Deux grains de sable - Frantz de Landorre - E-Book

Deux grains de sable E-Book

Frantz de Landorre

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Beschreibung

Plongez dans cette intrigue palpitante aux côtés d’Anne, capitaine de gendarmerie à Lyon, appelée à élucider un meurtre dans un quartier paisible de la ville. Cette affaire, aux allures banales, révèle des ramifications inattendues, impliquant l’archevêché et une cellule terroriste. Suivez Anne dans cette enquête captivante où les apparences peuvent être trompeuses et où chaque indice dévoile un nouveau mystère à résoudre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après des études de droit, Frantz de Landorre fonde une entreprise de transport. Un accident en 1997 bouleverse sa vie, l’amenant à explorer les grandes traditions spirituelles à travers des voyages à pied, notamment vers Saint-Jacques-de-Compostelle, l’Amérique du Sud et l’Inde. Il rejoint ensuite un monastère orthodoxe en France puis s’intéresse au désert, organisant des séjours au Maroc et en Mauritanie.

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Frantz de Landorre

Deux grains de sable

Roman

© Lys Bleu Éditions – Frantz de Landorre

ISBN : 979-10-422-3578-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

À Nancie pour son aide précieuse

ChapitreI

Vite ! allonger le pas, se mettre à courir, ne pas se laisser déranger par tous ces badauds présents à ce moment de la journée sur le boulevard ! En bousculer quelques-uns au passage, ignorer leurs cris, renforcer l’air féroce de l’homme qui sait ce qu’il veut et qu’il aura coûte que coûte ! Voir les gens s’écarter devant soi et enfin atteindre la rue de la République ! chercher le numéro 13… mais ne trouver aucun numéro sur les portes qui se ressemblent toutes. Descendre jusqu’en bas de la rue de la République en laissant la pluie glacée entrer par le col de la veste, essuyer ses yeux pleins d’eau et enfin trouver le nombre 07… remonter un peu la rue de la République et arriver devant une porte entrouverte.

Pourvu qu’il ne soit pas trop tard.

Le coup de tel d’Oscar avait été court :

« Va chez Mariette vite ! Chez Mariette au 13 de la rue de la République, c’est pas très loin de chez toi, il va y avoir du grabuge ».

Il avait fait le plus vite qu’il pouvait et maintenant il hésitait avant d’entrer. S’il était trop tard, il valait mieux filer avant que les flics arrivent mais il choisit quand même de pénétrer dans cette maison et ce choix ou ce qu’il prenait pour un choix, alors qu’il était seulement guidé par ses émotions, allait changer beaucoup de choses dans sa vie.

Il n’y avait aucun bruit dans cette maison qui paraissait vide. Elle lui rappelait son enfance quand il habitait encore chez ses parents.

Un escalier en bois avec une rampe sentant bon l’encaustique, montait au premier, un bois qui était devenu noir avec les ans qui s’étaient accumulés sur lui…

Il tendit l’oreille vers le premier étage mais pas de signe de vie, pas plus qu’au rez-de-chaussée où régnait le même silence un peu pesant comme lorsque quelqu’un retient son souffle alors qu’un danger se présente, puis enfin il poussa la porte entre-ouverte du rez-de-chaussée et reconnut venant de la chambre une odeur qu’il connaissait bien remplir ses narines.

C’était trop tard, le corps de Mariette était recroquevillé au pied du lit. Une large tache de sang coulait de son cou et du haut de sa poitrine, deux impacts de balle qui ne lui avaient laissé aucune chance.

Elle était morte sur le coup.

Il s’approcha du bureau à la recherche d’un papier quelconque mais celui-ci semblait vide.

D’ailleurs dans cet appartement tout semblait bien rangé, rien ne dépassait. Mariette était une bonne organisatrice et tout ce qu’elle entreprenait était nickel… comme dans sa vie. Elle ne mélangeait pas les personnes, chacune devait correspondre à une des catégories qu’elle avait créées, sinon elle ne rentrait pas. Fred avait eu la chance d’être adoubé dès leur première rencontre.

Tout semblait avoir été rangé comme si Mariette était prête à partir. Il revint vers elle, s’agenouilla et lui ferma les yeux qui semblaient regarder encore le monde extérieur avec terreur.

Elle savait qu’elle allait mourir…

Elle n’était pas partie assez vite.

