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"France-Corée du Sud – Un long combat pour la justice" relate l’histoire d’un entrepreneur français qui, arrivé en Corée du Sud, y fonde sa société avec des partenaires locaux. Après avoir mené son entreprise au sommet du marché mondial, il est confronté à des turbulences dévastatrices causées par ses associés coréens. Ruiné et endetté, il se retrouve presque réduit à la mendicité. Parfois teinté d’humour, ce récit soulève de nombreuses questions sur la Corée du Sud et son système juridique et met en garde les industriels internationaux sur les risques liés aux investissements à l’étranger.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ingénieur de formation,
Baudouin Dupont bénéficie d’une vaste expérience dans l’export de textiles. Dès son jeune âge, il nourrit une passion pour la géographie, les cultures du monde et la découverte de nouveaux horizons. Son rêve de parcourir la planète se concrétise lorsqu’avec un associé local il fonde sa propre entreprise en Corée du Sud, qui deviendra rapidement numéro 1 international dans son secteur.
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Baudouin Dupont
France-Corée du Sud
Un long combat pour la justice
© Lys Bleu Éditions – Baudouin Dupont
ISBN : 979-10-422-2292-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Je dédie ce livre à mon épouse Odile
et à notre fils Enguerrand pour tous les sacrifices
qu’ils ont dû consentir au cours des années 2006 – 2023
suite au détournement de tous mes actifs en Corée du Sud, ce qui a ruiné complètement notre famille.
Sans la justice, la paix n’existe pas.
De fortes émotions attendent celui qui ouvre ce livre. Celui qui s’apprête à lire ce témoignage doit savoir que son temps de lecture sera enrichi d’une expérience de vie intense. Pour Baudouin Dupont, la rédaction de cet ouvrage a été un exutoire qu’il a mené à bien grâce à un travail acharné.
Revenant d’une épreuve douloureuse, il a de bonne foi la volonté de faire appel à la loi pour rentrer en possession de ses biens et de son honneur. Ce chef d’entreprise passionné ne sait pas encore qu’il devra livrer le combat de sa vie « au sens propre ». C’est bien sa vie qu’il jouera, comme un joueur honnête risque tout.
Antérieurement l’auteur avait déjà formulé cette dimension de la lutte : « Je veux que tous mes droits soient reconnus ».
La Justice déclare une loi universelle à laquelle nul n’est censé échapper.
La portée de la loi sera relativisée par la désinvolture de la juridiction coréenne, par le mal de sa bureaucratie, son coût et son inefficacité.
Nul ne peut être tué tant qu’un homme est libre
Odile Croisiaux,
Professeur de lettres
Note de l’auteur
Le présent ouvrage est le récit d’une expérience vécue, même si elle peut paraître quelque peu surréaliste.
Il relate le combat d’un entrepreneur français qui s’est battu pendant plus de 17 années pour assurer la survie de son entreprise, animé par la volonté que la lumière soit enfin faite sur tous les évènements survenus au cours de toutes ces années, particulièrement en Corée du Sud.
Au cours des années 1973 et 1974, en pleine crise du pétrole, les entreprises textiles amorcent leur déclin inéluctable que rien ne saurait arrêter.
Après un séjour de deux années passées au Maroc où il a effectué sa coopération militaire, Baudouin Dupont rentre en France fin 1974 et se retrouve parachuté dans le monde du textile en proie à des difficultés grandissantes.
Quelques années plus tard, après avoir travaillé sur toute l’Europe et aux États-Unis, il se lance à l’international dans le secteur de la microfibre textile pour la Corée du Sud où il crée sa société à Daegu avec son partenaire coréen. Il entre alors dans un monde où l’organisation du travail, la culture et le système juridique sont aux antipodes de ce qu’il a connu jusqu’à présent.
Confiant en son partenaire coréen, il investit tout son capital dans le développement des affaires au niveau mondial et devient rapidement N° 1 dans son domaine. Mais subitement, à son insu, son partenaire coréen procède à un détournement d’actifs spectaculaire dans la société.
Baudouin Dupont se retrouve ruiné et lourdement endetté malgré un long combat juridique qui dure depuis plus de 17 années et qui n’est toujours pas terminé à ce jour.
Le présent ouvrage est le récit d’une histoire vraie, même si elle peut paraître inouïe et incroyable. La rédaction de ce livre s’étagea sur plusieurs années, ce fut une tâche longue et ardue, et également un véritable défi compte tenu des multiples questions, interrogations et retournements de situations commerciales et juridiques qui se présentèrent lors de sa rédaction.
