau de cassation, Professeur émérite de l’Université libre de Bruxelles
Parus dans la collection :
Gérard, Ph., Boularbah, H. et van Drooghenbroeck, J.-Fr., Pourvoi en cassation en matière civile, 2012, 426 p.
van Drooghenbroeck, J.-Fr., Requête civile, 2012, 54 p.
Boularbah, H. et Marquet, Ch., Tierce opposition, 2012, 156 p.
Beguin, E., Bail à ferme et droit de préemption, 2013, 334 p.
Vandersanden, G., Renvoi préjudiciel en droit européen, 2013, 208 p.
Glansdorff, Fr., Mandat et fiducie, 2013, 238 p.
Clesse, Ch.-E., Droit pénal social, 2013, 648 p.
Wagemans, M., Concession de vente, 2014, 230 p.
Simonart, V., Société en nom collectif – Sociétés en commandites (SNC, SCS et SCA), 2014, 220 p.
Marchal, P., Principes généraux du droit, 2014, 320 p.
A. & M.
Auteurs & Média
A.J.T.
Algemeen Juridisch Tijdschrift
A.P.M.
Administration publique – Mensuel
A.P.T.
Administration publique – Trimestriel
A.R.
arrêté royal
AFDI
Annuaire français de droit international
AJCL
American Journal of Criminal Law
AJDA
Actualités juridiques – Droit administratif
AJDP
Actualités juridiques – Droit pénal
AJIL
American Journal of International Law
al.
alinéa
Ann. Conv.
Annuaire de la Convention européenne des droits de l’homme
Ann. dr. Liège
Annales de droit de Liège
Ann. Dr. Louvain
Annales de Droit de Louvain
Arr. Cass.
Arresten van het Hof van Cassatie
art.
article
ASDI
Annuaire suisse de droit international
av. gén.
avocat général
B.C. Int'l & Comp. L. Rev.
Boston College International and Comparative Law Review
B.Y.I.L.
British Yearbook of International Law
Baltic Y.B. Int'l L.
Baltic Yearbook of International Law
BMIS
Bulletin mensuel d'information des sociétés Joly
Bull. Ass.
Bulletin des Assurances
Bull.
Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (de Belgique)
C. const.
Cour constitutionnelle
C. jud.
Code judiciaire
C. pén.
Code pénal
C. trav.
Cour du travail
C.D.P.K.
Chroniques de Droit Public/Publiekrechtelijke Kronieken
C.E.
Conseil d’État
C.J.C.E.
Cour de justice des Communautés européennes
C.L.J.
Cambridge Law Journal
Cah. dr. eur.
Cahiers de droit européen
Cass.
Cour de cassation de Belgique
Cass. fr.
Cour de cassation de France
CEDH
Convention européenne des droits de l’homme
cf.
confer
Civ.
Tribunal de première instance
col.
colonne
Comm.
Tribunal de commerce
comp.
comparez
concl.
conclusions
Conn. J. Int'l L.
Connecticut Journal of International Law
D.H.
Recueil hebdomadaire de jurisprudence Dalloz
D.R.
Décisions et rapports (de la Commission européenne des droits de l’homme)
Dall.
Recueil Dalloz
Dall.-Sir.
Recueil Dalloz-Sirey
Digest
Digest of Strasbourg Case-Law relating to the European Convention on Human Rights
Doc. parl.
Documents parlementaires
Dr. adm.
Droit administratif
Dr. fam.
Droit de la famille
Dr. soc.
Revue de Droit social (France)
e.a.
et autres
EHRLR
European Human Rights Law Review
EJIL
European Journal of Itnernational Law
EJSL
European Journal of Social Law
EJSS
European Journal of Social Security
et s.
et suivants
EuGRZ
Europaïsche Grunderecht-Zeitschrift
Eur. J. Migration & L.
European Journal of Migration and Law
Gaz. Pal.
Gazette du Palais (France)
German L.J.
German Law Journal
Harvard ILJ
Harvard International Law Journal
HRLJ
Human Rights Law Journal
HRLR
Human Rights Law Review
HRQ
Human Rights Quarterly
Hum. Rts. & Int'l Legal Discourse
Human Rights & International Legal Discourse
IAEHRJ
Inter-American and European Human Rights Journal
ibid.
ibidem
ICLQ
International and Comparative Law Quarterly
Int'l J. Evidence & Proof
International Journal of Evidence and Proof
Irish Y.B. Int'l L.
Irish Yearbook of International Law
J.D.E.
Journal de droit européen
J.D.F.
Journal de droit fiscal
J.J.P.
Journal des juges de paix
J.L.M.B.
Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles
J.P.
Juge de paix
J.P.A.
Jurisprudence du port d'Anvers
J.T.
Journal des tribunaux
J.T.D.E.
Journal des tribunaux – Droit européen
J.T.L.
Journal des tribunaux - Luxembourg
J.T.T.
Journal des tribunaux du travail
JCP
Juris-classeur périodique (Semaine juridique)
JDI
Journal de droit international (Clunet)
Jud. Rev.
Judicial Review
Jur. Liège
Jurisprudence de Liège
Jura Falc.
Jura Falconis
loc. cit.
loco citato
LPA
Les Petites Affiches
M.B.
Moniteur belge
M.P.
ministère public
MJECL
Maastricht Journal of European and Comparative Law
Mod. L. Rev.
Modern Law Review
N. Ir. Legal Q.
The Northern Ireland legal Quarterly
N.Y.U. J. Int'l L. & Pol.
New York University Journal of International Law and Politics
NILR
Netherlands International Law Review
NJ
Neue Justiz
NJB
Nederlandsch Juristenblad
NJECL
New Journal of European Criminal Law
NJW
Neue juristische Wochenschrift
not.
notamment
NQHR
Netherlands Quarterly of Human Rights
op. cit.
opere citato
ÖzöR
Österreichische Zeitschrift für öffentliches Recht
ÖzöRV
Österreichische Zeitschrift für öffentliches Recht und Völkerrecht
Pas.
Pasicrisie
proc. gén.
procureur général
R.A.A.C.E.
Recueil des arrêts et avis du Conseil d’État
R.A.C.E.
Recueil des arrêts du Conseil d’État
R.B.D.C.
Revue belge de droit constitutionnel
R.C.J.B.
Revue critique de jurisprudence belge
R.D.C.
Revue de droit commercial Belge
R.D.H.
Revue des droits de l’homme
R.D.I.C.
Revue de droit international et droit comparé
R.D.J.P./P&B
Revue de droit judiciaire et de la preuve/Proces- en bewijsrecht
R.E.D.C.
Revue européenne de droit de la consommation
R.G.
rôle général
R.G.F.
Revue générale de fiscalité
R.I.D.C.
Revue internationale de droit comparé
R.I.D.P.
Revue internationale de droit pénal
R.J.D.A.
Recueil de jurisprudence de droit administratif
R.T.D.Civ.
Revue trimestrielle de droit civil (France)
R.W.
Rechtskundig Weekblad
RCADI
Recueil des Cours de l'Academie de Droit International
RDAI
Revue de droit des affaires internationales
RDP
Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger
Rec. trav. prép.