Il se releva et regarda les mains de Mariette : elles étaient fermées comme si elle allait donner un coup de poing à celui ou celle qui se tenait en face d’elle ou alors c’était pour protéger quelque chose entre elles. Il força un peu les doigts des deux mains et dans celle de droite se saisit de la clé USB qui s’y trouvait.

Il s’agissait de faire vite maintenant et dans un premier temps aller demander des explications à Oscar.

Alors qu’il allait sortir, il entendit une voiture de police qui arrivait et se garait devant la porte. Il monta à l’étage supérieur et fila vers les greniers. Il vit un velux dans la première pièce. Il l’ouvrit et la pluie de nouveau le gratifia d’une nouvelle douche froide. Il se retrouva sur le toit glissant et referma le velux.

Doucement, il alla pas à pas vers le mur mitoyen où une petite échelle conduisait sur le toit des voisins. Il se mit à l’abri derrière une cheminée et s’aplatit le plus qu’il pouvait pour ne pas être vu.

À un moment, il sentit, plus qu’il ne le vit, un policier venant ouvrir le velux et avec sa torche allumée balayer le toit et ensuite le refermer. Il nota qu’il n’y avait plus aucun bruit à ce niveau pendant qu’en bas c’était le ballet des voitures et ambulances de police.

Il n’osait plus bouger et resta derrière sa cheminée tout le temps qu’il entendait du bruit en bas. Enfin, au bout d’un moment tout se calma et il arpenta le toit voisin à la recherche d’un velux ouvert. Il fit comme cela trois maisons mitoyennes qui l’éloignaient du numéro 13 et passa par une fenêtre entrouverte qui donnait sur un grenier. Il y avait une échelle à proximité qui allait faire l’affaire pour sortir de cette situation sans bruit. Il tendit l’oreille mais il n’y avait aucun bruit dans cette maison, ni discussion, ni musique, ni télé, rien…

Il descendit lentement les trois étages et en regardant sa montre se rendit compte qu’il s’était passé 3 h depuis qu’il était entré au numéro 13. Il était trempé, il avait froid et en plus il ne comprenait pas ce qui avait pu se produire 3 étages plus bas au numéro XIII de la rue de la République.

Normalement, c’était une action sans danger pour Mariette : réunir sur une clé USB un certain nombre de documents de l’évêché. Rien de bien compliqué au départ ou alors c’est que, sans le vouloir, elle avait mis la main sur quelque chose qu’ils ne soupçonnaient même pas et pourtant les tueurs n’avaient rien fouillé dans l’appartement de Mariette où tout était en ordre, certainement comme Mariette l’avait rangé. Ils n’avaient pas non plus fouillé Mariette sinon comme lui, ils auraient retrouvé la clé USB.

Tout cela trottait dans sa tête. Il lui fallait prévenir Oscar pour recouper les informations qu’ils avaient tous les deux.

Oscar était un activiste dans un certain nombre d’associations. Dès qu’il fallait défendre la veuve ou l’orphelin, on pouvait compter sur lui, surtout depuis qu’il avait pris sa retraite. En fait, Oscar n’avait pas toujours été un activiste… même si on peut dire qu’il en était le contraire… il y a quelques années il se fichait un peu de savoir que les océans se réchauffent, ou la banquise il ne savait plus trop bien, et il y avait plein de malheurs partout… et puis le covid était arrivé et là il avait changé de camp… de « je m’en foutiste » il devint militant… et autant il avait été laxiste, autant il se rattrapait, ne comprenant pas pourquoi il avait été si bête pendant toutes ses années… et du coup… sa vie avait changé. Une grande épidémie de Covid s’était installée dans le pays, provoquant de nombreuses morts de personnes atteintes de cette maladie mais aussi de nombreuses prises de conscience par des gens qui comprenaient qu’il se passait quelque chose d’anormal dans le gouvernement, dans la société laïque mais aussi spirituelle car comme le Sida précédemment il semblait que certains prenaient cette épidémie pour un fléau envoyé par Dieu lui-même.

Oscar avait eu accès à un document public qui relatait des prises de position de certains ecclésiastiques, dont l’évêque de cette région. Des vidéos fleurissaient sur les réseaux sociaux montrant cet évêque qui traitait d’assassins des personnes qui avaient décidé de ne pas se faire vacciner. Pour les salariés de l’évêché qui refusaient, la porte était grande ouverte, et pour ceux qui militaient en plus dans les manifestations anti-vaccin, le licenciement était radical.

