Dans les pas de Bucéphale - Guy Malleret - E-Book

Dans les pas de Bucéphale E-Book

Guy Malleret

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Beschreibung


C’est d’une part, grâce à la rencontre de son grand-père Marius avec un bohémien, et d’autre part à Germain, l’ami de son père, que la vie de Jules sera bouleversée.

Jusqu’où va l’amener cette route qu’il parcours à travers la nature qui, pour lui, est toujours une source d’émerveillement et qu’il n’oublie jamais de remercier ?

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Copyright © 2022 Guy Malleret

Tous Droits réservés.

ISBN : 978-2-38454-247-5

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit,est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Guy Malleret

DANS LES PAS DE BUCEPHALE

Marius et Alphonse

Jean, n’avait que dix ans en 1947, mais aujourd’hui, il se souvient encore très bien de ce jour de juillet. La guerre avait terminé son œuvre destructrice, et le temps n’en avait pas encore effacé tous les stigmates. On en était toujours au stade de la reconstruction du pays.

Dans les cœurs, les hommes avaient pris de l’avance, et profiter de la liberté retrouvée était primordial tant ils se disaient que la vie pouvait être courte.Ce dimanche-là, Marius et Cécile, les parents de Jean, ainsi que Pierre et Paul, ses deux frères, étaient partis pour un pique-nique au bord de l’eau. Après avoir fait sa semaine de quarante heures chez Michelin, Marius avait embarqué tout son petit monde dans la Juvaquatre, direction les bords de l’Allier, « sa rivière  »disait-il.

L’endroit était magnifique. Un grand tapis d’herbe verte s’étalait devant eux jusqu’à une plage de galets, tous plus ou moins plats ou arrondis et que les caresses de l’eau avaient façonné selon leur dureté ou leur tendreté.

Afin de ne pas cuire en plein soleil, quelques peupliers faisaient office de parasol, les protégeant grâce à l’ombre fraîche et apaisante qui leur était offerte.

Après avoir mangé du poulet froid accompagné de mayonnaise et de pâtes, froides également, ainsi qu’un morceau de fromage, puis d’une part de gâteau dont Cécile détenait secrètement la recette, pour Marius, une petite sieste s’imposait.

À quelques mètres de là, la dernière crue avait rassemblé un bon tas de sable fin ; sable qu’il fallait mouiller suffisamment afin de constituer une sorte de mortier suffisamment compact pour ériger un château. Alors, débordant d’idées, Jean et ses frères devinrent architectes et maçons.

Adossé contre un arbre, Marius ne trouvait pas le sommeil, intrigué qu’il fut par les va et vient d’un homme en haillons sur la berge d’en face.

L’homme, les pieds dans l’eau jusqu’aux genoux, construisait des petits barrages de galets d’un mètre de large, affleurant la surface de l’eau, créant ainsi des mini cascades. Chaque barrage espacé de l’autre d’une vingtaine de mètres, et en aval desquels il lançait une poignée de graines. Il en construisit près d’une dizaine jusqu’à ce qu’il disparaisse de la vue de Marius derrière un méandre de la rivière.

Une demi-heure plus tard, l’homme réapparu avec un seau dans une main et un filet sur l’épaule.

Comme disait Marius :

— « Si en Arabie saoudite on chasse au faucon, ici, on pêche à l’épervier !  »

Cet épervier-là n’était pas un oiseau, mais un filet circulaire de cinq mètres de diamètre, lesté de plombs tous les trente centimètres sur toute sa circonférence. Marius vit l’homme en haillons poser le seau sur la berge, puis s’avancer doucement dans l’eau jusqu’au premier barrage, son filet sur l’épaule, puis, d’un geste de torero, lança son épervier qui s’ouvrit en un cercle parfait sur la surface de l’eau avant de couler rapidement sur le fond, emprisonnant ainsi les poissons qui se nourrissaient des graines et ne s’y attendaient pas.

Ensuite, il tira doucement sur la corde qui le reliait au filet, ramenant ainsi tous ses prisonniers jusque sur la berge, puis il débarrassa des mailles tous les captifs qu’il jeta dans le seau.

Ceci fait, il descendit au deuxième barrage et renouvela son geste. Sauf que cette fois, cela ne se passa pas comme prévu.

Au moment de retirer son épervier, celui-ci resta coincé sous l’eau, les mailles agrippées par une souche immergée qu’il n’avait pas vue.

L’homme essaya à plusieurs reprises de le décrocher, mais le sort en avait décidé autrement.

Pour ne pas déchirer son outil de travail, il s’avança jusqu’à la souche, mais fit le pas de trop.

Son pied, ne trouvant plus le fond de la rivière, se coinça aussi dans les racines ; il perdit l’équilibre, tomba à l’eau et s’immergea totalement. Seul un de ses bras s’agitait au-dessus du courant. Marius ayant assisté à la scène en direct, n’eut pas la moindre hésitation et se jeta à l’eau sous les yeux ébahis de Cécile et des enfants.

Bon nageur qu’il était, il traversa la rivière rapidement malgré le courant qui l’avait fait dériver et s’écarter de l’homme.

Quand il put enfin se tenir debout, il remonta jusqu’à lui, replongea sous l’eau, et réussit à lui extraire le pied de la souche, puis le tira hors de l’eau jusqu’à la berge. L’homme avait perdu connaissance. Se penchant sur lui, l’oreille contre sa poitrine, Marius constata que son cœur battait encore. Ses aptitudes de pompier volontaire lui permirent de sauver l’homme en pratiquant le bouche à bouche et en exerçant des pressions sur sa cage thoracique.

