Double - Jean Kerdoncuff - E-Book

Double E-Book

Jean Kerdoncuff

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Beschreibung

Jean, spécialiste en architecture analytique et amateur de beaux costumes, dirige l’agence FRANTIC. Porté par une intuition ancienne et visionnaire, à la croisée de l’architecture, de la topographie, des technologies novatrices et de l’expertise judiciaire, il redéfinit magistralement l’art de la contre-enquête criminelle en utilisant des techniques architecturales. "Double" vous entraîne au cœur de la pensée d’un architecte dont le travail transcende la simple création de bâtiments pour devenir un moyen d’explorer les profondeurs de la condition humaine et de promouvoir des changements sociaux à travers l’art et la conception.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean Kerdoncuff est un architecte reconnu pour ses contributions innovantes à l’analytique, à l’architecture, à l’art en général. À travers l’ouvrage "Double", il explore les interconnexions profondes entre ces différents domaines, offrant une perspective unique et richement illustrée de ses réflexions et réalisations.

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Jean Kerdoncuff

Double

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean Kerdoncuff

ISBN : 979-10-422-4224-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Jean, spécialiste d’architecture analytique et amateur de beaux costumes, dirige une agence nommée FRANTIC.

Surfant sur une vague et ancienne intuition située au carrefour de l’architecture, de la topographie, des nouvelles technologies et de l’expertise judiciaire, il reconfigure la contre-investigation sur les crimes.

Sur la base de recherche multidisciplinaire récente, il utilise des techniques et des technologies architecturales pour enquêter sur des cas de violence.

Et la décrire avec des mots ne suffira jamais…

Ce roman complexe, plongée fascinante au cœur de la pensée d’un architecte dont le travail transcende la simple création de bâtiments pour devenir un moyen d’explorer les profondeurs de la condition humaine et de promouvoir des changements sociaux à travers l’art et la conception architecturale, saura vivement vous séduire.

L’intrigue, particulièrement audacieuse, captive par sa profondeur intellectuelle, son style évocateur et le travail sur les personnages.

Sur ce dernier point, vous serez particulièrement sensibles au travail effectué sur le personnage principal et celui d’Alice, ainsi qu’à l’enlacement des thèmes complexes tout en maintenant une clarté narrative.

Enfin, la capacité à naviguer entre différents registres, du thriller psychologique au récit introspectif, ajoute sans nul doute une richesse supplémentaire à cet ouvrage.

Chapitre 1

Je pisse du sommet de la Falaise.

Le Ouen Toro illumine ma droite.

Le noir des paysages laissés vierges par l’urbanisme obscurcit ma gauche.

Devant moi jaillit l’arc doré par la lumière du séjour.

En contrebas, un feu préalablement allumé par moi s’étend rapidement.

Qu’aurait pensé Jung de ce trivial plaisir ?

Bien sûr, bien sûr, je laisse de côté, Freund, qui nous fera pisser de rire en nous expliquant.

« Quand ils rencontraient un feu, les hommes primitifs avaient l’habitude de pisser dessus pour l’éteindre. Ils y prenaient, nous dit-il, “un plaisir infantile”. »

Certes, les occasions de se distraire offertes par la vie préhistorique devaient être assez limitées et l’on peut comprendre qu’ils n’en aient négligé aucune, au risque de se roussir les roustons.

Mais Freud nous explique ensuite que ce « plaisir infantile » était, en réalité, comme d’ailleurs selon lui tous les plaisirs des enfants, d’ordre sexuel, et plus précisément homosexuel.

Plus sérieusement, Jung attribuerait probablement ce geste spontané à des « pulsions de destruction primaires ».

Pour Jung, clairement, je développe en ce moment une « résistance néfaste à la vie dans ce monde ».

Il a raison. J’ai toujours considéré mon métier comme un sport de combat. Je suis architecte et passionné de psychologie analytique.

Dans ma vie, j’ai conçu deux bâtiments et demi.

Le premier fut un établissement thermal, construit en totale adéquation avec son environnement, la géologie, la topographie de la région et les montagnes environnantes.