Puisse cet ouvrage amener les lecteurs à une réflexion profonde sur les enjeux que représente la création d’une entreprise au niveau international avec tous les aléas commerciaux et juridiques auxquels elle se trouve en permanence exposée.
Puisse ce livre être également une mise en garde pour les entreprises dans leurs investissements en Asie où tout semble permis de nos jours selon les lois érigées par chaque pays.
Né en 1950 à la campagne dans une famille du milieu industriel textile et bancaire (Banque Scalbert-Dupont) de la région Lilloise, mes études secondaires s’achevèrent en 1968.
Féru de nature et d’environnement, mes études supérieures à l’ISA (Institut Supérieur d’Agriculture de Lille) furent ma passion et j’en sortis ingénieur en octobre 1972.
Les langues étrangères et les voyages culturels étant mes autres passions, mon mémoire de fin d’études fut réalisé pendant plus de 6 mois au Canada dans le cadre de l’Université Laval au Québec. Au cours du mois de vacances d’été, mon collègue de stage, Olivier Lesaffre, et moi-même rêvions tous deux de faire le tour des États-Unis et du Canada (et partiellement du Mexique) en bus « Greyhound » afin de découvrir ces pays. Le billet « touriste étranger » est acheté en France et presque sans budget, le projet se réalise de façon concrète. Nous voici partis de Montréal pour notre périple de 4 semaines : peu argentés, nous dormions dans les bus la nuit et visitions plusieurs villes de ces pays dans la journée.
À mon retour en Europe, un stage de 6 mois en Allemagne me permit d’aborder plus à fond la culture germanique avant de rejoindre mon poste de coopération en juillet 1975 à la direction des services de l’agriculture à Tétouan au Maroc où j’ai eu l’opportunité de pouvoir apprendre l’espagnol de façon intensive ainsi que les rudiments de la langue arabe, très compliquée pour moi. L’apprentissage de ces deux langues devenait mon passe-temps favori.
Au terme de ma coopération au Maroc, le temps ne comptait pas encore pour moi : toute l’Afrique du Nord était face à moi et j’étais impatient de la découvrir (Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie, Égypte). Un ami coopérant de Casablanca avait le même projet et nous partîmes tous deux au volant d’une vieille Renault pour nous rendre en Égypte. Notre périple était effectué dans des conditions très spartiates, nous dormions sur une simple feuille de plastique posée sur le sable du désert. Ce voyage nous a beaucoup appris à tous deux. Dans chacun de ces pays, nous nous retrouvions dans un univers qui nous était totalement étranger, avec ses propres us et coutumes.
Pendant ma coopération au Maroc, je recherchais activement un travail en Allemagne afin de parfaire mes connaissances de cette langue que j’adorais, mais assez difficile à pratiquer pour un Français. N’ayant pas trouvé de job en Allemagne à mon retour de coopération en octobre 1975 (je venais d’avoir 26 ans le 30 septembre 1976), mon père, gérant d’une petite entreprise textile de la région Lilloise, me proposa donc de démarrer de suite et sous 48 heures, l’export de l’entreprise familiale en Allemagne, laquelle représentait un débouché potentiel considérable à l’export à l’époque.
Formé aux produits textiles en 2 semaines seulement, me voilà donc parti en Allemagne au volant d’une vieille Renault qui fut rafistolée en une semaine : avec 3 vieilles Renault 4 L mises au rebut, un ouvrier très bricoleur de l’usine avait réussi à me confectionner une voiture qui roulait à 70 km/heure en vitesse de pointe dans les descentes et qui me mouillait à chaque fois les jambes et les pieds par temps de pluie, car le plancher présentait des trous de part en part. Le sens de l’effort et du combat était des vertus que cultivait mon père et il se battait au quotidien pour les transmettre à ses 4 enfants.
Peu importe, la volonté de parfaire mon allemand allait bien au-delà de ces petites tracasseries. Toutefois, sans formation commerciale aucune, je me trouvais également parachuté dans un pays que je connaissais très peu et dont j’ignorais presque tout, sauf la langue basique. Et je devais vendre à tout prix, apporter des commandes concrètes chaque semaine, car la moitié de nos métiers à tisser était à l’arrêt. Je ne connaissais rien du tout de cette profession et devais négocier avec des clients dont je ne comprenais que la moitié des conversations.
