Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Jade est une collégienne positive et pleine de vie… Jusqu’au jour où tout bascule. Personne ne l’a frappée au cours de cette année-là… Elle passe pourtant les suivantes à se battre pour se reconstruire et trouver la force de pardonner. Ce qu’elle pense être une complicité partagée soulève une longue phase de cauchemars dans laquelle se mêlent intimidation, isolement et rabaissement. Sous emprise totale, elle tente d’avancer à travers une angoisse permanente et un sentiment d’infériorité, luttant contre ses pensées suicidaires. Jade apprend à affronter ses craintes et cette obscurité qui l’entourent, tirant profit de chaque facteur négatif pour s’attribuer force et détermination.
Le dénouement de ce récit n’est pas rapporté avec pour seul objectif de témoigner des conséquences du harcèlement psychologique. À travers les actes intimidants et les paroles insultantes, Jade réalise que comprendre et pardonner représentent l’accès à la sérénité. Long et difficile, le chemin vers sa liberté d’esprit est parsemé d’éléments dont elle parvient à extraire les vertus, nécessaires à sa reconstruction.
Huit ans plus tard, Jade transmet un message positif et plein d’espoir destiné à tout adolescent en situation de harcèlement, mais également à ses amis, sa famille.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Jade Dragotta est née dans l’est de la France en 1997.
Positive, ambitieuse et déterminée, elle se sert de chaque épreuve pour avancer, apprenant à dompter sa sensibilité. Sa franchise est parfois jugée trop directe par son entourage mais reste son principal trait de caractère. Amoureuse des mots et du poids de leur sens, elle espère que son témoignage apportera force et espoir.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jade Dragotta
Find your freedom
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jade Dragotta
ISBN : 979-10-377-0004-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Photos: Mylène Isabey
Les mots vidés de leurs sens perdent leur âme propre.
Notre méfiance est la répercussion de paroles perçues dépourvues de sincérité.
Jade Dragotta
La méchanceté est un vice, beaucoup trop souvent reliée à la jalousie excessive… Ce trait de personnalité est un syndrome. Bien réel.
Nous ne naissons pas bons ou mauvais… Nous le devenons.
Les êtres humains obscurcis par cette infime parcelle de ténèbres y ont en partie succombé suite aux événements troublants ou tragiques de leur passé, à leurs différences, leurs blessures profondes qu’ils ne parviennent pas à surmonter. Ces incidences peuvent développer des souffrances psychologiques susceptibles d’entraîner des troubles mentaux. Ces afflictions sont parfois dangereuses pour celui qui en est atteint, mais aussi pour toutes personnes extérieures qu’ils côtoient… Les mortels dotés de pareille cruauté seront souvent amenés à bouleverser l’équilibre de vie des bonnes personnes, pleines de lumière et de bonté d’âme.
Entrevoir le bonheur s’émaner d’une personne autre qu’eux-mêmes leur est insupportable. Le mal qu’ils provoquent autour d’eux n’est probablement qu’un quart de ce qu’ils ressentent chaque jour : cette sensation de mal-être, cette jalousie constante sont si intenses qu’ils en sont réduits à les évacuer en projetant leur négativité sur autrui.
Il reste une minorité d’individus qui, en grandissant, considère le mal comme un signe de pouvoir absolu. Bien qu’un raisonnement pareil ne peut finalement que prouver leur faiblesse… Mais malheureusement ces derniers, maladivement abusés par un désir de dominance absolue, existent bel et bien.
N’importe lequel d’entre nous peut se trouver confronté aux foudres d’un de ses semblables… Jusqu’à en être démoli. Bien que cela soit compliqué, il faut raisonner avec maturité et sagesse afin d’essayer de comprendre : se demander si notre bourreau n’est pas le plus à plaindre…
Nous ne tombons pas systématiquement sur des personnes sujettes à une maladie les soumettant à des différences, de la méchanceté. Certaines le paraissent, mais ne sont finalement que des êtres vivant dans le déni et ne sachant plus comment réagir face à leur vie sans intérêt, voir médiocre. Ils nous tourmentent sans fatalement se rendre compte de l’importance et des éventuelles conséquences de leurs actes : ils trouvent de l’apaisement à agir ainsi, ressentant le besoin de ne plus être seuls à souffrir. Ces personnes instables présentent un risque considérable : celui de nous dévier de notre chemin de vie jusqu’à devenir leur identique.
Ne laissez personne détruire la liberté que vous détenez sur vous-même.
Le harcèlement peut survenir sous différents aspects : agression physique, psychologique, morale, sexuelle, cyberharcèlement… Chaque parole, geste ou acte visant à faire du mal, place la victime dans une situation de danger susceptible de l’engager sur une voie destructrice ou autodestructrice. Les coups sont douloureux… L’humiliation, l’intimidation, la dévalorisation le sont tout autant !