Le Maître d’Ouvrage m’avait imposé une contrainte majeure : la silhouette du bâtiment ne devait pas obstruer la vue des hôtels environnants sur les majestueuses montagnes suisses, dont les sommets se dressaient comme des géants endormis.

Pour le côté discret, il pouvait compter sur moi.

J’ai donc encastré les thermes dans la falaise, les plaçant à moitié enterrés. Le toit plat de pelouse finissait de les fondre dans le paysage.

La seule façade du bâtiment se composait de plusieurs ouvertures, terrasses et fenêtres, immergeant ainsi les baigneurs au cœur d’une nature prégnante.

Les clients pouvaient se détendre tout en étant entourés par les formations rocheuses millénaires, se sentant presque comme des explorateurs des temps modernes dans un sanctuaire secret.

J’ai utilisé la pierre de gneiss en strates de plaques fines pour les murs intérieurs et extérieurs, le toit, le sol.

Voilà, c’est tout. À travers de multiples jeux sensoriels, j’ai simplement proposé une architecture des perceptions.

Les visiteurs pouvaient caresser les murs lisses de pierre tout en se prélassant dans les eaux apaisantes des thermes, vivant une expérience sensorielle totale.

Alors, au-delà d’une simple idée, c’est une « image forte », une sensation qui s’impose.

Dans les thermes de pierre, j’ai décidé que l’utilisateur serait au centre d’un espace vivant, utilisant la pierre et la lumière comme éléments sublimant l’eau. L’ambiance était imprégnée d’une aura mystique, un lieu où l’homme retrouvait une harmonie intérieure avec la nature elle-même.

Le deuxième fut un pavillon lors d’une des premières expositions universelles du troisième millénaire. J’aurais pu le considérer comme un demi-bâtiment, car il fut détruit un an après sa construction. Entièrement réalisé en bois, il fut démonté et réutilisé en une multitude de planches, poteaux, solives, et arbalétriers qui servirent à de nouvelles constructions.

L’intuition du projet prit son origine dans une image fréquente, banale : le simple empilage de planches de bois dans un dépôt quelconque ou dans un entrepôt de menuisier ou de charpentier.

J’ai transformé cette idée banale en un labyrinthe complexe de bois, un espace où les visiteurs se sentaient perdus et découvraient quelque chose de nouveau à chaque tournant.

Les parois subdivisaient l’espace intérieur selon une logique labyrinthique et complexe, tandis que les plafonds, constitués de poutres de mélèze, reposaient sur des poutres verticales de pin écossais.

Les visiteurs étaient confrontés à une symphonie de bois, chaque crissement de pas résonnant dans l’ensemble organique de la structure.

« Tout matériau possède un langage expressif spécifique », et lors de cette avant-dernière réalisation, ce mot d’ordre était le principe de base de mon architecture.

Le bois, dans ce cas, était le poète silencieux, racontant son histoire à travers ses nœuds, ses veines et ses imperfections.

« Pour les futures constructions, le matériau dictera ses lois. »

Mon expérience avec ce pavillon m’avait enseigné que chaque matériau avait son propre caractère, ses propres forces et faiblesses, et qu’en travaillant en harmonie avec lui, on pouvait créer des œuvres d’art architecturales uniques.

Les projets naissent d’une idée et cette idée devrait toujours s’accompagner d’un matériau.

Ce fut une expérience passionnante, mais rude, tant l’idée d’imposer des matières brutes ne s’imposait pas aux futurs utilisateurs.

Enfin, l’architecture tenait plus du sport de combat que d’une discipline artistique.

Les nombreux défis, les négociations ardentes avec les clients, et les luttes pour faire passer mes idées dans un monde souvent conservateur m’avaient endurci.

Chaque projet était une bataille pour l’innovation et la créativité, et je me battais avec ferveur pour que mes conceptions voient le jour.

Par la même occasion, je croyais que les beaux-arts, dans leurs grandes traditions académiques et occidentales, devraient sérieusement envisager d’inclure le « Street Fighting » dans la liste des sept arts majeurs.

Cette discipline non conventionnelle de l’expression artistique avait ses propres codes et sa propre esthétique, puisant son inspiration dans les rues animées, les graffitis audacieux, et les performances urbaines courageuses.