Recueil des travaux préparatoires de la Convention européenne des droits de l’homme
Rec.
Recueil des décisions de la Commission européenne des droits de l’homme
Rec. C.J.C.E.
Recueil de jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes
réf.
références
Rev. b. dr. intern.
Revue belge de droit international
Rev. dr. étr.
Revue du droit des étrangers
Rev. dr. pén.
Revue de droit pénal et de criminologie
Rev. dr. ULB
Revue de droit de l'ULB
Rev. not. b.
Revue du notariat belge
Rev. rég. dr.
Revue régionale de droit
Rev. trim. dr. eur.
Revue trimestrielle de droit européen
RFDA
Revue française de droit administratif
RGDIP
Revue générale de droit international public
Riv. dir. int.
Rivista di diritto internazionale
RJPF
Revue Juridique Personnes et Famille
RLCT
Revue Lamy des Collectivités Territoriales
Romanian Rev. Priv. L.
Romanian Review of Private Law
RPDP
Revue pénitentiaire et de droit pénal
RQDI
Revue québecoise de droit international
RRJ
Revue de la recherche juridique. Droit prospectif
RSC
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé
sais.
juge des saisies
Série A
Publications de la Cour européenne des droits de l'homme. Série A : Arrêts et décisions
Série B
Publications de la Cour européenne des droits de l'homme. Série B : Mémoires, plaidoiries et documents
sess.
session
somm.
sommaire
T. Gem.
Tijdschrift voor Gemeenterecht
T. Not.
Tijdschrift voor Notarissen
T.B.P.
Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen En Publiekrecht
Trib. trav.
tribunal du travail
Va. J. Int'l L.
Virginia Journal of International Law
Vl. T. Gez.
Vlaams Tijdschrift voor gezondheidsrecht
ZaöRV
Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht
La seconde édition de l’ouvrage entend rester fidèle à la méthode et à la philosophie générale qui ont animé la première édition. Le plan n’a guère subi de modifications, sauf évidemment celles qu’imposent les transformations du système conventionnel depuis voici vingt-trois ans, comme la disparition de la Commission européenne des droits de l’homme. Les anciennes références jurisprudentielles et doctrinales ont été quasi intégralement maintenues. Nous avons, en effet, estimé que celles-ci, qui ont édifié les bases du système conventionnel actuel, gardaient toute leur pertinence. Le but est également d’offrir au lecteur une vue historique pour lui permettre d’évaluer pleinement l’évolution progressive de ce système. Le lecteur s’apercevra ainsi que la jurisprudence actuelle, prolifique et variée, de la Cour européenne des droits de l’homme puise ses racines profondes dans les principes jurisprudentiels forgés au cours des années quatre-vingt. La doctrine de l’époque doit également être saluée à cet égard, et c’est pourquoi les références aux ouvrages de l’époque portent sur l’édition de l’époque, même si l’ouvrage concerné a fait l’objet de plusieurs mises à jour par la suite, lesquelles sont néanmoins citées dans la bibliographie.
Les mises à jour de la seconde édition portent à la fois sur la jurisprudence et la doctrine. Mais elles ne sont pas aussi complètes que celles de la première édition, et pour cause. Si elles portent, à l’instar de la première édition, à la fois sur les jurisprudences européenne et nationales, la croissance exponentielle des sources jurisprudentielles et doctrinales au cours des vingt-trois années passées rendait la tâche extrêmement ardue. Une certaine sélectivité s’imposait.
Je tiens à remercier ici vivement la famille de feu Jacques Velu. Sans Jacques Velu, cet ouvrage n’aurait jamais pu voir le jour. Sans le soutien, surtout moral, de la famille Velu, exprimé par sa fille, Mme Sylviane Velu, conseiller honoraire à la Cour de cassation, la seconde édition aurait pu être compromise. Que la famille soit vivement remerciée d’avoir accepté sans hésitation l’idée de l’éditeur de lancer une seconde édition. Il est évident que les opinons exprimées dans cet ouvrage engagent uniquement l’auteur de la seconde édition. Celle-ci est aussi pour l’auteur une manière d’honorer la mémoire de ce grand magistrat et professeur qu’était Jacques Velu.
Je tiens également à remercier l’éditeur pour sa ponctualité et son professionnalisme ainsi que Monsieur Christian Deprez et Madame Aurélie Melchior, collaborateurs de recherche à l'Université du Luxembourg, qui m'ont aidé respectivement dans la mise à jour des données bibliographiques et dans la lecture des épreuves.
Bruxelles, le 30 janvier 2014.
Rusen Ergec
(avec renvoi aux pages)
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’HOMME
CHAPITRE 2. HISTORIQUE DE LA CONVENTION
CHAPITRE 3. BUTS DE LA CONVENTION
CHAPITRE 4. APPLICATION DE LA CONVENTIONET DE SES PROTOCOLES DANS LE TEMPS ET DANS L’ESPACE
CHAPITRE 5. INTERPRÉTATION DE LA CONVENTION
TITRE 1. Droits et libertés reconnuspar la Convention et ses Protocoles
CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS
CHAPITRE 2. DROITS CONCERNANT LA VIE ET L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE DE LA PERSONNE
CHAPITRE 3. DROITS PROTÉGEANT LA LIBERTÉ PHYSIQUE DE LA PERSONNE
CHAPITRE 4. DROITS RELATIFS À L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
CHAPITRE 5. DROITS CONCERNANT LA VIE PRIVÉE ET LA VIE FAMILIALE
CHAPITRE 6. DROITS INTELLECTUELS
CHAPITRE 7. DROITS CONCERNANT LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES
CHAPITRE 8. DROIT AU RESPECT DES BIENS
TITRE 2. Contrôle européen du respect des engagements résultant de la Convention et de ses Protocoles pour les États contractants
CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS
CHAPITRE 2. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
CHAPITRE 3. COMITÉ DES MINISTRES
CHAPITRE 4. SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’ EUROPE
CONSIDÉRATIONS FINALES
Bibliographie
Index alphabétique
SOMMAIRE
(avec renvoi aux pages)
CHAPITRE 1Protection internationale des droits de l’homme
CHAPITRE 2Historique de la Convention
CHAPITRE 3Buts de la Convention
CHAPITRE 4Application de la Convention et de ses Protocoles dans le temps et dans l’espace
CHAPITRE 5Interprétation de la Convention
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Voyez la partie III de la bibliographie reprise en fin d’ouvrage.
1 ► Il est difficile, croyons-nous, de discerner la portée de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et d’en mesurer l’importance si cet instrument n’est pas situé tout d’abord dans le contexte général de la protection internationale des droits de l’homme. C’est pourquoi, nous plaçant dans une perspective historique, nous commencerons par évoquer brièvement la naissance et le développement du droit international des droits de l’homme, ainsi que les principaux instruments de protection, aussi bien universels que régionaux.
2 ► Le concept de « droits de l’homme » plonge ses racines jusqu’à la Grèce antique et à Rome1.