L’objectif premier de mon récit est d’apporter mon soutien et tenter de venir en aide aux victimes de harcèlement en milieu scolaire, ainsi qu’à leurs proches. Par mon témoignage, j’espère réveiller la conscience des témoins qui se taisent face à la violence et aux conséquences de tous actes cruels et condamnables, tels que les menaces, le racket, les agressions… La vigilance des parents, ainsi que du personnel d’un établissement accueillant des enfants ou des adolescents, doit être présente à chaque instant ; il est difficile de comprendre que, lorsqu’elle souffre, le caractère et la personnalité de la jeune personne « blessée » se métamorphosent et peuvent être assimilés à cette étape qualifiée de « crise d’adolescence ».
Vous comprendrez en me lisant qu’une victime de violences morales ou physiques vit avec une peur considérable ; se confier devient alors impensable. Si cette dernière n’a pu trouver la force de se livrer, ses souffrances endurées seront découvertes, souvent et malheureusement trop tard, par son entourage qui n’aura rien su déceler. Et puis, certaines personnes pensent que le fait qu’elles n’ont pas subi de coups, de violence physique rend leur cas anodin. Dans leur esprit, personne n’attachera d’importance à des insultes, des intimidations… Pourtant, ces agissements répétés sont une forme de harcèlement dont les dégâts psychologiques peuvent être graves !
Ce que j’ai vécu peut sembler insignifiant, tout du moins au commencement ; peut-être que, vue de l’extérieur, cette situation est comparable à une querelle entre amies. Vous constaterez vite qu’elle dépasse ce stade et que la manipulation s’exerce souvent de manière sournoise… Mais efficace !
Afin de minorer, voire éviter, des drames déjà trop présents au quotidien, je vous livre cette réelle et douloureuse partie de ma vie. Vous faisant part de chaque pensée et émotion ressentie de l’année 2011 à aujourd’hui, j’espère sincèrement que ma confession apportera un support permettant de repérer un appel à l’aide. Je souhaite également que chaque victime trouve la part positive de mon parcours, car oui, il est possible de s’en sortir.
M’engageant à respecter à la lettre les obligations qui font qu’une autobiographie en est une, en d’autres termes relater la vérité, je tiens à préciser que la mémoire peut être trompeuse ou défaillante, car souvent altérée par les témoignages des proches. À trop vouloir oublier cette partie de ma vie, mon esprit en a parfois occulté certains passages et mélangé la chronologie des faits. J’ai donc dû restituer le réel au mieux, avec l’aide des personnes qui l’ont vécue de l’extérieur.
J’ai pris la peine de taire les lieux des différents événements ainsi que la dénomination des établissements témoin des faits racontés. Chaque prénom a été modifié, tout comme les descriptions physiques des personnes figurant dans mon livre, ceci afin de préserver leur intimité, par respect pour eux et leurs proches. Seule mon identité reste inchangée.
Cet ouvrage qui aspire à un souci de prévention m’est également bénéfique : il m’a permis d’avancer. C’est une forme de thérapie que je ne peux que conseiller. Écrire n’aide pas à oublier puisque l’on doit se souvenir de tout ce que l’on a tenté de soustraire à notre mémoire. Cependant, inscrire à l’encre noire ses tourments concourt à l’acceptation de son passé, à la conception d’un avenir meilleur. Il y a toujours une leçon à tirer de chaque épreuve : lorsque la souffrance s’est apaisée viennent le questionnement et la réflexion. Reste à faire preuve de volonté et adopter le comportement qui nous fera progresser.
Aujourd’hui, je me suis reconstruite et n’ai plus honte de cet état de faiblesse dans lequel je me suis trouvée, ainsi je me sens prête à en parler sans crainte. Si ma démarche peut conforter un maximum de personnes concernées, ma satisfaction sera grande.
« Si vous nagez dans le bonheur, soyez prudent, restez là où vous avez pied. »
Marc Escayrol
Les vacances scolaires passaient toujours à une vitesse folle. Nous étions en 2011, à la veille de la rentrée prévue lundi 5 septembre, et j’allais intégrer une classe de 3e dans un collège public. Localisé à une dizaine de kilomètres de mon village, il était impératif d’avoir un vêtement chaud et imperméable en ce mois pluvieux.
Comme à chaque début d’année scolaire, je pris la résolution de prendre soin de mes cahiers récemment achetés, et d’adopter une calligraphie exemplaire sur mes copies afin de débuter ce cycle en élève modèle.
Évidemment, cela ne durait qu’un temps ! Mon père, Giacomo, me répète constamment que « le désordre que l’on met dans nos affaires est le reflet de celui que l’on a dans notre tête. » Par ce fait, tout s’explique à présent : le premier trimestre amenait du renouveau, une envie d’augmenter ses capacités, donc mes cahiers étaient irréprochablement soignés. Tandis qu’à partir du deuxième trimestre, les révisions s’accumulaient, le stress des examens apparaissait et la peur de récolter de mauvaises notes me terrifiait… Je me retrouvais très vite débordée et surchargée d’une angoisse permanente… C’est alors que le bazar s’installait dans mes affaires.