Le « Street Fighting » était l’art de la rue, une expression brute de la créativité qui défiait les normes et les conventions, tout comme l’architecture moderne cherchait à le faire.

Peut-être était-il temps que ces deux mondes se rencontrent et s’inspirent mutuellement pour créer quelque chose de nouveau et de captivant.

Ce pressentiment prit forme lors du chantier du demi-bâtiment. Après de multiples rebondissements et neuf années de péripéties, ma troisième réalisation ouvrit ses portes le 24 mai 2018.

À cette époque, je considérais avoir été « évincé du projet » par le maître d’ouvrage, qui avait pris des décisions concernant la structure du bâtiment sans solliciter mon avis.

Au bout de deux ans d’existence, la salle de concert était devenue un lieu culturel incontournable de la capitale. Sous prétexte de dépassement financier et de dérapage du calendrier, je fus assigné en justice.

Le contentieux prit une tournure décisive et mit fin à mon activité d’architecte.

C’est à ce moment-là que je compris pleinement la citation : « Tout matériau possède un langage expressif spécifique, mais quand ce matériau devient l’argent, tout langage devient inexpressif. »

J’avais vu comment l’argent et les décisions financières avaient pris le pas sur la créativité et la vision architecturale.

Mon rêve initial d’apporter des conceptions audacieuses et innovantes avait été éclipsé par les réalités du monde des affaires, et c’était un constat amer.

Cette expérience m’avait appris que l’architecture, bien qu’étant une forme d’art, était également soumise aux réalités économiques et aux intérêts des clients.

Cependant, elle ne devait pas nécessairement être limitée par ces contraintes. J’avais soif de revenir à la véritable essence de l’architecture, où la créativité, la vision et l’expression artistique pouvaient prendre le devant de la scène, sans être asservies par les compromis financiers.

Voilà comment je me suis retrouvé au chômage relativement jeune.

Ayant mis de côté un léger pactole, ne voulant pas quitter le domaine de l’architecture et étant un fervent amateur de psychologie analytique, j’ai décidé d’ouvrir une nouvelle agence que j’ai nommée FRANTIC Architecture.

Une nouvelle agence qui se concentrerait sur la réconciliation de l’art et de l’architecture, tout en explorant de nouvelles voies pour mettre en lumière des vérités cachées à travers le design et la construction.

C’était une vague et ancienne intuition qui se trouvait au carrefour de l’architecture, de la topographie, des nouvelles technologies et de l’expertise judiciaire.

L’objectif de ce laboratoire était de réinventer la contre-enquête dans le domaine des crimes.

M’appuyant sur des recherches multidisciplinaires récentes, j’avais l’intention d’utiliser des techniques et des technologies architecturales pour enquêter sur des cas de violence.

Cette démarche avait commencé de manière presque intuitive, mais rapidement, j’avais été sollicité sur des cas de violations des droits de l’homme à travers le monde.

La première contre-enquête a exposé les mensonges de policiers londoniens à la suite de la mort d’un jeune homme noir abattu par la police à Londres.

Cette tragédie avait déclenché les émeutes les plus violentes de l’histoire récente britannique. Grâce à une reconstitution en réalité virtuelle, nous avions pu remettre en question la version officielle selon laquelle les policiers avaient agi en légitime défense.

La deuxième enquête s’est concentrée sur l’obscur phénomène de la criminalisation des ONG en Méditerranée.

L’histoire pivotait autour de la saisie brutale, orchestrée par les autorités italiennes, du bateau d’une ONG dédiée au noble acte de porter secours aux migrants naufragés.

Cette affaire était devenue emblématique d’une campagne plus vaste visant à stigmatiser et à diaboliser ceux qui risquaient tout pour sauver des vies en Méditerranée.

Au sein du collectif Architecture Analytique, un groupe d’activistes visionnaires parmi lesquels je m’étais engagé, nous avons employé des outils d’investigation innovants pour révéler les failles et les biais insidieux qui sous-tendaient cette sinistre accusation.

Tout cela s’est déroulé à quelques encablures d’une décision cruciale de la Cour suprême italienne qui allait marquer un tournant décisif.