Exprimée longtemps sous le vocable de « droits naturels », l’idée de droits de l’homme se développera à la faveur de l’Humanisme et de la Réforme, pour être systématisée dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique de 1776 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
L’émergence des droits de l’homme dans l’ordre juridique international se fera, par contre, d’une manière timide et lente. On trouve les premiers linéaments d’un droit international des droits de l’homme dans la responsabilité internationale des États pour les dommages causés aux étrangers. Cette responsabilité donna lieu, principalement au cours du XIXe siècle, à des interventions d’humanité qui servaient plus une politique de force que la protection désintéressée des droits de l’homme2. Un autre mode, beaucoup moins controversé, était, et reste, la protection diplomatique des nationaux se trouvant à l’étranger ; mais, l’État de la victime étant, d’après les règles du droit international, absolument libre d’endosser ou non la cause de son ressortissant, ici aussi, ce sont en fait des considérations d’opportunité politique qui dictent son action, de sorte que l’individu se trouve plus ou moins protégé selon les rapports de force et la conjoncture politique. La protection conventionnelle des droits de l’homme n’est pas davantage affirmée. Elle se limite à quelques traités réprimant le trafic des esclaves et aux conventions humanitaires de Genève et de La Haye.
3 ► Des progrès nettement plus sensibles seront enregistrés après la Première Guerre mondiale. Un premier pas important est franchi par la création, en 1919, de l’Organisation internationale du travail (O.I.T.), en vue de contribuer, par la coopération internationale, à l’amélioration des conditions de vie et de travail. « Véritable déclaration des droits du travailleur »3, la constitution de l’O.I.T. prévoit, comme principale forme d’action, l’élaboration de conventions et de recommandations définissant les normes à appliquer dans tous les domaines de la politique sociale. L’application de ces instruments fait l’objet d’un système de contrôle fort évolué. Sans préjudice d’un mécanisme de contrôle permanent et d’office, fondé sur l’examen des rapports des gouvernements, des procédures contentieuses peuvent être mises en œuvre à la suite d’une plainte étatique ou d’une plainte émanant des organisations de travailleurs et d’employeurs. En outre, la liberté syndicale fait l’objet d’un mécanisme spécial de protection4.
Le système de protection des pays sous mandat, organisé par la Société des Nations, constituait une seconde forme de protection, plus limitée, il est vrai. Son mérite principal fut d’habituer les États mandataires à se considérer, en matière de droits de l’homme, comme titulaires d’obligations non vis-à-vis d’autres États, mais à l’égard de la collectivité internationale.
Enfin, le système de protection des minorités, instauré également sous l’égide de la Société des Nations, se solda sans doute par un échec au plan politique. Il n’en demeure pas moins qu’il représenta une étape importante dans l’histoire de la protection internationale des droits de l’homme, à deux points de vue : d’une part, pour la première fois, des droits fondamentaux de nature civile ou politique recevaient, en droit international, un début de codification ; d’autre part, la violation de ces droits pouvait donner lieu à une procédure internationale de nature quasi juridictionnelle.
4 ► C’est surtout depuis la fin de la dernière Guerre mondiale que l’individu, « cet homme oublié du XIXe siècle », s’intègre progressivement dans le droit international. L’évolution qui, en quelques années, a connu de prodigieux développements et qui, sans doute, est loin d’être terminée, s’opère à la fois au plan universel et au plan régional.
5 ► La Charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945 et approuvée par la loi du 14 décembre 19455, se réfère à diverses reprises à la protection des droits de l’homme. Les Nations unies ont ainsi pour but de « réaliser la coopération internationale […] en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » (art. 1er, § 3 ; voy. aussi art. 55, litt. c). Afin notamment d’atteindre ce but, les États membres « s’engagent à agir tant conjointement que séparément en coopération avec l’organisation » (art. 56). L’Assemblée générale et le Conseil économique et social se voient dotés d’un pouvoir de recommandation en vue d’assurer le respect et la jouissance des droits de l’homme (art. 13, § 1er, litt. b, et 62, § 2).
La seule obligation concrète qui se dégage à charge des États membres est celle de coopérer dans le respect effectif et universel des droits de l’homme6. La portée de cette obligation fut controversée à l’origine7. On a pu prétendre que les États contractants n’assumaient par là aucun engagement juridique précis, la Charte ne spécifiant guère les droits à sauvegarder. D’autres ont déduit de la Charte un devoir général de respecter les droits de l’homme. De fait, l’évolution ultérieure atteste l’existence d’une obligation de ne pas méconnaître systématiquement l’engagement souscrit au titre de l’article 568. Mieux, dans l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, la Cour internationale de justice a fait notamment appel aux principes de la Charte pour condamner « le fait de priver abusivement de leur liberté des êtres humains et de les soumettre dans des conditions pénibles à une contrainte physique »9.
La Charte n’institue pas un système effectif de contrôle. À côté de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social, il faut signaler la Commission des droits de l’homme de l’ONU, devenue depuis 2006 Conseil des droits de l'homme, qui est un organe subsidiaire du Conseil économique et social. Pas plus que ce dernier et l’Assemblée générale, le Conseil n’est doté de pouvoirs contraignants : son rôle se limite aux enquêtes et études et aux débats sur des violations graves et systématiques des droits de l’homme, lesquels ne débouchent que sur de simples recommandations10.
6 ► Les dispositions vagues et essentiellement programmatrices de la Charte en matière des droits de l’homme exigeaient des actions plus concrètes. Une première étape fut franchie assez rapidement : la Déclaration universelle des droits de l’homme fut adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 10 décembre 1948 (Résolution 217A III)11.
Outre des droits déjà prévus dans bon nombre de constitutions nationales, et notamment dans la Constitution belge, la Déclaration proclame plusieurs droits fondamentaux de nature civile et politique non encore garantis (voy., p. ex., les art. 13, 14 et 15). À côté des droits civils et politiques, elle définit un certain nombre de droits économiques, sociaux et culturels (art. 22 à 27).
Le problème de savoir quelle est la valeur juridique de la Déclaration a donné lieu à de nombreuses controverses. Suivant une conception traditionnelle, ce n’est pas une déclaration-convention, mais une déclaration-manifeste, énonçant des principes généralement reconnus comme un idéal commun à atteindre12. Depuis peu, on assiste cependant à une évolution doctrinale et jurisprudentielle qui reconnaît à la Déclaration la valeur de coutume internationale13.
En tout cas, selon la jurisprudence belge, la publication de la Déclaration dans le Moniteur14 n’a pas eu pour effet d’incorporer celle-ci dans le droit interne belge. Il s’ensuit notamment que la Déclaration ne saurait constituer la base légale d’un pourvoi en cassation15 ou d’un recours en annulation devant le Conseil d’État16, ou encore d’un recours devant la Cour constitutionnelle17.
7 ► Le 16 décembre 1966, par sa résolution 2200 A XXI, l’Assemblée générale de l’ONU adopta trois instruments à valeur de traité et donc obligatoires à l’égard des États les ayant ratifiés :
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lequel sera complété par un second Protocole facultatif de 1989 relatif à l'abolition de la peine de mort.
Les deux premiers instruments ont essentiellement pour objet de préciser et de développer les droits reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels n’est pas doué d’une grande effectivité. La réalisation des droits qu’il reconnaît dépend, avant tout, des ressources économiques des États. C’est pourquoi, il se borne principalement à énoncer des objectifs ou des standards plutôt que des engagements précis et contraignants, même si la jurisprudence, belge notamment, accorde à certaines de ses dispositions un effet dit « stand-still »18.
