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Et s’il existait une voie alternative pour vivre notre monde ? Une voie moins soumise à la pression commerciale, à la publicité, aux écarts de richesse, à la consommation excessive d’énergies fossiles et de ressources naturelles ainsi qu’à l’obsession de croissance. Et si une autre réalité était possible ? Cette fable politique offre une perspective novatrice sur les défis de notre société, en proposant une approche du développement qui replace fermement l’humain au centre du projet.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ingénieur de formation,
Jeff Bertrand a parcouru un chemin professionnel dans le monde industriel jusqu’à fonder sa propre entreprise. Au fil des années, il a observé avec inquiétude l’évolution mercantile de la société et l’accroissement des fractures sociales, loin des idéaux de sa jeunesse. À présent retraité, il se consacre à l’écriture, à sa passion pour l’histoire à travers ses lectures et à son désir de liberté qu’il assouvit en chevauchant sa moto à la découverte de nouveaux horizons.
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Jeff Bertrand
Et si c’était possible autrement
Essai
© Lys Bleu Éditions – Jeff Bertrand
ISBN : 979-10-422-3700-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
En ce temps-là, tout allait bien dans le vaste Monde, composé principalement d’une partie très développée, que, pour la commodité du récit, nous appellerons Wekwo. Ce terme curieux est l’abréviation de Well Known World, qui voulait dire Monde Bien Connu dans la langue universelle qu’on y parlait le plus souvent, le Globish. Tous les territoires possibles de l’Univers n’avaient pas encore été explorés. Il y avait une autre partie appelée Unkwo, qui voulait dire Monde inconnu dans la même langue, dont on avait vaguement entendu parler, mais dont l’existence même était incertaine. De toute façon, son accès était réputé impossible et on se contentait d’en rêver, le parant selon les époques et les imaginations de mille attraits ou d’autant de fantasmes inquiétants.
Wekwo, le Monde Connu, était alors partagé en deux parties qui différaient par leur degré d’évolution. La première, la plus au Nord, était prospère et bien organisée, la seconde plus au Sud, était en cours de développement. Le Nord, qu’on appelait aussi Monde développé, avait connu une succession d’époques relativement calmes, et de périodes troublées par des guerres entre les différents peuples qui l’habitaient. Jusqu’à la dernière qui avait été terrible et avait laissé tout le continent ravagé. Plusieurs régimes politiques avaient ensuite été testés, tous tournés vers la recherche de la prospérité des citoyens, mais surtout de la paix entre toutes les nations. Depuis plusieurs décennies, un seul avait subsisté, adopté par tous à travers ce Monde, et qu’on avait coutume de nommer le Libéralisme. On y vivait parfaitement libre de tout faire et de tout entreprendre, dans le respect toutefois des lois, progressivement élaborées au cours du temps pour répondre à tous les problèmes rencontrés, et qui étaient devenues complexes. Leur exploitation et leur compréhension étaient difficiles, y compris pour les juridictions qui se contredisaient allégrement à la faveur de tel ou tel article obscur, ressorti opportunément des limbes. D’où le besoin d’une cohorte sans cesse plus nombreuse d’avocats pour les comprendre et surtout les exploiter à son avantage. Un praticien habile pouvait faire accepter à peu près n’importe quoi ou au contraire faire annuler la plupart des décisions de justice. De sorte qu’à force de jurisprudences diverses et variées, on en était arrivé à ce dogme fondamental qui régissait la société : « Tout ce qui n’est pas interdit est légal, et donc autorisé ». Ainsi chacun jouissait d’une grande liberté, et l’idée de l’entraver aussi peu que ce soit ne serait venue à personne. Au nom de cette liberté, on pouvait tout entreprendre, tout oser, dans la mesure où ce n’était pas expressément interdit. Un slogan très révélateur avait même, à un moment donné de l’histoire récente, été popularisé : « Il est interdit d’interdire ». Tous avaient en mémoire les expériences passées où des régimes plus autoritaires avaient conduit les peuples à l’arbitraire et à la misère. Nul ne voulait revivre de telles périodes. Certains esprits chagrins regrettaient que la morale ait fait les frais de ce dogme, et que les valeurs associées aient plus ou moins disparu.
