Deux valises et un sac… - Tome 2 - Jan Pierag - E-Book

Deux valises et un sac… - Tome 2 E-Book

Jan Pierag

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Beschreibung

Une rupture sentimentale affecte François-René, travaillant toujours dans le monde de l’hôtellerie de vacances. Très vite, une femme amoureuse, Véro, le séduit, et plus tard, Chloé, amie de Véro, se joint à eux. Entre refus et acceptation d’une situation particulière à trois, François-René hésitera en permanence entre le choix raisonnable et les sentiments forts qu’il éprouve… 

Dans Deux valises un sac… Tome II, Jan Pierag vous invite au cœur des aventures de cet espion, de Lanzarote à Ténérife Sud.

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Jan Pierag

Deux valises et un sac…

Tome II

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jan Pierag

ISBN : 979-10-377-8841-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

C’est pour toi, S.,

c’est aussi pour mes proches,

et la « petite famille du Jura »

Tous les personnages et événements dépeints dans ce roman sont fictifs, et toute ressemblance avec des personnes ou des situations réelles serait une pure coïncidence.

La raison, celle qui appuie là où cela fait mal, celle qui, en principe, gagne presque à tous les coups, est présente, tapie dans un coin du cerveau, bien trop loin du cœur pour avoir une relation sérieuse avec cet organe qui essaie toujours de la contrarier.

Introduction

Avril quatre-vingt-quatorze, un peu plus d’un an déjà, la seconde arrivée à Tenerife Sud, après moins d’une heure de vol depuis le départ de Lanzarote. Cette fois encore pour tout apprendre, un nouveau job m’attend et j’y vais un petit peu à reculons…

Steven, le Big-Boss, m’envoie jouer les espions, il veut savoir exactement comment se déroule la vie quotidienne dans les Compagnies de Time-Share, les bonnes, dont la qualité et le sérieux sont connus de tous, et les autres, dont l’existence est souvent décriée pour des pratiques douteuses, parfois à la limite de l’acceptable.

Aujourd’hui, j’ai un rendez-vous pour un recrutement dans l’une des toutes premières de ces Compagnies, par la réputation et la qualité des prestations fournies, et ce sera pour moi la valeur étalon dans les comparatifs éventuels que je pourrais faire avec d’autres. Ce job qui devrait, sans doute, m’occuper jusqu’en fin d’année ressemble à une contrainte pour moi, j’ai laissé ma compagne seule dans des conditions de vie difficiles avec sa mère malade, et cette séparation nous a brisés tous les deux. Elle vit en Castille-et-León, c’est très compliqué de se voir souvent, la relation avec mon « patron » du coup s’est un peu tendue.

Après l’atterrissage, j’ai posé mes bagages à la consigne, ne conservant que ma sacoche avec mes documents personnels, et j’ai pris un taxi pour descendre à Los Cristianos, à vingt minutes de l’aéroport. Rien ne permettait de croire à ce moment que je serai engagé, ou non, par cette compagnie.

Premiers contacts

Le « Club », Compagnie sérieuse et connue pour ses Résidences de très bon niveau réparties sur les cinq continents, affichait sa puissance par un bâtiment installé au cœur de la station balnéaire et regroupant toute l’administration nécessaire à la gestion d’une soixantaine de sites. J’y suis entré pour me présenter, devant être reçu par Matthew. J’avais un peu d’avance, on me fit patienter.

« Hello, tu es François-René ? Je suis Matthew, bonjour. »

« Bonjour, Matthew, oui, je suis François-René, je suis très heureux de te rencontrer. »

« Bien, tu indiques dans ton C.V. que tu es aux Canaries depuis un an, dans la gestion complète d’équipes commerciales hôtelières pour le groupe Hôtels-Résidences. Quelles étaient tes fonctions exactes ? »

« La formation, complète, pour des “novices”, et ensuite la conduite d’une French-Line assurant les relations avec les clients et la diffusion d’un programme de fidélisation. J’ai participé à toutes les décisions managériales concernant le développement et les prestations. »

« Connais-tu le Time-Share ? »

« De nom, je sais à peu près comment les choses se passent, je suis ici parce que je souhaite rester aux Canaries, et le groupe pour lequel j’ai travaillé a été vendu, l’organigramme a changé, j’ai décidé de changer de milieu pour entrer dans la multipropriété de vacances. »

« Tu serais prêt à recevoir une formation de “novice”, comme tu dis, pendant deux semaines, et ensuite à travailler sur la ligne pour que l’on puisse te juger sur tes résultats ? »

« Oui, j’y suis prêt, c’est un nouveau challenge pour moi, il n’y a pas de restrictions, je suivrai cette formation dans sa totalité. »

« Ensuite, sur le plan de la rémunération, il n’y a pas de fixe, seules les commissions sont payées, par quinzaine, et pour les primes journalières annoncées comme étant le “challenge du jour”, celles-là sont payées le lendemain. Tu bénéficies d’une carte “Acteur” qui te permet d’aller au self une fois par jour à demi-tarif, et pendant les tours avec les clients, les boissons, alcool absolument interdit, y compris pour les clients, sont offertes. Voilà, avant la fin du sixième mois, si tu es encore là, on te déclare officiellement. »

« Je suis déjà résident communautaire, depuis un an. »

« OK, c’est bien pour toi, pour nous ça ne change rien. »

« Comment cela se passe-t-il pour le logement ? »

« Le premier mois vous êtes tous logés, par deux ou quatre, dans un bâtiment sur le site. À la fin du premier mois, s’il n’y a pas de résultats, tu pars, s’il y a des résultats, tu peux rester un mois de plus sans autre prolongation ensuite pour trouver un logement en dehors du site, d’accord avec ça ? »

« Oui, pas de problème, tout est clair. »

« As-tu des questions ? »

« Oui, j’ai une voiture à Lanzarote, je souhaiterais l’apporter ici, est-ce que si nous nous mettons d’accord on peut différer mon arrivée de vingt-quatre heures pour que je puisse aller la chercher ? »

« Alors, si tu es d’accord, je passe ton dossier avec mon avis pour ton recrutement, et ensuite, nous sommes mardi, la prochaine session de formation démarre lundi, le dix-huit, ce qui amène en ligne le dimanche premier mai. Voilà. As-tu le temps pour aller chercher ta voiture entre ce soir et dimanche matin ? Si oui, tout est bon pour moi. »

« Pour moi aussi, Matthew, tout est bon, il y a un vol pour Arrecife à dix-neuf heures ce soir, j’ai le temps, et s’il y a de la place, je prends le ferry demain matin pour revenir, sinon jeudi. C’est d’accord. J’ai encore une question, où se trouve la Résidence ? »

« Sur la Costa del Silencio, à côté de Ten-Bel. Tu connais ? »

« La Costa del Silencio, oui, Ten-Bel aussi, c’est un endroit où il y a du monde. On tourne des prospects venant par taxi ou bien des gens qui sont envoyés avec une semaine d’hébergement gratuit ? »

« Ah, tu connais déjà tout cela, c’est un bon point pour toi, en fait, nous utilisons les deux systèmes, pendant la formation tu seras spécialisé dans l’un ou l’autre, il y a possibilité de changer ensuite. Je te verrai plutôt dans le système “Résidents”, c’est plus ton terrain sûrement… Alors, viens me voir quand tu rentres de Lanzarote et je t’indiquerai où aller. Bye, et à très bientôt. »

« D’accord Matthew, je reviens au plus tard vendredi matin, merci pour tout. Bonne soirée à toi, salut ! »

Je trouvais un taxi très vite, retour à l’aéroport, d’où j’appelai Jennifer1 à Lanzarote, lui expliquant que je venais rechercher la voiture, qu’elle ne se fasse pas de souci, je lui paierai la location d’une autre pour un mois en arrivant tout à l’heure ! Elle a éclaté de rire, en me disant que ce soir je resterai chez eux pour dîner et dormir…