De plus, cette année-là, l’examen du brevet des collèges me mettait une pression supplémentaire. J’étais oppressée, mais je savais que mes amies atténueraient mon anxiété par leur simple présence. Tous les ans les classes se renouvellent et, comme chaque collégien, j’espérais, dès le lendemain matin, partager la mienne avec mes camarades les plus proches.
Semaine n° 1, lundi matin, 7 h.
Mon réveil sonna… Je n’avais pas dormi de la nuit, comme à chaque rentrée, trop excitée de revoir mes amis et de commencer les cours qui marqueraient ma dernière année de collège. Mes parents, Giacomo et Marie, sont divorcés et je passais chaque week-end chez mon père ; c’était donc lui qui me déposait au collège le lundi matin puisqu’il n’était qu’à cinq minutes en voiture. J’ai énormément de chance d’avoir deux parents séparés qui s’entendent relativement bien, je n’ai pas à subir les histoires de divorce comme dans certaines familles, les « tu diras à ton père », etc. Je ne me souviens plus de la date exacte de leur divorce, mais de la période. Et Dieu sait que cet événement m’a profondément marquée. J’étais à l’école primaire quand ils m’ont fait part de leur décision de se séparer en m’expliquant qu’ils ne s’aimaient plus et que j’aurais deux maisons par déduction. Je me souviens de cette période puisqu’ils m’ont annoncé leur divorce, me révélant en même temps que le père Noël n’existait pas ! J’étais donc très jeune. Ils ont voulu faire d’une pierre deux coups. J’avais pleuré bien sûr, mais pas pour leur séparation…
À huit heures moins le quart, je reçus un texto de Chloé, mon amie de classe de l’année précédente :
— Mon bus est en avance, je suis arrivée, j’ai regardé la liste de classe, on est ensemble !
L’angoisse de ne connaître personne dans la classe qui me serait attribuée disparut, alors rassurée je lui répondis :
— Yeah, trop cool, je pars de chez moi j’arrive !
Évidemment en septembre, dans ma région, il pleut à flots. Je mis donc mon imperméable, pris mon sac d’école, rejoignis mon père qui montait dans la voiture, et nous partîmes. En arrivant devant le collège, j’aperçus déjà mes amis au milieu d’élèves m’étant inconnus.
Mon père m’embrassa :
— Bonne journée, ma chérie.
— Bisou papa à vendredi soir, je t’aime.
— Je t’aime ma fille.
Je descendis de la voiture et m’empressai d’ouvrir la porte d’entrée du collège. Un sourire apparut sur mon visage dès que j’aperçus Chloé dans le hall. Je ne l’avais pas vue de tout l’été. Nous ne pûmes nous empêcher de nous raconter nos péripéties de vacances avant la sonnerie annonçant le début des cours. Avant cela, nous avions consulté la liste d’élèves sur laquelle nous figurions afin de découvrir notre numéro de classe et l’emploi du temps de la semaine.
— Chloé ! Regarde ! C’est génial, y a plein de gens qu’on connaît pas !
— Oui, et encore plus drôle, on commence par deux heures de cours de mathématiques avec Monsieur P…
— Oh non… J’aime pas les maths…
La sonnerie retentit par un « Driiiing ! » assourdissant.
Chloé se mit à « rire jaune » :
— C’est l’heure du début d’une année de galère…
Je la regardai en soupirant et en levant les yeux au ciel, sans me douter une seconde que cette année allait réellement être telle qu’elle la prédisait. Nous dirigeant vers notre première salle de cours, j’aperçus du bout du couloir mon professeur de mathématiques, attendant patiemment devant la porte que ses élèves rentrent en classe. Toujours les bras croisés, avec le même jeans brun clair qu’il portait depuis mon entrée au collège. Lorsque j’arrivai à sa hauteur, il s’adressa à moi :
— Bonjour, Mademoiselle Dragotta, j’espère que vous avez passé de bonnes vacances.
— Elles étaient encore trop courtes, comme tous les ans Monsieur P…
Je rentrai dans la salle fraîchement repeinte en gris et examinai mes camarades. Nous étions une petite classe d’une vingtaine d’élèves. Je m’aperçus rapidement qu’en fait, personne ne m’était inconnu, hormis quatre filles. Monsieur P. avait disposé les tables de façon à être regroupées par quatre. Il gardait ses petites habitudes chaque année. Je m’assis à une table, à côté de Chloé, et deux amies nous rejoignirent. Immédiatement le brouhaha s’installa dans la classe, le professeur se dut de faire régner le silence :
— CHUT ! Vous vous raconterez vos vacances à la pause de dix heures ! Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis monsieur P., votre professeur de mathématiques. Je suis un prof très cool du moment que vous respectez mes consignes. Nous allons faire l’appel avant de commencer le programme.