Sans aucun fichier client, tout était à construire. En Allemagne, je passais toutes mes soirées dans les cabines téléphoniques pour consulter les annuaires professionnels et dénicher des clients potentiels depuis Hambourg jusque bien au Sud, à Garmisch-Partenkirchen. Le tiers de mon temps se passait donc dans les cabines téléphoniques pour prendre des rendez-vous avec les clients potentiels, je suffoquais en été et j’avais les mains gelées en hiver. Les 3 ou 4 heures passées chaque jour dans ces cabines pour les prises de rendez-vous par téléphone, en position debout avec juste un stylo et une languette de papier coincée sur la mini-tablette du téléphone, m’épuisaient littéralement. Mais la devise familiale transmise par mon père « Arbeit » avec un grand A (Travail avec un grand T) me revenait sans cesse à l’esprit et je poursuivais mes efforts.
Le temps passait, je parcourais des milliers de kilomètres dans ma vieille Renault, les clients défilaient à raison de 4 ou 5 par jour. Je ne prenais pas le temps de grignoter un sandwich à midi et m’étais mis automatiquement aux horaires allemands en non-stop (petit-déjeuner très copieux le matin et bon dîner le soir, après avoir trouvé l’hôtel le moins cher du coin, souvent des « Fremdenzimmer » [chambres d’hôtes], afin de réduire les dépenses à leur plus strict minimum).
« Tu dois dépenser le minimum et ramener le maximum, tu es le fils du patron, ne l’oublies jamais, tu dois montrer l’exemple à tous ici dans l’entreprise. » Ces mots me martelèrent la tête constamment, il me fallait vendre, vendre, et vendre toujours davantage, et je restais seul dans cette mission. Criant famine, notre usine avait besoin d’alimentation pour pouvoir perdurer dans le temps.
Après avoir créé 450 clients actifs en Allemagne en 1977, je craignais de ne plus pouvoir suivre la cadence : 1 semaine en France pour les confirmations de commandes et leur suivi, puis départ le dimanche matin pour être à pied d’œuvre en Allemagne dès le lundi matin 7 h 30, heure d’ouverture de la plupart des entreprises allemandes. Puis départ d’Allemagne le samedi matin pour retour en France dans l’après-midi ou la soirée en fonction des distances à parcourir. Ceci était l’effort à consentir afin de faire tourner quelques machines supplémentaires à l’usine, et tout mon temps y était consacré.
Confiant mes interrogations à quelques clients allemands devenus des amis, ils me recommandèrent de confier notre représentation à la société allemande Naurath Textil, société basée à Wuppertal-Barmen, afin de me permettre d’investir davantage de temps dans l’export vers les autres pays et d’y identifier les agents bien connus pour nous représenter sur place.
Le contrat ayant été signé avec Naurath Textil en 1977, je pouvais m’envoler vers d’autres pays au volant de ma voiture : Pays-Bas, Suisse, Autriche, Grande-Bretagne, Espagne, etc., puis dénicher un excellent agent américain à New York.
En 1988, je rapportais 90 % des commandes de l’usine, mais malgré tous mes efforts, je restais au salaire du SMIC, mon père ne souhaitant pas que je gagne davantage que le personnel de l’usine : je devais, encore et toujours, montrer l’exemple et notre comptable veillait au grain, chaque jour.
J’avais toutefois l’énorme avantage de pouvoir prendre entre 4 et 6 semaines de vacances en été, car les affaires étaient très calmes en juillet – août. Chaque année, je partais donc au Maroc pour y retrouver tous mes amis marocains qui m’y avaient si bien accueilli lors de ma coopération, mais aussi et surtout en Inde où je m’y suis rendu 12 fois. Je suis tombé réellement amoureux de ce pays à tous niveaux. Puis vint la découverte de bien d’autres pays situés en Europe et en Amérique du Sud.
Marié depuis 1985 à Odile, je comprenais que je ne pourrais jamais gagner ma vie correctement dans notre usine familiale. Je décidai donc de démissionner en 1988 et offris mes services export à une entreprise concurrente qui me proposa un contrat avec rémunération beaucoup plus substantielle. J’y suis resté 5 ans exactement, mais lorsque cette entreprise fut vendue à un groupe belge, la société Metrax, tous mes collaborateurs et moi-même fûmes licenciés sur le champ, sans préavis et sans indemnité aucune. Il m’aura fallu 4 années de procédures juridiques pour obtenir enfin mes 6 mois d’indemnités légales de licenciement, le partenaire belge ne pouvant se soustraire à ses obligations en termes de droit français du travail. Ces indemnités de licenciement étaient tout simplement vitales pour ma famille et pour moi. Nous en avions cruellement besoin pour pouvoir assurer nos besoins de première nécessité et me permettre de rebondir.