Mais il y avait plus, une autre histoire qui se tramait dans l’ombre, une enquête sombre et perverse.

J’ai également plongé dans l’abîme en enquêtant sur le meurtre atroce d’un jeune rappeur antifasciste, froidement assassiné dans les rues sombres d’Athènes.

Ses bourreaux, des adeptes fanatiques de l’organisation néonazie Aube dorée, avaient commis cet acte odieux en toute impunité. Mais, au-delà du meurtre, des questions troublantes se sont élevées.

Grâce à des outils d’investigation d’une sophistication inédite, nous avons percé le voile de ténèbres qui entourait cette affaire macabre.

Nous avons découvert, avec une horreur croissante, que la police grecque était présente sur les lieux du drame, observant l’agonie du jeune rappeur sans lever le petit doigt pour intervenir.

Une vérité sordide avait émergé, celle d’une collusion malsaine entre les forces de l’ordre et les suppôts du néonazisme.

C’étaient des enquêtes qui nous avaient poussés jusqu’aux limites les plus sombres de la société, où la vérité était aussi terrifiante que la fiction, et où le mal se cachait parmi nous, insidieux et prêt à frapper à tout moment.

Mon nouvel engagement dans cette forme d’architecture, axée sur la recherche de la vérité et la lutte contre l’injustice, avait donné un nouveau sens à ma carrière et à ma passion pour l’architecture. J’étais déterminé à utiliser mes compétences pour faire la lumière sur des affaires complexes et aider à rendre justice aux victimes de violence et d’oppression.

La troisième enquête avait exposé les mensonges des policiers londoniens à la suite de la mort tragique d’un jeune homme noir, tombé sous les balles de la police à Londres.

Cet incident sordide avait déclenché les émeutes les plus violentes de l’histoire récente du Royaume-Uni, plongeant la cité dans un chaos indescriptible.

Notre équipe s’était investie corps et âme dans cette enquête, usant de la reconstitution en réalité virtuelle pour mettre sérieusement en doute la version officielle, selon laquelle les policiers auraient agi en légitime défense.

Les images immersives avaient révélé des détails troublants, jetant une lumière crue sur les incohérences flagrantes du récit officiel des forces de l’ordre.

L’investigation suivante était axée sur la sinistre tendance à la criminalisation des ONG opérant en Méditerranée.

Lorsque les autorités italiennes avaient saisi de manière autoritaire le navire d’une ONG dévouée au sauvetage des migrants en détresse en mer, cela était devenu l’emblème d’une campagne visant à discréditer de braves âmes œuvrant pour sauver des vies humaines dans les eaux tumultueuses de la Méditerranée.

Le collectif Architecture Analytique, armé de sa panoplie d’outils innovants, avait mis en évidence les failles béantes et les préjugés insidieux derrière cette accusation infamante.

Cette révélation cruciale était survenue juste avant une décision de la Cour suprême italienne, jetant ainsi une lumière crue sur les actes d’intimidation orchestrés à l’encontre des organisations humanitaires.

Parallèlement, j’avais mené une enquête profonde et dérangeante sur le meurtre brutal d’un jeune rappeur antifasciste dans les rues d’Athènes.

Les auteurs de cet acte odieux appartenaient tous à l’organisation néonazie Aube dorée.

Avec l’aide de techniques d’investigation novatrices, j’avais mis en lumière un élément encore plus troublant : la présence inexpliquée de la police grecque sur les lieux du crime au moment fatidique, sans qu’elle ait levé le petit doigt pour intervenir.

Cette révélation avait suscité un tollé retentissant et avait jeté une lumière crue sur des complicités inattendues au sein des autorités locales.

Ces enquêtes complexes avaient façonné ma nouvelle carrière, me propulsant vers une architecture résolument tournée vers la recherche de la vérité et la lutte acharnée contre l’injustice.

Mon engagement à user du pouvoir de l’architecture pour dévoiler des vérités dissimulées et défendre les droits fondamentaux de l’homme était devenu ma vocation, et je m’y consacrais avec une détermination inébranlable.