Il en va tout autrement du Pacte sur les droits civils et politiques, qui renferme un catalogue fort élaboré de droits concrets et effectifs. Les clauses normatives de cet instrument présentent de fortes similitudes avec celles de la Convention européenne, mais aussi de nombreuses divergences qu’on ne manquera pas de signaler lors de l’étude des droits et libertés de la Convention. Pour l’instant, il suffit d’observer que le Pacte omet de garantir certains droits reconnus dans la Déclaration, comme le droit de propriété et le droit d’asile. À l’inverse et à la différence de la Déclaration et de la Convention, le Pacte renferme certains droits collectifs comme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi que des clauses relatives à la protection des minorités19.
Parmi les autres dispositions du Pacte qui ne se retrouvent pas dans la Convention européenne et ses Protocoles, on mentionnera le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique (art. 16), le droit de toute personne privée de sa liberté d’être traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine (art. 10), les droits de l’enfant (art. 24) et l’interdiction de la propagande de guerre (art. 20).
8 ► Comme on le verra, le Pacte instaure un mécanisme de contrôle peu effectif et qui comporte trois systèmes de mise en œuvre : un système de présentation de rapports, qui a un caractère obligatoire, ainsi qu’un système de communications d’État à État et un système de conciliation, qui ont un caractère facultatif. Ces trois systèmes s’ordonnent autour d’un comité de dix-huit membres élus par les États parties et siégeant à titre individuel : le Comité des droits de l’homme. En vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Comité peut recevoir des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation d’un des droits reconnus dans le Pacte. Le Comité est cependant dépourvu de tout pouvoir de décision obligatoire (pour plus de détails sur ce système de contrôle, voy. infra, nos887 à 889). Sa jurisprudence n'en est pas moins riche et instructive, ce qui explique probablement que la Cour européenne des droits de l'homme s'y réfère parfois20.
9 ► La Belgique a ratifié les deux pactes le 21 avril 198321. Ils ont été approuvés par la loi du 15 mai 198122. Le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est entré en vigueur le 3 janvier 1976, tandis que le Pacte relatif aux droits civils et politiques est entré en vigueur le 23 mars 1976. Lors de la ratification, la Belgique a formulé sept réserves ou déclarations interprétatives. Les plus importantes d’entre elles se rapportent aux articles 10 et 14 du Pacte relatif aux droits civils et politiques. On reviendra sur ces réserves lors de l’étude des droits auxquels elles se rapportent.
La Belgique a adhéré le 17 mai 1994 au Protocole facultatif permettant l’examen des communications individuelles.
10 ► La question de savoir si les clauses du Pacte relatif aux droits civils et politiques ont des effets directs dans l’ordre juridique belge, a fait l’objet d’assez vives controverses23. Aujourd'hui, ces controverses sont dépassées. La jurisprudence de la Cour de cassation a reconnu des effets directs à bon nombre des normes de cet instrument24.
11 ► Le caractère universel des droits de l’homme ne s’oppose pas aux initiatives en vue d’instaurer des systèmes de protection adaptés aux diversités régionales25.
C’est ainsi que dès 1948, l’Organisation des États américains adopta la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme. Cet instrument, calqué sur la Déclaration universelle des droits de l’homme, fut suivi d’un instrument plus contraignant, la Convention interaméricaine des droits de l’homme, signée le 22 novembre 1969 et entrée en vigueur le 18 juillet 197826. Les clauses normatives de la Convention sont principalement inspirées du Pacte international sur les droits civils et politiques. Le système de contrôle comporte une Commission, investie d’une compétence d’enquête et de fonctions quasi juridictionnelles, ainsi qu’une Cour, dont les décisions sont obligatoires pour les États contractants. Les règles de saisine sont exactement inverses de celles de la Convention européenne : la ratification de la Convention interaméricaine emporte ipso jure la reconnaissance de la compétence de la Commission pour examiner les requêtes individuelles, tandis que les requêtes interétatiques supposent la reconnaissance préalable de la juridiction de la Commission à cet effet. L’effectivité du système de contrôle interaméricain souffre du fait que la compétence contentieuse de la Cour trouve rarement à s’exercer en raison de la réticence de la Commission à lui déférer des affaires (voy. infra, no883)27. Il n'en demeure pas moins que la jurisprudence de la Cour de St-José n'est pas sans inspirer la Cour de Strasbourg dans certains domaines comme celui des disparitions forcées ou de mauvais traitements28.
12 ► Adoptée le 28 juin 1981 par le sommet de l’Organisation de l’Unité africaine, et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples tend à instituer un système de protection adapté aux spécificités africaines29. La Charte consacre quelques garanties qui prennent un relief particulier dans le contexte africain, comme l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers ou le droit de ne pas faire partie d’une association. Elle met aussi l’accent sur les devoirs de l’individu envers la collectivité, bien dans la ligne des valeurs culturelles africaines. La Charte s’efforce aussi de réaliser une harmonie entre les droits civils et politiques, d’une part, et les droits économiques, sociaux et culturels, de l’autre. En reconnaissant le droit des peuples à côté des droits de l’homme classiques, la Charte ne confère pas aux minorités ethniques un droit à la sécession, mais se borne à viser les situations coloniales dont une partie de l’Afrique souffre toujours30.
Dans un continent où, il y a peu, les droits de l’homme étaient considérés comme relevant du domaine réservé des États, la conclusion de la Charte constitue assurément un progrès substantiel. Mais, la protection offerte par la Charte n’est pas sans déficiences. De nombreux droits sont assortis de restrictions dont l’étendue est laissée à l’appréciation discrétionnaire des États31. Si la Charte institue une « Commission des droits de l’homme et des peuples » pour veiller à son application, la Commission est cantonnée dans un rôle d’information et d’enquête, et le pouvoir du dernier mot sur les mesures concrètes à prendre appartient à la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de l’O.U.A.32. Un Protocole de 1998 portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme a créé une Cour africaine des droits de l'homme dont les activités sont pour l'instant des plus réduites.
Jusqu'à septembre 2013, la Cour avait reçu 28 requêtes, dont vingt ont déjà été traitées.
L'Acte constitutif de l'Union africaine (qui a succédé à l'OUA) a prévu la création d'une Cour africaine de justice en tant que principal organe judiciaire de l'Union avec la fonction de régler les différends relatifs à l'interprétation des traités de l'UA. Un protocole établissant la Cour a été adopté à Maputo en juillet 2003 et est entré en vigueur en février 2009. Toutefois, la Cour n'a jamais vu le jour parce que l'Assemblée des Chefs d'État et de Gouvernement de l'UA a décidé qu'elle devait être fusionnée avec la Cour africaine des droits de l’homme afin de former une seule Cour africaine de justice et des droits de l'homme. Un protocole pour fusionner les deux cours existantes et le statut de la nouvelle cour ont été adoptés par l’Assemblée de l'UA à Charm el-Cheikh en juillet 2008.