J’ai récupéré mes bagages, et en faisant très vite, j’ai réussi à attraper un vol charter-allemand pour Munich avec escale à Lanzarote. Cela me faisait gagner une heure et demie et avant dix-neuf heures j’étais à la Résidence pour emmener tranquillement chez eux Jennifer et Wilfrid.2

« François, tu sais, on est vraiment malheureux pour Sarah3 et toi, peut-on faire quelque chose ? Faire revenir Sarah ici ? Ce serait une super solution. »

« Jenny, tu es adorable, merci, mais Sarah a un objectif, un seul, puisque l’on se marie, mais aujourd’hui son souhait c’est d’intégrer la communauté européenne à Bruxelles. Elle a rempli sa demande pour être interprète et veut vivre en Belgique. »

« C’est fabuleux qu’une femme comme elle adore la Belgique à ce point. Je suis très fier d’être Belge du coup ! »

« Hé oui, Wilfrid, tu peux être très fier, Sarah est unique ! Et elle me manque… »

« À nous aussi, François… Il y a aussi une nouvelle dont on doit te faire part. Dans la vie d’un couple, après presque un an, qu’est-ce qui peut se passer et arriver dans la logique des choses ? »

« Oh, oh, serait-on en train de parler d’un baby-chou ? »

« Un ou une, on ne sait pas encore, la prochaine échographie est dans un mois, là on saura. »

« Super, félicitations, je suis heureux pour vous. Que de chemin accompli depuis un certain meeting à Lanzarote4… »

« Oui, et surtout depuis que toi tu as piloté Wilfrid, et pire, Steven5 aussi, pour que l’on se retrouve ! Ça ne s’oublie pas ce parcours ! »

« Steven n’a jamais su toute la vérité, surtout ne dites rien… Je crois que ça le mettrait de mauvaise humeur ! »

« Oui, c’est notre secret, et pour cela tu fais partie de la famille. Je suis sérieuse en te disant cela, François, quoi qu’il t’arrive, jamais nous ne te laisserons tomber. Tu as tout fait pour que nous soyons confortées dans notre travail, nous toutes les réceptionnistes, avec respect de la part de tout le monde, et en plus tu nous as donné ton amitié. Sarah bien sûr, elle m’a dit un jour que tu l’avais sauvée du néant, mais Marianna, et moi surtout, nous savons ce que l’on te doit, et moi j’ai une immense affection pour toi. Wilfrid le sait, on en a parlé ensemble, appelle-nous si tu en as besoin. »

« Jennifer, ce que tu dis là me touche profondément, mon émotion est réelle, et du fond du cœur je te dis merci, pour Sarah aussi je te dis merci. J’espère vraiment que l’on va s’en sortir, et je sais qu’elle t’aime. Peut-être un jour te demandera-t-elle un conseil ? »

« Je vous laisse papoter, je m’occupe du dîner et de l’apéro, on va le prendre à la santé du baby-chou ! »

« OK, Wilfrid mon chéri, on te laisse faire… »

La soirée sur la terrasse fut joyeuse, des rires, des éclats de rire, et une belle ambiance, nous étions proches, tous les trois, beaucoup de choses nous reliaient. Le lendemain matin je déposais Wilfrid à huit heures à la Résidence, et avec Jennifer nous sommes allés chez le loueur que l’on connaissait bien tous les deux. Jennifer est repartie avec une « Corsa » pour trois mois, le temps qu’ils trouvent une voiture à acheter.

« C’est mon cadeau pour que ta grossesse se passe bien. Merci pour tout et aussi pour hier soir. Je te tiens au courant, et je demande à Sarah de t’appeler. Bisous ma belle, et garde ton bonhomme, il est super ! »

« Oh que oui… Merci, tu es comme mon grand frère, indispensable dans ma vie ! On pense à toi, et donne des nouvelles… Ciao ! »

Cinq heures plus tard, j’ai embarqué pour Tenerife dans le Ferry, arrivée demain matin à huit heures à Santa Cruz.

La traversée s’est passée normalement, sans aucun problème, et le jeudi matin je suis revenu voir Matthew à Los Cristianos.

« Ah, salut. Je suis content de te voir, quand j’ai donné ton dossier au desk, il y a eu un tas de commentaires, c’est monté jusqu’à Tommy, notre boss, tu as une très bonne popularité dans le métier. Donc Tommy propose que tu fasses toute la première semaine de formation pour appréhender les différences entre ton ancien système et la réalité du Time-Share, et ensuite tu pourrais prendre la tête de ligne in-home qui s’occupe des Résidents, le manager actuel devant partir dans deux semaines vers le Québec. C’est une “promo-express” pour toi, il faudra quand même que tu tournes, il y a cinq vendeurs, et trois Résidents chacun c’est bien, quatre au maximum, et là en ce moment on tourne à vingt-deux ou vingt-trois par semaine, il y en a déjà eu vingt-cinq. »

« D’accord. Je ne m’attendais pas à cela aussi vite, mais je vais faire ce qu’il faut pour que tout marche. Comme je suis là, est-ce que demain je peux voir, de loin, tourner les vendeurs ? C’est toujours instructif. Combien d’hommes et de femmes ? »

« Pour demain, oui, rendez-vous à huit heures à la salle d’attente près de la réception, et deux hommes et trois femmes, ils sont bons, tous, une femme, Véro, est en tête régulièrement. Bien, donc comme tu as une voiture tu vas te débrouiller tout seul, voilà le plan pour accéder à la Résidence et à l’accueil, je les préviens que dans les trente, quarante minutes, tu y seras, avant ça c’est possible aussi ! »

« Merci, Matthew, j’espère qu’on se reverra… »

« Oui, j’assure aussi une partie de la formation des novices, donc… à lundi ! »

L’installation

J’ai suivi le plan, passant au carrefour du chemin qui menait à Palm-Mar6, l’un de mes deux restaurants préférés, perdu entre mer, sable et rochers… Plus loin, je suis entré à Ten-Bel, et descendant vers la mer, j’ai trouvé la Résidence dans son écrin de verdure.

L’accueil était très spacieux, clair, et quelques arbres et plantations y étaient installés. Je me suis présenté, la réceptionniste avec un grand sourire me fit patienter deux minutes, et un homme assez dynamique est arrivé en me saluant.

« Bonjour François-René, je suis Robin, l’actuel manager in-home et je suis heureux de te rencontrer. On va travailler quelques jours, deux ou trois pas plus, ensemble. Tu as une réputation qui te précède, on ne devrait pas rencontrer de difficultés pour communiquer ! »

« Bonjour Robin, merci pour cet accueil, je suis heureux que l’on passe du temps ensemble, cela est toujours plus facile pour intégrer une ligne et aussi connaître toutes les subtilités de ceux qui la composent. »

« Oui, je sais que tu souhaites les voir tous demain, c’est une bonne méthode, je te les présenterai au meeting, demain matin à huit heures, et ensuite tu pourras suivre les tours. Tout se passe à l’intérieur de la Résidence, nous sommes dans un secteur très chargé en touristes tout au long de l’année, donc pas de tour extérieur, vers la plage par exemple. »

« Bien, tout cela est clair, il ne manque qu’une petite chose, un endroit pour y déposer mes bagages et dormir ce soir ! »

« C’est prévu, un studio a été réservé pour toi dans le bâtiment, au-dessus d’où nous sommes. Je vais t’y emmener, la ligne est logée derrière, dans le bâtiment sur les jardins. Allons-y. »

Tout était très bien organisé, le studio avait une vue mer, sympa, et était suffisamment grand pour y vivre à deux dans une seule chambre. Je ne pensais pas accéder tout de suite à ce poste, il faut croire que le « Club » possède des entrées un peu partout et s’informe bien de ce qui se passe ailleurs. L’an dernier, je n’ai passé que six mois sur Tenerife, mais il est vrai que nos résultats ont fait parler, je crois que leurs renseignements me concernant ont été complétés par ceux de Lanzarote, où là, nos résultats ont été connus et commentés partout sur l’île.

