FL540 M2.05 - Gilles Combes - E-Book

FL540 M2.05 E-Book

Gilles Combes

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Beschreibung

Un vol aussi incroyable que rocambolesque, une enquête qui se déroule entre la France et les États-Unis, mettant en scène gendarmes, agents du FBI, pilotes de ligne et personnel de musée.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Autrefois pilote professionnel d’hélicoptère et réserviste de la Gendarmerie depuis plusieurs années, Gilles Combes s’est consacré à l’écriture de ce roman combinant ainsi deux aspects importants de sa vie.

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Gilles Combes

FL540

M2.05

Roman

© Lys Bleu Éditions – Gilles Combes

ISBN : 979-10-422-1476-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ce roman est une fiction, tous les personnages sont le fruit de mon imagination ; cependant, si certains peuvent se reconnaître dans ces lignes, ce n’est que le reflet de mon admiration et de mon respect.

Chapitre 1

Le vol

Le Concorde, premier avion supersonique à avoir été exploité, est devenu une légende de son vivant et encore plus après son dernier vol le 24 octobre 2003.

Le magnifique Oiseau blanc, reconnaissable entre tous, est devenu la star des 17 musées et aéroports qui ont la chance d’en détenir un.

C’est un peu ce que se disait, ce matin du 4 avril 2018, Babakar N’mogba.

Enfin, Babakar ne se disait pas exactement cela… Déjà parce que le temps était encore très froid ce matin, bien trop froid pour un homme qui ne s’était pas encore séparé complètement de son Sénégal natal. Il tombait une bruine de pluie à la limite du grésil et un petit vent finissait de lui refroidir le dos.

En descendant du bus 483 devant l’aérogare du Bourget, une bourrasque lui fit accélérer le pas. De ses grandes jambes, il traversa l’avenue en quelques minutes et il se présenta devant l’entrée du personnel.

MUSÉE DE L’AIR DE L’ESPACE

Présentez vos badges.

Babakar glissa le sien contre la plaque noire et la porte se déverrouilla.

Il se dirigea vers le local du personnel de ménage, déjà bien occupé par plusieurs de ses collègues.

Il enleva son blouson et enfila sa veste de travail aux couleurs de la société sous-traitante qui le salariait.

Puis se saisissant de son chariot de service, il se dirigea vers la zone qu’il devait nettoyer. Babakar avait de la chance cette semaine, il devait commencer par le hall Concorde.

D’ailleurs, ses collègues le lui firent remarquer.

Il faut dire que ce soir, le hall Concorde était loué pour un gala de lancement par un grand laboratoire pharmaceutique. Huit cent personnes, dames en robe, messieurs en costume sombre allaient passer la soirée à boire du champagne, un petit four à portée de main et écouter distraitement un discours vantant les mérites d’une crème qu’ils n’achèteront jamais une fois le tube échantillon fini.

Tout cela, Babakar s’en moquait mais son chef lui avait bien dit de tout faire très bien, même si la société d’événementiel allait tout re-nettoyer en installant.

À l’écart de l’aérogare, le bâtiment est construit pour recevoir deux exemplaires du supersonique. Le F-WTSS aux couleurs anglaises et le F-BTSD à la dérive tricolore.

Babakar traversa le tarmac qui séparait les deux bâtiments et frissonna à nouveau. Il pénétra dans le fameux hall.

Il passa le sas et entra dans le hangar lui-même.

— Fait pas chaud ici, pensa-t-il à voix haute.

Il éternua deux fois assez fort.

Il vida la poubelle qui se trouvait à côté de la porte, passa un coup de chiffon sur la barre antipanique de la porte qu’il venait de franchir et se retourna.

Et il ne comprit pas ce qu’il voyait ; le hall semblait immense, encore plus grand que la veille et surtout, le mur du fond était éventré.

Babakar fut pris d’une sorte de détresse, ne comprenant pas toutes ces anomalies dans ce bâtiment qu’il connaissait pourtant très bien.

Il décrocha le téléphone qui se trouvait près de la porte et composa le 5028, numéro inscrit en gros à côté du mot « sécurité ».

— Poste de Sécurité, décrocha une voix neutre.
— Faut venir Monsieur, dit Babakar.
— Hey là, mon gars, faut m’en dire plus, rétorqua-t-on avec une pointe de dédain et de supériorité dans la voix.
— Faut venir vite, répéta l’homme. Il raccrocha, complètement éberlué.

Babakar était désemparé par tout cela. Il s’assit sur un des sièges qui se trouvait près de la porte.

Quatre minutes plus tard, le type de la sécurité passa la porte, l’air pas content d’avoir été dérangé par un personnel de ménage.

Ils se regardèrent, Babakar ne le connaissait pas, un nouveau sans doute.

— Qu’est-ce qui se passe, Bamboul…

Il ne finit pas son apostrophe raciste, ayant tourné la tête vers le fond du hangar.

— MERDE !

Le fond du hangar était ouvert, une partie du dessus de la porte démontée, les deux Rafales qui encadraient l’endroit n’étaient plus là et LE CONCORDE AIR FRANCE AVAIT DISPARU.

— Merde de merde, qu’est-ce que c’est que ce Bordel ?

Le vigile attrapa la radio qu’il avait à sa ceinture.

— PS de Didier, faut que tu appelles le dirlo, on nous a volé un Concorde.
— Tu déconnes Didier, t’es bourré et on est pas le 1er avril.
— Je te dis d’appeler le directeur, hurla-t-il dans l’appareil.

Le vigile marcha jusqu’au fond du hangar et arpenta le trou béant.

Éberlué, il répétait en boucle ;

— Le merdier… Le merdier…

Un autre agent de sécurité le rejoignit et, comme lui, eut du mal à réaliser ce qu’il voyait.

Les deux Rafales n’étaient pas loin, bien garées à l’extérieur du hangar, à côté du trou qui y avait été ouvert.

— Faut appeler les flics, tu crois pas ?
— Oui, t’as raison.

Il prit son téléphone dans sa poche et appela la brigade.

Les trois hommes restèrent là un long moment dans le froid du matin à attendre, ne sachant pas trop quoi faire.

La Gendarmerie arriva quinze minutes après. Deux sous-officiers de la brigade des transports aériens, les spécialistes des aéroports.

Après les jurons de circonstance, le plus gradé des deux hommes annonça :

— On ne touche à rien.

Puis se tournant vers son jeune collègue :

— Prends les identités, j’appelle le major.
— Major ?
— Bonjour major, c’est Benjamin, Faut que vous veniez, le Concorde a disparu…
— …
— Si Major, le hangar est ouvert, il n’est plus là…
— À vos ordres !

Il raccrocha son téléphone et le remit dans sa poche puis se tourna vers son collègue.

— Il arrive, c’est la merde.

Plus personne n’avait froid, le stress et l’adrénaline faisaient leur effet.

Le directeur du musée arriva quelques minutes plus tard avec plusieurs autres membres du personnel.

Ancien pilote de ligne de la compagnie nationale, Gérard Pfeizer était l’archétype du personnel navigant : grand, mince et sportif, regard bleu comme le ciel qu’il a tant fréquenté.

Un moment plus tard, une voiture de gendarmerie, le gyrophare allumé, s’arrêta devant le hangar béant.

Le major alla vers ses hommes, sans salutation ni cérémonial :

— OK les gars, un topo.