Cependant, jusqu'à mai 2012, seulement trois États membres de l'UA avaient ratifié le Protocole de Charm el-Cheikh. Il n'est donc pas encore entré en vigueur et la Cour africaine des droits de l'homme continue d'exister et de fonctionner sous son propre statut.
13 ► L’extrême diversité des conditions sociales, économiques et politiques, dont le continent asiatique est empreint, explique sans doute l’absence de tout système de protection à l’échelle de ce continent33.
14 ► Au plan européen, outre les conventions conclues au sein du Conseil de l’Europe et le système propre à l’ordre juridique de l'Union européenne, on signalera les activités au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.) relatives surtout à la protection des minorités qui débouchent sur des recommandations ou résolutions dépourvues d'effets obligatoires.
15 ► Les développements qui précèdent attestent de l’importance des mutations consécutives à la Seconde Guerre mondiale. Les droits de l’homme sont devenus une source de préoccupation constante de la communauté internationale. Des réseaux de protection tissés au plan universel comme au plan régional ont soustrait les droits de l’homme au domaine réservé des États34. Le droit international a ainsi annexé des pans entiers du droit constitutionnel qui a cessé, de ce fait, d’être le monopole du droit interne35.
En tant que droits fondamentaux de la personne humaine, certains des droits consacrés dans les instruments universels et régionaux, tels le droit à la vie ou à l’intégrité physique, ont été érigés à la dignité de normes impératives de droit international général, s’imposant aux États même en l’absence de tout lien conventionnel et ce, à l’égard de tous les autres États36.
À la différence du droit international classique, le droit international des droits de l’homme favorise l’émergence de l’individu dans l’ordre international. Celui-ci est protégé, abstraction faite de toute condition de nationalité ou de réciprocité. Les obligations assumées par les États ont un caractère objectif et visent à la protection de toutes les personnes se trouvant sous leur juridiction37.
Ces spécificités du droit international des droits de l’homme ne doivent pas dissimuler ses limites. Si les États ne peuvent plus exciper de leur souveraineté pour se soustraire à leurs obligations au titre des droits de l’homme, l’exécution de ces obligations à charge des États récalcitrants se heurte aux déficiences des mécanismes de contrôle. La souveraineté de l’État reprend ses droits et ne s’accommode guère d’un règlement juridictionnel obligatoire aboutissant à des décisions exécutoires.
16 ► La Convention européenne des droits de l’homme ne constitue pas seulement l’expression la plus achevée de la spécificité du droit international des droits de l’homme. Elle ignore aussi une grande partie de ses faiblesses.
La Convention instaure d’abord un ordre juridique sui generis, à la charnière de l’ordre juridique international et de l’ordre juridique interne. Évoquant, à bien des égards, les structures supranationales, cet ordre normatif et institutionnel constitue un véritable ordre public propre aux libres démocraties d’Europe. Il est sanctionné par des voies de droit appropriées, mises en mouvement souvent par le droit de recours individuel et aboutissant, dans la plupart des cas, au règlement juridictionnel contraignant, devant une cour composée de magistrats indépendants. Ce système de sauvegarde est doté d’une effectivité à laquelle aucun autre mécanisme de protection, universel ou régional, ne peut valablement prétendre38. Le rôle central qu’il reconnaît à l’individu traduit une « avancée révolutionnaire dans la position juridique de l’individu »39.
On n’est donc pas loin d’une constitution européenne en matière de libertés, sanctionnée par une Cour proche d’une cour constitutionnelle européenne40. Avec ce « vaste système d’harmonisation »41, l’osmose entre le droit international des droits de l’homme et le droit constitutionnel interne, constatée par le professeur Ganshof van der Meersch (cf. supra, no15), atteint sa forme la plus achevée. De fait, on s’achemine vers l’absorption des droits constitutionnels internes par un nouveau droit constitutionnel européen des libertés42.
1. Voy. G. TENEKIDES, « La Cité d’Athènes et les droits de l’homme », in Protection des droits de l’homme : la dimension européenne. Mélanges en l’honneur de G.J. Wiarda, Cologne, Carl Heymanns Verlag, 1988, pp. 605-639.
2. F. LATTANZI, Garanzie dei diritti dell’uomo nel diritto internazionale generale, Milano, Giuffrè, 1983, p. 11.
3. R. CASSIN, « L’homme sujet de droit international et la protection des droits de l’homme dans la société internationale », in La technique et les principes du droit public. Mélanges en l’honneur de Georges Scelle, vol. I, Paris, 1950, p. 68.
4. Voy. K. VASAK, Les dimensions internationales des droits de l’homme, Paris, UNESCO, 1978, pp. 464 et s. ; infra, no873.
5. M.B., 1er janvier 1946.
6. R. CASSIN, « La Déclaration universelle et la mise en œuvre des droits de l’homme », RCADI, 1951, vol. II, p. 249.
7. Voy. H. GURADZE, Der Stand der Menschenrechte im Völkerrecht, Göttingen, 1956, pp. 107-118 ; P. SIEGHART, The International Law of Human Rights, Oxford, 1983, pp. 51 et s.
8. S. ODA, « The individual in international law », in Manual of Public International Law (M. SORENSEN ed.), Londres, MacMillan, 1968, p. 498.
9. Rec., 1984, p. 42, § 91 ; comp. Cour d’appel de Californie, 24 avril 1950, Journ. trib., 1950, p. 397, note H. ROLIN.
10. Cf. M. BOSSUYT, « De bijzondere procedure van de V.N. – Commissie voor de Mensenrechten », in Liber Amicorum Elie van Bogaert, Anvers, Kluwer, 1985, pp. 19-49.
11. Voy. pour l'historique de la déclaration, A. SCHABAS (ed.), The Universal Declaration of Human Rights. The Travaux Préparatoires, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.
12. Commiss., rapport du 27 mai 1974, affaire du Syndicat suédois des conducteurs de locomotives, Série B, no 18, p. 43, § 65 ; déclaration de M. Dehousse, délégué belge à l’Assemblée générale de l’ONU, lors de l’adoption de la Déclaration, doc. A/C.3/SR.108, 21 octobre 1948, p. 7 ; W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, « Quarantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme », J.T., 1988, p. 699.
13. Cf. C.I.J., affaire du Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, Rec., 1984, p. 42, § 91 ; O. DE SCHUTTER, International Human Rights Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, pp. 54-86 ; comp. P. SIEGHART, The International Law of Human Rights, op. cit., pp. 54 et s. ; N.S. RODLEY, « Human rights and humanitarian intervention : the case Law of the World Court », ICLQ, 1989, pp. 321-333 ; Th. BUERGENTHAL et A. KISS, La protection internationale des droits de l’homme, Strasbourg, N.P. Engel, 1991, p. 22 ; comp. A.H. ROBERTSON et J.G. MERRILLS, Human Rights in the World, 4e éd., Manchester, Manchester University Press, 1996, p. 29.
14. M.B., 31 mars 1949, p. 2488.
15. Cass., 15 mars 1965, Pas., 1965, I, p. 734, et 1er décembre 1983, R.G. no 6950, Pas., 1984, I, no 185. La Cour de cassation applique pourtant la coutume internationale (Cass., 22 novembre 2012, R.G. no C.11.0688.F, R.C.D.I., 2012, p. 67, avec concl. proc. gén. J.-Fr. LECLERCQ).