Mon rangement terminé, j’ai rangé l’ordinateur dans la grande penderie, il était resté dans la voiture depuis mon retour sur Lanzarote, pouvant être branché facilement, me permettant ainsi de communiquer par email, en utilisant Internet, et ce point était très important.

Nous n’étions pas encore des centaines de millions à pouvoir le faire, mais de plus en plus les entreprises y étaient présentes, c’était le cas des agences de voyage de ma connaissance, de Steven aussi bien sûr, et de Sarah qui était équipée, mais peu active. Elle préférait son téléphone mobile, dont elle ne se séparait jamais. Je l’ai appelée, c’était prévu.

« Sarah chérie, bonsoir, comment ça va ? »

« Bonsoir, mon amour, maman n’est pas bien, ce matin elle est repartie à l’hôpital, les médecins sont inquiets, et je ne sais pas ce qu’il faut en penser. Magda s’est rendu compte que plus rien n’allait pour sa mamie et est très inquiète elle aussi. J’aimerais que tu sois près de moi, c’est angoissant, quand le téléphone fixe sonne j’ai peur de décrocher, peur de la mauvaise nouvelle. Et toi, mon homme chéri, comment ça va ? »

« Je suis installé dans un studio, sur la Costa del Silencio, c’est une société sérieuse et sans problèmes, je vais m’occuper d’une ligne de cinq, plus moi, où il faudra aussi que je prenne des tours. Je suis allé rechercher ma voiture, j’ai passé une soirée très sympa chez Jennifer et Wilfrid, Jenny est enceinte, ils sont heureux et ravis, ils attendent de tes nouvelles, Jennifer surtout. Elle m’a fait quelques confidences hier soir, c’était très touchant, elle t’aime beaucoup. Appelle-la, elle me demandait hier soir si tu ne pouvais pas revenir à Lanzarote ? »

« Ah ça, je crois que non, parce que j’ai reçu l’accord d’embauche de l’Union européenne, c’est moi qui déclencherai pour les dates, et il faudra que dans les deux semaines suivantes je sois sur place. Il y a une structure prévue pour les femmes seules avec enfant, tous les services ménagers étant assurés par le personnel de la structure, en même temps que la garde des enfants et la scolarité en sections multilingues. C’est formidable, c’est un souci énorme de moins pour moi, Magda aura une vie plus normale qu’ici. Si toi tu trouvais un job en Belgique… »

« C’est à voir, tu sais, réellement, je voudrais être avec toi, tout le temps, et je vais faire un petit bout de chemin ici en cherchant une sortie qui m’amènera en Belgique, là où tu seras. »

« Oui mon chéri, je deviens dingue sans toi. Je te parle, Magda me regarde croyant que je m’adresse à elle, et tout cela se termine en rires à chaque fois. Crois-tu que tu pourras venir avant que je parte d’ici ? »

« Je ne peux pas savoir, je suis arrivé aujourd’hui, je ne connais rien du fonctionnement ni bien sûr des dates où toi tu partiras. Une chance que j’aie récupéré la voiture. S’il y a urgence pour aller te voir je prendrai l’avion, pour arriver à Santander, je crois que c’est le plus près, et aussi le plus rapide par la route, pour arriver chez toi ensuite. Ce sera en taxi. J’ai déjà plus ou moins prévu tout cela. »

« Tu me manques, heureusement ce téléphone mobile est précieux pour moi, parfois j’ai envie de t’appeler, et je pense au décalage d’une heure, donc ça ne tombe pas forcément bien chez toi. »

« Tu peux appeler tu sais, si je ne peux pas répondre tu auras la boîte vocale et je t’appellerai ensuite. Ne t’inquiète pas, le décalage ce n’est pas important. Toi aussi tu me manques, notre vie pour le moment n’est pas une belle vie, mais au moins on peut se parler. Je t’aime Sarah, je pense à toi, passe une bonne nuit, et tiens-moi au courant pour ta maman, si tu as des nouvelles demain, appelle-moi. Bonne nuit… »

« Moi aussi mon homme, mon chéri, je t’aime et j’ai besoin de toi, je te donnerai des nouvelles. »

Le lendemain matin, j’étais à huit heures dans la salle d’attente à la réception, et chacun à leur tour ils sont tous arrivés. Robin m’a présenté comme étant son remplaçant, et aussi comme un vrai pro de ce métier et donc il était sûr que tous nous allions continuer dans l’esprit actuel. C’était sympa de sa part, mais je n’étais pas sûr du tout de continuer exactement comme cela se passait aujourd’hui. J’ai salué tout le monde, je leur ai dit aussi qu’aujourd’hui j’allais les suivre de loin, pas pour espionner, pour voir simplement comment les tours étaient organisés, et comme nous étions vendredi, donc repos demain, je leur ai proposé de nous réunir ce soir pour boire un verre avant qu’ils ne partent en soirée. Et là, accord général, avec des sourires, j’ai pensé que cela n’était peut-être pas arrivé souvent. Ensuite, je me suis dirigé vers le bar, ne voulant pas imposer ma présence au moment où les couples résidents allaient arriver. Les résidents, qui étaient présents, sont arrivés ici parce qu’ils ont été « recrutés » par des sociétés commerciales, ou des agences de voyages, ou encore une opération de télémarketing. Dans tous les cas, ils bénéficient d’une semaine d’hébergement gratuit à prendre dans l’année, dans un appartement de standing situé dans une résidence de vacances. Ils sont libres de leur temps, aussi de participer, ou non, aux activités et visites proposées, mais doivent, en contrepartie, assister à une présentation de la résidence. Et aussi du principe de vacances à travers toutes les résidences mondiales, par le biais de l’échange d’une semaine de vacances, dont ils seraient propriétaires, contre une semaine ailleurs, aux dates de leur choix. Le but est donc qu’ils achètent pendant leur séjour une semaine dans cette résidence, qu’ils pourront utiliser selon leurs envies ensuite. L’explication du système, la visite de la résidence, ajoutées au catalogue présentant des milliers de résidences affiliées, se font dans ce que l’on appelle « le tour » par un vendeur formé sur place qui fait partie d’une « ligne francophone » ou autre…

Robin m’avait dit qu’il restait cinq tours à faire, commençant vers huit heures trente pour les premiers. J’en vis deux arriver. Véronique et Sacha partaient avec eux, il restait Pierre, Amélie et Nicolette pour quelques instants en attente, d’autres couples arrivaient. Vers dix heures trente, Robin est venu à la table de Sacha, un dialogue s’est engagé, il a fallu une bonne trentaine de minutes pour que j’aperçoive les résidents se lever et partir avec Sacha vers le bureau des contrats. Robin m’aperçut, j’ai levé le pouce, il m’a fait un clin d’œil. Pierre est venu lui parler à ce moment, ses résidents avaient sûrement abandonné le tour en route, il restait les trois femmes, dont Véronique qui arrivait appelant Robin. Ils ne se sont pas installés autour d’une table, restant debout, se serrant la main au bout de cinq minutes. Pas de vente, cela paraissait évident. Amélie arrivait à son tour, suivie de Nicolette qui alla s’installer à l’autre bout du bar, laissant la place libre à sa collègue dans la salle d’attente. Robin rejoignit Amélie, tout le monde avait un grand sourire, une vente probable… Oui, en moins de dix minutes et Amélie prit la direction du bureau ! Restait Nicolette qui avait servi ses résidents en rafraîchissements et les faisait rire en attendant Robin.