Mariette travaillait au service informatique de l’évêché, chargée de communication. Elle s’était sentie obligée de se faire vacciner et Oscar l’avait soutenue dans ce choix afin qu’elle reste dans ces temps assez troubles à proximité de la direction, donc en lien direct avec l’évêque. C’est aussi Oscar qui l’avait incitée à copier le texte qu’avait envoyé l’évêché à toutes les structures qui dépendaient de lui… et il y en avait beaucoup comme partout car si l’église est séparée de l’état il n’en reste pas moins vrai qu’elle joue encore un rôle important et surtout dans ce cas-là, quand un dilemme se présente à soi, qu’on est catholique et qu’on ne sait pas trop quelle position prendre… Le fait que l’évêque donne la direction à prendre dédouanait toutes ces personnes qui étaient dans le flou le plus artistique « se faire vacciner ou pas ? » Là était la question. L’évêché avait tranché : oui, il faut se faire vacciner et ceux qui ne le font pas sont des assassins qui propagent l’épidémie et qui font mourir des gens…

La clé USB qu’elle avait dérobée contenait un petit texte à destination de toutes les personnes dépendantes des services de l’archevêché demandant à faire acte de prosélytisme et d’inciter des gens qui travaillaient avec elles à se faire vacciner. Une petite vidéo de 3 minutes qu’elle avait téléchargée sur sa clé USB. Ce qu’elle ignorait, la pauvre Mariette, c’est que la direction avait fait installer partout des caméras très discrètes, surtout dans les endroits névralgiques comme les ordinateurs et elle avait été filmée alors qu’elle téléchargeait la vidéo.

— Ce qui est surprenant, disait Oscar, c’est qu’ils l’ont tuée et n’ont pas cherché à récupérer cette vidéo. Ça veut donc dire que le contenu est peu important à leurs yeux mais pourquoi l’avoir tuée alors ? Même si ce sont des salauds qui ont licencié des non-vaccinés et des militants, ça n’en fait pas pour autant des assassins ! Ne serait-ce que pour respecter la morale chrétienne !

Alors que s’est-il passé ? Mariette a-t-elle trouvé autre chose que cette clé USB qu’elle n’a pas pu transmettre ? C’était comme si l’évêché voulait donner un coup de semonce parmi les opposants de leur doxa.

Ils regardèrent de nouveau le contenu de la clé USB.

Quelque chose de très sobre… l’évêque avait été filmé dans son bureau et avait fait un petit discours expliquant pourquoi il fallait se faire vacciner et pourquoi il fallait inciter les personnes de son entourage à faire de même avant que toute la population française soit atteinte… En plus de cette petite vidéo, il y avait des textes destinés à certaines églises concernant le Covid, mais qui étaient des textes connus, du type de ce qu’ils envoyaient habituellement. La vidéo ne montrait pas autre chose que cette harangue qui avait été filmée dans un bureau neutre et où personne d’autre que l’évêque n’intervenait.

— Mais comment as-tu été au courant qu’il allait y avoir du grabuge quand tu m’as appelé ?

— C’est Mariette qui m’a dit qu’elle avait une drôle d’impression. Depuis quelque temps, depuis qu’elle avait enregistré cette vidéo, elle se sentait surveillée et donc ne restait jamais seule. Elle n’imaginait pas qu’elle pouvait être tuée pour cela, seulement prise sur le fait, molestée pour qu’elle rende la clé et licenciée pour finir l’œuvre. Tout cela était plausible, rouspéta Oscar, mais je reste toujours avec la même question : pourquoi la tuer ?

— Peut-être pour nous faire peur, pour te faire peur ? Vous avez peut-être mis le doigt sur une autre affaire et cette vidéo ne serait que l’arbre qui cache la forêt ?

— Oui, peut-être, mais pourquoi ne pas récupérer la clé ?

— Ils ont voulu faire un exemple ou alors il y a quelque chose qui n’est pas connu de nous…

— Tu connaissais Mariette depuis longtemps ?

— Depuis 2 ans environ, avant le Covid… On s’est rencontré dans une association qui organisait des séjours de découverte de soi par la méditation, des non-violents et végétariens.

— Qu’est-ce que je dois faire à ton avis ? Je vais voir les flics pour leur dire que j’ai tout vu et que j’ai pris la clé USB ?

— D’abord, tu n’as rien vu et pour la clé ça ne doit pas être si important sinon ceux qui l’ont tuée auraient récupéré cette clé. Laisse venir, tranquille, ça m’étonnerait qu’ils remontent jusqu’à toi.