16. C.E., 9 février 1966, R.A.A.C.E., 1966, p. 117 ; R.J.D.A., 1966, p. 59.
17. C. const., 24 avril 2008, arrêt no 73/2008, pt B.3.2.
18. I. HACHEZ, « Lorsque Cour d'arbitrage et Standstill se rencontrent... », note sous C.A., 14 septembre 2006, arrêt no 137/2006, J.T., 2007, pp. 150-153.
19. Voy. A. CASSESE, « The Self-Determination of Peoples », in The International Bill of Rights. The Covenant on Civil and Political Rights (L. HENKIN ed.), New York, Columbia University Press, 1981, pp. 92-114 ; L.B. SOHN, « The Rights of Minorities », The International Bill of Rights. The Covenant on Civil and Political Rights (L. HENKIN ed.), New York, Columbia University Press, 1981, pp. 270-290.
20. Arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie du 4 février 2005 (Grande Chambre), §§ 40-42. Sur la jurisprudence du Comité, voy. L. HENNEBEL, La jurisprudence du Comité des droits de l'homme des Nations Unies – Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son mécanisme de protection individuelle, préface par M. NOWAK, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2007.
21. M.B., 6 juillet 1983, p. 8806 ; M. BOSSUYT, « België partij bij de UNO-Pacten inzake mensenrechten », R.W., 1983-1984, col. 781-790.
22. M.B., 6 juillet 1983.
23. Voy. J. VELU, Les effets directs des instruments internationaux en matière de droits de l’homme, Bruxelles, Swinnen, 1981, nos 13-20 ; M. BOSSUYT, « België partij bij de UNO-Pacten inzake mensenrechten », op. cit., col. 784 et s.
24. Cass., 17 janvier 1984, R.G. no 8405, Pas., 1984, I, no 259 ; Cass., 11 juin 1985, R.G. no 9607, Pas., 1985, I, no 619 ; Cass., 2 octobre 1985, R.G. no 4426, Pas., 1986, I, no 58 ; Cass., 18 novembre 1986, R.G. no 186, Pas., 1987, I, no 173 ; Cass., 11 mars 1987, R.G. no 5690, Pas., 1987, I, no 413 ; Cass., 3 novembre 1987, R.G. no 1841, Pas., 1988, I, no 140 ; Cass., 16 décembre 1987, R.G. no 6327, Pas., 1988, I, no 238 ; Cass., 10 février 1988, R.G. no 6302, Pas., 1988, I, no 355 ; Cass., 22 mars 1988, R.G. no 1677, Pas., 1988, I, no 455 ; Cass., 22 mars 1988, R.G. no 2221, Pas., 1988, I, no 461 ; Cass., 18 mai 1988, R.G. no 6478, Pas., 1988, I, no 579 ; Cass., 25 mai 1988, R.G. no 6564, Pas., 1988, I, no 588 ; Cass., 28 juin 1988, R.G. no 2601, Pas., 1988, I, no 670 ; Cass., 7 septembre 1988, R.G. no 6898, Pas., 1989, I, no 10 ; Cass., 7 septembre 1988, R.G. no 6947, Pas., 1989, I, no 11 ; Cass., 22 novembre 1988, R.G. no 1971, Pas., 1989, I, no 171.
25. Voy. K.J. PARTSCH, « Vor- und Nachteile einer Regionalisierung des internationalen Menschenrechtsschutzes », EuGRZ, 1989, pp. 1-9.
26. Voy. Th. BUERGENTHAL, « Implementation in the Inter-American Human Rights System », in International Enforcement of Human Rights (R. BERNHARDT et J.A. JOLOWICZ ed.), New York-Berlin, Heidelberg, 1985, pp. 57-75 ; K. VASAK, Les dimensions internationales des droits de l’homme, op. cit., pp. 600-634 ; Th. BUERGENTHAL, R. NORRIS et D. SHELTON, Protecting Human Rights in the Americas, Kehl-Strasbourg-Arlington, N.P. Engel Publisher, 1982 ; J. KOKOTT, Das Interamerikanische System zum Schutz der Menschenrechte, Berlin, Heidelberg, 1986 ; J.A. FROWEIN, « The American and European Conventions on Human Rights : A comparison », HRLJ, 1980, pp. 44-65 ; C. MEDINA, The American Convention on Human Rights, Antwerpen, Intersentia, 2013. La Convention a été complétée en 1988 par un protocole additionnel garantissant des droits économiques, sociaux et culturels et puis par un second Protocole, conclu deux ans plus tard, sur l’abolition de la peine de mort.
27. Sur le système interaméricain, voy. L. HENNEBEL, La jurisprudence du Comité des droits de l'homme des Nations Unies – Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son mécanisme de protection individuelle, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2007 ; L. HENNEBEL et H. TIGROUDJA, Le particularisme interaméricain des droits de l'homme, Paris, Pedone, 2009 ; L. HENNEBEL et A. VAN WAEYENBERGE (éd.), Exceptionnalisme américain et droits de l'homme, Paris, Dalloz, 2009.
28. Voy., not., arrêt Savriddin Dzhurayev c. Russie du 25 avril 2013 ; l'opinion concordante des juges Tulkens, Sielmann, Scilianos et Keller sous l'arrêt El-Masri c. l'Ex République yougoslave de Macédoine du 13 décembre 2012 ; arrêt Bayatyan c. Arménie du 7 juillet 2011 (Grande Chambre), §§ 66-68 (en ce qui concerne le droit à l'objection de conscience).
29. Voy. A. FENET e.a., Droits de l’homme, droits des peuples, Paris, PUF, 1982, pp. 203-221 ; R. GITTLEMAN, « The African Charter on Human and People’s Rights : A legal Analysis », Va. J. Int’l L., 1982, pp. 667-714 ; U.O. UMOZURIKE, « The African Charter on Human and People’s Rights », AJIL, 1983, pp. 902-913 ; E.G. BELLO, « African Charter on Human and People’s Rights », RCADI, 1985, t. V ; T. VAN BOVEN, « The Relations between People’s Rights and Human Rights in the African Charter », HRLJ, 1986, pp. 183-195 ; M. NOWAK, « The African Charter on Human and People’s Rights. Text, Introduction and Selected Bibliography », HRLJ, 1986, pp. 399 et s. ; M. HAMALENGWA, C. FLINTERMAN et E.V.O. DANKWA, The International Law of Human Rights in Africa. Basic Documents and Annotated Bibliography, Dordrecht, Martinus Nijhoff Publishers, 1988 ; R.N. KIWANUKA, « The Meaning of “People” in the African Charter on Human and People’s Rights », AJIL, 1988, pp. 80-102.
30. K.J. PARTSCH, « The Enforcement of Human Rights and People’s Rights : Observations on their Reciprocal Relations », in International Enforcement of Human Rights (R. BERNHARDT et J.A. JOLOWICZ ed.), New York-Berlin, Heidelberg, 1985, p. 28.
31. R. GITTLEMAN, « The African Charter on Human and People’s Rights : A legal Analysis », op. cit., p. 691 ; U.O. UMOZURIKE, « The African Charter on Human and People’s Rights », op. cit., pp. 909 et s.