Je pisse du sommet de la Falaise.

Je suis plutôt heureux et j’aime les costumes classiques, sobres et intemporels.

« L’homme n’est pas un animal de mode. »

Pour moi, l’élégance réside dans la simplicité et la durabilité, des valeurs qui se reflètent dans mon choix vestimentaire.

Au fil de ma vie, j’ai développé quelques habitudes typiquement masculines. L’une d’entre elles consiste à prendre une douche chaque matin avec de la Bétadine.

Je suis conscient que de nombreuses personnes considèrent ce produit comme destiné à l’antisepsie de la peau avant une opération chirurgicale, pour traiter des plaies, des brûlures superficielles, ou encore dans le traitement d’appoint des lésions cutanées infectées ou exposées à un risque d’infection.

Cependant, pour moi, cette habitude ne relève que d’une précaution de base. Au vu des activités potentiellement risquées que je peux entreprendre au cours de la journée, je considère cela comme une nécessité.

C’est une question de principe : être toujours présentable et prêt à faire face à toutes les situations, qu’elles soient prévues ou inattendues.

« Être toujours présentable. »

Bien sûr, je n’écoute pas ceux qui prétendent que trop de propreté serait néfaste pour ma santé. Au contraire, je prône une approche d’hygiène ciblée et raisonnée.

L’hypothèse bien ancrée dans l’imaginaire collectif selon laquelle des allergies seraient la conséquence d’une trop grande propreté a souvent été mal interprétée.

Par exemple, je ne perds pas de temps à récurer le sol ou à passer des heures à nettoyer l’intérieur de la cuvette des toilettes.

En revanche, je suis particulièrement attentif à l’hygiène des surfaces de préparation des aliments et au lavage des torchons, car cela revêt une réelle importance.

Certains espaces ne nécessitent pas un entretien permanent, mais je tiens fermement à l’importance du lavage des mains. C’est une pratique essentielle pour briser la chaîne de transmission des agents pathogènes dangereux. Je m’astreins à ces bonnes pratiques au quotidien, afin d’éviter la propagation de messages déroutants ou contre-productifs sur mon hygiène.

Je crois que sur ce sujet, je suis en harmonie avec les pensées de Freud et Jung.

Je considère que sur ce sujet, je suis en harmonie avec la pensée de Freud et Jung.

Pour Freud, « Le support est le corps ».

Pour Jung, « L’hygiène est le Coach ». Il est question de l’hygiène psychologique du coach. Pour moi, « L’homme est un animal comme un autre ».

Chapitre 2

Les préparatifs

La fenêtre en PVC du bureau de chantier s’ouvre sur le port, offrant une vue imprenable sur l’effervescence des lieux.

Des grues portuaires s’élèvent majestueusement, tandis que des grues mobiles dansent avec agilité pour accomplir leur tâche.

Les chariots élévateurs glissent silencieusement sur le sol, prêts à soulever des charges impressionnantes, et les systèmes de convoyeurs serpentent comme des artères vitales, transportant des marchandises de toutes sortes vers leurs destinations.

Meyer, debout à côté de la fenêtre, est abasourdi par les nouvelles qu’il vient d’entendre.

— C’est un invité vedette, ça va être un événement très fort de l’année 2021 ! s’exclame Fred, le regard pétillant d’enthousiasme.
— Sérieux ! La star mondiale de l’art contemporain, Jeff Koons, expose le jour de l’inauguration du Musée Bernheim.
— Oui, crois-moi, cela fait du bruit. C’est complètement dingue. C’est la première fois en Europe que l’on prend la mesure complète de l’œuvre de l’artiste américain.
— On fait venir des sculptures et des peintures venues du monde entier ?
— Oui, elles composent une rétrospective époustouflante. Le parcours chronologique met en évidence les différents cycles de son travail d’artiste, depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui.
— Waouh ! Tu penses qu’on touche aux premières œuvres héritées du Pop art. C’est ma période préférée. Ce serait vraiment la classe.

La conversation animée entre Fred et Meyer résonne dans le bureau, tandis que l’excitation pour cet événement culturel exceptionnel continue de monter en flèche.