Puis se tournant vers le directeur :

— Bonjour Monsieur, qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
— Bien, je suis comme vous, je ne comprends rien, répondit le directeur.

Cartésien comme peuvent l’être les gendarmes, Le major Lussac prit quelques secondes pour réfléchir et lança :

— Il ne peut pas être loin, cet avion, appelez la tour de contrôle, de là-haut, ils doivent savoir où il est.

Garnier sortit son portable et composa le numéro de la tour de contrôle :

— Bonjour, c’est la BGTA1, Garnier au téléphone, Y a des mecs qui ont bougé le Concorde du hall, est-ce que vous le voyez de là-haut ?
— …
— Comment ? attendez, je mets le haut-parleur.

Garnier appuya sur l’écran de son smartphone de service et le tint entre ses doigts le rapprochant de son officier et du directeur du Musée.

— Comme j’allais le dire à votre collègue, on ne voit rien d’ici. En revanche, on a reçu plein d’appels pour se plaindre du bruit dans la nuit. Les riverains demandent si les vols de nuit vont reprendre. On ne comprend pas.

Les 5 hommes autour du téléphone blêmirent, ne croyant pas ce que révélait cette conversation en temps réel.

— Putain, lâcha Garnier, on nous a piqué le Concorde.
— Oh non, je le crois pas, compléta le plus jeune des gendarmes.

Il régnait dans le hangar une odeur piquante et désagréable mais aussi une telle tension que personne n’y prêta attention.

Après un moment de silence, le lieutenant reprit la parole.

— OK les gars, on gèle les lieux et on demande du renfort. Je vais rendre compte.

Il s’éloigna en direction de sa voiture garée au milieu de l’ouverture béante du hall et s’assit en place passager pour téléphoner un peu plus au chaud.

Pendant ce temps, Garnier appela lui aussi ses collègues de la Brigade.

Son camarade était allé à la voiture pour y prendre de la rubalise et tirai le ruban jaune sur lequel se répétait à l’infini « GENDARMERIE NATIONNALE ZONE INTERDITE ».

Quand le major Lussac constata que la zone était maintenant bien délimitée, plusieurs personnes étaient arrivées.

Au nombre de celles-ci, le responsable technique du musée, le chef du poste de sécurité, d’autres personnels d’entretien et plusieurs inconnus.

Le jeune gendarme avait du mal à maintenir ces personnes en dehors de la zone qu’il avait délimitée. Il est vrai que ces personnes étaient des membres du musée et se sentaient volées presque à titre personnel.

Heureusement, peu de temps après, les renforts commencèrent à arriver.

En premier, ce furent huit gendarmes de la brigade du Bourget qui arrivèrent à bord de deux voitures toutes sirènes hurlantes. À peine descendus de leurs véhicules, les militaires lâchèrent tous un juron en constatant le vol.

Aussitôt, les gendarmes se mirent aux ordres du major qui les répartit sur la zone pour la sécuriser.

D’un point de vue pénal, ce n’était qu’un simple « vol avec effraction » rien de plus, rien d’aussi grave qu’un homicide ou une attaque terroriste.

Mais c’était le Concorde qui avait disparu, pas une valise ou un lot de téléviseur.

La zone était maintenant bien verrouillée, ce qui devenait nécessaire, parce qu’à huit heures du matin, l’aéroport est maintenant bien réveillé. Les employés d’Air France industrie sont tous à leur poste. Les passagers descendent des jets privés.

Heureusement, le hall Concorde était un peu à l’écart et peu visible. Et surtout pas visible de l’extérieur de l’enceinte aéroportuaire.

En dépit de cette fin avril, il faisait froid et humide, un petit vent vicieux refroidissait tout le monde en tournoyant dans le grand hangar.

Le Major demanda un endroit où installer le PC, conscient que l’affaire n’allait pas être résolue dans la matinée.

Pfeizer installa tout le monde dans le hall le plus proche où il y avait une salle de projection.

Il donna des instructions pour que le musée n’ouvre pas ce matin.

Le fameux « problème technique indépendant de notre volonté » suffirait au moins pour aujourd’hui.

Chapitre 2

Cellule de crise

Les arrivées se succédaient, des officiers de plus en plus galonnés, capitaine, commandant, puis colonel.

Puis arrivèrent les étoilés en la personne du général Toulès commandant de la région de gendarmerie.

Le substitut du procureur arriva immédiatement après, accompagné de son greffier et d’un lieutenant de police reconnaissable à son brassard et à son arme portée en fausse discrétion dans son blouson de cuir.

Il y avait maintenant une quarantaine de personnes devant le hangar quand enfin, vers 10 h 30, Madame la ministre des Transports fit son entrée.

Descendant de sa grosse berline que deux motards de la police avaient escortée jusque-là, madame Jalon était un prototype de ministre. Certes, issue des meilleures écoles, elle ne connaissait évidemment rien à la notion d’enquête de justice et pas grand-chose à l’aéronautique.

Fort heureusement, un général de Gendarmerie connaît le premier, un pilote de ligne maîtrise le second.

Le général prit choses en main :

— Madame le ministre, Mesdames et messieurs, ce matin à 7 h, un personnel d’entretien, Monsieur…
— M’Mogba, Mon Général, souffla le Major Lussac.
— Monsieur M’Mogba a trouvé le hangar ouvert et vide du Concorde Air France.

L’appareil n’est plus sur la zone et d’après les premiers éléments, il semblerait qu’il ait décollé aux alentours de 3 h 45 ce matin.

Pour dérober l’appareil, la porte du hangar a été ouverte et une partie du mur au-dessus de la porte a été démontée pour laisser passer la dérive de l’appareil.

Nous sommes actuellement en train de faire les premières constatations concernant l’effraction sur le hangar.

Conforme à son statut de Ministre, Madame Jalon prit la parole pour proférer une phrase stéréotypée et de circonstance :

— Je suis outrée, le Président, tout le gouvernement et moi-même souhaitons que cette affaire soit résolue le plus vite possible et que les auteurs soient traduits en justice et sévèrement punis.
— Merci Madame le Ministre, reprit le Général. Puis se tournant vers le Substitut.

Celui-ci comprit qu’il avait à s’exprimer.

— Madame le Ministre, Général, Mesdames et Messieurs, comme vous vous en doutez, j’ouvre dès à présent une enquête pour vol aggravé avec effraction.
— Évidemment, je délivre une commission rogatoire aux enquêteurs qui vont travailler sur ce dossier.

On sentait dans la salle une fébrilité et une tension. Tous se sentaient responsables d’une partie de ce qui se passait. Plusieurs conversations en aparté commencèrent formant un léger brouhaha.

— S’il vous plaît, Monsieur Pfeizer, recadra le général, que pouvez-vous nous dire de cet avion ?

Patrick Pfeizer se redressa :

— Le Concorde Fox Bravo Tango Sierra Delta date de juin 1978 et est arrivé en vol en juin 2003. À son arrivée, il a été vidé de ses fluides, kérosène, huile et hydraulique. Il était sur chandelles pour préserver les pneus et avait subi un certain nombre d’aménagements pour permettre les visites.
— Par exemple ? interrogea le Général.
— Pose d’une cloison vitrée devant le cockpit, un peu d’éclairage. Dans les grandes lignes, il était dans l’état de son dernier vol.

