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Jean-Philippe découvre que sa famille possède des secrets qui remontent à presque un siècle et les vit en boucle à travers des rêves. Pour s'en débarrasser, il décide alors de les élucider au péril de sa vie et de son intégrité. En enquêtant et en voyageant dans le temps, il va soulever une à une les zones d’ombre de l'existence de ses arrière-grands-parents.
Avec Derrière les portes, Lady Flower vous propose d'expérimenter des vies antérieures. Entre histoire, magie et craintes, seriez-vous prêts à aller jusqu'au bout du chemin ?
À PROPOS DE L'AUTEURE
Lady Flower se sert de la littérature pour comprendre les époques. Avec Derrière les portes, elle transforme une période récente, douloureuse et déchirante en textes poignants qui sont une ode à l’amour filial.
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Seitenzahl: 70
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Lady Flower
Derrière les portes
Nouvelles
© Le Lys Bleu Éditions – Lady Flower
ISBN : 979-10-377-7148-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À ma famille
Aux souvenirs
Lorsque vous ouvrez la porte, la magie est partout.
Olivier Lockert
Préface
Ami(e) lecteur(trice), l’ouvrage que vous avez entre les mains a été conçu comme un hommage à la famille, à ma famille. Après avoir vécu des pertes inexorables comme des coups du sort, j’ai voulu surmonter ma douleur avec l’écriture.
Point de choses tristes dans ces trois nouvelles. De l’humour, de l’intrépidité, du fantastique ponctuent mon récit. Malgré toutes les aventures que vit mon personnage, cet ouvrage vous divertira, j’en suis convaincue, et vous amènera à une réflexion sur l’acceptation au sens large.
1
Je reprends conscience, recroquevillé contre la roche froide, les membres engourdis et les doigts de la main droite crispés dans ma poche. Ils tiennent fermement une orange dont les essences remontent jusqu’à mon nez. Ses effluves piquants me rappellent ce matin.
Nous étions réunis autour d’un beau sapin. Ma mère gloussait en ouvrant l’écrin que mon père venait de lui offrir. Elle désirait, depuis si longtemps, cette rivière de diamants qu’elle avait vue dans la vitrine du bijoutier. Mon père, la larme à l’œil, la regardait tendrement et fumait une pipe toute neuve, finement taillée dans le bois de cet olivier ramené d’Israël. Je m’émerveillais en découvrant, à mon tour, le pantin de bois qui me taquinait dans la vitrine du marchand de jouets au coin de la rue. Son habit multicolore attirait sans cesse mon regard et son nez, censé s’allonger à chaque mensonge, n’a pas bougé d’un centimètre depuis la rentrée des classes en septembre !
Le froid et l’humidité me ramènent à cette cave, basse de plafond. Pourquoi suis-je là ? Je suis retenu prisonnier, mais où sont les miens ? Que sont devenus ma mère et mon père ? Ils me tenaient encore tendrement dans leurs bras, il y a quelques heures. Je n’ai que dix ans. Je ne peux pas vivre sans eux ! Le parfum de maman qui sent si bon la violette me manque. Le souvenir de l’odeur musquée de papa quand il vient m’embrasser le soir avant de dormir me fait pleurer. Pourquoi m’ont-ils laissé tout seul, dans cet endroit sinistre et lugubre ?
J’ai joué toute la matinée avec Pinocchio, le faisant sautiller de pièce en pièce. J’étais alors heureux d’avoir un nouveau compagnon de jeu. Je parcourais chaque endroit de notre bel appartement, sautant de marche en marche pour gravir les escaliers en marbre. Je riais aux éclats en tourbillonnant sur le palier du premier étage. Mes pas, amortis par le velours du tapis d’Orient, me menaient jusqu’à ma chambre où je sautais sur le lit recouvert d’un épais édredon de plumes. Je souriais béatement au contact de tant de bien-être.
2
Soudain, j’entends des bruits. Des coups sourds contre une porte me font bondir. Je me tape la tête à une poutre et je réalise de suite que je me suis fait mal. Je porte la main à mon cuir chevelu et remarque que je saigne. Tant pis, je pars discrètement écouter à la porte. Je dois savoir ce que je fais ici. Je jette un coup d’œil à travers la serrure rouillée et je vois des hommes en uniforme. Des soldats ! J’ai bel et bien été enlevé ! Je suis retenu prisonnier ! Je colle l’oreille au bois rugueux et j’écoute… « Où est l’enfant ? » dit le premier. « À la cave ! » dit le second. « Maintenant que ses parents sont morts, que va-t-on bien pouvoir faire de lui ? » lance le premier, celui qui ressemble au chef.
Mes parents sont morts ? Noooon ! Mais que s’est-il passé ? Qui a bien pu en vouloir à deux êtres aussi merveilleux au point de les tuer ? Je me souviens doucement du reste de la journée. Je courais dans l’escalier. Maman venait de m’appeler pour prendre le petit-déjeuner. La maison sentait bon le chocolat, le lait et la cannelle. Une brioche venait de sortir du four. Papa était déjà à table. Il ne manquait plus que moi. Je me souviens d’un bruit de mitraillettes. Je me suis arrêté net et je me suis assis sur les marches. Devant moi, j’ai vu papa s’effondrer de sa chaise et maman criait à côté de lui : « Non, ne me faites pas de mal, je peux faire des ménages pour vous, faire la cuisine ! Sentez cette bonne odeur de brioche. Vous pourriez en manger tous les matins ! » Mais ils n’ont rien voulu entendre. Ils ont tiré en riant et j’ai vu des taches de sang se former sur son tablier en dentelle. J’ai mis mes mains sur ma bouche pour ne pas hurler. J’ai pris mes jambes à mon cou et je suis parti me cacher sous mon lit. Je les ai entendus fouiller la maison. Ils cherchaient des papiers, des messages codés. Je ne sais pas ce que cela signifie. Je n’en ai jamais entendu parler. J’avais très peur, alors j’ai plaqué mes mains contre mes oreilles. Je voulais m’isoler en priant pour qu’on ne m’ait pas vu. Des larmes silencieuses inondaient mes yeux. C’était le matin de Noël et j’étais si triste…
Je me suis fait tout petit, espérant que l’épaisseur du matelas et de l’édredon allait étouffer ma respiration. Mais soudain, une main m’a attrapé par le col du pyjama et tout mon esprit a volé en éclats. Je me souviens maintenant. Ils m’ont trouvé. Ils m’ont bandé les yeux avec le foulard que maman portait encore il y a cinq minutes. J’ai senti qu’on me soulevait du sol et qu’on m’emmenait. Le froid piquant de ce matin de décembre rentrait ses aiguilles de glace dans ma peau. J’étais frigorifié. On m’a jeté sur la banquette arrière d’une voiture et on est parti vers l’inconnu.
3
Un coup sec contre la porte de la cave me fait sursauter en gémissant. Je ne veux pas qu’ils viennent me voir. Je préfère mourir de froid ici. Mes parents ne sont plus de ce monde, alors pourquoi vivre une minute de plus. Mon cœur se saisit à présent. Chaque seconde qui passe me transforme en petit bonhomme de glace. Plus jamais je ne pourrais aimer. Plus jamais je ne pourrais supporter Noël. Plus jamais je ne pourrais rester seul sans ma famille. Mes grands-parents ont disparu il y a quelques années. Papa et maman n’ont ni frère ni sœur. Qui pourrait s’occuper de moi ? Il est hors de question que je grandisse au milieu d’orphelins, dans le dénuement total. Non. Impossible. Je préfère mourir aujourd’hui !