Ce dernier avait raison, c’était un prof cool, qui n’hésitait pas à sacrifier ses pauses pour nous expliquer une leçon incomprise. Il avait dû en sacrifier énormément avec moi l’année précédente, car j’avais d’énormes lacunes dans sa matière. Je m’en étais sortie avec onze sur vingt de moyenne grâce aux devoirs maison. Sans eux, s’il n’y avait eu que des contrôles, j’aurais sûrement bénéficié d’une moyenne avoisinant les six sur vingt. J’ai hérité des gênes de ma mère au niveau scolaire. J’ai de grandes capacités en littérature, histoire de l’art… Contrairement aux mathématiques et à la physique-chimie, où l’alchimie n’a jamais fonctionné.
L’appel commença dans l’ordre alphabétique et le silence régna, car c’était le moment où tous les élèves observaient si des petits nouveaux avaient été rajoutés à la liste de classe. Je me demandai si M. P. allait bafouiller mon nom de famille italien cette année encore…
Il commença par nous présenter le programme de l’année et nous annonça qu’il serait notre professeur principal : il représenterait notre classe de troisième lors des conseils trimestriels, et en cas de besoin, de quelconques problèmes, c’est à lui que nous devions nous adresser.
Les deux heures de cours se déroulèrent de manière terriblement longue jusqu’à ce que la sonnerie retentisse et nous libère enfin. Nous sortîmes en récréation, entassés comme des sardines sous le toit de la cour qui nous protégeait de la pluie incessante.
12 h.
Les cours suivants me parurent tout aussi longs… Heureusement la sonnerie finit par résonner, marquant la fin du dernier cours de la matinée, et surtout l’heure de manger. Mon ventre gargouillait depuis onze heures, j’avais horriblement faim !
Les élèves demi-pensionnaires s’empressèrent de sortir dans la cour afin d’y déposer sacs et affaires d’école dans les casiers jaunes prévus à cet effet et propres à chacun. Cette année-ci j’étais ravie, car c’était la première fois en quatre ans que j’avais un casier à ma hauteur. Jusqu’à présent j’avais toujours profité, soit d’un casier sur la cinquième rangée tout en haut et que je n’arrivais pas à atteindre avec mon mètre 57, soit un casier sur la rangée du bas et, dans ce cas de figure, il valait mieux attendre que tous les élèves y aient mis leurs affaires plutôt que se dépêcher d’y entreposer les siennes et risquer de se faire piétiner. Les externes avaient vraiment de la chance de rentrer tranquillement chez eux pour déguster de bons petits plats… C’était ma quatrième année dans ce bahut et la nourriture était toujours aussi infecte !
Pour chaque déjeuner, un ordre de passage était mis en place dans le but de mieux gérer les places à table dans le réfectoire. Ce lundi, nous dûmes patienter jusqu’à ce que les classes de sixième, puis de quatrième aient terminé leur repas.
Alexis fit le premier appel de cantine de cette nouvelle année scolaire. Il travaillait depuis l’année précédente comme surveillant. Jeune, sympa, à l’écoute des ados, il était différent de tous les pions du collège, car il appréciait réellement notre compagnie… Ce qui n’était pas le cas des autres ! Remarquez, cette année-là, nous avions un nouveau directeur qui avait instauré des règles supplémentaires et renouvelé son personnel. Nous accueillîmes donc de nouveaux surveillants et surveillantes en espérant secrètement qu’ils soient aussi souriants et attentifs à nos requêtes qu’Alexis.
La journée suivit son cours habituel jusqu’à la dernière sonnerie de dix-sept heures. Je dis au revoir à Chloé et me hâtai jusqu’au bus qui devait me ramener chez ma mère. Ceux-ci étaient alignés comme des taxis parisiens le long du collège et je devais me dépêcher, le mien étant le dernier de la file. Ce fut la première année où j’étais contrainte à prendre le bus, car nous avions récemment déménagé avec maman, dans un appartement plus chaleureux que l’ancien. Je m’installai et m’aperçus que tous les élèves m’étaient inconnus, mis à part deux filles assises sur la banquette, qui faisaient partie de ma classe, mais que je ne connaissais finalement pas vraiment.
L’arrêt de bus étant était situé à une quinzaine de mètres de l’appartement, je n’avais pas beaucoup de marche à faire, c’était vraiment cool ! Je rentrai tranquillement chez moi, chargée de mon sac de cours rempli de dix kilos de nouveaux livres fraîchement remis par les professeurs au cours de cet après-midi.
17 h 20.
— Holà ! Je suis rentrée !
J’observai instinctivement que ma mère n’était pas encore arrivée. Bagghera, notre chat noir miaulait du fond du petit salon, assis sur le canapé.
— Tu as faim ?