32. Cf. E.R. MBAYA, « La Charte africaine en tant que mécanisme de protection des droits de l’homme », in International Enforcement of Human Rights (R. BERNHARDT et J.A. JOLOWICZ ed.), New York-Berlin, Heidelberg, 1985, p. 92 ; voy. infra, no883. S. KOWOOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle du concept de “spécificité” africaine en matière de droits de l’homme », Rev. trim. D.H., 2004, pp. 757 et s.
33. Voy. H. YAMANE, « Approaches to Human Rights in Asia », International Enforcement of Human Rights (R. BERNHARDT et J.A. JOLOWICZ ed.), New York-Berlin, Heidelberg, 1985, pp. 99-111 ; voy. infra, no883.
34. S. GLASER, « Les droits de l’homme à la lumière du droit international positif », in Mélanges offerts à H. Rolin, Paris, Pédone, 1964, pp. 115 et s. ; Ch. DAUBIE, « Protection internationale des droits de l’homme et souveraineté des États : un antagonisme inéluctable ? », Ann. Dr. Louvain, 1974, pp. 17 et s. ; F. ERMACORA, « Human Rights and Domestic jurisdiction », RCADI, 1968, t. II, p. 436 ; J.A. CARRILLO SALCEDO, « Souveraineté des États et droits de l’homme en droit international contemporain », in Protection des droits de l’homme : la dimension européenne. Mélanges en l’honneur de G.J. Wiarda, Cologne, Carl Heymanns Verlag, 1988, p. 94.
35. W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, Organisations européennes, t. I, Bruxelles/Paris, Bruylant/Sirey, 1966, p. 255.
36. Cf. C.I.J., affaire de la Barcelona Traction, Rec., 1970, p. 32 ; affaire du Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, Rec., 1980, p. 42.
37. Cf. G. BARILE, « The Protection of Human Rights in Article 60, paragraph 5 of the Vienna Convention on the Law of Treaties », in Studi in onore di Roberto Ago, vol. III, Milan, Giuffrè, 1987, p. 380.
38. Cf. S. SHETREET, « Limits and promises of international norms and procedures : transnational protection of human rights », General report to the XIIth Congress of the International Academy of comparative Law, Melbourne, 1986, pp. 71 et s.
39. W. FRIEDMANN, The Changing Structure of International Law, New York, Columbia University Press, 1964, p. 244.
40. K.W. WEIDMANN, Der Europäische Gerichtshof für Menschenrechte auf dem Weg zu einem europäischen Verfassungsgerichtshof, Frankfurt am Mein-Bern-New York, Peter Lang, 1985 ; A. DRZEMCZEWSKI, European Human Rights Convention in Domestic Law, Oxford, Oxford University Press, 1983, p. 34 ; voy. aussi J.-F. FLAUSS, « La Cour européenne des droits de l'homme est-elle une Cour constitutionnelle ? », in La Convention européenne des droits de l'homme – Développements récents et nouveaux défis, Bruxelles, Bruylant, 1997, pp. 69-92.
41. W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, « La garantie des droits de l’homme et la Cour européenne de Strasbourg », J.T., 1982, p. 107.
42. Voy. M. DE SALVIA, « L’élaboration d’un “ius commune” des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la perspective de l’unité européenne : l’œuvre accomplie par la Commission et la Cour européenne des Droits de l’Homme », in Protection des droits de l’homme : la dimension européenne. Mélanges en l’honneur de G.J. Wiarda, Cologne, Carl Heymanns Verlag, 1988, pp. 555-563.
17 ► Devant les difficultés d’élaboration d’une protection efficace des droits de l’homme au plan universel, naquit l’idée d’élaborer au plan européen une convention visant à réaliser pareille protection. En mai 1948, le Congrès de l’Europe, réuni à La Haye, réclama l’élaboration d’une « Charte des droits de l’homme » ainsi que la création d’une « Cour de Justice » chargée de faire respecter les obligations découlant de la Charte.
Le Mouvement européen, qui s’était constitué à la suite du Congrès, poursuivit les travaux. La Commission juridique du Mouvement élabora un avant-projet de Convention qu’elle soumit, le 12 juillet 1949, au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe1. Ni les droits et libertés reconnus dans ce document ni les limitations dont ils s’entouraient ne comportaient de définition précise. Quant au système institutionnel, il comprenait, à la différence des projets initiaux, deux organes distincts au lieu d’un seul : une commission, pouvant être saisie par des États ou des particuliers et chargée de filtrer les plaintes, et une cour, dotée du pouvoir de prononcer des arrêts exécutoires et d’ordonner des mesures de réparation.
18 ► À partir du 12 juillet 1949, ce fut dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe que s’élabora la Convention.
Le Statut du Conseil, signé à Londres le 5 mai 1949, et approuvé par la loi du 11 février 19502, fait du maintien des droits de l’homme et des libertés fondamentales non seulement un des objectifs et un des principes de base de l’organisation, mais aussi une condition préalable et nécessaire pour être membre de celle-ci (voy. le préambule, ainsi que les art. 1er, 3, 4 et 8)3.
C’est ainsi que, donnant suite à diverses propositions4, l’Assemblée consultative du Conseil décida d’inscrire à l’ordre du jour de sa session « l’étude des mesures à prendre en vue de l’accomplissement du but déclaré du Conseil de l’Europe, conformément à l’article 1er du Statut, pour le maintien et le progrès ultérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales »5. Cette initiative reçut l’approbation du Comité des Ministres qui exprima le vœu que l’Assemblée prenne aussi en considération la question de la « définition » des droits de l’homme.
19 ► Les travaux entamés au sein de la Commission des questions juridiques et administratives de l’Assemblée aboutirent au rapport de M. Teitgen sur « l’organisation d’une garantie collective des libertés essentielles et des droits fondamentaux »6. Sur la base de ce rapport, l’Assemblée consultative adopta, le 8 septembre 1949, la Recommandation no 38 par laquelle elle demandait que fût conclue une Convention européenne de garantie collective des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le projet proposé par l’Assemblée s’inspirait largement du texte élaboré par le Mouvement européen.
Dans sa partie normative, le projet garantissait dix droits et libertés visés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, sans pour autant les définir. Dans sa partie institutionnelle, il prévoyait la création d’une commission et d’une cour chargées d’assurer le respect de la future Convention.
20 ► Le 5 novembre 1949, le Comité des Ministres, donnant suite à la recommandation de l’Assemblée, décida la constitution d’un Comité d’experts gouvernementaux, chargé d’élaborer un projet de Convention7. Le 16 mars 1950, le Comité d’experts soumit son rapport, accompagné d’un projet de Convention, au Comité des Ministres8.
Les experts étaient divisés au sujet de deux problèmes. Au plan normatif, certains optaient pour un système de définition précise des droits à garantir, tandis que d’autres préconisaient une simple énumération des droits et libertés.
Au plan institutionnel, les divergences au sujet de la création d’une cour de justice conduisirent le Comité à ne pas se prononcer sur la question. Pour le reste, le Comité établit un projet comportant diverses variantes entre lesquelles le Comité des Ministres aurait à faire un choix.