Je la trouvais très intéressante, capable de s’adapter très vite aux circonstances et d’improviser dans la joie pendant l’attente. C’est bien.

Robin est arrivé, les rires se sont arrêtés, et d’un coup j’ai ressenti le « froid autour de la table ». Nicolette semblait attristée, l’ambiance était cassée, et Robin s’est rendu compte à cet instant qu’il serait très difficile de rattraper une vente qui lui échappait. Les résidents sont partis, je crois que Robin s’est excusé auprès de Nicolette. Très déçue, elle s’est levée et est passée tout près de moi, s’arrêtant quelques secondes pour dire :

« C’était fait, et il l’a raté. »

« J’ai vu, c’est vrai, on se rattrapera vite. »

Elle m’a souri et est partie. Peu après, Robin est revenu vers le bar, nous avons échangé quelques banalités avant qu’il me dise :

« Je n’ai pas été bon avec Nicolette, je crois que son “deal” était fait, mais avec elle j’ai un peu de mal, sa vitalité et, parfois, son exubérance m’exaspèrent et je n’y arrive pas. »

« Écoute, je te propose, parce que j’ai vu la scène, et oui, il y a eu un gros plantage, le prochain tour intéressant qu’elle prendra, ce sera lundi sûrement, demande-lui de le prendre dans l’après-midi, et si tu veux, tu lui dis que je le bouclerai pour prendre mes marques ici. Efface celui d’aujourd’hui, ne laisse pas “mariner”, ça arrive à tout le monde. »

« Oui, je vais faire comme ça, elle ne mérite pas qu’on lui gâche son travail, et pour moi ça fait trois sur trois semaines. Tu seras en salle de formation lundi ? »

« Oui, avec Matthew je crois, et je le préviendrai que tu pourrais m’appeler si tu as besoin de renfort. Ce soir quand on va boire un verre, tu devrais leur dire que la semaine prochaine tu me passeras, pour chacun d’eux, un tour à boucler. Comme cela, ça ne paraîtra pas une mesure étrange, juste pour Nicolette. Qu’en penses-tu ? »

« Que tu as raison, j’étais en train de me demander comment justifier juste un bouclage pour Nicolette… Merci, tu as bien pensé ! »

« Bon, on se retrouve ce soir, j’ai quelques petites choses à faire, je suis au-dessus si tu as besoin de moi. »

« Oui à ce soir, pour l’instant je vais aller faire mes résas de vols, d’ici à Madrid puis pour Québec ou Montréal je ne sais pas. »

Revenu au studio, je me suis « connecté », un nouveau mot dans la langue courante et quotidienne, pour prendre les nouvelles du monde et faire le tour de la boîte mail, avec les réponses pour certains. Ensuite un appel vers Steven, j’ai laissé un message, il me rappellera sûrement demain, et moment de conversation rapide avec Sarah, Maria-Elena est au plus mal, les médecins ont annoncé à Sarah que c’est une question de jours… Ils ne pourront rien faire malheureusement, tous les soins prévus sont impossibles à mettre en place, la progression de la tumeur est trop rapide. Vers dix-neuf heures, je suis descendu au bar, Nicolette et Pierre étaient là. Ils sont venus vers moi, souriants, et nous avons commencé à parler tous les trois :

« Je suis très heureux d’arriver ici parmi vous, bien sûr on se tutoie, François-René c’est trop long et appelez-moi François c’est mieux, j’ai quarante-six ans, je suis français, résident canarien depuis un an, et à la fois formateur et responsable de ligne. Voilà, en résumé, l’essentiel à savoir, vous le répéterez aux copains et aux copines, les voilà qui arrivent tous. Et vous, chacun votre tour, racontez-moi… »

Pierre s’est écarté pour aller répéter ce que j’ai dit de moi aux trois autres et Nicolette s’est approchée :

« Alors, je viens de Crans-Montana, je suis une vraie Suissesse, j’ai trente-six ans, célibataire, je suis venue surtout pour vivre en bord de mer, et j’ai pris goût à ce métier. Cela fait six mois que j’ai commencé. J’ai l’impression de m’être fait “grugée” de cinq, six ou sept ventes, Robin les a ratées, il me dit sans cesse que je bouge et parle trop et que ça déconcentre les Résidents et lui aussi. Je suis ravie qu’il parte, et si on doit travailler ensemble je compte sur toi pour me dire ce que je dois faire. Personne ne m’a expliqué vraiment. »

« D’accord, je vais t’aider, et aujourd’hui j’ai vu, on va améliorer tout ça, et surtout le nombre de tes ventes ! Tu es prête à changer des petites choses si je t’explique pourquoi il faut changer ? »

« Oui, bien sûr, et le plus vite c’est le mieux… Je rêve d’avoir des scores comme Véro. »

« C’est un bel objectif, on va travailler et tu verras tout ira mieux. »

Entretemps, Robin est arrivé, j’ai suspendu mes entretiens avec chacun pour m’adresser à tout le monde.

« Pierre s’est fait mon interprète pour vous donner quelques infos sur qui je suis, merci, Pierre, je prendrai réellement la tête de la ligne en fin de semaine prochaine, entretemps nous nous verrons, et Robin vous expliquera ça dans un instant. Je suis très concerné par vos résultats et ferai tout ce qu’il faut pour que vous ayez le moral au beau fixe qui permet de “cartonner”, tous ensemble. La notion d’une équipe solidaire est importante pour moi et je vous garantis que les résultats sont en hausse très nette quand on y parvient. Dimanche je vous suivrai de loin, et pour la suite de la semaine je laisse la parole à Robin, je vous souhaite une belle réussite et de belles ventes ! »

« Merci François, je pense que pour tout le monde il va y avoir des repères à prendre, des habitudes qui vont changer, des méthodes peut-être aussi, donc j’ai demandé à François de prendre un tour avec chacun de vous pendant la semaine, plutôt celui de l’après-midi, j’assurerai les trois autres pour chacun, sauf s’il y a embouteillage auquel cas François viendra m’aider. Je crois que cette formule va vous aider, c’est dans cet esprit que je la propose, et je vous demande de l’accepter. »

Les deux garçons, Sacha et Pierre ne semblaient pas trop convaincus, il faudra que je sache pourquoi, et les trois femmes, je pourrai dire « jeunes femmes », je pense que Nicolette, à trente-six ans, est la « doyenne », Amélie la plus jeune, vingt-cinq maximum et Véronique entre les deux autres, toutes semblaient ravies de ces annonces et des changements sous-entendus. Je vais m’arranger pour parler « entre quatre yeux » avec eux tous pour en savoir un peu plus sur les points positifs et négatifs de leur propre ressenti. Après un second verre, Robin a souhaité aussi offrir le sien, et vers vingt heures trente chacun est parti seul ou en petit groupe vers les plaisirs du vendredi soir. Le jour du rassemblement dans tous les endroits nocturnes de Playa Las Americas, pour quasiment toutes les compagnies de Time-Share à Tenerife Sud ! Au moment où j’allai remonter au studio, j’ai trouvé Véronique qui, « tout à fait par hasard », a croisé mon chemin. J’ai tout de suite senti son besoin de parler, et je n’ai pas hésité :

« Je suis ravi de te croiser, si tu l’acceptes, je t’invite à dîner, pas loin d’ici dans l’un de mes restos préférés de Tenerife. C’est tout simple, c’est bon, et on y sera tranquilles. Qu’en penses-tu ? »

« Ah, c’est direct hein… Dîner de travail ? »

« Dîner pour faire connaissance, et surtout savoir quelles sont tes difficultés sur la ligne, pourtant tu as d’excellents résultats… »

« Comment sais-tu pour les difficultés ? Je n’en ai jamais rien dit à personne. »

« Si tu n’en avais pas, tu serais venue me voir quand il y a eu le pot, sans me guetter ensuite en bas de l’escalier. Je ne t’en veux pas, bien au contraire, tu me fais confiance en venant me trouver. N’aie crainte, personne ne le saura ! »

« D’accord. Oui cette idée de dîner me plaît, j’accepte avec plaisir. »

« Allons-y, ma voiture est derrière dans le parking réservé. »

Dix minutes plus tard, nous arrivions à Palm-Mar, Véronique était ébahie par ce décor de bout du monde. J’ai été reconnu, Manuelo est arrivé avec le sourire :

« Francisco, holà, je parle mieux el frances, tu es revenu, esplendido !