Licencié le 31 décembre 1992, je m’inscrivis d’office à la formation de MBA à Paris (ICG) afin de parfaire mes connaissances globales de l’entreprise sous ses approches marketing, finance, production, gestion… Cette période fut l’une des plus enrichissantes de ma vie, nous étions une cinquantaine de cadres d’entreprises de tous horizons à suivre cette formation.
À l’issue de cette période, je me retrouvai sur le marché du travail… mais pour très peu de temps puisqu’un contrat de direction générale d’une petite PME textile du Nord, en dépôt de bilan, m’était proposé dès octobre 1992. Je n’y suis resté que jusqu’en août 1993, le PDG du groupe ayant alors décidé de fermer la société dans le nord et de rapatrier ce qui pouvait être encore exploitable dans le sud de la France où il avait son usine principale et son siège social.
Demandeur d’emploi en septembre 1993, j’envoyais mon C.V. tous azimuts. J’avais toutefois déjà 43 ans et beaucoup d’entreprises me répondaient par la négative, préférant opter pour un candidat plus jeune.
Ne supportant pas être au chômage et les interrogations sur l’avenir que cette situation suscitait en moi, je commençai à rédiger les grandes lignes de mon projet de création d’entreprise en automne 1993 lorsque soudain, l’un de mes anciens agents aux États-Unis me proposa de me mettre en relation avec son jeune PDG belge de St-Niklaas en Belgique, lequel cherchait un bras droit pour piloter l’export de son entreprise textile à partir d’un bureau à créer juste à côté de chez moi, à Villeneuve d’Ascq, banlieue de Lille où j’habitais.
Quel projet fantastique pour moi, je pouvais en quelque sorte créer ma propre entreprise, filiale française de la PME belge, mais en tant que salarié, et mettre en pratique toutes les connaissances acquises lors de mon MBA à Paris. Je débutais donc l’année 1994 d’autant plus passionné par ce nouveau projet que mes relations avec le jeune PDG étaient excellentes à tous niveaux.
Hélas, le bonheur professionnel ne fut que de courte durée, car la société belge fut rachetée en décembre 1994 par le même groupe belge Metrax qui nous avait tous licenciés en masse fin décembre 1992 ! On m’a donc prié de quitter l’entreprise derechef le 31 décembre 1994, toutes les activités ayant été rapatriées dans l’urgence au siège du groupe belge près de Bruxelles.
Cette fois, je me promettais de ne plus jamais travailler au sein d’une structure existante, mais de créer ma propre structure de travail et mon propre emploi. J’en devinais les défis à relever, je savais que je pourrais « choisir moi-même mes contraintes » sans que celles-ci ne me fussent imposées, mais avec tous les risques que cela comportait pour moi en tant que créateur d’entreprise, partant de zéro, sans client, et dans un métier nouveau pour moi, la microfibre textile, un marché en pleine expansion.
Le projet étant finalisé en mai 1996, la commission « créateurs d’entreprises » le valida et me permit ainsi de percevoir mes indemnités de chômage pendant 12 mois, période indispensable à la concrétisation du projet (enregistrement de la société, local à aménager, création de collections, prospection de clients dans les salons professionnels, organisationnels divers, etc.).
En octobre 1996, j’étais enfin prêt à aller sur le terrain…
À l’époque, les marchés clairement identifiés dans le secteur de la microfibre étaient les marchés de l’optique et du nettoyage maison et auto. Je commençai donc ma prospection par le marché de l’optique en visitant presque tous les stands du salon SILMO (optique-lunetterie) Paris fin octobre 1996 pendant 4 jours et en non-stop, car j’étais seul.
Hélas les microfibres épaisses que j’y présentais ne répondaient nullement aux critères et attentes de la clientèle, laquelle recherchait des produits fins, souples, doux et très soyeux. Ayant pris de suite conscience que je « fonçais droit dans le mur » avec cette première collection malgré toutes mes études préalables, je contactai lors du salon un fabricant de verres ophtalmiques situé à Séoul en Corée. Il me recommanda de suite de collaborer avec la société Dahmmi à Séoul, l’un des meilleurs fabricants coréens selon lui.
