Épopée bleue - Robin Roth - E-Book

Épopée bleue E-Book

Robin Roth

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Beschreibung

"Épopée bleue" vous convie à une série de récits où des personnages, face à leur propre destin, sont confrontés aux créatures fantastiques. Chaque nouvelle capture un moment crucial, où la réalité ordinaire s’effondre pour révéler l’inattendu. Ce recueil vous invite à découvrir des parcours entrelacés d’imaginaire et de mystère, offrant une vision singulière sur ce qui se cache au-delà des apparences.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Robin Roth explore des situations invisibles au quotidien, mais révélatrices des expériences humaines. Engagé dans le surréalisme, l’auteur dépeint un monde où le temps s’efface et où tout se mêle : hommes, animaux, esprits, vie et mort.

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Seitenzahl: 48

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Robin Roth

Épopée bleue

Nouvelle

© Lys Bleu Éditions – Robin Roth

ISBN : 979-10-422-4448-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le dernier général

Chaque nuit, le général entendait des voix. Les mêmes. Sûrement des reviviscences des gloires passées. N’ayant jamais pu aimer les hommes, dont lui, que de loin, depuis longtemps déjà, il n’avait plus d’intimité avec lui-même. Il n’y avait plus de différence entre l’intérieur et l’extérieur. Il dormait pour oublier. Oublier qu’il faisait partie des « entendeurs de voix » qui n’étaient pas fous. Et tout ce qui venait de l’extérieur venait également troubler son intimité.

Des grognements au loin hantaient ce qui lui restait de nuit, c’est-à-dire pas grand-chose. Il ne trouvait pas le sommeil. C’était le dernier qui avait essayé de faire face. Le dernier général qui avait tenté de sauvegarder la civilisation.

Ce grondement profond lui faisait perdre pied, le contact vital avec la réalité vacillait au fur et à mesure que la nuit peinait à avancer. C’en était trop, il se réveilla. Il ne restait plus beaucoup d’humains et plus beaucoup de temps non plus. Dès son lever, avant que le Soleil ne se pointe à l’horizon, le général se servit du rhum afin d’éviter ses tremblements matinaux. Il n’avait plus la liberté de faire autrement. Son autonomie était sacrifiée sur l’autel du parent choisi, celle de l’addiction. Des liserés satins l’abritaient du jugement éternel du créateur, c’était une tente de fortune. Une vitrine galbée, et un intérieur velours rouge ornaient ses galons.

Il se balança enfin d’avant en arrière pour sortir du lit. Titubant, il enfila son uniforme qu’il avait conservé de sa gloire passée, c’était un corsaire : un chapeau à large bord, une veste richement ornée, des chaussures à bout carré. C’était un homme couperosé, on sentait sa puissance intérieure venant des trafics marchands passés. Des balafres se baladaient sur son visage, témoins de ses anciens abordages.

Lorsqu’il sortit de la tente, son bras droit le salua en élevant sa main largement ouverte : « Mon général ! On ne se rend plus compte ici-bas, mais c’est en vous regardant que l’on sent le temps passer mon général. » Le général leva la main comme pour lui signifier que les mondanités de l’ancien monde n’étaient plus de circonstance, puis vexé et avec autorité, enleva quelques plumes de ses manches bouffantes « Je sais bien que c’est la fin, mais faites un effort, monsieur le lansquenet (…). » Le général voyait tout avant tout le monde, c’était le grand œil de l’armée et il se rendait bien compte que la guerre de position n’était plus tenable. Et pourtant…

… Pourtant l’âme du monde ne pouvait se résumer à ces bruits hostiles. Le rapport de force était défavorable, mais la résistance était âpre. « (…) L’endroit que vous appelez l’enfer se rapproche de plus en plus. »

Le général regarda au loin avec ses jumelles. Longue vue au loin, scrutant toutes les créatures fétides. À cent kilomètres au Nord, on les voyait grouillants. Le temps se retirait, décembre s’envolait sous les bourrasques. Les yeux du général se posaient sur le lointain au fur et à mesure que des pensées secrètes sur la sombre beauté du monde lui venaient. Sûrement l’éclosion d’une auto guérison créative qu’il garda pour lui. La terre devant eux avait souvent été aphone, plus maintenant, les cris des monstruosités avaient pris le dessus « Mon général ? »…

Le colonel voyait bien que le général ne l’avait pas écouté, une fois de plus trop préoccupé par ses jumelles. Les yeux devant, vers le vide, des nuages noirs hostiles arrivaient. Le lansquenet leva les yeux vers le ciel assombri dans la même direction que son supérieur, pointant son bec en plissant les yeux, il voyait moins bien sans jumelle, lui. Puis il se retourna désemparé vers le général qui continuait à faire l’état des lieux, c’était insensé de pouvoir y croire encore. C’était grouillant et trop abondant.

Le général tenta d’esquisser un sourire, il avait toujours essayé de redonner de l’espoir aux gens qui ne dormaient plus. Puis il tourna en rond, en regardant de temps à temps le lointain avec ses jumelles, mais le rhum de ce matin frappait déjà et les ronds devenaient au fur et à mesure ovales. Puis, il tendit les lunettes à son bras droit. La brise rencontra alors d’autres vents formant un tourbillon. La tourmente furieuse sur la mer créa un cyclone. Les masques d’apparat tombaient. Ils montraient leurs vrais visages. Ils devenaient tous les deux blafards cette fois-ci. « Je pense qu’il faut arrêter de réfléchir. Je pourrais faire traîner les choses, mais en définitive nous souffririons plus longtemps. Nous dormirons sous terre demain. » Ils se regardaient intensément, ils prenaient conscience de leur responsabilité qui était aussi leur fardeau. Réalisant qu’ils étaient nés tout seuls et qu’ils finiront tout seuls et que cette condition les rendait plus craintifs lorsqu’ils étaient accompagnés. Puis le général repartit vers sa tente en titubant.