Bonsoir, madame, je suis ravi de devoir vous servir ! »

« Bonsoir, merci pour cet accueil Manuelo, trouve-nous une table… »

Nous nous sommes installés, Véronique était très étonnée :

« Tu es accueilli chaleureusement, dans la résidence, beaucoup parlent de toi, tu as une réputation, très bonne apparemment, et ici aussi. Doit-on dire que nous avons de la chance si nous travaillons avec toi ? »

« N’exagérons rien, oui je suis un peu connu et lorsque je trouve un endroit qui me plaît j’y reviens, ils ne sont pas nombreux ces endroits, mais j’aime aussi les faire découvrir. Et la chance qui nous est offerte de travailler ensemble, cela marche dans les deux sens. Moi aussi j’ai de la chance, votre ligne me paraît bien, je crois qu’il y manque un peu de cohésion, mais on va voir. Nicolette est venue me parler déjà, nous avons été interrompus, mais j’en sais assez pour réparer quelques manquements que j’ai constatés. Et je suis impatient de faire ta connaissance. Ce n’est pas une enquête, c’est une conversation. Sois tranquille, je t’écoute, et je ne dirai rien de ce que j’aurai entendu. »

« Je suis arrivée il y a huit mois, venant de Charente, j’ai vingt-huit ans, je pensais avoir trouvé l’homme de ma vie, en fait il était dans les bras de plusieurs autres. J’ai cherché un job, par hasard je suis tombée sur une annonce qui m’a amenée jusqu’ici, j’ai passé l’obstacle de la formation et j’ai débuté sur l’outdoor, j’ai eu de bons résultats, rapidement, et la ligne in-home a été créée. Robin m’a demandé si je souhaitais y participer j’ai dit oui, tout a bien marché. La différence entre les deux est que pour l’outdoor il faut être un peu brutale et “arracher” la décision. Je n’aimais pas trop cela et le manager, Rudy, était grossier, voire vulgaire, un soir je lui ai collé une claque et j’ai été privée de tours pendant trois jours. Côté in-home ce n’est pas trop net non plus, il y a des histoires de copinages pas clairs, les meilleurs Résidents sont pour les garçons, malgré cela Sacha est à la traîne et Pierre vend, mais son tour est un ramassis de mensonges. Pour nous les filles, ils aimeraient bien nous mettre au fond d’un lit, mais aucune de nous trois ne s’est laissé faire. Robin flashe sur Nicolette qui lui a dit non devant tout le monde, depuis il a tendance à “rater” ses ventes. »

« Ah, tu viens de m’éclairer sur toute une partie très sombre que je sentais sans trop y croire. Je te remercie pour m’avoir raconté tout cela. J’ai une question aussi, peut-être que tu sais quelque chose, est-ce qu’il y a des relations avec d’autres lignes, je souhaite le savoir pour éviter les courts-circuits, et ne pas m’immiscer dans des situations qui ne me regardent pas. »

« C’est mieux que tu le saches effectivement, je suis très souvent avec Felice, un italien de l’outdoor, nous sortons ensemble depuis deux mois. Pour être très honnête, c’est un moyen de passer le temps de loisirs à l’extérieur sans être importunée, voire agressée par des “soiffards”. Ça ne va pas plus loin. Et, Amélie est très éprise du manager anglais in-home. Lui l’est moins, c’est le problème, il en fréquente beaucoup d’autres, et donc elle a des jours de “moins bien”. Ce matin elle sortait de chez lui avant son tour, et… elle a vendu ! Quant à nos “deux collègues masculins”, ils fréquentent tous les deux le Bar de nuit “Pink’Moment”, c’est à la sortie de La Caleta, vers la Costa del Silencio.

Peut-être que tu imagines ce que c’est, comme genre d’endroit ? »

« Oui, je dirai un endroit de “relations tarifées” ? »

« Oh, ça, c’est joliment dit, oui, oui, c’est bien cela. »

« C’est leur problème, d’un autre côté cela vous soulage toutes les trois d’une forme de harcèlement permanent, comme c’est souvent le cas. Je sais donc comment les apprivoiser tous les deux… Et toi, dis-moi pour toi, ce qui serait parfait, ce qui te ferait penser que tu es au paradis ! »

« Au paradis ? Alors côté privé un bonhomme avec qui je serai en confiance, sans crainte de le trouver dans mon lit avec une autre, et côté travail j’aimerai progresser, encore, au point de pouvoir boucler des tours et participer à l’organisation d’une ligne. Si j’arrive à cela, ensuite ce serait d’être responsable des lignes in et out francophones. Pour faire court, te piquer ta place ! »

« Waouh, super, je te le souhaite. Ou plutôt… je vais t’aider à le faire. Pourquoi pas ? On devrait, je crois, recevoir deux personnes de plus sur la ligne prochainement, à partir de ce moment je vais te former à “boucler” pour m’aider. Il y a en ce moment plus de vingt tours par semaine, cela va augmenter, et nous ne serons pas trop de deux pour boucler les tours de tout ce monde-là. Es-tu prête pour cela ? »

« Ah oui, mais alors question, en échange de quoi ? »

« En échange de quoi, que veux-tu dire, je ne comprends pas… »

« Robin me l’a proposé, j’ai refusé, c’était en échange de deux nuits par semaine… Ce genre de situation ne fait partie de mes projets. »

« Ah, non, c’est infernal. Ce type de comportement doit être dénoncé. Ces hommes-là, quelques soit leur notoriété, leur place dans l’échelle sociale, ou tout simplement s’ils sont détenteurs d’une toute petite parcelle d’autorité, devraient être désignés à l’opinion publique, punis évidemment s’il y a viol ou violence, et déchus de leurs fonctions. Bon, je te promets que les choses vont changer, et tu peux en parler avec tes copines. Je crois m’être rendu compte que vous étiez assez proches toutes les trois. »

« Oui, et notre solidarité est totale. La seule qui soit vraiment célibataire c’est Nicolette, je l’aime beaucoup, mais je crois qu’elle a, en elle, un déficit énorme de confiance. Cela la pousse à en “faire trop” parfois. »

« Oui, je suis d’accord et je l’ai détecté ce matin. Tu n’as pas répondu à ma proposition, ça peut attendre, tiens-moi au courant quand tu sauras. »

« Oui, oui, je vais te dire oui, je suis d’accord ! C’est dit. »

« Alors on va le faire ! »

« En tous cas, je te remercie parce que cette cuisine exclusivement locale est délicieuse, j’ai pu me soulager de tout ce qui me gênait, je vais tout faire pour te montrer que tu as eu bien raison de me “recruter” et je vais dire à mes deux copines que cette fois le manager est top ! »

« Je mets une restriction, manager, non. “Chef de bande” si tu veux, moi aussi il faudra que je tourne, et alors il faudra que tu me boucles, c’est une forme d’égalité ! Un manager ne tourne pas. Il y en a même qui ne l’ont jamais fait avant d’être managers. »

« Je crois que j’aurai le trac ce jour-là… »

« Non, c’est défendu, et je te donnerai un moyen pour ne pas l’avoir. »

« Je ne suis pas inquiète. Nous sommes destinés à travailler ensemble et je sens que je vais en apprendre tous les jours. »

« Comme moi, qui en apprends aussi tous les jours ! »

« Quelle belle soirée. Je suis heureuse, ça va changer, et je pense, une petite chose qui n’a pas grande importance, c’est qu’il y en a deux à qui ça ne va pas plaire ! »

« C’est déjà fait, ils ont grimacé pendant mon petit speech ! On parle bien des mêmes ? »

« Oui, oui, encore une question, on a le droit de t’embrasser quand on te dit bonjour, ou à demain ? »

« Oui, vous avez le droit ! Quelle question ! »

Quelle surprise… Au retour, en rangeant la voiture à l’extrémité du parking, côté accès piscine, et bar-piscine, nous avons trouvé Amélie et Nicolette, qui très sagement, attendaient le retour de la copine « partie en vadrouille avec le nouveau manager »…

« Ah, François, tu bois un verre avec nous ? »

J’ai regardé Véronique, qui m’a regardé, nous avons éclaté de rire !