— OK. Je ne change rien et je ne dis rien. Si tu as du nouveau, dis-moi car toi, ils vont peut-être te retrouver par l’association.

— Tu sais, nous ne sommes qu’une vingtaine dans cette association et je ne pense pas qu’ils puissent faire le lien avec moi. Sinon j’aviserai et je te préviendrai de toute façon. Ne sois pas inquiet, garde la clé USB et laisse tomber l’affaire. On ne saura peut-être jamais ce qu’il s’est passé.

— Moi, j’ai mauvaise conscience d’avoir récupéré cette clé.

— Peut-être que ce meurtre n’est pas lié à la clé et que c’est pour cela que les tueurs n’ont pas songé à la chercher. Mais je ne sais pas du tout dans quelle direction chercher car elle était investie dans pas mal d’organismes. Dors tranquille.

— Merci, Oscar, à bientôt.

— Salut, Fred, porte-toi bien.

Fred rentra chez lui, bien décidé à garder la clé USB. Il ne savait d’ailleurs pas pourquoi il avait desserré les doigts de Mariette pour en extirper cette foutue clé ! Pour enlever une preuve ? Quelle preuve de quoi ? Il ne comprenait même pas comment quelqu’un comme Mariette pouvait se faire descendre comme ça à bout portant… et bien si ça peut les emmerder la clé, je la garde ! Il fit le choix de ne rien dire, comme les conseils d’Oscar et son libre arbitre le lui suggéraient. Pourquoi risquer des ennuis dans une histoire qui lui était étrangère ? Il avait rencontré Mariette à une réunion associative, mais sans plus. Maintenant, il regrettait de l’avoir rencontrée dans cette douloureuse occasion mais il n’y était pour rien.

Cette fois, le destin avait choisi pour lui.

Chapitre II

Le capitaine Fernandez sortit de son bureau, bien décidé à rentrer chez lui et à se reposer un peu. Pour éviter une rencontre fâcheuse, il sortit par-derrière, sûr de ne croiser personne.

— Alors capitaine, on file à l’anglaise ?

Une voix railleuse, bien connue, l’avait repéré.

Anne était dans les services depuis maintenant 15 ans avec Fernandez et ils s’entendaient bien. Ils étaient toujours amis après une brève liaison restée sans suite car ils ne pouvaient pas vivre ensemble, à cause du caractère de Fernandez, disait Anne, à cause du caractère de Anne, disait Fernandez.

— Tu me guettais ?

— Non pas vraiment, je sais que tu étais sur une grosse affaire la semaine dernière et je ne veux pas te déranger mais j’ai une affaire qui vient de tomber et qui me paraît assez étrange.

Comme tu aimes ce qui est étrange, j’aimerais t’en parler.

— Oui, à partir du moment où tu as prononcé le « sésame ouvre-toi » avec cette « affaire étrange » je ne peux que tendre une oreille à ce que tu me raconteras.

Mais s’il te plaît, reviens demain soir, j’aurai un peu récupéré. Si tu veux, on se fait un resto et tu me raconteras ton histoire étrange.

— Vous avez dit « étrange ? comme c’est étrange… »

Anne sourit, sa séduction marchait toujours avec Fernandez, comme avec d’autres d’ailleurs…

Elle était entrée dans la police par goût de l’adrénaline et ce goût existait dans d’autres domaines de sa personnalité et les rencontres avec les hommes se succédaient car elles ne duraient pas longtemps « tant qu’ils m’étonnent, ça va, disait-elle, dès qu’ils m’ennuient, c’est fini. »

Elle quitta son bureau et reprit les éléments connus de cette affaire étrange. Ils n’étaient pas très nombreux d’ailleurs. Il fallait qu’elle s’imprègne de l’atmosphère un peu contrainte de cette maison. C’était calme, harmonieux mais ça ne respirait pas la joie. Cependant, c’était rare d’avoir un petit crime tranquille comme ça ! une femme seule qui se fait descendre comme ça à bout portant de deux coups de feu, c’est sûrement pas lié au grand banditisme : il y a des arrondissements dans Lyon qui sont plus propices à ce genre d’événements mais pas la rue de la République ! Ça fait désordre, ce meurtre, je dirais même incongru ! Ça ne colle pas dans le paysage… L’enquête nous en dira plus sans doute sur le genre de forêt qui se cache derrière ce genre d’arbuste ? En tout cas, une personne nommée Mariette Valentin s’était fait descendre de deux coups de revolver à bout portant et elle était morte sur le coup… Aucun indice pour l’instant sur l’identité d’un tueur ou d’une tueuse, voire de plusieurs personnes.