Il bondit du canapé, me rejoignit en courant sur le carrelage et se frotta à mes mollets. Ce fut sa manière de chat de me saluer… Ou surtout, de me faire comprendre qu’il ne voulait qu’une chose… Manger ! Je jetai mon sac sur la table de la cuisine, comme à mon habitude, et ouvris le frigo pour y prendre la pâtée pour chat. Au même instant, ma mère ouvrit la porte d’entrée :
— Alors cette première journée de cours ? Ça a été chez ton père ? Tu as retrouvé tes amies au collège ? Chloé est dans ta classe ?
Maman a toujours été de nature très speed, à la limite de me transmettre son stress journalier, comme si je n’étais pas assez anxieuse naturellement. C’était tous les jours pareil, ça l’est encore, contrairement à mon père qui est de nature très calme ; je me retrouvais chaque semaine bloquée entre le Yin et le Yang.
Je lui répondis brièvement que tout s’était bien passé, et montai dans ma chambre à l’étage.
Chaque soir, j’allumais mon ordinateur et me connectais sur Facebook, le réseau social numéro 1 au monde, afin de regarder l’actualité du jour. Un nombre incalculable de photos de retrouvailles lors de la rentrée des classes avaient été posté et apparaissait dans mon fil d’actualité. Je remarquai également deux demandes d’amis que j’acceptai, puis je fis un tour sur mon profil afin de lire les nouveaux commentaires postés sous mes publications du mois.
Je me suis inscrite sur Facebook lorsque j’étais en cinquième, un an après mon entrée au collège. Au début, maman surveillait mon compte au vu de mon jeune âge. Par la suite, elle m’accorda la liberté de continuer sans sa surveillance rapprochée. J’ai simplement dû accepter des membres de ma famille comme amis afin qu’ils puissent accéder à mon profil et prévenir ma mère si une publication dégradante ou inquiétante apparaissait. Nous avions convenu cet accord jusqu’à ma majorité et je n’avais guère d’autres choix que de m’y résoudre, sans quoi je n’aurais pas eu de compte du tout. Et puis, j’avais trouvé une astuce pour empêcher certaines publications d’être vues par les personnes de mon choix, donc j’étais tranquille, je ne montrais que ce que j’avais envie de montrer à ma famille.
19 h 30.
— À table ! hurla maman depuis la cuisine.
Le temps passé sur Facebook s’écoulait toujours à une vitesse folle. Je me dis alors que si les cours de mathématiques se déroulaient à la même vitesse ce serait formidable…
Je dévalai les marches des escaliers et rejoignis ma mère dans le salon. Tous les soirs nous nous préparions un « plateau télé ». C’était notre rituel mère-fille depuis des années. Cela nous permettait de manger confortablement assises sur le canapé, regardant un programme TV tout en discutant, plutôt que de manger les yeux dans les yeux autour d’une table.
Nous n’étions guère traditionnelles comme dans la famille de Chloé, par exemple. Elle ne vivait plus avec ses parents, mais chez Anne et Roger, des membres de sa famille chez lesquels elle avait été placée. Lors de ma première visite, quelques mois auparavant, je ne m’attendais pas à autant de principes et de traditions. J’avais beau être très proche de Chloé en ce temps, et être la seule à connaître tous ses secrets, elle ne m’avait pas mise au courant des règles à suivre sous son toit. Je pense qu’elle ne m’en a jamais dit un mot parce que, pour elle, cela paraissait plus que normal. La seule précision qu’elle m’avait apportée était qu’elle ne vivait plus avec sa mère, ni son père.
La première chose qui m’avait choquée en entrant chez elle était le fait qu’elle vouvoyait Anne et Roger, cela depuis toute petite, contrairement à mes amis et moi, qui tutoyons les personnes de notre famille. J’avais de suite trouvé la situation étrange. Lors du déjeuner, je m’étais attendue à devoir réciter les bénédicités avant de commencer à manger. Seul un « bon appétit » commun avait été prononcé. Je me souviens avoir entrepris un début de conversation avec Chloé, avant qu’elle m’interrompe, gênée de me dire que parler à table était interdit. Roger lui avait instauré un couvre-feu à vingt et une heures, son téléphone était confisqué la nuit, elle n’avait pas le droit de regarder la télévision plus de deux heures par jour, et elle se serait probablement fait guillotiner si elle avait eu un compte Facebook.
J’ai appris par la suite que l’assistante sociale de mon amie avait conseillé à Roger d’instaurer des règles de ce genre pour lui établir un cadre de vie ; ce que ses parents n’avaient jamais su faire. Cependant, malgré tout ce que Chloé avait subi avant d’être placée, elle restait une fille géniale avec du caractère, parfois étrange, je l’admets, mais débordant d’énergie et d’humour. Je ne pouvais imaginer ma dernière année de collège sans elle.
Je demandai à ma mère :
— Encore un plat cuisiné ?
— Je n’ai pas le temps de faire de la cuisine quatre étoiles.