Dès mon retour, je pris contact immédiatement avec la société Dahmmi en lui expliquant que je souhaitais commercialiser ses microfibres dans toute l’Europe, en commençant par la France et l’Allemagne. J’obtins une réponse immédiate de sa part et trois jours plus tard, je recevais par Fedex Express une collection complète de microfibres haut de gamme avec tarif complet et toutes les informations nécessaires. Tout était absolument parfait, le service était absolument impeccable, très loin de ce que j’avais connu ici en Europe depuis des années au niveau de la qualité et de l’organisationnel.
Les Coréens sont très réactifs : huit jours plus tard, le PDG de la société coréenne, Lee Ki-Chul m’annonça sa visite dans les jours qui suivraient et il me demanda d’organiser un planning de rendez-vous en France et en Allemagne à partir des fichiers prospects que j’avais en ma possession. En une semaine tous les rendez-vous furent programmés et je fixai un rendez-vous à l’Etap-Hotel, Porte de Bagnolet à Paris avec Lee Ki-Chul que je ne connaissais pas du tout.
Lee était très surpris de me voir descendre dans un hôtel de ce type, les Coréens ayant pour habitude de descendre dans des hôtels haut de gamme afin d’être crédibles vis-à-vis de leurs clients. J’expliquai de suite à Lee que peu m’importait de dormir dans ce type d’hôtel, après tous mes voyages en sac à dos à travers le monde et mes séjours dans les bidonvilles de Bombay, de Calcutta, de Lima…
L’essentiel n’est pas de paraître, mais d’être, lui disais-je dès cette première soirée, laissant Lee très dubitatif à ce sujet ! J’en appris la raison par la suite.
Ruiné et misérable au lendemain de la guerre de Corée en 1953, le peuple coréen a vécu disettes et famines à répétition. Les années 1970/1990 lui apportèrent enfin la prospérité venue de l’Occident. Il fallait à tout prix « exporter au maximum vers l’Occident, source de richesses pour la Corée » pour apporter les devises nécessaires au développement du pays. Laborieuse et travailleuse, la Corée s’exécuta et sans relâche. Mais elle voulut prendre un jour sa revanche. L’Occident se repose et nous nous travaillons en non-stop, est-il normal de sacrifier notre génération sur l’autel de la répartition internationale du travail ???
Certes, non. Et les premiers conflits de travail se mirent en œuvre dès 1970, les Coréens ne supportant plus être les « Esclaves de l’Occident ». Mais nous sommes dans les années 90, et 40 ans plus tard la situation ne paraît pas avoir beaucoup changé. Au moment où j’écris ces lignes, toute l’Europe et l’Amérique sont en vacances, et les très rares clients qui nous contactent (une centaine par jour) exigent une réponse immédiate à leurs demandes, peu importe le décalage horaire ou les week-ends. Nous devons rester à leur disposition 7 jours sur 7, nuit et jour, jour et nuit, sinon ils s’envolent tels des oiseaux migrateurs vers de nouvelles sources d’approvisionnement, car notre métier est hélas arrivé à maturité et la concurrence fait rage de toutes parts.
Lee avait le même âge que moi (46 ans) et au lendemain de la guerre de Corée, il n’avait absolument rien, sa petite sœur étant morte de faim dans ses bras. Alors qu’à la même époque, j’avais accès à presque tout en France, même si nos parents ne nous gâtaient absolument pas. Nous avions pourtant les décors autour de nous, un réseau relationnel important grâce à nos familles et vivions en France dans un pays en paix, riche et prospère. « ETRE » pour moi était donc beaucoup plus important qu’« AVOIR » ou « PARAITRE », car nous avions déjà tout ici en Europe et particulièrement en France. Mais comment convaincre un Coréen dont le passé et le cheminement avaient été à l’opposé des miens ? Comment conjuguer nos deux approches des choses, si éloignées l’une de l’autre ?
Dès le lendemain et pendant une période de 10 jours, nous sillonnâmes la France et surtout l’Allemagne, marché le plus important, au volant de ma vieille Peugeot Break. Lee était très surpris de me voir rouler dans pareille voiture, mais je ne cessais de lui dire : « l’habit ne fait pas le moine » et qu’une voiture était parfaite si elle roulait bien. Le « Show off » (le « Paraître ostentatoire » avec un grand P) était tout à fait inutile pour moi. Lee ne partageait absolument pas mon approche des choses à ce sujet… Peu importaient nos différences à ce sujet pourvu qu’elles pussent nous permettre de parvenir à des résultats concrets.