Ainsi on ne souffrait pas de la pauvreté d’autrui ou de sa misère, pourvu quand même qu’on ne la voie pas de trop près, et on n’avait aucune honte à l’exploiter. Il dépendait de chacun de se sortir des situations difficiles, car tous avaient la liberté et le choix des moyens de le faire.
Sans que cela n’ait rien d’officiel dans un monde où tout était possible à condition de le vouloir, un observateur un peu curieux aurait pu distinguer plusieurs catégories de citoyens. Et d’abord les Puissants qui gouvernaient de façon non officielle un monde pacifié. Non officielle, car non exclusive, on était en démocratie et tous les citoyens pouvaient naturellement prétendre à toutes les responsabilités. De la même façon, la liberté totale d’entreprendre laissait à chacun le droit de rêver à la fortune. Mais avec le temps s’était construite une sorte d’élite qui tenait en permanence les leviers du pays, leviers économiques et politiques. Cette élite s’auto-entretenait par un système naturel de cooptation, tout à fait légal. Puis venait la Classe moyenne qui espérait un jour faire partie des Puissants et pour cela travaillait dur, et s’épuisait à rembourser des crédits rendus nécessaires par ses ambitions. Et enfin la classe que nous dénommerons les Pauvres, qui vivaient eux aussi, quoiqu’avec de moins en moins de conviction, dans l’espoir de devenir Puissants, mais à plus long terme.
Les Puissants étaient riches, et par un effet bienheureux du système, le devenaient de plus en plus, sans qu’ils ne le désirent vraiment très fort, c’était naturel. Les Pauvres ne devenaient pas de plus en plus pauvres, mais pas moins, et l’écart entre Puissants et Pauvres s’amplifiait inexorablement, à la faveur de l’enrichissement des Puissants. Nul ne se choquait de cet état de fait, du moins officiellement, car tous pouvaient espérer un sort meilleur, le Pauvre pouvait devenir riche et cela arrivait parfois tout était possible dans un monde qui vantait la liberté comme une vertu universelle qu’il fallait absolument préserver. Mais le bon équilibre reposait sur un autre socle important, la Croissance. Croissance de tout et de tous, de la population d’abord pour soutenir le développement, et aussi, mais c’était une conséquence plutôt que le fruit d’une volonté délibérée, pour qu’il y ait toujours des Pauvres. C’était une condition nécessaire, car les usines des Puissants avaient besoin d’une main-d’œuvre bon marché pour fonctionner. Croissance des entreprises ensuite, pour leur permettre les investissements importants indispensables au maintien de la compétitivité. Ainsi s’étaient créés des groupes dont la puissance économique dépassait celle de nombreux états de ce Monde. Mais ceci n’inquiétait personne, en vertu du respect du modèle unique et incontesté qui prévalait partout dans Wekwo.