N’y connaissant rien à l’aviation, la Ministre interrogea :

— Vous voulez dire qu’il suffisait de refaire le plein pour partir ?
— Non pas tout à fait, remettre un avion comme cela en route ne se fait pas comme une vieille 2CV. Cependant, force est de constater qu’il a quand même décollé dans la nuit.

À ce moment, un homme entra dans la pièce et se présenta :

— Romuald Paroset, DGAC2, excusez mon retard, j’arrive du contrôle… Y a moyen de projeter ici ?

Le Directeur du musée se tourna vers un homme qui se tenait debout dans un angle de la salle.

Celui-ci ouvrit un petit placard, fouilla derrière l’ordinateur qui servait à la projection du film aux visiteurs et en sortit un câble. Un Vidéo Projecteur s’alluma doucement en baignant la pièce dans la lumière bleue de l’écran de veille.

Paroset s’approcha et brancha son ordinateur portable. Aussitôt, son écran apparut et il ouvrit un logiciel.

Une image d’écran radar apparut. Il y avait des dizaines de points avec, à côté, une petite étiquette mentionnant des chiffres et des lettres, assez difficile à interpréter pour les profanes.

— Ce matin à 1 h 40 Zulu, le contrôle Roissy a vu au radar un décollage de LFPB3 alors que la plate-forme est normalement fermée à cette heure de la nuit.

Paroset fit quelques manipulations sur son clavier et l’image s’anima à la façon d’un jeu vidéo des années 80. Les points étaient en mouvements assez lents, les chiffres des étiquettes changeaient à la hausse ou à la baisse, les points avançaient.

Paroset continua :

— On voit l’appareil quand il a été pris en compte par le radar quand il a atteint 1000 Pieds Fox Echo.

À ce stade, il avait perdu l’auditoire à l’exception de ceux qui avaient une qualification de pilote.

Le Général comprit le besoin d’explication et reprit la parole.

— Monsieur Pfeizer, vous qui êtes commandant de bord, vous nous expliquez !?
— Volontiers, mon Général, un avion doit caler son altimètre en fonction d’une référence qui peut être soit le niveau du sol, soit le niveau de la mer, soit une référence commune pour tout le monde dans le monde entier à 1013. Dans la pratique, 1000 Pieds Fox Echo correspond à environ 300 mètres au-dessus du sol.
— Ce qui est très bas ? compléta le General.
— Oui très bas, Le Concorde est un appareil très bruyant et la zone est très peuplée.

Il y eut à nouveau un frottement de conversation dans la salle. La Ministre cherchait des explications auprès de son conseiller assis à ses côtés. Puis elle reprit la parole :

— Donc vous le voyez au radar, très bien. Vous savez où il est allé ?

Paroset figea l’animation et se racla la gorge.

— Ce n’est pas si simple. À cette heure de la nuit, Le Bourget est fermé mais c’est l’heure de décollage de tous les vols fret de Roissy.
— Y en a tant que ça ? demanda le substitut.
— Fedex, DHL, L’aéropostale, Air France Cargo, tous les autres, plus tous les départs matinaux vers le continent américain, on a un décollage toutes les deux minutes à cette heure-là.

Le Concorde a fait un virage droit et a rejoint l’axe de la 26 sud qui était en service cette nuit.

Seuls les navigants comprenaient ce qui s’était passé. Paroset relançant l’animation radar, continua son explication.

— Sans transpondeur ni contact radio, l’appareil a rejoint l’axe décollage et s’est intercalé entre deux vols en collant au FEX 452 si près que les deux échos ne se distinguaient pas l’un de l’autre.

L’assemblée recommença à s’agiter et échangea à voix plus ou moins basse. Le malaise étant perceptible dans l’air.

— Attendez, vous êtes en train de nous dire que le Concorde s’est caché dans le trafic sous un autre avion ?
— Oui, Général, comme dans un film. Il a dû se mettre sous le ventre du Boeing et a avancé jusqu’à sortir de l’espace contrôlé.

Bien qu’un peu perdu, le général n’en laissa rien paraître. Il prit quelques secondes et interrogea :

— Et après ?
— Eh bien, après, ils sont montés au Niveau 23 et ont continué vers SVMI, destination du FX 452. C’est tout ce que je sais pour le moment.
— SVMI ? demanda la ministre Jalon.
— Pardon Madame, Caracas au Vénézuela.

Il était maintenant onze heures du matin et la tension fatiguait les présents. L’homme qui s’était occupé de la projection pénétra à nouveau dans la pièce alors que personne ne l’en avait vu sortir. Il était suivi d’une femme en tenue de serveuse arborant un badge en forme d’hélice.

Ils posèrent de grands thermos sur une table et commencèrent à servir des gobelets.

Un téléphone sonna, le conseiller de la ministre se leva et s’éloigna de quelques pas, écoutant sans répondre un mot, puis raccrocha et revint s’asseoir. Il glissa quelques mots à voix basse à l’oreille de la ministre.

Le café bienvenu réconforta l’atmosphère et détendit un peu l’ambiance.

Le général but le sien en deux gorgées et reprit la parole.

— Madame le Ministre, Monsieur le Substitut, à ce stade et pour résumer, le Concorde a été volé et on sait qu’il a décollé en direction de l’Atlantique. Ce vol est le fruit d’une organisation de grande ampleur et a été extrêmement bien organisé. Il y a eu des complicités à de multiples niveaux et de gros moyens engagés. L’enquête va être délicate et nous savons que la vitesse est un atout dans la résolution.

Il tourna son regard vers la ministre et le représentant de la justice, cherchant leurs propositions.

La Ministre enchaîna :

— Au vu de la position de Monsieur le substitut, je demande la mise en place d’une cellule d’investigation. Le Président souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour que l’enquête avance vite et donne les résultats que nous attendons. Les coupables de ce vol doivent être traqués et nous devons récupérer ce symbole de la France.

Le substitut se racla la gorge et enchaîna :

— Madame le Ministre, cette enquête relève de la DCPJ4. Néanmoins, compte tenu du vol sur un secteur de gendarmerie, je propose que la SR5 du Groupement interdépartemental de Paris soit investi de la mission.

On lut dans le regard du général de la satisfaction à l’idée que la gendarmerie garde l’enquête et qu’elle retrouve l’avion qu’on lui avait volé.

La ministre acquiesça d’un signe de tête.

— Bien Madame, je prends les mesures nécessaires et vous en rends compte au plus vite.

La plupart des personnes présentes se levèrent, comprenant que la réunion était maintenant terminée. Plusieurs commencèrent à parler avec leur voisin. L’incompréhension revenait dans tous les propos. Comment vole-t-on un avion de 100 places et 25 m d’envergure sans que personne ne le voie ?

Le Général ne prit pas le temps de bavarder. Il salua la Ministre et le substitut et fila en direction de sa voiture.

Il ouvrit la portière et s’assit à côté de son chauffeur.

— Au bureau et vite, on met le Bleu6.

Puis sortant son téléphone de sa poche.

— Convoquez-moi la SR et le patron de la BGTA.

Il ouvrit la fenêtre et posa le gyrophare magnétique sur le toit. La berline démarra à bonne vitesse et passa sous l’aile du 747 et à côté des fusées Ariane sur le tarmac.