« Oui, si vous voulez, vous pourrez poser toutes les questions que vous souhaitez à Véro, elle y répondra, mais aussi, demain ou après, nous aurons l’occasion de parler entre nous, chacune à votre tour. Cela vous convient ? »

« Oui, avec plaisir », répondit Amélie.

« Oui, et le resto c’était bien ? »

« Oui, Nicolette, c’était bien, et il n’est pas exclu qu’Amélie autant que toi veniez à votre tour pour une conversation autour d’un dîner. Véro vous racontera, et je crois que tout va bien pour elle. »

« Eh, tu vas nous dire tout hein, tout, tout, tout… »

« Oui, un peu plus tard, parce que pour le moment on boit un verre avec le, comme il dit lui-même, “Chef de Bande”, et c’est avec plaisir. »

« Merci Véronique, à vous alors et à votre réussite. Puisque vous êtes là toutes les trois, s’il y avait un problème, n’importe lequel, je suis dans le bâtiment de l’accueil, au deuxième étage, porte deux-cent-dix-huit. Je vous laisse aussi mon numéro de téléphone portable, il est dans ma poche et ne me quitte pas. »

« Merci pour tout ça, c’est sympa, et c’est une façon de dire que nous sommes importantes, c’est cela ? »

« Oui, exactement, pour moi le secret de ce métier c’est que nous soyons tous solidaires, une équipe, cela veut dire que chacun est concerné par le travail des autres, personne n’est à l’écart, et il y a entraide si cela est nécessaire. Et alors, en face des autres, nous sommes un bloc ! Il n’y a pas de hiérarchie entre nous, vous pouvez tout me dire, si vous n’êtes pas d’accord aussi. Je suis connu pour mon travail, je vais garder ma méthode avec vous, et nous serons tous gagnants. »

« Ça fait du bien d’entendre ça ! C’est mieux qu’un manager qui essaye de nous convaincre que pour réussir il faut passer par son lit. »

« Oui Nicolette, tu as raison, les managers malheureusement ne sont pas toujours des gens fréquentables. J’ai, pour ma part, la chance d’avoir commencé dans ce travail comme vous, et donc c’est ce qui me permet aujourd’hui de vous comprendre et de vous aider réellement. De plus, je continue de tourner, parce qu’il y a du monde et que nous ne sommes pas assez nombreux, donc je ne perds pas les bonnes habitudes. »

Véronique m’a jeté un coup d’œil plein de questions lorsque j’ai parlé des managers « peu fréquentables »… Elle papotait maintenant avec Amélie, qui souriait… J’avais volontairement lancé cette petite appréciation personnelle, visiblement cela avait porté.

Je les laissai finir leur soirée, Véronique, faisant signe aux autres, s’est levée pour m’embrasser, Amélie et Nicolette ont suivi…

En arrivant au studio, je vérifiais les appels, rien, et les emails, un de Steven qui m’annonçait un appel téléphonique lundi. Il était surbooké avant ! J’ai noté. Pas de nouvelles de Sarah, quoi faire ?

Le samedi matin je suis descendu au bar-piscine, en me disant que peut-être l’une des deux filles ou l’un des garçons passeraient par là… Le fait de me poser la question a, en même temps, donné la réponse, Amélie, en robe très légère et très décolletée est venue me dire bonjour, un baiser un peu équivoque, limite du raisonnable !

« Assieds-toi Amélie, que veux-tu boire ? »

« Un thé, merci François, tu disais hier soir que tu voulais nous parler, as-tu le temps maintenant ? »

« Oui, juste deux minutes, je vais chercher ton thé et un café pour moi. Ne bouge pas j’arrive… »

D’un coup je compris la situation, Graham, le manager anglais, était assis plus loin avec une jeune femme que je n’avais jamais vue, et c’est peut-être ce qui a déclenché la grosse envie de me parler d’Amélie. Je fis comme si je n’avais rien vu.

« Voilà ma chère, un thé, earl grey je crois, et maintenant je t’écoute. Dis-moi s’il y a des choses qui te gênent, comment tu travailles et ce que tu aimerais améliorer, avec les copines je crois que tout va bien, mais tu peux en parler, je te dirai aussi ce que moi je pense et s’il y a des points particuliers qui pourraient t’aider. »

« Merci, c’est génial que tu poses des questions comme celles-là, et que tu commences à travailler avec nous en nous demandant ce que nous aimerions. »

« Oui, c’est le seul moyen de vous mettre dans les meilleures conditions, tout le monde n’a pas la même approche, donc j’essaie de faire au mieux pour chacune. Mais oublie un peu le “on” pour dire “je”. C’est toi qui m’intéresses maintenant, les copines je les ai vues, aujourd’hui c’est toi et moi qui parlons ensemble. »

« Je suis arrivée il y a cinq mois, par hasard, parce que mes parents ont reçu un appel téléphonique leur faisant gagner une semaine de vacances aux Canaries, ils ne pouvaient pas y venir, ils sont commerçants et ne ferment jamais. Donc j’y suis venue avec un copain, qui m’a laissée tomber au bout de deux jours pour sortir avec une autre. Alors j’ai traîné ma misère, c’était une résidence à Playa Las Americas, et j’ai rencontré un prospecteur pour les résidences d’ici, on est sortis ensemble, il était sympa, et m’a dit que si je revenais il me trouverait un job. Je suis rentrée en France, il pleuvait, on arrivait en hiver, les parents étaient à fond dans leur travail, j’étais seule, après discussion je suis revenue ici. J’ai retrouvé Emeric, depuis il est parti sur Lanzarote, et j’ai commencé ici, sur l’in-home qui venait d’ouvrir, avec Véro. Je suis encore assez moyenne, j’aimerais faire mieux, et j’ai une vie assez bizarre à côté, ça ne m’aide pas vraiment. Je te raconte tout, alors que mes deux copines ne savent même pas tout ça. »

« Je garderai tout ça pour moi, tu n’as rien à craindre. »

« Oh merci François », dit-elle en posant sa main sur la mienne. Je ne bougeai pas, essayant de voir autour de moi, et sans tourner la tête j’ai vu Graham, qui partait, la jeune femme à côté de lui, et il a tourné la tête vers nous, voyant la scène…

J’ai retiré ma main quelques secondes après pour attraper ma tasse, tout allait bien, ce retrait n’a pas perturbé notre conversation.