L’homme se mit à tousser et à cracher comme on dit « tripes et boyaux » en régurgitant l’eau qui avait envahie ses poumons, et put enfin respirer de nouveau normalement.

 Marius leva le pouce au ciel en direction de Cécile pour signaler que l’homme était sauvé.

Cécile qui était restée debout, les deux mains devant la bouche, pétrifiée d’effroi, se laissa tomber sur les fesses dans un grand ouf de soulagement. Les trois mômes se mirent à applaudir leur père… ce héros.

 

L’homme en haillons, trempé jusqu’aux os, ses longs cheveux gris dégoulinant, reprit doucement ses esprits et se releva doucement. Un peu chancelant, il étreignit Marius (mouillé pour mouillé.)

Ensuite, Marius alla décrocher le filet et le tendit à son propriétaire qui s’empressa de mettre dans le seau les quelques poissons qui s’étaient fait prendre.

Après tant d’émotions, l’homme décida de suspendre sa pêche, de la reporter à un autre jour et de rentrer chez lui.

— Tu viens de sauver Alphonse, lui dit l’homme en haillons, maintenant tu es comme un frère, tu fais partie de la famille. Notre campement est à côté du pont, plus bas alors demain je t’invite à manger avec ta femme et tes enfants.

À son accoutrement, à son accent et au terme de « campement » qu’Alphonse avait employé, Marius comprit qu’il avait affaire à un bohémien.

Merci de l’invitation, mais demain je ne peux pas, je vais travailler, répondit Marius.

— Alors, venez dimanche prochain ;

— d’accord, dit Marius pour ne pas le vexer.

La semaine écoulée, ce fut le jour J ;

Comme Cécile avait peur de « ces gens-là» , elle prétexta un rhume des foins pour ne pas y aller. Pierre et Paul firent de même ; une vraie épidémie !

Du coup, seul Jean accompagna Marius. Ils arrivèrent au camp des bohémiens à onze heures.

L’endroit était bien choisi, l’eau de la rivière à proximité pour la toilette, la vaisselle et la pêche.

Il y avait là trois roulottes en bois et trois caravanes, installées en cercle à la façon des diligences lors de la ruée vers l’or dans l’ouest américain afin de se protéger d’une hypothétique attaque d’indiens. On n’est jamais trop prudent !

Une dizaine de gamins nus et sales comme des peignes, s’amusaient avec divers objets hétéroclites. Les pneus, les ailes de voiture, les morceaux de bois composaient l’essentiel de leurs jouets.

Mais le jeu qu’ils préféraient et de loin, était de se balancer d’une corde attachée à une branche suffisamment solide, et de se laisser tomber dans la rivière en exécutant des figures acrobatiques.

Des hommes, assis par terre en tailleur, tressaient des paniers en osier. D’autres, un peu plus loin, rempaillaient des chaises en fumant des cigarettes de maïs.

Au centre du cercle, des femmes en sari, coiffées d’un foulard, s’affairaient autour d’un four improvisé dans un brasero d’où s’échappait une fumée blanche. Marius et Jean furent accueillis à bras ouverts par Alphonse qui, pour l’occasion, avait fait un effort vestimentaire. Un bandana lui enveloppant le crâne laissait s’échapper à l’arrière de sa tête une queue de cheval grise. Il était vêtu d’une chemise à fleurs ouverte sur un poitrail velu et grisâtre, enfoncée dans un pantalon de velours côtelé marron. Alphonse s’était aspergé d’eau de Cologne, ou plutôt imprégné d’eau de Cologne.

Il avait le regard clair au fond d’orbites caverneux dans lesquels deux petits yeux bleus semblaient lancer des éclairs sous des sourcils broussailleux. Son visage était mat, strié de rides. Un appendice nasal fin comme une feuille de boucher planté en son milieu comme le mât d’un bateau. Des boucles en or pendaient à ses oreilles. Quelques dents, en or également, éclairaient ses rares sourires, dévoilant quelques espaces entre une incisive et une prémolaire, ou une canine et une molaire. Au milieu du camp, c’était un feu d’artifice de senteurs, un mélange d’eau de Cologne, de patchouli et de fumée.

Pour excuser l’absence de Cécile, Marius raconta l’histoire de cette épidémie de rhume des foins qui fit bien rire Alphonse.

— Ta femme est bien fragile, comme toutes les citadines ! Nous, on est jamais malades, on a des bonnes défenses immunitaires !

Bien que cela puisse être vrai, Marius pensa qu’il n’était pas le roi des bonnes manières.

— Tant pis, vous serez que tous les deux à manger le niglo avec nous !

— À manger quoi ? s’étonna Marius.

— Le niglo, répondit Alphonse, le hérisson si tu préfères.

— Je sais pas si je préfère, nous, on mange pas les hérissons !

— Oui, je sais, tu vas voir, c’est très bon, c’est encore plus fin qu’un garenne ! il voulait dire un lapin de garenne.

— Si tu le dis, j’en doute pas, on va goûter ça !

— Pour le cuire, dit Alphonse, tu le laisses entier, sans le vider, tu l’enrobes de terre glaise ! çà fait une grosse boule que tu laisses cuire pendant deux heures dans le four, la cuisson à l’étouffé rend la viande plus tendre !