Ce Monde avait un culte adopté par tous, enfin surtout par les Puissants, qu’on nommait « Capitalisme ». Le Dieu était polymorphe, et les autres cultes avaient progressivement disparu au fil du temps. Les plus anciens se souvenaient des religions pratiquées autrefois, comme le Christianisme ou le Communisme. Mais les historiens, qui avaient abondamment travaillé le sujet, expliquaient leur disparition par les énormes avantages offerts par le Capitalisme, à savoir la croissance économique, garantie de prospérité et de liberté pour tous. Bien sûr pour prix de ses bontés, ce Dieu avait ses exigences. D’abord, il fallait l’honorer, selon un rite absolu et immuable, que l’on nommait Consommation. La piété des citoyens s’exprimait ainsi dans des lieux spécialisés, appelés Magasins, où tous passaient une partie de leur temps en offrandes de toutes sortes. Ils étaient encouragés à les fréquenter, car en échange de leurs offrandes ils pouvaient rapporter des produits, parfois nécessaires, mais souvent inutiles ou superflus, mais qu’il fallait posséder pour paraître un bon citoyen de ce Monde. Car il était très important de paraître, faute de quoi on courait le risque d’être montré du doigt comme impie, ce qui aurait jeté l’opprobre sur les contrevenants et sur leur famille. La piété était encouragée par une grande Prêtresse vouée au Dieu, qu’on nommait la Publicité. Elle s’affichait partout, à la télévision et sur les écrans d’ordinateur que tous consultaient régulièrement, mais aussi au long des rues où s’exposaient, sur le moindre espace vertical disponible, des panneaux dédiés, souvent renouvelés pour lui plaire. Elle s’invitait aussi régulièrement sur les outils de communication de chacun, à chaque page de leurs tablettes ou de leurs Smartphones, instituant une forme de harcèlement auquel nul n’échappait. Les citoyens les plus hardis manifestaient aussi leur piété par l’achat de bons de soutien à l’économie, le plus souvent virtuels et appelés « Titres ». Ils se négociaient par des intermédiaires spécialisés, les « Traders », sorte de diacres des temps modernes, respectés et vénérés par tous. Ils officiaient dans des Temples, ornés de colonnes, répartis dans le vaste monde. Le plus célèbre était celui appelé familièrement « Rue du Mur », à cause de son emplacement historique. Le principe de cette étrange religion était que, pour chaque titre, le généreux donateur pouvait recevoir un cadeau sous une forme communément appelée « Dividende ». Il était ainsi possible de s’enrichir pieusement, à condition toutefois d’être initié, car la communication avec le Dieu ne se faisait que par l’intermédiaire de claviers d’ordinateurs, qu’il fallait savoir manipuler. Il se disait qu’autrefois, on avait coutume de prier en criant, ce qui rendait ces lieux sacrés très bruyants et peu favorables à la solennité de la Religion. C’était beaucoup mieux maintenant, même si l’on entendait encore, mais plus rarement, des cris de joie, mais aussi des gémissements devant la réponse du Dieu aux suppliques des fidèles.
L’autre partie de ce Monde, le Sud, était aussi appelée « Monde en Développement ». Elle était facilement accessible depuis le Nord qui y avait d’abord été attiré, depuis longtemps, par la curiosité d’y découvrir des paysages différents et des civilisations originales. On s’y était ensuite rapidement intéressé pour des raisons plus politiques, il s’agissait d’affirmer sa puissance et son prestige international. Puis plus récemment, les impératifs économiques avaient pris le relais, poussant les Puissants à exploiter les richesses naturelles de ce continent. Les visiteurs venus du Nord avaient jadis, au cours de leurs voyages dans ce Monde, constaté une méconnaissance totale de la religion moderne. Les populations en étaient encore à adorer des divinités obscures, liées à des croyances anciennes, et que l’on invoquait par l’intermédiaire de sorciers. Ainsi, ils ne connaissaient rien des vertus de la Civilisation du Nord et de ses avancées qu’étaient à l’époque l’agriculture intensive, l’exploitation minière et forestière, les usines, le train, et tant d’autres évolutions bénéfiques, et bien sûr ils ignoraient tout de la Consommation. Les explorateurs en avaient logiquement conclu à un rapport entre cette ignorance et leur état de développement, et par là à l’inefficacité de leurs croyances. Et en haut lieu dans le Monde développé, il avait alors été décidé de leur venir en aide et de leur enseigner la bonne Religion. On avait justifié cette croisade par le devoir de convertir les populations du Sud aux vertus du développement économique, pour leur bien. Cette phase porteuse de bienfaits était connue sous le nom de Colonisation. Cela avait été difficile au début, des experts avaient été envoyés sur place pour convaincre les dirigeants locaux du bien-fondé de leur démarche et de l’intérêt pour les populations locales à se convertir. Parfois même, et c’est à cela qu’on voit où conduit l’ignorance, il avait fallu pour les convaincre, avoir recours à des moyens extrêmes, comme la corruption ou même l’usage de la force armée. Heureusement, ce temps n’était plus et maintenant, les dirigeants de ces Pays en Développement vivaient en toute indépendance et en bonne entente avec le Monde développé. Il y avait même dans les populations du Sud beaucoup de volontaires pour immigrer vers le Nord, et bénéficier ainsi des bienfaits du Libéralisme. Ils y étaient accueillis d’autant plus volontiers, qu’on avait besoin de main-d’œuvre pour satisfaire aux exigences de la Croissance. Ils accédaient ainsi aux joies du système. Ils avaient le privilège insigne de découvrir la civilisation des Puissants et de travailler pour des salaires réguliers. On n’employait plus le mot « Colonisation », car il symbolisait une période où l’on forçait les peuples à copier le modèle du Nord. Ce n’était heureusement plus le cas et ce terme porteur d’une mémoire indigne avait été banni, car chacun étant libre de faire comme il l’entendait. Les salaires étaient certes faibles, et les Immigrants se retrouvaient le plus souvent dans la catégorie des Pauvres. Mais parvenus dans ce Monde développé et en percevant tous les avantages, il ne serait venu à aucun d’entre eux l’idée de se plaindre d’être pauvre. Car ils pouvaient caresser l’espoir de devenir riches et Puissants, il y avait des exemples qui nourrissaient le mythe.