Je ris. En réalité, j’adorais les plats cuisinés que maman me préparait, et comme j’aimais la taquiner, je ne m’en privais pas. « Qui aime bien châtie bien » comme le dit l’expression.
Mon téléphone se mit à sonner une fois le repas terminé. C’était un SMS de mon père dans lequel il me demandait comment s’était déroulée ma rentrée. Je pris le temps de lui répondre, puis je regardai la télévision jusqu’à l’heure de mon choix sans dépasser minuit, avant de me blottir dans mon lit. En général, j’étais au lit vers vingt-deux heures, la fatigue m’emportant rapidement. Je m’endormais grâce aux musiques préalablement installées dans mon lecteur mp3, ayant pour rôle de me bercer, jusqu’à atteindre un état de sommeil profond.
« Son absence a envahi tout mon horizon, comme si on avait percé un trou béant dans ma poitrine. »
Twilight
Semaine n° 2. Cours de français, mardi, 14 h 30.
Certaines salles de classe étant en travaux, le directeur dut trouver une solution temporaire pour nous abriter. Nous fûmes donc contraints à suivre nos cours dans des bungalows aménagés, mais dispensés de l’option chauffage ! Il faisait froid, l’air était humide, et le manque d’espace nous obligea à rapprocher nos tables de façon à ce qu’aucun d’entre nous ne fasse un geste sans toucher son voisin ; en clair, j’avais l’impression d’être dans une boîte de conserve, plutôt du genre périmé ! Les professeurs se plaignaient encore plus que nous, élèves adolescents rebelles qui râlent à longueur de journée.
Toujours assise aux côtés de Chloé, j’entamai une conversation passionnante, avec, pour sujet principal : mon week-end passé. Pas si passionnant que ça en fait… J’étais restée chez mon père à regarder des séries télévisées et des films fantastiques. J’adore cet univers cinématographique. Ce que j’aime particulièrement, c’est être blotti dans un plaid chaud et soyeux, devant Harry Potter, avec un thé aux fruits rouges tandis que les gouttes de pluie s’écrasent brutalement dehors. Le bonheur ! Mais il fut de courte durée…
Alors que j’expliquais à Chloé une des scènes magistrales du film, Mme H. m’interrompit brusquement :
— Jade, encore des bavardages dans mon cours de français ! Je devrais prendre une agrafeuse et te greffer à Chloé ! Change de place.
— Calmez-vous, Madame, j’arrête de discuter !
Elle prononça ces mots, récurrents depuis l’année passée :
— Va t’asseoir là-bas !
Mme H. pointa du doigt la chaise vide à côté de Léo, au fond du bungalow. Je pris tristement mes affaires et partis m’installer près de ce dernier, Léo Guérin, ex petit copain de mon amie d’enfance Lola.
Il est important de savoir que la règle d’or entre copines réside dans le fait qu’il est préférable de ne jamais sortir avec un des ex petits copains de l’autre, sauf si cette dernière en donne le feu vert. Le cas contraire, cela témoignerait d’un manque de respect et d’une amitié non sincère. Néanmoins, il paraît que le « coup de foudre » peut s’abattre sur n’importe qui à n’importe quel âge. Ne l’ayant jamais rencontré, je ne pouvais évidemment pas comprendre que l’on puisse s’attirer la colère de son amie et risquer de perdre son amitié à jamais, pour un amour qui, lui, ne serait peut-être pas éternel.
Ce n’était que mon point de vue et cela n’engageait que moi, c’est pourquoi je ne prêtai pas attention à Léo malgré sa tendre façon de me dévisager lorsque je déposai mes cahiers et ma trousse sur la table. Il resta néanmoins affalé sur sa chaise exprimant un gros manque d’intérêt au cours de français, ou plutôt, à tous les cours en général. Nous ne nous adressâmes pas un mot durant toute l’heure. Je n’entendis que les soupirs de celui-ci attendant patiemment la sonnerie. Il se mit à ranger ses cahiers dans son sac dix bonnes minutes avant la fin du cours, ce qui n’avait pas échappé à Mme H, qui l’agressa instantanément du regard sans prononcer un mot. Léo regarda autour de lui comme s’il admirait une mouche en train de voler, créée de toute pièce par son imagination. Je lui lançai une œillade furtive accompagnée d’un sourire amusé. Il me sourit à son tour avant de reprendre son jeu enfantin. Je le trouvais amusant.
La sonnerie retentit, j’eus à peine le temps de prendre mon livre de français et le ranger dans mon sac, que Léo avait déjà fui à l’extérieur du bungalow. Chloé me rejoignit, peinée d’avoir été séparée de moi pendant cette heure de cours :
— Tu le connais ?
— Non, d’ailleurs je crois que je ne l’ai remarqué que le jour de la rentrée lundi dernier.
— Oui moi aussi, je crois qu’il n’est revenu que ce matin, il était peut-être malade.