Les bureaux temporaires du Bernheim sont installés dans des constructions modulaires, situées en zone portuaire, sur une ancienne aire de stockage de billes de bois.

— Oui, on aura la série EQUILIBRIUM, présentée pour la première fois lors de son exposition en 1985.
— Tu parles de celle exposée à la galerie éphémère International With Monument.
— Et la cerise sur le gâteau, il y aura les œuvres actuelles qui dialogueront avec l’histoire de l’art. Il travaille également sur une version du Salvador Mundi, mais avec une perspective de « Arme de destruction massive de CO2 ».
— Enfin, il réagit aux critiques de ceux qui le considèrent comme un « épiphénomène culturel et social ».
— Oui.

À cheval sur le littoral, il est aisé d’observer quotidiennement les mouvements des porte-conteneurs dessinant des sillages elliptiques le long des façades maritimes et industrielles.

Le paysage portuaire lui-même semble être une œuvre d’art.

— Ce sera une exposition hors norme, à la scénographie spectaculaire et très colorée du scénographe Jean Piot, qui investira le grand plateau, côté mer. Jeff souhaite qu’elle constitue également un électrochoc environnemental.
— Mais comment as-tu fait pour le convaincre de venir ? C’est une sacrée prise de risque pour lui. Exposer à l’ouverture d’un musée.
— En fait, c’est Barbara STANG qui l’a piégé.

Le chantier du futur musée se situe à 5 minutes à pied. Cet emplacement a été jugé pratique par le Maître d’Ouvrage.

Les journées s’organisent entre une visite de chantier en début de matinée et un retour aux bureaux, afin d’y organiser l’aménagement, puis l’organisation de la première exposition.

MEYER : Vas-y, tu peux me raconter les coulisses de cet événement hors norme.

— La toute jeune commissaire de l’exposition était au courant que Jeff Koons était un grand fan de Frank Hatufim.
— Comment l’a-t-elle appris ?
— Tu sais que Barbara est devenue le personnage clé de l’art contemporain de notre cité. Enquêter chez les stars est devenu une seconde nature. En tous cas, elle pige vite. Une vraie fouine.
— Tu as raison. En peu de temps, elle est vraiment devenue une tueuse dans le milieu.

La fenêtre en PVC, entrouverte à l’aide d’un compas métallique, laisse pénétrer une odeur mélangée de rouille, de fuel, de sel et de mélèze.

L’atmosphère est imprégnée de l’essence même du port, mélangeant la rusticité industrielle à l’odeur saline de la mer.

— Il paraît qu’elle se fait appeler « Curators ».
— C’est la grande mode chez les commissaires d’exposition.
— Elle préfère se faire appeler comme ça. Sans doute pour échapper à l’insigne ambigu du commissaire d’art contemporain.
— Cela ne m’étonne pas, cela fait un peu plus « Prédator ».

Le bruit provenant des chantiers de construction cesse, laissant place au calme relatif du port en milieu de journée.

Les moteurs rugissants des grues mobiles, des chariots télescopiques, des marteaux batteurs et du matériel de dragage sont remplacés par les bruits familiers des klaxons des motos et de la vie portuaire.

Meyer regarde son téléphone, il est bientôt midi.

— Oui, cela fait moins formaté que les institutionnels. Une prédatrice en Louboutin, c’est quand même nettement plus glamour.
— Glamour et raffinée : voilà deux adjectifs qui la définissent à merveille.
— Je l’ai déjà croisée. Deux véritables scanners au fond des yeux. Je me suis senti mis à nu après son passage. Ma fiche est déjà archivée dans son central de données.
— Personnellement, cela ne me déplairait pas d’être mis à nu par elle.
— Haha, c’est vrai ! Ses escarpins ne cessent de fasciner mes nuits. Cela a dû plaire également à Jeff. Une paire d’escarpins associée à des talons aiguilles vertigineux, sculptant une silhouette de femme fatale. Je visualise déjà très bien une prochaine œuvre qu’elle lui aura inspirée.
— La célèbre semelle écarlate va laisser des traces dans le milieu sclérosé de l’art contemporain.
— Et si l’on continuait cette captivante conversation chez Chacun. J’ai trop la dalle.