Elle rejoignit le portail qui permettait de rejoindre la route. Ils passèrent devant le poste de garde où deux jeunes gendarmes saluèrent d’un garde à vous impeccable. On ne croise pas un Général quatre étoiles tous les jours dans la vie d’un gendarme de terrain.

Chapitre 3

Le groupe de recherche

En arrivant au boulevard Exelmans, dans le 16e arrondissement de Paris, le Général Toulès monta à son bureau au pas de course. Il traversa le secrétariat et salua tous les présents.

La secrétaire, une civile, lui annonça :

— Le capitaine Kovak et le Commandant Cartier ont annoncé leur arrivée dans 15 à 20 minutes, Général.
— Merci, envoyez-les-moi dès qu’ils seront là.

Le Général pénétra dans son bureau à la décoration militaire classique :

Une vitrine abritait son Shako au casoar et son sabre, souvenirs de Saint-Cyr, quelques blasons et insignes de précédentes affectations, un drapeau français et le portrait officiel du président.

Sur le bureau trônait une photo de son épouse et de ses enfants.

Le Général se cala dans le fond de son fauteuil et prit une grande inspiration. Cette histoire est à peine croyable, pensa-t-il, un mauvais roman de science-fiction. Quand la presse allait savoir cela, non seulement des têtes risquaient de tomber mais on allait surtout passer pour des « cons ».

Il prit le temps de réfléchir, d’élaborer une stratégie pour trouver l’organisation qui a mis cela au point.

Ce n’est pas lui qui allait mener l’enquête mais compte tenu de ce qui avait été volé, c’est à lui qu’elle était confiée ; il fallait mettre les bonnes personnes et les moyens adaptés pour élucider ce forfait.

Le général alluma son ordinateur et consulta quelques mails. Il fut rapidement interrompu par la sonnerie de l’interphone :

— Général, le capitaine Kovak et le Commandant Cartier sont arrivés.
— Faites-les entrer.

Aussitôt, on frappa à la porte et elle s’ouvrit sans attendre de réponse. Entrèrent une femme et un homme, tous deux en uniforme de service, la tenue de tous les jours en Gendarmerie.

Tous les deux s’alignèrent, rectifièrent la position ce qui revient à un « garde à vous » rapide et quasi en cœur lancèrent un :

— Mes respects, mon général.
— Bonjour Kovak, Bonjour Cartier, asseyez-vous.

Les deux officiers prirent place dans les fauteuils qui faisaient face au bureau.

Le Capitaine Pierre Kovak, homme d’une cinquantaine grisonnante, faisait bien attention à ne pas vieillir trop vite. On le devinait dans sa posture ; Le type qui se force à aller courir régulièrement et fait attention à ce qu’il mange. Commandant la Brigade de transport aérien, il connaissait bien le milieu aéronautique. Lui-même pilote d’avion de tourisme, il était à même de savoir de quoi on parle quand on enquête dans une tour de contrôle où des hangars d’aviation.

Le Commandant Estelle Cartier avait choisi la Gendarmerie par passion et conviction. Elle aurait aussi pu être actrice ou mannequin. Elle était de ces femmes qui énervent depuis que la bonne fée s’est penchée sur son berceau. À la fois sportive de haut niveau et docteur en droit, elle avait enchaîné l’EOGN7 sans montrer la moindre difficulté. Tenant tête au machisme qui traîne encore dans les écoles militaires, elle finit escorte au drapeau. Et comme son parcours militaire et sportif ne semblait pas suffire, c’était une magnifique femme de quarante ans. Les cheveux bruns de sa coupe courte mettaient en valeur ses yeux clairs. Même le pantalon coupé treillis et les rangers noirs n’arrivaient pas à la rendre inélégante. Et pour couronner le tout, en plus de ses bons résultats, ses subalternes lui vouaient un respect illimité.

Après un assez bref passage en gendarmerie mobile comme commandant de peloton, elle rejoignit la Blanche8 où elle avait mis à profit ses compétences en droit.

Le général savait à qui il confiait l’enquête.

Il s’assit à son bureau et les regarda fixement :

— Vous savez tous les deux ce qui s’est passé ce matin, on a volé le Concorde au Bourget.
— Oui, mon général, répondit le chef d’escadron9, c’est incroyable.
— Le substitut du procureur a confié l’enquête à la gendarmerie. Je souhaiterais une collaboration de la SR et de la BGTA afin que vous mettiez en commun vos compétences, l’un dans le domaine de l’enquête, l’autre dans le domaine des transports aériens. Vous avez carte blanche. Constituez vos équipes et engagez les moyens nécessaires afin de résoudre cette affaire vite et bien.

Le ton était ferme et directif. Les deux officiers comprirent que l’entretien allait être bref.

Le général continua :

— Ce matin, pendant la cellule de crise, Madame la ministre des Transports a exprimé la volonté du Président d’une parfaite collaboration des services. Vous pourrez donc travailler avec la DGAC10, le musée de l’Air, la BGTA du Bourget ainsi que BEA11 si besoin. Vous me rendrez compte de l’avancée de l’enquête en temps réel et me demanderez les compléments de moyens que vous jugerez nécessaires.

S’adressant au capitaine :

— Lussac est en train de faire les premières constatations sur le site et ses hommes ont commencé les interrogatoires.

S’adressant aux deux :

— Je ne sais pas du tout ce que c’est que c’est que cette histoire ni où elle va nous emmener. Vous me rendrez compte quotidiennement.

Le général ayant donné ses consignes, ils comprirent que l’entretien était terminé.

Tous les trois se levèrent et se dirigèrent vers la porte.

Les deux officiers étaient partagés entre exaltation et stress. Cette enquête était hors du commun. Ils allaient être surveillés et ils ne savaient pas trop comment ils allaient démarrer.

Kovak se tourna vers sa collègue, bien que supérieure en grade et lui proposa :

— On fait un point ?

Puis se tournant vers la secrétaire du Général :

— Avez-vous un bureau à nous laisser pour un moment ?
— Bien sûr, installez-vous dans la salle de réunion.

Les deux officiers entrèrent dans la salle que leur avait désignée la secrétaire.

La Commandant Cartier tira une chaise et s’assit rapidement. Kovak fit de même et se passa les mains sur le visage dans un moment de réflexion.

Estelle Cartier commença :

— Que penses-tu de cette histoire, t’as des idées ? des pistes ?
— Comme vous Commandant…
— Comme toi, répondit-elle, en invitation à des relations beaucoup moins militaires.

Kovak sourit à cette invitation, il faut reconnaître que le cérémonial militaire n’est pas un gain de temps au quotidien.

Estelle proposa

— Je te propose de mettre le centre de l’enquête dans tes bureaux et on constitue une petite équipe. Cinq ou six personnes maximum.
— Ça me va. Je prendrai juste un gars. On devra aller chercher des compétences dans d’autres services.

Kovak prit une seconde de réflexion et continua :

— Je te propose de m’occuper d’éplucher les enregistrements radar et d’essayer de voir où partait cet avion.
— Je retourne au Bourget pour fouiller et voir qui a fait voler cet avion.
— Alors à demain.

Ils se levèrent et se dirigèrent vers la cour où étaient garées les voitures.

Kovak se mit au volant et descendit sa fenêtre

— T’as une idée du mobile ? On pique pas un avion comme ça pour faire le tour du pâté de maisons.
— Bonne question, un passionné. On va trouver.
— Bien sûr, sourit Kovak en démarrant.