— Sûrement. Tu crois que je vais devoir rester à côté de lui jusqu’à la fin de l’année ou je peux revenir furtivement à côté de toi ?
— Connaissant Mme H…
— Ouais, j’essaierai quand même de m’asseoir à côté de toi demain, elle aura peut-être oublié !
— Ça m’étonnerait ! conclut Chloé.
Récréation de l’après-midi.
En rejoignant d’autres amies dans la cour avec Chloé, j’aperçus Lola au loin. Elle aussi m’avait repérée. Elle me fit un signe de la main pour me faire comprendre de venir la rejoindre. Cette fille était comme une sœur pour moi, nous nous connaissions depuis la maternelle, nos parents se connaissaient également, et nous étions devenues très proches au fil des années. De plus, elle habitait dans le même village que mon père. Il était simple pour nous de nous voir régulièrement. C’était un vrai petit rayon de soleil ainsi qu’un clown à temps partiel. Elle avait toujours eu beaucoup d’humour. Nous avions toujours été présentes l’une pour l’autre, malgré le fait que nous ne nous parlions pas tous les jours, c’était une amie sur qui je pouvais aisément compter. Je me reconnaissais un peu en elle, nous partagions les mêmes valeurs en ce qui concerne l’amitié.
— Salut, la moche, s’exclama Lola avec intérêt.
— Hey mocheté ! Comment tu vas ? J’ai quelque chose à te raconter !
— Je t’écoute, raconte-moi tout !
— Ton ex, Léo, j’avais oublié qu’il était dans ma classe puisqu’il n’a réapparu qu’aujourd’hui. Mme H. m’a expédiée à côté de lui en cours parce que je bavardais trop avec Chloé…
— Toujours la langue bien pendue, tu n’as pas changé ! se moqua-t-elle en me poussant légèrement l’épaule.
— C’est d’avoir trop traîné avec toi, tes mauvaises habitudes ont déteint sur moi…
Nous adorions nous taquiner constamment, cela rajoutait un peu de « piment » dans notre relation et il en était ainsi depuis l’école primaire. Ce fut sans me douter qu’Alexis, le surveillant, rôdait autour de nous et écoutait notre folle conversation. Il me dit en ricanant :
— Jade, c’est la deuxième semaine de cours et tu te fais déjà changer de place pour bavardage !
— Arrête de te moquer, ce n’est pas drôle !
Alexis repartit en riant surveiller de la récréation. Évidemment, il se moquait de moi. Il savait que j’étais une élève qui, en dehors d’un peu de bavardage, ne se faisait pas souvent remarquer, essayant d’être studieuse sans excès, juste ce qu’il fallait pour avoir une moyenne générale d’au moins douze sur vingt et être appréciée par les enseignants.
La journée de cours s’acheva et je fus ravie, car je n’eus pas à prendre le bus à la fin des cours. Ma mère vint me chercher. La raison ? J’allais m’occuper de mon cheval ce soir-là.
Le 16 mai de l’année précédente, j’avais eu un cadeau sensationnel, que toute cavalière rêve d’avoir… Un cheval. L’équitation est ma passion depuis l’enfance. J’ai appris à monter avec les propriétaires de notre appartement, devenus des amis par la suite. Ils possédaient des chevaux ainsi qu’un âne et ont déclenché chez moi cette passion grandissante. Ils ne se contentaient pas de m’apprendre à faire du cheval, mais aussi à les écouter et les comprendre.
Je suivais des cours d’équitation tous les samedis après-midi dans un centre équestre non loin de chez moi, et m’occupais de ma jument chaque jour. Elle était de race « trotteur français », noire, à ma taille, c’était un petit modèle de trotteuse. J’avais toujours rêvé d’avoir un cheval de cette race, car ce sont des équidés entraînés pour les courses « type tiercé », et j’ai toujours adoré la vitesse ainsi que les sensations fortes. J’étais servie avec elle ! Je voulais un cheval sans expérience, c’est-à-dire débourré, mais pas travaillé, pour avoir le plaisir de tout lui enseigner, l’éduquer entre autres. J’avais ce que je souhaitais.
Je m’installai dans la voiture et nous partîmes retrouver mon animal. Un ami de maman nous avait généreusement prêté une partie de ses terres pour y faire vivre ma jument. C’était un terrain riche en herbe, à moins d’un kilomètre d’un centre équestre auquel ma mère louait le manège pour que je puise y travailler ma jument. Mon père n’a jamais réellement adhéré à ce hobby. L’équitation est un sport reconnu à risques. En plus d’être une passion relativement coûteuse, elle n’en est pas moins dangereuse. Ce furent les raisons qui déplurent énormément à mon père.
Nous avions bataillé sans relâche avec maman pour le convaincre que cette envie de pratiquer l’équitation n’était pas une passade d’adolescente. Bien sûr, je pouvais me blesser en faisant une chute de cheval comme je pouvais pareillement me faire mal en tombant dans la rue, ou en sport à l’école. Je suis la prunelle de ses yeux, il a toujours voulu le meilleur pour moi, de plus, il ne supportait guère de me voir triste.