21 ► La nature politique des questions ainsi soulevées amena le Comité des Ministres à les soumettre à une Conférence de hauts fonctionnaires munis d’instructions de leurs gouvernements9. Le 17 juin 1950, la Conférence soumit au Comité des Ministres son rapport, auquel était joint un texte unique de projet de Convention10.
En ce qui concerne le choix entre le système de l’énumération et celui de la définition des droits à sauvegarder par la Convention, la Conférence proposa une solution moyenne amalgamant les deux systèmes. Quant à la question d’une Cour européenne des droits de l’homme, la conférence proposa la création d’une cour dont la juridiction serait facultative. Elle se montra également favorable au droit pour les particuliers de s’adresser directement à une Commission européenne des droits de l’homme. La Conférence suggérait, en outre, d’intégrer le Comité des Ministres dans le système de protection en lui attribuant compétence pour statuer sur les rapports de la Commission et rendre des décisions obligatoires à l’égard des États parties à la Convention (voy. infra, no866).
22 ► Le 7 août 1950, le Comité des Ministres approuva dans ses grandes lignes le projet élaboré par la Conférence des hauts fonctionnaires11. Le texte adopté prévoyait notamment que la compétence de la Commission à connaître des requêtes individuelles revêtirait un caractère facultatif (voy. infra, no867).
23 ► Le projet ayant été soumis à l’examen de l’Assemblée consultative12, celle-ci émit un avis favorable par une Recommandation no 24 du 25 août 1950.
Il ne restait plus d’obstacle à la signature de la Convention, qui eut lieu le 4 novembre 1950 au cours d’une réunion des représentants des treize membres du Conseil de l’Europe, tenue dans la grande salle du Palais Barberini à Rome.
1. Voy. le doc. du Mouvement européen intitulé : « Convention européenne des droits de l’homme », doc. Inf/S/F/R, juillet 1949, 35 p.
2. M.B., 11 mars 1950.
3. Cf. B. WASSENBERG, Histoire du Conseil de l'Europe, Strasbourg, Éditions du Conseil de l'Europe, 2013.
4. C.R. Ass. cons., 1ère session, séance 3, Rec. trav. prép., t. I, pp. 11 et s.
5. C.R. Ass. cons., 1ère session, séance 4, Rec. trav. prép., t. I, p. 14.
6. Ass. cons., doc. 77, 1ère session, 15e séance, Rec. trav. prép., t. I, pp. 101-107.
7. Rec. trav. prép., t. II, pp. 231-235.
8. Doc. CM/WP I (50) 5, Rec. trav. prép., t. II, pp. 471-530.
9. Rec. trav. prép., t. III, pp. 535-538.
10. Doc. CM/WP IV (50) 19, Rec. trav. prép., t. III, pp. 639-682.
11. Rec. trav. prép., t. III, pp. 767-795.
12. Voy. Rec. trav. prép., t. IV, pp. 826-943.
24 ► Ainsi qu’il ressort de son titre, la Convention est, avant tout, un instrument « de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Le terme « sauvegarde » est utilisé à dessein. Outre le respect des droits de l’individu, il implique un contrôle solidaire international1.
À proprement parler, la Convention ne « garantit » pas des droits et libertés. Elle les « reconnaît » (cf. art. 1er). C’est dire que son but n’est pas de créer une garantie internationale assurée par les États signataires eux-mêmes, mais plutôt une protection desdits droits par des organes européens, indépendants des gouvernements2.
25 ► Les buts de la Convention sont surtout explicités dans son préambule. Les auteurs du traité y font part de leur intention de promouvoir les objectifs de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Conseil de l’Europe. Ils mettent l’accent sur la nécessité d’œuvrer pour « la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales », le mot “développement” signifiant qu’il est impossible au Conseil de l’Europe d’abandonner son action en ce domaine, et qu’il doit sans cesse poursuivre cette tâche »3. Sans doute, à cette fin, des abandons de souveraineté sont-ils inéluctables. Mais il ne s’agit pas « de diminuer la souveraineté d’un État par rapport à un autre État, de donner prééminence à un État sur un autre État. Il s’agit de limiter la souveraineté des États du côté du droit, et, de ce côté-là, toutes les limites sont permises »4.
26 ► Les considérations qui furent déterminantes pour l’adoption d’une Convention de sauvegarde relevaient les unes de l’ordre juridique, les autres de l’ordre politique.
27 ► Dans l’ordre juridique, la Convention procède de deux préoccupations majeures. Du point de vue normatif, les auteurs du traité entendaient établir un ensemble de règles juridiquement obligatoires qui définiraient le contenu et l’étendue d’un certain nombre de droits civils et politiques dont jouiraient à l’avenir toutes les personnes relevant de la juridiction des États contractants. Du point de vue institutionnel, il s’agissait d’instaurer un système de sauvegarde effectif se situant en partie à l’échelon national (cf. art. 13), en partie à l’échelon européen (titres II à IV) et pouvant, sous certaines conditions, être mis en mouvement par l’individu5.
28 ► Par l’adoption de la Convention, ses auteurs n’entendaient pas faire prévaloir l’une ou l’autre doctrine de philosophie du droit, si ce n’est un discret attachement aux valeurs du droit naturel6. Ils avaient surtout en vue trois menaces qui, à leurs yeux, continuaient à peser sur les droits de l’homme et libertés fondamentales en Europe : la raison d’État, le fascisme et les conditions économiques et sociales du monde moderne7. La perception de cette dernière menace vaut d’être soulignée. Car si la Convention ne reconnaît pas des droits économiques et sociaux, on voit par là que ses auteurs étaient soucieux d’assurer la jouissance des droits civils et politiques d’une manière effective, au bénéfice de toutes les catégories sociales, abstraction faite de leurs conditions matérielles. Cette volonté n’échappera pas aux interprètes de la Convention, qui lui imprimeront une dimension sociale (infra, no74).
29 ► Pour les promoteurs de la Convention, les objectifs d’ordre juridique étaient étroitement liés à des préoccupations d’ordre politique. Il convient, à cet égard, de faire un distinction entre l’objectif politique fondamental et les objectifs politiques dérivés.
30 ► Ainsi qu’il ressort du préambule de la Convention, celle-ci est conçue comme un outil en vue de réaliser une union plus étroite des États européens. Dans cette optique, la Convention constitue un compromis entre les partisans de la solution supranationale et les tenants d’un système de coopération intergouvernementale. L’objectif politique fondamental de l’Assemblée consultative, en proposant la conclusion d’une Convention européenne des droits de l’homme, était donc de promouvoir l’avènement d’une autorité politique européenne qui, sans nécessairement être d’un type supranational, aurait néanmoins été dotée d’importants pouvoirs dans les limites de ses fonctions8.
31 ► Une autorité politique européenne postule, en premier lieu, une idéologie commune. Il fallait donc définir celle-ci et faire de l’adhésion à cette idéologie, la condition de l’appartenance à l’Union européenne9. La Convention fut ainsi conçue comme un complexe normatif appelé à constituer le dénominateur commun des institutions politiques des États européens. En d’autres termes, il s’agissait de définir les conditions minima que les États devraient accepter et remplir pour pouvoir faire partie de l’Union européenne10.
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