« Alors, dis-moi, je vais te faire progresser, c’est sûr, te faire rentrer dans ce métier, et tu verras que quand tu seras plus régulière, tu seras aussi beaucoup plus heureuse et confiante en toi. Qu’est-ce que tu appelles une “vie assez bizarre” ? »

« Je te dis tout… Un soir, en boîte à Playa, je me suis laissé draguer par le manager anglais, je parle anglais et lui un peu français. Ça s’est terminé chez lui, tous les deux, on a bu, on a fumé aussi, et le lendemain, samedi jour de repos, il m’a emmenée avec lui sur un bateau où on devait être une bonne dizaine, ça c’est terminé en party, tout le monde avec tout le monde. Je n’ai pas aimé cela, Graham, c’est son nom, m’a fait une scène devant tout le monde, je l’ai giflé, et deux jours après je me suis rendu-compte que j’étais amoureuse. Vraiment. J’ai essayé de le rattraper, mais il fait exprès d’inviter plein de filles chez lui et quand j’arrive il est toujours occupé avec une autre. Sauf hier, et je suis restée avec lui toute la nuit. Mais je n’arrive pas à le garder pour moi. C’est ça ma vie bizarre, je le déteste et une heure après s’il me demandait n’importe quoi je dirais oui. Évidemment je travaille moins bien, je gagne beaucoup moins et Robin m’a menacée de me virer. »

« Bon, je crois qu’il faut employer les grands moyens avec toi. Tu es consciente que ce gars est toxique pour toi, il t’entraîne dans des plans dont tu n’as pas envie, toi tu le veux pour toi toute seule. Ne rêve pas, ça ne sera jamais ça. Tu seras la septième, celle du tout dernier jour de la semaine, pas forcément toutes les semaines d’ailleurs. Quand tu es arrivée tout à l’heure, je ne te raconte pas d’histoire, je me suis dit, dans cette robe qui laisse tout imaginer qu’est-ce qu’elle est belle cette Amélie. Aucun homme ne dira le contraire. Et si j’ai bien compris, tu cherches une relation stable, avec un garçon qui ne soit pas un “coureur de jupons”, ça existe, j’en fais partie, même si ma compagne est en Espagne en ce moment, et il y en a d’autres. La bonne méthode par contre pour les trouver c’est plutôt les pianos-bars que les boîtes de Playa Las Americas, et puis, ici ce n’est pas le cas en ce moment, il y a tout simplement les hommes qui travaillent autour de toi. Il va y avoir des nouveaux d’ici peu, soit attentive. Si tu veux trouver quelqu’un de rare il faut chercher et ne pas penser à jouer les remplaçantes quand, par hasard, Graham à du temps libre… Mets un stop. Et moi je te propose de te faire travailler tous les soirs, il y a déjà Véro sur la liste, vous ne ferez pas les mêmes choses, mais ça va te booster et te faire penser à autre chose qu’une nuit virtuelle ! Ne deviens pas une esclave, tu es une femme, tu dois te battre, et c’est toi qui choisis, pas lui. Envoie-le au diable. Tu vas le faire ? Est-ce que tu en es capable ? On parie ? »

« On parie quoi ? »

« Un resto », si tu gagnes je te laisse le choix, y compris le meilleur de Tenerife… C’est à La Laguna. N’importe où, Grande Carte bien sûr. »

« C’est dingue, et je vais dire oui, tu me laisses combien de temps ? »

« Je suis ravi que tu sois une fan de gastronomie ! Je te laisse le temps que je reprenne la ligne, c’est-à-dire huit jours, et pas un de plus. Dimanche prochain c’est bouclé. Top là ? »

« Top là ! »

« Super. Là, tout de suite, tu m’as montré que tu étais une vraie femme qui sait ce qu’elle vaut, et ce qu’elle veut ! Je t’invite à dîner ce soir si tu es libre. »

« Oh oui, avec plaisir. Je ne sors pas souvent, et avec toi, oui, je veux bien. Quelle heure ? Et je dois être habillée et maquillée ? »

« Ce n’est pas obligé, tu fais comme tu veux, et moi j’ai une question, aimes-tu le poisson ? »

« Oui, j’adore… »

« D’accord, on dit dix-neuf heures trente. »

« Oui, François, merci, à plus tard. »

Juste à l’heure, j’ai retrouvé Amélie au parking, elle était habillée, mais relaxe, en même temps, maquillée, mais on pouvait croire en fait qu’elle ne l’était pas, bref elle était superbe… On a traversé le parking, en riant, je lui ai dit ce que je pensais, qu’elle était superbe et que vraiment le manager anglais ne lui arrivait pas à la cheville… Cela l’a mise en joie et elle a éclaté de rire. Et d’un coup, j’ai réagi :

« Guillaume ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? »

« François-René ? Ça alors, eh bien, et toi que fais-tu ici ? »

« Ah écoutes si tu as cinq minutes on prend un verre, je te présente, Amélie, on travaille ensemble ici, et on se fait une soirée travail, tranquilles à Los Abrigos. »

« Bonjour, Amélie, je dois dire que je suis ébloui ! On a du vous le dire des milliers de fois, excusez-moi, ce n’est pas très original, je peux mieux faire, mais je suis sous le choc… »

« Eh bien mon vieux, remets-toi, et en marchant vers le bar, dis-moi ce que tu fais ici. Tu ne travailles plus à Lanzarote ? »

« Ma situation a évolué, je suis maintenant le premier commis de Paul et Pascualito, et le responsable de recrutement du “Club” est venu à Lanzarote pour me débaucher et me proposer la place de Chef ici. Ils veulent un restaurant Grande Cuisine française, ils ont comme tout le monde entendu parler de notre réalisation, je dis notre parce que c’est quand même toi “l’inventeur” du concept…. J’ai accepté, je commence dans dix jours et la semaine prochaine je suis ici pour trier un peu parmi les commis et garder les meilleurs en brigade. »

Nous avions rejoint le bar et j’ai alors remarqué qu’Amélie était très intéressée par toutes ces histoires de cuisine.

« Alors je lève mon verre à ta carrière, et à nos retrouvailles ! C’est un truc énorme de se retrouver ici pour, à nouveau, travailler dans la même compagnie. D’ici trois semaines, nous réserverons pour la ligne in-home et viendrons tous dîner un vendredi soir, c’est moi qui les inviterai et c’est toi qui me diras ce que nous devons manger. »

« Ah avec plaisir. Et vous Amélie, vous aimez la cuisine ? »

« Ah oui, j’en suis folle, j’essaie de cuisiner un peu, c’est difficile ici parce qu’il n’y a pas beaucoup de matériel et je n’ai pas trop le temps. Mais d’après ce que j’entends et comprends, vous allez devenir un grand Chef, et je suis très heureuse de vous rencontrer, vraiment. Vous allez habiter dans la résidence ? »

« Oui, j’ai un bel appartement qui m’a été réservé, sûrement dans le bâtiment où vous logez vous-même, derrière nous juste ici. »

« Alors c’est une bonne nouvelle, oui nous nous croiserons, j’espère souvent ! »

« Ce sera avec beaucoup de plaisir et je vous promets d’être plus original et séducteur dans mes compliments ! »

« Bon, passe me voir quand tu veux, je suis au deux-cent-dix-huit. »

« D’accord je vous laisse, je dois voir le Boss dans douze minutes ! À bientôt, Amélie ? »

« Oui Guillaume, à bientôt. »

Cette fois nous sommes montés en voiture, Amélie semblait dans les nuages.