Il était environ 13 h quand les deux coups de feu avaient retenti, entendus par un voisin habitant au premier étage, au-dessus du rez-de-chaussée où le meurtre avait eu lieu, alors qu’il regardait la télévision. Il avait d’abord cru entendre ces coups de feu dans son feuilleton mais ça ne collait pas alors, il avait regardé dehors. Il pleuvait, il n’avait rien vu…

Il avait de nouveau regardé sa télévision mais ces coups de feu ça le turlupinait. Alors il est descendu au rez-de-chaussée.

La porte était entrouverte, il avait vite compris ce qui s’était passé à ce moment-là.

En remontant chez lui, il avait regardé de nouveau dehors mais n’avait rien vu à part un jeune homme qui courait dans la rue en bousculant les autres mais il venait du haut de la rue et ne s’était pas arrêté au numéro 13.

Il avait immédiatement appelé la police et Anne avait été envoyée sur place avec son équipe, ambulance, photos, le cordon de police, la totale quoi !

La femme d’environ 45, 50 ans était tombée à côté du lit et avait perdu beaucoup de sang. Le médecin légiste confirma qu’elle était morte sur le coup et que seule une balle aurait suffi sur les deux, car tirées à bout portant, chacune était mortelle.

« Sinon rien de spécial, une autopsie va être obligatoire. Je vous donnerai les résultats. » Anne faisait le tour de l’appartement. Un salon qui donnait sur la rue, une chambre, cuisine, salle de bain, le tout modeste mais assez coquet et laissant à penser que l’occupante des lieux avait des goûts de luxe et très esthétiques car le résultat est très harmonieux.

Ce qui l’étonna surtout c’étaient les tableaux accrochés au mur, comme si la personne qui habitait là avait voulu faire une sorte de galerie pour elle seule. De plus, ils étaient bien mis en valeur avec des cimaises et des lampes adéquates. Elle releva, bien que n’y connaissant rien, quelques noms de peintres… en tout cas, les tableaux choisis correspondaient bien à l’atmosphère du lieu, une sorte de nonchalance aérienne et le résultat obtenu était très agréable et du coup un meurtre dans cette maison, c’était un manque de goût certain, ça prouvait en tout cas que l’auteur ou l’autrice des coups de feu n’était pas un esthète et n’avait pas mis le beau à l’ordre du jour dans sa vie… quel gougnafier !

« Vérifiez ses revenus, demanda Anne à son collaborateur, vérifiez si elle a des rentrées d’argent lui permettant d’acheter tout ce qui est là, vérifiez son ordinateur, ses amis sur Facebook ou autre, sa boîte mail, etc., enfin comme d’habitude. Appelez-moi si vous avez quelque chose à nous mettre sous la dent. »

Elle soulevait machinalement les affaires déposées dans ces pièces à la recherche d’une éventuelle piste mais elle ne trouva rien dans la bibliothèque, quelques policiers, mais beaucoup de livres sur le développement personnel, les différentes voies spirituelles, tout cela assez éclectique, pas vraiment dans une seule direction affirmée.

Pendant ce temps, les services s’occupèrent de transférer le corps de Mariette dans l’ambulance et partirent avec elle.

Anne regardait avec envie le rangement dans cet appartement, comparé au sien, c’était le jour et la nuit. On avait l’impression que la personne avait fait du rangement avant de prendre le départ.

Anne regarda dans le frigo pratiquement vide, sauf quelques bouteilles de jus de fruits mais pas de légumes ni de bouteille ouverte. Si elle était sur le départ, elle comptait revenir bientôt, son ordinateur était débranché, ainsi que sa box, ce qui confirmait bien un départ sous peu. Elle continua à vérifier dans le sac de la femme, le passeport y était, des affaires féminines mais pas de billets de train ou d’avion. Le téléphone en dirait peut-être plus ou sa boîte mail. Par acquit de conscience, Anne refit le tour du petit appartement, ouvrit tous les tiroirs mais il n’y avait pas d’indice d’un voyage.

Elle laissa un planton sur place et monta chez le voisin du premier étage.

— Merci de me répéter ce que vous avez déclaré et l’enchaînement des faits ?