Ainsi fonctionnait le Monde Connu, en parfait équilibre entre les humains, d’origines différentes, mais tous bénéficiant de la même chance.
Wekwo était régi par un certain nombre de règles, toutes reposant sur trois valeurs fondamentales : Liberté, Égalité, Fraternité.
La Liberté, on l’a vu, était le dogme de base, laissant à chaque citoyen un libre choix en toute circonstance. On s’y référait en permanence, d’autant plus que certains régimes du passé l’avaient ostensiblement brimée, et ceci avait laissé de lourdes traces dans l’histoire de ce Monde. En son nom, on en était arrivé à accepter des comportements extrêmes, plus ou moins civiques. Ainsi de la possession de la richesse, que nul ne remettait en cause, même lorsqu’il arrivait qu’elle soit excessive, ou trop criarde, voire d’origine douteuse. Les plus riches côtoyaient ainsi les plus pauvres sans que nul n’y trouve à redire. Chacun avait son destin en main et pouvait espérer devenir riche, il ne tenait qu’à lui. Bien sûr, il ne manquait pas d’esprits chagrins pour déplorer certains excès, évoquant une forme de laxisme de la société au nom de cette sacro-sainte Liberté. Ainsi le comportement peu civique de jeunes qui, en vertu de cette liberté, avaient quitté avant terme le système éducatif, n’était pas vraiment dénoncé. Certains en profitaient pour traîner dans les rues et même perturber l’ordre public en se bagarrant entre bandes. Des sanctions avaient un temps été imaginées pour les contraindre, mais la société avait repoussé avec force de telles mesures jugées liberticides. Des abus étaient constatés dans la consommation des services médicaux gratuits ou dans la prescription de soins onéreux, à la charge de la collectivité, ou d’arrêts de travail à des salariés pourtant bien portants, mais les quelques voix qui s’étaient une fois élevées pour les dénoncer avaient été vertement critiquées et jugées indignes d’un monde moderne, où chacun devait être libre de consulter à son gré et sans limites. On avait aussi parfois fait remarquer que certains citoyens sans emploi ne mettaient pas beaucoup de bonne volonté à en retrouver. L’émotion des bien-pensants avait été à son comble, comment pouvait-on obliger ainsi des gens à accepter n’importe quoi ! Des trafics divers s’étaient développés dans les rues et quartiers les plus reculés, où s’échangeaient sous le manteau certains produits pourtant interdits, au nez et à la barbe de pouvoirs publics apathiques. Les Puissants n’aimaient pas trop ces pratiques, mais il ne serait venu à l’idée de personne d’intervenir pour les empêcher. Il y avait bien une Police dans ce Monde, mais elle n’intervenait que rarement pour des délinquances sur la voie publique, parce que ces actes n’existaient officiellement pas, ou alors si loin des lieux fréquentés par les Puissants qu’ils étaient considérés comme sans importance. Quelques limites au système étaient ainsi apparues, mais ce constat n’avait pas suscité de réactions de la part d’un peuple très accroché au dogme fondamental de Liberté.