« J’oserai bien dire “Coup de foudre ?”. Cela me semble la réalité des deux côtés… »

« François, tu me portes bonheur ! D’abord tu me dis de me débarrasser de mon English, Véronique m’a confirmé que c’était la chose à faire, elle m’a dit aussi que tu lui paraissais être quelqu’un de sain, en qui je dois pouvoir avoir confiance. Et là, sur le parking, encore un qui te connaît, bien de surcroît, et qui me donne envie de lui tomber dans les bras… Quelle soirée ! Où est-ce que l’on va ? »

« Pour une jolie femme aimant la cuisine, comme tu l’es, j’espère que tu vas apprécier, un restaurant de poisson, particulier, tu verras, où la cuisine est “pure canarienne”, dans un cadre étonnant. Ça se trouve de l’autre côté du Golf del Sur, Los Abrigos c’est le nom du village. »

« Pour ne rien te cacher, j’ai faim ! Dis-moi, Guillaume, il est seul ? »

« Je vais te dire tout ce que je sais. C’est récent puisque j’étais à Lanzarote il y a deux semaines, je connais tout le monde dans cette résidence et j’ai appris que Guillaume s’était séparé de son amie, ou plutôt que son amie était partie avec un autre garçon, on ne savait pas trop pourquoi, mais Guillaume en a été vraiment malheureux. Je comprends qu’il ait sauté sur l’occasion de changer d’air si le “Club” est venu le recruter. Je ne lui en ai pas parlé, ce n’est pas nécessaire, mais je pense qu’il a bien fait de partir, d’autant que là, ce soir, il a eu un choc énorme. Il a croisé une jeune femme plus que superbe, et tiens-toi bien, cette très belle femme lui a carrément dit qu’elle serait heureuse de le revoir. Il va voir Tommy, avec des étoiles plein les yeux, et le cœur qui bat la chamade sûrement. »

« Tu crois ce que tu dis ? »

« Oui Amélie, je le crois, et j’en suis sûr. »

« Moi aussi je peux rêver, avec des étoiles dans les yeux et le cœur en chamade ? En fait je ne sais pas ce que c’est la chamade ! »

« Battre la chamade, à propos du cœur, c’est avoir un choc émotionnel violent, mais heureux ! C’est ce qui compte le plus… On y est, alors je t’explique, petit aparté, je suis connu ici, en général le Chef vient me dire bonjour. On va se diriger vers le banc réfrigéré là-bas, tous les poissons sont du jour, tu choisis celui que tu veux manger, ils le préparent à la plancha et te l’apportent avec les légumes du jour. Bon appétit ma chère ! »

« Fantastique ! C’est quoi le très gros tout rouge ? »

« Du thon rouge, un peu sec à la plancha, ils le servent avec une sauce aux tomates fraîches et aux herbes pour l’adoucir un peu. »

« Et l’autre plus gros à côté ? »

« Ah là, je te le conseille, c’est le Roi de la Mer, ici on l’appelle “emperador”, l’empereur, en français c’est l’espadon, avec sa grande épée sur le nez ! Fameux, je suis pêcheur en mer, j’en ai pris un une fois dans ma vie, et c’est un grand souvenir… »

« Bien c’est ce que je vais commander ! Et toi ? »

« Pareil ! »

« Francisco, madame, je vous salue et suis heureux de cuisiner pour vous ce soir. Francisco mi-amigo ! »

Le Chef était venu, son accolade était sincère, toujours le même !

Le repas a permis que nous commencions la formation, sans vraiment qu’elle s’en rende compte, j’ai surtout attiré son attention sur le fait que, pendant les tours, la plupart des hommes seraient « à ses genoux », et que dans ce cas leur femme allait devenir son ennemie. Donc la première chose à faire, être amie avec l’épouse. Lui demander son avis, lui parler des enfants s’ils en ont, lui poser des questions sur ce qui lui plaît, ou même ce qui lui déplaît, ne pas hésiter à entrer dans le chapitre « budget de vacances », elle en dira beaucoup plus que son mari. Lui, il faut aussi l’interroger, bien plus techniquement que pour elle, donc pour lui c’est la conversation sérieuse, on ne plaisante pas, et s’il essaye de faire rire, on sourit, pas plus, pour sa femme par contre, on rit !

« Alors là, c’est trop facile comme tu me le dis, je faisais le contraire la plupart du temps, je me suis dit c’est lui qui signe le chèque, il faut que je lui plaise… En fait j’avais tout faux. Plusieurs fois la dame a essayé de rentrer dans le dialogue et je ne m’en suis pas trop préoccupée… Dès demain je vais mettre en pratique. Pendant le pot où l’on prend les rendez-vous, je vais m’occuper des femmes et ça va cartonner ! »

« Sois plutôt douce et relaxe que vive et riant sans cesse. Ils viennent en vacances pour trouver du calme et ici c’est facile de s’imaginer sous les palmiers en train de rêver ! »

Au retour, en descendant de voiture elle est venue me prendre dans ses bras, m’a embrassé, en disant :

« Merci, François, je suis très fière que tu t’occupes de moi, j’ai une drôle d’impression, celle d’avoir trouvé un guide, qui est là et me soutient, je suis heureuse. Et Guillaume me plaît, c’est une journée bénie ! Bonne nuit, merci encore pour tout, à demain. Tu seras là ? »

« Oui, bien sûr ! Bonne nuit aussi. Tu peux compter sur moi. »

Le dimanche matin, j’ai trouvé Pierre et Sacha assis au bar, prenant le petit-déjeuner, ils m’ont vu arriver et se sont tus.

« Salut, les gars, je peux m’installer avec vous pour prendre mon café ? Je ne vous dérange pas ? »

« Non, non, ça va aller, mais on ne va pas rester longtemps, on a des choses à faire avant le pot des arrivants. »

« Je ne vais pas vous retenir longtemps, juste pour vous dire que l’on va se voir dans la semaine, chacun son tour, pour faire le point et que je vous indique ce qui va changer, comment et pourquoi. J’ai regardé vos résultats, c’est très moyen pour toi Sacha, je pense que tu peux mieux faire et pour cela je vais t’apprendre quelques trucs quand on se verra. Et toi Pierre tu vends, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas, c’est ton taux d’annulations. Il faudra que tu m’expliques. Une annulation pour raisons financières, dans les huit jours après qu’ils soient rentrés, ça je comprends, sauf que normalement les couples que tu as eus ont les moyens, donc pourquoi annuler ? Et le plus grave c’est ton pourcentage d’annulation dans le Bureau des Contrats, là c’est une fois le tour fini et pendant les explications de l’Administratrice. Trois annulations sur cinq en moyenne c’est une situation totalement anormale. On va revoir complètement ton tour, ce que tu dis, ce que tu ne dis pas, et comment tu l’expliques. Il y a un problème et il faut le trouver. Est-ce que tu as une idée ? »

« Non, et puis là j’ai pas le temps, enfin, si peut-être, c’est à cause de l’Administratrice, quand elle leur explique ils ne comprennent pas et la discussion s’installe et au bout d’un moment ça claque… »

« Et alors l’Administratrice s’explique mal avec tes clients, et pas avec les autres ? En dehors de toi, la dernière annulation dans le bureau s’est produite il y a plus de six mois. En moyenne elle reçoit cinq ou six clients par jour, sur six mois ça en fait beaucoup, et toi c’est, aussi en moyenne, plus d’un sur deux qui craque… Je ne pense pas que le problème soit ailleurs que dans ton tour. Lundi après la journée on se retrouve au bar, on travaille deux heures, je veux savoir ce qui cloche. »

Ils se levèrent tous les deux pour partir, comprenant très bien que je les avais à l’œil, que, pour eux, la partie allait être difficile. À peine éloignés, ils ont commencé à se parler, l’ambiance était morose…

J’allai me lever quand Nicolette est arrivée :

« Hello, comment ça va depuis hier soir ? Je peux m’asseoir ici ? »

« Oui Nicolette, bonjour, et tout va bien. »

« Avant de m’asseoir, je viens te faire la bise. »

Elle en a profité pour bien se pencher en avant, avec un décolleté très plongeant, mettant en évidence qu’elle ne portait rien sous sa robe !

« Alors, hier on a été interrompus par Robin, mais j’étais en train de te dire que j’allai t’aider, dans ton tour, il faudra changer un peu quelques petites choses, et je crois que oui tu peux faire bien mieux que tes résultats actuels, et je ferai tout pour que tes tours se terminent bien. Ce n’est pas un privilège, je le fais pour tout le monde, ce que je veux dire c’est que le comportement de Robin est inadmissible. »