— OK, j’étais dans mon appartement au premier étage en train de regarder la télévision tout en mangeant.

Anne pensa brusquement qu’il n’y avait pas de trace d’un repas chez la voisine du dessous.

— Attendez… attendez-moi, je reviens.

— Pas de problème, je suis en retraite et je n’ai rien d’autre à faire qu’à regarder la télé.

Anne descendit au rez-de-chaussée et pénétra de nouveau dans l’appartement. Elle alla voir dans la poubelle à côté de la cuisinière. Il n’y avait rien et la poubelle avait été vidée. Le four était vide. Elle fit le tour pour vérifier s’il n’y avait pas une caisse à chat quelque part car la pauvre bête aurait pu se retrouver seule pour un moment.

Pas de chat en vue, elle remonta chez le voisin.

— Vous savez à quelle heure elle mange votre voisine ?

— Non, je ne me suis jamais intéressé à elle, elle part souvent le matin de bonne heure et revient le soir vers 17 h. Je pense qu’elle doit manger à la cantine ou dans un resto, mais rarement chez elle.

— Et aujourd’hui pourquoi était-elle rentrée chez elle ? et à quelle heure ?

— Ah bah, ça, je n’en sais rien. Elle est revenue vers 12h30 mais elle ne m’a rien dit pour la bonne raison que nous ne nous sommes pas croisés.

Donc elle comptait peut-être manger en dehors de chez elle ou ne pas manger pour être prête pour son départ. Mais pourquoi ce départ ? et ce départ n’était peut-être qu’une absence d’un ou deux jours. Mais Anne était sûre maintenant qu’il y avait départ et non une fuite devant quelque chose, pas de précipitation mais une bonne organisation, comme devait l’être d’ailleurs cette femme.

— Bon, restez à la disposition de la police, peut-être pour un interrogatoire de nouveau. En attendant, parlez-moi du type qui courait dans votre rue.

— Comme je vous l’ai dit, c’était peu après les coups de feu. Je suis remonté chez moi, c’était donc à peu près 13 h et j’ai regardé dehors. Comme je vous l’ai déjà dit, il pleuvait mais à cette heure-là il y avait un peu de monde dans la rue et sur le trottoir d’en face j’ai vu un type qui descendait la rue en courant. Il avait l’air pressé et il a bousculé quelques passants qui ont rouspété. Il est passé devant le 13 sans s’arrêter, il est parti vers le bas de la rue, vers la gare routière.

À ce moment-là, j’ai appelé la police et je suis resté dans mon appartement jusqu’à ce que vous arriviez.

— Vous avez touché à quelque chose en bas ?

— Non, j’ai juste poussé la porte qui était entrouverte et quand je suis rentré j’ai vu que la porte de la chambre était aussi ouverte et que la femme gisait dans un bain de sang.

— Elle respirait encore ?

— Je ne sais pas, je ne me suis pas approché, je suis remonté tout de suite chez moi et j’ai appelé la police.

— Le type qui courait vous pouvez me le décrire ?

— Je ne peux pas vous en dire plus, simplement qu’il avait un blouson en cuir, les cheveux assez longs mais comme il pleuvait je n’ai pas bien vu, de loin il faisait environ 40 ans et avait l’air sportif, décidé parce qu’il a bousculé des gens en descendant la rue. Je l’ai regardé rapidement car j’avais devant les yeux l’image de Mariette et en fait je n’ai vu qu’une silhouette et s’il n’avait pas couru je ne l’aurais sans doute pas remarqué parmi les gens qui se pressaient sous la pluie, avec les parapluies, les impers. En bas de la rue, il y a la gare routière et peut-être qu’il courait pour récupérer un bus.

— Et vous n’avez vu personne d’autre ? rien entendu d’autre ?

— Non, je n’ai vu personne sortir. Il faut dire que je n’avais pas du tout réalisé que c’était en bas qu’il y avait eu les coups de feu ce qui fait que la personne a pu sortir sans que je me rende compte.

— Bien, je vous remercie, comme je vous l’ai déjà dit, vous restez bien entendu à votre domicile, on va pratiquer les tests ADN et on vous demandera les vôtres, mais apparemment il n’y a pas eu de lutte entre les deux, ni contact, simplement un meurtre déterminé et de sang-froid.

Avez-vous déjà eu des problèmes avec la police ?