C’est ainsi qu’il renonça à me tenir tête, grâce au soutien de ma mère.
J’ai toujours été la petite princesse de mes parents. Tant que je respectais les règles et les valeurs qu’ils m’avaient inculquées, j’avais tout ce que je désirais, dans la mesure du raisonnable. Cela dit, j’avoue qu’avoir un cheval à treize ans, peu de personnes se permettent un tel investissement. J’ai une reconnaissance sans failles pour mes parents qui m’ont toujours donné tout l’amour, la protection et le respect que je pense avoir mérité. Il était de mon devoir de leur prouver ma reconnaissance en ayant un comportement exemplaire et en ramenant de bonnes notes à la maison… Même si je n’étais qu’une adolescente, et m’arrivait, comme n’importe quel jeune de cet âge, de les contredire et les énerver quelquefois.
Malgré tout, je me trouvais relativement sage, en comparaison à mon frère Gaël. En réalité, il est mon demi-frère aîné de huit ans. Né d’une relation entre notre père et sa mère que je n’avais jamais rencontrée, il venait à la maison, surtout pendant les grandes vacances d’été. On passait notre temps dans le jardin à attraper des sauterelles. Nous étions très proches malgré notre différence d’âge, il était comme un caméléon et s’adaptait à moi. Gaël m’apprenait également des « gros mots » dont j’ignorais le sens et je me faisais disputer par mes parents lorsque je les prononçais. Malgré les bêtises qu’il faisait en douce à la maison, et pour lesquelles j’étais accusée à tort parce qu’il fait toujours en sorte de s’en sortir vainqueur, il reste néanmoins mon modèle sur terre.
Il s’est par la suite engagé dans l’armée de terre et vivait aux alentours de sa caserne dans le sud de la France, très loin de ma campagne natale. Nous ne nous voyions donc qu’une seule fois par an, à la période de Noël.
C’est encore le cas aujourd’hui puisque nous vivons toujours à des kilomètres loin de l’autre et, la vie suivant son cours, se voir est devenu très compliqué. C’en est insupportable. Comme en 2011, nous correspondons régulièrement par messages ou appels, mais son absence m’est atroce : je n’ai pas d’autres frères ni sœurs, et, le voir seulement deux mois dans l’année aux vacances scolaires était déjà difficile, mais ne se retrouver que deux semaines à Noël me dévaste toujours profondément. J’ai un trou béant dans le cœur, qui ne cesse de s’élargir au fil du temps, me rappelant son absence quotidienne. Il ne se rendra jamais réellement compte de ce lourd sentiment de peine et de déchirement que j’éprouve chaque jour. Je lutte de tout mon être pour retenir mes larmes lorsqu’est prononcé son prénom au cours d’un repas de famille, mais en vain.
Gaël a toujours été un sujet sensible pour moi. J’ai l’impression d’avoir un vide en moi, comme un puzzle où il ne manquerait qu’une pièce. Je lui ai déjà dit :
— Mon frère, tu me manques ! Et en général il me répond instantanément :
— Tu me manques aussi ma sœur, je t’aime… Mais il ne sait pas à quel point je souffre de son absence.
Notre père m’a toujours appris à faire preuve de courage et faire bonne figure dans n’importe quelle situation. Ne jamais montrer ma faiblesse à quiconque. Il dit que c’est une façon de se protéger, préserver nos proches, et être plus fort mentalement.
J’essayais d’appliquer cette méthode au quotidien, mais il était très difficile à treize ans de faire preuve d’autant de contrôle. Aujourd’hui, je relativise, et suis heureuse d’avoir un frère, aussi loin de moi soit-il, même si mes sentiments négatifs restent inchangés.
***
De retour à la maison, après être allée m’occuper de ma jument, je me connectai depuis mon smartphone sur Facebook et reçus une notification, une demande d’ami venant de Léo Guérin, que j’acceptai automatiquement. Je jetai rapidement un coup d’œil sur son profil, et remarquai qu’il n’était pas comme tous les autres garçons de mon collège, à se mettre en avant en postant une cinquantaine de photos de lui devant un miroir. Au contraire, il n’y avait que deux photos de lui, et quelques photos de sa moto. Il apparaissait très distrait, ne révélant pas de détails de sa vie et ne donnant pas d’opinion politique, religieuse ou autre. Son profil ressemblait étrangement au mien avec une seule grande différence : il ne mettait pas de photos de son cheval… Puisqu’il n’en avait pas ! Son truc à lui était plutôt de chevaucher sa bécane !
Je poursuivis ma soirée plongée dans mes premières révisions des cours de la veille, c’était le début de l’année et j’espérais la finir avec une moyenne correcte pour être prise en seconde générale au lycée par la suite.