Estelle se dirigea vers sa voiture au volant de laquelle l’attendait un jeune GAV12

— On rentre au bureau.

Chapitre 4

Boulevard Davout

En arrivant au bureau de la Section de Recherche, boulevard Davout, Estelle Cartier fut accueillie par deux de ses hommes, visiblement surexcités.

— On a l’enquête Commandant ? La télé en parle, c’est dingue.
— Du calme les gars, on va en parler, allez me chercher tout le monde, on se retrouve en salle café.

Elle se précipita jusqu’à son bureau, y posa sa polaire et attrapa son téléphone.

— Major Lussac ? Commandant Estelle Cartier.
— Mes respects Commandant, le Capitaine Kovak vient de m’appeler pour me dire que vous aviez la charge de l’enquête :
— Oui, qu’avez-vous comme éléments ?
— On a fait les auditions du balayeur, des vigiles et ils sont encore en train de faire la PTS13.
— Et ? Qu’est-ce que ça raconte ?
— Ben pas d’effraction. L’ouverture de la porte a été faite dans les règles. Il y a une corde qui reste pendante du toit mais il n’y a pas d’échelle. On attend des gars du PGHM14 pour grimper voir.
— D’accord, vous me rappelez dès que vous avez du nouveau.
— Bien pris, au revoir Commandant.

Elle raccrocha. Tout en parlant, elle avait allumé son ordinateur et avait regardé le tableau où elle notait les enquêtes de chacun de ses effectifs.

Elle attrapa un carnet de notes et se dirigea vers la salle de réunion ;

L’y attendaient dix personnels, sept hommes et trois femmes qui discutaient du sujet.

— Bonjour à tous ceux que je n’ai pas vus
— Bonjour commandant résonna dans la pièce un peu comme dans une salle de classe.
— Vous savez tous ce qui se passe et la SR est chargée de l’enquête.

Un vent de fierté parcourut la salle…

— Patrick, Stéphanie, Pascal, vous passez vos dossiers en cours aux autres et vous vous mettez dessus. À la demande du général Toulès, je prends la direction de l’enquête conjointement avec le Capitaine Kovak de la BGTA.

À cet instant, trois sourires et sept regards de déception émergèrent de l’assistance.

— Je lis la déception de ce que je ne prends pas, ce que je comprends. Au fil du temps, cette équipe pourra être redimensionnée. Les autres enquêtes que vous menez seront moins médiatisées mais un homicide est à mon avis plus important que le vol d’un avion, même si c’est le Concorde, dit-elle en souriant.

Ce point permit à ceux qui n’avaient pas été choisis de se sentir moins sur la touche.

Puis se tournant vers le Lieutenant Baliner, son adjoint à la SR :

— Marc, je vais plus être beaucoup là, vous gérez la boîte…

Marc Baliner fit un tour de table visuel des présents et ajouta en souriant, tout en se tapant l’épaule avec deux doigts :

— C’est moi le chef, maintenant… OK ?

Un rire parcourut l’assistance et une personne ajouta en riant

— Ça y est, il est Kalif à la place du Kalif.
— Les trois que j’ai nommés, rendez-vous à sept heures ici.
— Ce soir, vous faites vos passations.

Pour les autres, bon courage et au boulot.

Elle se leva et quitta la salle en direction de son bureau. Dans le couloir, elle entendait les conversations dans la salle café au sujet de cet avion bien connu.

En y arrivant, elle s’assit et appela Kovak.

Elle n’eut pas à se présenter.

— Oui Estelle.
— Pierre, j’ai pris 3 gars, enfin 2 gars et une femme avec moi pour l’enquête, on va arriver demain matin dans tes bureaux et on installe la cellule d’enquête. Ça te va ?
— Parfait pour moi.
— D’ici là, pourras-tu commencer les auditions ?
— Pas de problème, ce sera fait.
— Et côté DGAC ?
— J’attends leur retour.
— OK, conclut-elle, à demain.

La journée déclinait doucement, les jours d’avril sont encore courts.

Estelle se leva en attrapant sa polaire sur le dos de son fauteuil et rentra chez elle.

Comme tous les personnels de gendarmerie, le trajet domicile-travail fut très bref : une cour à traverser et deux étages à monter.

En arrivant chez elle, Estelle s’affala sur son canapé, le cerveau en surchauffe.

Les idées se télescopent, Supersonic, vol, complicités, aviation civile… par où commencer cette enquête ?

D’un bon, elle se releva et quittant son uniforme en quelques secondes, enfila un collant et un tee-shirt de sport, une paire de running ; pas le choix, quand il faut évacuer, il faut courir.

Comme le côté Montreuil n’est pas très sécurisant pour une jolie fille en collant de sport, elle se dirigea comme à son habitude vers le cimetière du Père-Lachaise. Certes, courir dans un cimetière n’est pas très bucolique mais au moins c’est relativement sécurisé et l’environnement est vert.

Une heure plus tard, elle rentrait chez elle, en sueur et l’esprit plus calme.

Après une douche, elle alluma la télévision sur une chaîne d’info.

Le sujet était en bandeau permanent en bas de l’écran. Comme souvent quand on connaît un sujet, elle constata que les journalistes rapportent souvent des inexactitudes et des spéculations. Cela l’énerva et elle changea de chaîne pour un film sans intérêt avant de rapidement rejoindre sa couette, concluant ainsi cette journée intense.

Chapitre 5

SR-BGTA

Deux réveils se déclenchèrent simultanément à six heures. Il y en avait certainement d’autres dans Paris mais ceux d’Estelle Cartier et de Pierre Kovak réveillaient les chefs d’enquête du vol le plus rocambolesque de l’histoire de l’aviation et probablement de l’histoire en général.

Estelle se leva dans la tenue des filles bien dans leur peau, c’est à dire intégralement nue.

Elle fila sous la douche directement.

En en sortant, elle était d’attaque. Il ne manquait qu’un thé chaud pour la mettre à 100 % de ses capacités.

Au même Moment, le capitaine Kovak avait fait sensiblement la même chose, mais son réveil fit se retourner sa femme qui était rentrée tard de son poste d’infirmière à l’hôpital de Gonesse. Elle grogna en se rendormant.

Kovak alla se laver et, son uniforme sur le dos, se fit un café à la cuisine.

Vers six heures trente, sa fille Mélanie de dix-sept ans fit son entrée. Adolescente type, les cheveux longs ébouriffés, un tee-shirt griffé Pink en lettres dorées et la mauvaise humeur matinale. Cela tranchait avec son père déjà sur le pied de guerre et les idées claires.

— Bonjour, Déjà debout ma Puce ? dit-il en souriant.
— Mhhhh.
— Tout ça ?

L’adolescente consentit à lever les yeux vers son père.

— Sortie scolaire…
— Chouette, où allez-vous ?
— Mmmh un truc, un musée, j’sais pas trop… parvint-elle à répondre en reversant du lait à côté de son bol, meeerde…
— Pas indispensable ça, souligna Kovak, en souriant. Je file, Bonne journée ma Puce.

Il posa un baiser sur la joue encore endormie et se dirigea vers le coffre-fort scellé dans un placard de l’entrée, bip bip bip bip, les chiffres du code, puis le claquement métallique de la serrure.

Il sortit son arme de service et la glissa dans l’étui qui était déjà à sa ceinture.