Chacun est le restaurant ouvrier du port. S’y mêlent chaque jour les bleus de travail du chantier de construction et les cols blancs des bureaux d’étude.

Les deux hommes longent le bord de l’eau d’où émerge une forme d’urbanité.

Dans quelques années, cela correspondra à une nouvelle sensibilité esthétique et écologique. Ils traversent de vastes espaces libérés par les crises successives qui ont déferlé sur l’activité portuaire. Meyer appelle le restaurant et réserve une table pour deux.

— Bon, c’est vrai, je me suis laissé envahir par un a priori sur elle. C’est toujours le problème avec les belles chaussures. Le talon exprime à la fois la force et la fragilité. Alors, admettons que je me suis senti agressé dans un premier temps. De toute façon, il est toujours réconfortant d’être détrompé par sa propre paranoïa.
— T’as raison, c’est une pro.
— Donc l’année dernière, Barbara apprend que Jeff visite le MICAM de Bilbao, l’une des réalisations emblématiques de l’architecte.
— Je confirme, c’est grandiose.
— Complètement emballé, il fantasme d’y exposer ses dernières œuvres. L’échelle et la déconstruction des volumes représentent les plus fabuleux écrins pour sublimer son travail.
— Il paraît qu’il aurait contacté directement Jean-François Choux, son directeur, pour lui proposer une collaboration.
— A priori, Choux n’apprécie pas vraiment la star mondiale de l’art « néo-pop ». Il l’a snobé en lui annonçant que tout était bouclé jusqu’en 2025.
— Ce qui est probablement vrai.
— Oui. Mais Jeff n’a pas du tout apprécié. Alors quand Barbara l’a appelé pour lui présenter le projet, il n’a pas hésité une seconde.
— Il a senti tenir sa revanche. La construction du Mua doit reconquérir des quais désertés et demeurés longtemps inaccessibles.

Les aménagements en périphérie réinventeront une nouvelle ville en relation avec l’eau. Ils passent sous un immense panneau au message explicite.

Dans le rêve de la ville bleue, les politiciens rêvent de faire flirter la nature avec la ville. Meyer est un marathonien, et Fred commence à le ressentir au niveau des articulations.

— Oui. Accepter une exposition à Bernheim et humilier Choux, au passage.
— Évidemment, dans sa tête. Ce serait l’exposition de la décennie.
— Il a donc invité Barbara à New York pour lui présenter le projet.
— En fait, il a organisé leur première rencontre chez ses parents.
— Chez ses parents ? Plutôt étonnant pour un multimillionnaire de l’art.
— En fait, ce n’est pas si étonnant. C’est une relation fusionnelle pour lui. Ils l’ont énormément soutenu à ses débuts. Initialement, il menait une vie paisible, sans extravagances ni accrocs, exerçant le métier de courtier à la bourse de Wall Street où il était spécialisé dans les matières premières. Finalement, ils ne se sont pas éternisés chez ses vieux. Il l’a invitée à déjeuner.

À l’ombre des grues qui quadrillent le quartier, Chacun est depuis plus d’un demi-siècle un savoureux appel au peuple.

Cela doit être le dernier bistrot ouvrier du quartier, un bijou populaire d’un monde révolu à préserver.

Les deux frères, Hubert et Michel Chacun, animent avec leurs formules désuètes leur petite maison aux clients variés quoique toujours habitués.

Aujourd’hui, des soudeurs aux mains rugueuses, des calorifugeurs couverts de poussière, des chaudronniers aux regards fatigués, des ajusteurs au cou tanné par la sueur, un élégant dessinateur au pantalon cintré et aux cheveux gominés, des gilets orange fluo portés par-dessus des jeans réellement délavés.

Hubert déambule à pas lents dans la salle carrelée d’as de trèfles bleus, un parquet qui a vu défiler des générations d’ouvriers.

Michel, dans sa cuisine sommaire et toujours ouverte, marmonne des consignes obscures à son frère tout en jonglant avec les casseroles et les poêles.

On aperçoit un semainier gravé dans le marbre, témoin du temps qui passe et des repères qui demeurent.