— Non, je n’ai rien, mon casier judiciaire est vierge, juste quelques petits excès de vitesse quand je travaillais.

— Vous faisiez quoi comme travail ?

— J’étais gardien de parking maintenant, je suis en retraite.

— Bien, on va vérifier tout ça. Et les armes à feu ? vous connaissez ?

— Non, je n’en ai jamais utilisé, même pas à l’armée car j’étais dans la musique. On m’avait incorporé dans la musique de l’armée de l’air car je jouais de la clarinette.

— Bien, je vous remercie. Parlez le moins possible autour de chez vous. Au fait, recevait-elle des amis ?

— Quelquefois mais c’était très discret. C’étaient plusieurs amis qui venaient une fois par mois à peu près.

— Une réunion ?

— Peut-être, je ne sais pas. Je ne lui ai jamais rien demandé.

— Si vous vous souvenez de quelque chose dont vous n’avez pas parlé, contactez-moi, voici mes coordonnées. De toute façon, vous allez être convoqué pour raconter de nouveau tout ça et signer votre déposition.

C’est un Fernandez en pleine forme qui revint au commissariat. Anne lui dit bonjour et lui rappela leur rendez-vous.

— Ne t’inquiète pas, tu sais qu’un rendez-vous avec toi ça ne s’oublie pas ? Alors, laisse-moi bosser, j’ai toute cette paperasse en retard, j’en ai pour la journée. On se dit « à ce soir, vers 18 h », on va boire un pot et on se fait un resto ? Si tu veux, tu peux réserver chez Michel.

Michel ! le fameux Michel, son pote depuis l’armée. Fernandez avait fait un peu de rab dans l’armée pour arriver au grade de lieutenant et là il avait bifurqué pour un poste dans la police nationale où il était désormais à Lyon avec le grade de capitaine, tandis que son pote Michel de son côté avait travaillé dans le restaurant familial qui était déjà coté grâce à son père et auquel il avait réussi à donner d’autres titres de noblesse puisqu’il se retrouva étoilé dans la ville de Bocuse quelques années plus tard. L’amitié entre les deux était restée vivace et les grandes occasions se passaient souvent chez Michel et quelquefois quand Fernandez et Anne étaient tous les deux célibataires, la soirée se terminait au lit chez Anne. Elle lui en avait d’ailleurs fait la remarque, lui disant qu’il ne l’invitait jamais chez lui. Il avait ricané en lui disant « J’ai peur que tu t’installes. »

C’est vrai que lorsqu’il était en mission, il n’était pas à prendre avec des pincettes. Il aimait bien avoir la tête vide comme il disait, ce à quoi elle répondait que ce n’était pas difficile. Il avait un comportement de célibataire et il était vite encombré par une autre présence qui demanderait de l’attention, ce dont il était incapable. C’est en grande partie pourquoi il préférait être seul, il était quitte de se fâcher avec l’autre, fut-ce avec Anne. Il préférait de loin venir chez elle, car en plus elle avait beaucoup de goût et son appartement sans être luxueux était très agréable, alors que le sien était un désordre permanent à la suite de ses nombreuses déclarations du genre « je m’en occuperai demain ».

Vers 18 h, il frappa au carreau du bureau de Anne qui se leva avec un grand sourire. Elle prit un dossier sur son bras, sans doute le dossier étrange, pensa-t-il, mais on n’allait pas parler de tout ça tout de suite, juste prendre un apéro et le savourer tranquillement au bar du restaurant.

— Ça fait combien de temps qu’on n’a pas mangé ensemble ?

— Elle calcula, c’était en mai pour son anniversaire.

— Et oui, ça fait déjà 9 mois, une gestation…

— Tu m’as manqué !

— Menteuse ! je sais très bien que tu as eu d’autres aventures, d’ailleurs tu ne t’en caches guère.

— C’est vrai, je pourrais être un peu plus discrète, mais c’est plus fort que moi, il faut que j’en parle.

— Et oui contrairement à moi qui ne dis rien.

— C’est toi le Sphinx, mystérieux et séduisant.

— Oui, mais qui commence à prendre un peu d’âge !

— Ça va bien pour tes 50 ans, un peu de sport et tu pourras encore séduire les minettes de 30 ans.

— Merci, tu es gentille avec moi.

La conversation amicale continua un moment jusqu’à ce que Michel vienne boire un apéro avec eux et qu’ils gagnent ensuite la salle de restaurant.

— Coq au vin pour moi, dit-elle.