— À ce soir, ma grande.

Il sortit sans attendre de retour de sa fille.

Estelle arriva au bureau la première fut vite rejointe pas les trois sous-officiers qu’elle avait affectés à l’enquête : en les personnes de l’adjudant-chef Patrick Koch, 40 ans, l’adjudante Stéphanie Douville du même âge et le Maréchal des Logis chef Pascal Fantova 37 ans.

Ces trois sous-officiers n’étaient pas à la SR par hasard. Pour être affecté dans une unité comme la Section de Recherche de Paris, il faut avoir une notation irréprochable, de solides compétences juridiques et surtout être un fin limier.

Enfin, étymologiquement, un limier est un chien que l’on tient en laisse alors que les gendarmes de SR sont plutôt ceux à qui on laisse les coudées franches et beaucoup d’autonomie.

Tous les trois étaient en civil ; seule Estelle était en uniforme de service courant.

Fantova, fidèle à ses habitudes, avait fait du café, élément indispensable au bon fonctionnement de la gendarmerie partout en France.

Ils prirent place dans la stratégique salle de pause et Estelle commença :

— Bon, on attaque. Nous sommes quatre sur cette enquête et Kovak va nous rejoindre avec trois gars aussi. On va donc être sept et autant le dire, on va être surveillés…
— Ça, j’imagine… souffla Patrick Koch.
— On va s’installer dans un premier temps au Bourget pour être sur le terrain et récupérer tout ce que l’on a. Vous prenez ce qu’il faut et on prend deux voitures. On s’y rejoint, ça vous va ?

Ils avaient bu le café en écoutant. Dans une SR, on traite des affaires de tout genre, stupéfiants, abus de bien sociaux, homicide, viols, braquages… mais rarement de vol même avec effraction. Cette enquête était déjà inédite et passionnante.

— OK, on se prépare.

Estelle se leva et retourna à son bureau.

Un coup d’œil sur les applications maison, toutes portant des noms sortis d’on ne sait où : PULSE, AGHORA, BDSP ; mais qui sont les gens qui trouvent ces appellations ?

Les informations étant prises, elle ferma son ordinateur portable et le mit dans son sac à dos.

Elle fit de même avec son lecteur de carte professionnelle, indispensable pour s’authentifier sur les serveurs sécurisés de la gendarmerie.

En sortant dans le couloir, elle retrouva Fantova chargé du même sac et d’un autre encore plus volumineux.

— Pascal, vous savez que l’on part pas pour toujours, vous déménagez ?
— Je sais, Commandant, mais vous verrez, ça peut servir…

Estelle connaissait l’expérience de Fantova et sa capacité d’adaptation. Sans savoir ce que contenait ce sac, elle lui donna raison en ajoutant en souriant.

— Si vous le dites…

Dans la cour de la SR, les autres attendaient devant les deux voitures banalisées.

— On a tout ce qu’il faut ? demanda Estelle.
— À l’attaque, répondit Koch.
— OK, Fantova, vous m’emmenez. Stéphanie et Patrick, allez direct à la BGTA. Nous, on va passer voir au hangar.
— C’est parti.

Les portières des voitures résonnèrent dans la cour, le portail métallique s’ouvrit lentement et les deux voitures s’engagèrent sur le boulevard. Le tramway passait sur son tapis d’herbe bien verte comme sur un coussin d’air. Fantova conduisait tranquillement. Vraisemblablement, Estelle Cartier n’était pas d’humeur à perdre du temps dans la circulation déjà bien chargée ce matin car elle ouvrit la fenêtre et attrapa le gyrophare dans la boîte à gant de la Peugeot.

Le bruit de l’aimant claqua sur le toit. Elle descendit le pare-soleil passager sur lequel il y avait un bandeau lumineux GENDARMERIE.

Elle appuya sur le bouton de la commande des dispositifs qui était accroché au tableau de bord et la sirène retentit.

Fantova jeta un coup d’œil dans le rétroviseur et vit que l’adjudant-Chef Koch faisait la même chose pendant que Stéphanie Douville conduisait.

Les deux voitures se faufilaient à bonne allure. Dans la voiture de tête, Estelle garda le silence sachant que la conduite au « gyro-deux tons » est un exercice qui demande de la concentration.

En s’engageant sur l’autoroute A3, Fantova se glissa entre les deux dernières voies dans le sillage des motos qui remontent les files de voitures. Toujours suivis de la seconde voiture, ils mirent une vingtaine de minutes pour arriver à l’aéroport du Bourget.

En arrivant devant le musée de l’Air, Estelle coupa la sirène, laissant les feux de pénétration.

Ils bifurquèrent vers le sud alors que la deuxième voiture fila au nord vers les locaux de la Brigade des transports aériens.

En arrivant au portail R qui permet l’accès à l’enceinte aéroportuaire, le jeune gendarme en faction s’approcha de la fenêtre conducteur.

Fantova avait anticipé en descendant sa vitre.

— Section de recherche, Cartier et Fantova.
— Allez-y, dit-il en s’écartant tout en appuyant sur la télécommande du lourd portail vert.

Derrière, des plots rectangulaires s’enfonçaient dans le sol et le feu passa au vert.

Fantova avança doucement entre deux hangars.

Arrivé au bout de l’allée, il tourna dans la surface extérieure du musée et vint se garer derrière un rafale prototype blanc.

Le hangar était ceinturé de la longue rubalise jaune et une multitude de gendarmes et de civils s’affairaient.

Estelle Cartier descendit de la voiture et se dirigea vers l’ouverture du hangar, un jeune réserviste fraîchement sorti de sa formation la salua d’un impeccable garde à vous militaire. Estelle lui demanda :

— Vous savez où est le Major Lussac ?
— Le Major est dans le hangar avec d’autres gens.

Estelle leva la tête et aperçut trois hommes en tenue de gendarmerie de montagne, baudrier et casque, qui évoluaient sur le toit du hangar.

En se retournant, elle vit une autre équipe près du grillage qui séparait le musée du Tarmac de l’aéroport. Il y avait un portail juste à côté, trop étroit pour laisser passer le supersonique ; il était intact.

Avançant vers l’ouverture du hangar, elle contourna une rafale que les voleurs avaient sortie pour laisser le passage au supersonique. Devant le train avant, deux autres gendarmes prenaient des photos macroscopiques.

Les données allaient être longues à décortiquer et tellement complexes : Estelle prenait peu à peu conscience de l’ampleur de la tâche qui l’attendait.

Elle marcha vers l’intérieur et aperçut Lussac qui discutait avec plusieurs personnes civiles et en uniforme. Elle se dirigea vers le groupe mais quand il la vit, il les abandonna et vint à sa rencontre.

— Mes respects Commandant.
— Bonjour, alors ? Qu’est-ce que vous avez récupéré comme info ?
— Plein, ça a été un boulot de fou, hyper bien organisé. Ils ont utilisé toutes les failles de sécurité et ont dû mettre un temps de dingue en préparation. C’est hallucinant.
— J’imagine. Je fais un tour pour voir tout ça. Rendez-vous à onze heures à vos bureaux. On s’y retrouve.
— D’accord, à plus tard.

Lussac tourna des talons et se dirigea vers le groupe qu’il avait précédemment lâché.

Estelle le rappela :

— Lieutenant.

Il se retourna.