Meyer commande deux menus du jour, annonçant ainsi le début d’une conversation qui promet d’être riche en anecdotes et en révélations.

Il reprend, évoquant les plats du jour avec une nostalgie palpable.

Les souvenirs semblent remonter à la surface, se mélangeant aux arômes familiers de la cuisine de Chacun.

— Un plat, un jour. Le lundi, tranches de veau et pâtes, le mardi, rosbif-frites, le mercredi, saucisse d’Auvergne-purée, le jeudi, gigot d’agneau et petits cocos, et le vendredi, je ne sais plus… Rien ne semble avoir bougé ici depuis 1966, ni le crochet bricolé pour les manteaux, ni le téléphone à cadran, ni le distributeur de cacahuètes.

La conversation se poursuit, Meyer évoque sa première exposition intitulée « The New », qui a eu lieu au New Museum of Contemporary Art de New York.

— Ah oui, c’est là qu’il a présenté pour la première fois « Inflatable Rabbit », la fameuse sculpture géante de lapin réalisée en inox.
— Pas tout à fait. Le coup du lapin, c’était à l’exposition suivante.
— Bon voilà. A priori, sous le charme d’Emilie, il lui explique la particularité de son travail. En fait, il ne réalise pas directement ses œuvres.
— Ah oui, c’est vrai. Son processus de création consiste à réunir un grand nombre d’assistants disposant de compétences en sculpture, gravure, etc., afin de leur faire appliquer ses idées.
— Oui. De son propre avis, c’était un moment très fort. Elle était en congé maternité, mais elle s’est débrouillée pour y aller.
— Tu m’étonnes, visiter l’atelier de l’un des artistes contemporains les plus connus et les plus controversés.

La cuisine n’est pas virtuose, mais elle répond sans faillir au charme démodé des lieux : l’œuf coupé en deux s’accompagne d’une mayonnaise maison, et la pomme de terre en dés qui collent aux dents nourrit son homme.

— Parler au type qui pousse les limites de la fabrication industrielle.
— Dîner avec le gars qui change le rapport des artistes aux règles du marché.
— Waouh. Une sacrée promotion.
— Et oui, approcher le pape du « readymade » et de l’appropriation. Quelle consécration pour une jeune « Curators » !
— Et donc cet équilibriste entre culture des élites et culture de masse a accepté sans avoir la possibilité de visiter le lieu de l’exposition.

En fait, elle avait bien affûté ses armes.

La discussion entre les deux collègues continue, et Fred partage les détails de la stratégie utilisée par Barbara pour convaincre Jeff Koons d’exposer à Bernheim.

— Tout d’abord, elle a insisté sur le fait que sa présence marquera la volonté de Bernheim de mettre en valeur « l’art populaire au sens noble du terme ».
— Malin.
— Ensuite, elle lui a présenté cette première comme une politique d’expositions autour de grandes figures de l’art, de passeurs.
— Pour la suite, elle a évoqué Picasso, puis Jean Dubuffet. Des figures de grande notoriété « qui interrogent le rapport entre l’artiste et l’art populaire, et le mettent en lumière ».
— Elle a bluffé ?
— Pas vraiment. Tu seras franchement bluffé quand tu auras accès au calendrier des futurs événements.
— Pour finir, elle lui a placé sur le nez un casque de réalité virtuelle. Un Oculus Rift. Une semaine avant son voyage, elle avait passé 2 jours à préparer la présentation à l’agence Hatufim. Gravity Sketch est un puissant outil qui permet de réaliser et d’éditer des modèles 3D à l’intérieur d’une interface virtuelle.
— Pas mal, elle ne lâche rien.
— Enfin ! Elle lui a suggéré que son exposition pourrait sauver le monde.
— Comment ça ?
— Elle a évoqué la prise de conscience climatique.

La part de crème caramel bien brillante semble aussi amicale qu’un oreiller profond. Fred reprend.

— Bien évidemment, elle avait imaginé une scénographie spectaculaire.
— Jeff était doublement sous le charme.
— Finalement, c’était la bonne stratégie. Dans un premier temps, elle est passée en coup de vent.
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