— Je ne connais pas votre prénom ?
— Pierre.
— Comme on va travailler ensemble, on va alléger le militaire, d’accord ?
— Avec plaisir… ?
— Estelle.
— Alors à plus tard Estelle, dit-il en souriant.
— À plus.

Cet échange avait eu lieu presque à l’aplomb de la porte du hangar. Estelle fut surprise par un bruit de chute à quelques mètres derrière elle.

Elle se retourna vivement et entendit le sifflement caractéristique d’une corde dans un descendeur. Un homme en tenue de PGHM posa les pieds à terre et se détacha en ouvrant le mousqueton de son harnais.

— Mes respects, commandante, dit-il en s’approchant, Adjudant Revenaz du PGHM Chamonix.
— Vous êtes venu de bien loin et très vite, répondit-elle en souriant, Estelle Cartier, Je suis chargée de l’enquête. Qu’avez-vous à me dire de là-haut ?
— On était en formation à Satory et on nous a demandé de venir voir sur le toit, expliqua Renenaz. Ils ont posé des cordes fixes et utilisé la ligne de vie de maintenance.
— Ils ont laissé des mousquetons et un bout de corde. On a monté un TIC15 mais il a un peu le vertige.

Revenaz souriait, amusé par le vertige de son collègue peu habitué au vide. Le hangar culmine à trente mètres, un gendarme de montagne opère souvent sur des parois de 500, 600 voire 1000 mètres.

— On le sécurise, ne vous inquiétez pas, reprit-il. Dès qu’il aura repris ses esprits, il vous rejoindra pour son rapport.
— Merci de votre aide, adjudant.
— Pas de soucis, c’est dingue cette histoire.

Dingue, qualificatif qui revenait le plus pour désigner cette enquête.

— Oui, dingue, approuva Estelle.

Revenaz ouvrit son blouson et sortit une enveloppe de papier Kraft qu’il avait glissé sur sa polaire.

— Commandant, je vous donne les mousquifs ? ou je les laisse aux TIC ?
— Regroupez tout dans les scellés, on fera la synthèse.

Revenaz remit l’enveloppe dans sa polaire et prit sa radio.

— Tom de Serge, t’en est ou avec le TIC ?
— Il reprend des couleurs, répondit une voix à la radio.

Estelle Cartier s’éloigna en réfléchissant.

Elle alla rejoindre Fantova qui furetait dans le hangar comme un chien de chasse cherchant l’odeur d’un gibier.

Son attitude était calme. Il regardait partout et nulle part, appréhendant le volume du bâtiment, imaginant des scénarios, visualisant ce qui avait pu s’y passer.

— Alors Pascal ? Qu’est-ce que vous avez vu de beau ?

— Je me demande qui a pu organiser ça et pourquoi ? Un avion aussi unique et qui ne vole plus, qu’est-ce qu’ils vont en foutre…

— Ben, on va le découvrir.

— Essayer en tout cas…

Le commandant Cartier rejoignit Lussac toujours en conversation au centre du hangar, là où l’avant-veille se tenait l’avion.

— Ah Commandante, je vous présente Monsieur Paroset de la DGAC, Monsieur Gueret du contrôle et Monsieur Saunier du BEA.
— Messieurs, Commandant Cartier de la Section de recherche de Paris en charge de l’enquête avec le Capitaine Kovak.
— Bonjour Messieurs, Je vous propose de vous retrouver dans les bureaux de la BGTA dès que vous aurez fini. On va faire une compil des éléments.
— OK, D’accord, répondirent les Présents presque à l’unisson.

Cartier retrouva Fantova à la voiture.

Il mit le contact et se dirigea vers la BGTA dont les bureaux étaient situés à moins d’un kilomètre de là.

En y arrivant, ils prirent leurs sacs dans le coffre et se dirigèrent vers le bâtiment.

Ils durent sonner à l’interphone et la gâche automatique de la porte claqua.

Dans le hall, un jeune GAV rectifia la position et les accompagna dans une salle de réunion où se trouvaient Kovak, Douville et Kock.

Koch était au téléphone vraisemblablement pas content.

Estelle se rapprocha de Kovak et le salua.

— Ça va ?
— Oui, je viens du hangar, super tes investigs, Lussac nous gère ça au poil.
— Ouais, c’est un bon gars et il est carré, il doit nous rejoindre dans pas longtemps.

Un éclat de voix les fit se retourner :

— Oui bah va falloir me les donner ces noms, parce que sinon, on va venir les chercher et ça va être plus compliqué pour vous. OK ? Alors j’attends ça par mail dans moins d’une heure, d’accord ? Merci !

Il raccrocha d’un index furieux sur l’écran de son téléphone.

— Mais quel con ce mec !
— Vous avez l’air en grande forme Patrick. Qui est-ce ? demanda Estelle.
— C’est le mec de Prosecuritas, la boîte de gardiennage qui s’occupe du musée. Ce mec me balance que la liste de ses employés est confidentielle… Je vais lui en foutre moi, du confidentiel.

Elle sourit et se tourna vers Stéphanie Douville.

— De votre côté ?
— Ben, les gens du ménage sont plus coopératifs, j’ai la liste du personnel détaché sur le site. J’en ai passé plus de la moitié au fichier : rien de très instructif. La plupart sont étrangers ou Français naturalisés avec des broutilles sur certains casiers mais pas de vrais bandits. Je vais les convoquer pour demain matin.

À ce moment, Lussac entra dans la pièce, regarda sa montre, puis s’adressa à la cantonade :

— Bonjour à ceux que je n’ai pas vus. Il se fait faim. Vous voulez quelque chose ?

Dans le feu de l’action, tout le monde avait oublié la notion de repas. Il est vrai qu’à midi et demi, la faim commence doucement à venir.

Kovak sembla approuver l’idée et demanda :

— Vite fait ici ? kebab ou pizza ?

Les présents semblèrent plutôt pencher pour le grec. Lussac appela le GAV dans le bureau d’à côté.

— Allez nous chercher des Kebabs en face. Allez-y avec Kevin.

— À vos ordres, major.

Une fois l’intendance organisée, ils se remirent au travail.

Estelle devant son ordinateur faisait un survol des premières auditions qui avaient été menées la veille et dans la matinée puis passa un moment sur sa messagerie.

Ce fut le nommé Kevin qui sonna l’heure de la pause déjeuner en posant sur la table un gros sac kraft contenant nourriture et boisson.

Ils se regroupèrent tous autour d’une des tables et commencèrent à déjeuner.

Étonnamment, la conversation s’éloigna rapidement de l’avion pour se consacrer aux hommes.

Intuitivement, ils allaient travailler ensemble et avaient envie de se connaître.

Pierre Kovak raconta son passé. Il était issu du rang ce qui expliquait d’être « seulement » Capitaine à cinquante ans. Sorti de l’école de sous-officier, il avait commencé par quelques années de brigade, puis un peu d’outre-mer et ayant obtenu le diplôme d’OPJ16, il avait passé le concours d’officier en interne, retour à l’école et un grade de lieutenant.

Passionné d’aviation depuis son plus jeune âge, il avait pris le commandement de la BGTA de Lyon sur l’aéroport de Saint Exupéry. Il apprit à piloter, d’abord à ULM et enfin sur avion. Le commandement de la Brigade du Bourget lui offrit une belle unité de 20 personnels, dont le major Lussac.

Estelle à son tour se présenta : Bac puis fac de droit, Sportive Accomplie, elle fit le concours de l’EOGN et enchaîna les postes, de Commandant de Brigade, de BR17, puis Commandant de compagnie et la SR en qualité de chef de groupe. Un parcours presque normal, si ce n’est qu’il avait été rapide… très rapide.

Les autres racontèrent leurs parcours respectifs. Certains étaient passés par la Mobile, d’autres avaient intégré très jeunes, d’autres plus sur le tard. Ce qui ressortait pour tous, c’est une vraie vocation pour le métier de gendarme et des valeurs inscrites au plus profond de leurs personnalités.

Le café fut abrégé par la sonnerie du portable de Cartier, un numéro qu’elle ne connaissait pas.

— Chef d’escadron Cartier, à qui ai-je l’honneur ? se présenta-t-elle réglementairement.
— Lieutenant-colonel Marlouard, Adjoint du Général Toulès.
— Mes respects, mon Colonel.
— Le général voulait vous apporter une aide logistique pour le bon déroulement de l’enquête. Madame la ministre a donné des instructions pour que ça aille vite et que les moyens soient mis à disposition.
— Eh bien, mon colonel, pour le moment on a besoin des résultats rapidement pour tout ce qui est empreinte et ADN, même si on a pas encore tous les prélèvements.
— OK, je préviens Rosny, tout ce que vous leur enverrez passera en prio.
— Merci Mon colonel. Les premiers lots de scellés partiront cet après-midi même.
— D’accord, autre chose ?
— Mon colonel, les bureaux de la BGTA sont assez peu équipés, en ordi, vidéoprojecteurs, copieurs.
— Ah, s’il n’y a que ça, je vous fais partir un camion dans une heure.
— Ce serait parfait mon colonel, Merci.
— Le général attend de vos nouvelles, pensez à le rappeler. Au revoir Cartier.
— Ce sera fait, mon colonel.

Ils raccrochèrent.

Estelle pensait que la médiatisation était un bon levier pour obtenir des moyens.

Elle pensa à toutes ces brigades de province qui sont en peine d’ordinateurs et de fournitures. Elle allait recevoir toutes ses demandes en trois heures ; toute militaire et républicaine qu’elle est, la gendarmerie a aussi des inégalités.

De retour dans ce qui allait devenir le bureau commun du groupe de recherche pour les prochains jours, Estelle vit entrer Revenaz qui avait quitté son harnais mais dont la tenue de montagne à l’écusson aux deux skis croisés détonnait dans l’ambiance d’un aéroport parisien. Il avait à la main l’enveloppe Kraft de ce matin et une autre plus grosse.

Estelle lui sourit :

— Alors le montagnard, qu’avez-vous à me dire de plus que ce matin ?
— Si vous me prêtez un ordi, je vous tape mon rapport de suite. J’ai pris les photos.
— Parfait, mais dites-m’en quand même un peu.

Revenaz se gratta la tête, les cheveux courts encore marqués par le casque de montagne qu’il avait porté toute la matinée.

C’était un solide gaillard de Savoie, le teint bronzé, un peu buriné par les années en montagne au vent, au froid, au soleil. La marque des lunettes lui faisait un masque de super héros.

— Je dirai qu’ils étaient au moins quatre, plutôt cinq pour faire ce boulot. Ils sont montés sur le toit et une fois que la porte a été ouverte, ils ont démonté le linteau et la plaque de bardage du milieu et deux poutrelles. On a tout retrouvé en bas, pas d’empreintes, mais vu le froid et le vent de ce matin, je les comprends d’avoir gardé les gants.

Estelle fit une grimace.

— C’est compliqué comme travail ?
— Si on est pas comme le gars de TIC qui a failli se faire dans le froc, non, répondit-il en rigolant.
— Vous êtes moqueur.
— Mais non. Il a tenu le choc. Dommage qu’il n’ait pas trouvé une seule empreinte, ça aurait payé son vertige. On a juste trouvé des marques de clefs sur certains écrous.
— Et les outils ?
— Rien trouvé sur place. On a juste les deux mousquifs dont je vous ai parlé ce matin et un bout de corde d’une quinzaine de mètres qu’ils n’ont pas pu décrocher en partant. Ils l’ont coupé au couteau.
— Ça peut mener quelque part ?
— Les mousquetons sont des DMM Wales, une marque pas très répandue, on en voit surtout chez les Anglais. Faudra voir avec l’importateur. La corde, je sais pas, elles se ressemblent toutes.
— Autant dire pas grand-chose…
— Non pas grand-chose, je vais vous taper ça. Où est-ce que je peux me mettre ?

Estelle l’accompagna dans l’open space où toute l’équipe était soit au téléphone, soit sur les ordinateurs.

Revenaz faisait du bruit en marchant avec ses chaussures de montagne à semelles rigides. Le groupe tourna la tête, la tenue identifia l’homme. Plusieurs lancèrent un bonjour de loin, ceux qui étaient en conversation firent un signe de la main ou de la tête.

Revenaz s’installa à un bureau et sortit sa carte professionnelle à puce de sa poche de veste. Il l’inséra dans le lecteur et commença à taper son rapport.

Estelle alla rejoindre Kovak, prit une chaise et la tira au coin du bureau.

Kovak attrapa une feuille et commença à lire ses notes en synthétisant ce qu’il savait.

Les voleurs avaient fait preuve d’une organisation parfaite.

Dans la nuit, ils avaient pénétré dans le hangar sans effraction, aucune porte n’ayant été forcée.

Ils avaient descendu l’avion de ses chandelles, ce qui se fait avec un cric. Si ce n’est que le Concorde n’est pas une simple voiture. Le Concorde pèse quatre-vingts tonnes.

Les malfaiteurs avaient également ouvert les portes, démonté le haut du hangar puis sorti les deux rafales pesant chacun dix tonnes.

Ils durent après sortir l’avion en marche arrière, le mettre en route et s’en aller.

Estelle avait écouté son collègue avec attention. Cette synthèse était claire et encore pleine d’inconnues. Il en était toujours ainsi dans les débuts d’une enquête. Un puzzle dont il manquerait quatre-vingts pour cent des pièces.

D’un coin de l’open space, L’adjudant-chef Koch prit la parole à haute voix :

— Ils ont piqué un tracteur, ça, on s’en doutait, mais aussi un groupe de parc. Les deux ont été retrouvés sur le côté du taxiway de la 03. Les TIC les ont passés au peigne fin. Vu que ce sont des outils utilisés tous les jours et par plein de personnes différentes, ça va être chaud de trouver celles qui nous intéressent.

Lussac se leva à son tour :

— Le grillage a été arraché d’un coup. Ils l’ont attaché avec des sangles de poids lourd et ont tiré. Les sangles partent pour recherche d’ADN. Comme elles étaient neuves, s’il y a quelque chose, ça ne peut être qu’eux.
— Je viens d’avoir Monsieur Paroset au téléphone, dit Fantova.
— Qui est-ce ? demanda Cartier.

Lussac qui avait assisté aux constatations de la veille et à la réunion expliqua ce que pouvait apporter le responsable de l’aviation civile.

— Et qu’est-ce qu’il a pour nous ?
— Des éléments importants d’après lui.
— Ben, dites-lui de nous rejoindre.
— C’est ce que j’ai fait, il devrait être là dans une heure.