Lee n’en revenait pas de me voir très à l’aise en Allemagne. Je connaissais le pays par cœur et n’avais nul besoin d’une carte routière pour me repérer du nord au sud du pays, les GPS n’existaient pas encore à cette époque. Je menais toutes les conversations en allemand sur des produits que je venais à peine de découvrir. La passion de créer de nouveaux marchés m’habitait jusqu’au fond de moi-même et je considérais ce travail plus comme un loisir que comme un job.
Avant son retour à Séoul, Lee me proposa de travailler de suite en exclusivité pour lui et j’acceptai, sous réserve qu’un contrat fût signé entre nous dans les 3 à 6 mois. Il accepta et je rédigeai donc le contrat type « Chambre de Commerce Internationale », pour signature par les deux parties.
Les semaines passaient, Lee venait en France chaque mois pour une période de 10 jours, nous voyagions ensemble dans de nombreux pays d’Europe (Allemagne, République tchèque, Suisse, Autriche, France…). Je payais tous les frais afférant à ces voyages ensemble, peu m’importait en fait tous ces frais puisque notre chiffre d’affaires ne cessait de croître et que nous étions en période d’investissement clientèle. Le développement des affaires fut quand même assez long à mettre en marche concrètement et ce fut seulement au bout d’un an et demi que j’arrivai à équilibrer mes comptes, mais je ne me versais toutefois aucun salaire.
Dans le même temps et afin de matérialiser notre coopération, je demandais constamment à Lee de signer notre contrat de coopération. À chaque fois, il me promettait le contrat dûment signé lors de son prochain voyage en Europe. Mais chaque fois, il revenait en Europe, bredouille, sans contrat signé.
Courant 1998, après un voyage en Europe lors duquel nous venions de nous faire référencer au niveau mondial par Spontex, l’un des 3 leaders mondiaux dans le secteur du nettoyage, je ne recevais toujours pas de copie du contrat signé. Impatient, j’informai Lee que je viendrais moi-même chercher ce contrat en Corée.
Lee ne me croyait pas, il ne pensait pas que je ferais le voyage uniquement pour obtenir enfin le contrat signé, mais je souhaitais absolument me rendre en Corée, car j’avais le pressentiment qu’il ne le signerait jamais.
Avant mon départ pour la Corée, je pris donc contact avec le Kotra à Paris (Centre coréen du Commerce Extérieur) qui en quelques jours seulement, efficacité coréenne oblige, me communiqua les coordonnées de diverses sociétés produisant ou commercialisant des microfibres en Corée. Je craignais en effet que Lee ne signât pas le contrat et ne mette un terme à notre coopération à tout moment. Je souhaitais donc prendre d’autres contacts en Corée pour assurer mon avenir dans ce métier.
Dès mon arrivée à Séoul, je prenais donc l’avion pour Daegu, ville du sud de la Corée, dans laquelle se trouvent 80 % des fabricants ou traders en microfibres. Sans connaissance aucune du Hangul (langue coréenne), ni écrite, ni parlée, je n’avais toutefois aucune difficulté à me diriger et à communiquer, seul dans ce pays que je ne connaissais pas et où l’homme de la rue ne parle aucun mot d’anglais.
La bonne vieille recette du petit carnet dans la poche s’avéra très efficace : colonne de gauche pour les mots anglais ou les dessins représentant un avion, un train, un hôtel, et colonne de droite où les Coréens de bon niveau m’écrivaient la traduction en Hangul. À peine 20 mots suffisaient (bonjour, au revoir, s’il vous plaît, merci, restaurant, hôtel, avion, train, gare, aéroport, toilettes, combien cela coûte… ainsi que les noms des plus grandes villes). Bref, mon petit carnet bilingue était mon interprète en tous lieux et en toutes circonstances, il me suffisait de montrer les mots en coréen pour une compréhension basique, mais immédiate, de mes interlocuteurs.
J’arrivai donc sans difficulté aucune à Daegu d’où je pris mes rendez-vous avec les fabricants par téléphone à partir de ma chambre d’hôtel. Ces prises de rendez-vous étaient pourtant très difficiles, les interlocuteurs que j’avais au bout du fil ne parlant que le « conglish », un curieux mélange de 50 % de coréen et 50 % de mauvais anglais. Toutefois, la barrière de la langue n’était pas vraiment un obstacle : il suffisait en effet de « capturer » un ou deux mots en anglais dans la phrase pour deviner ou comprendre « grosso modo » ce que les partenaires souhaitaient me dire et les rendez-vous pouvaient donc être convenus relativement facilement.
Quelle ne fut pas ma stupéfaction dès le départ : certaines sociétés qui éditaient des catalogues magnifiques sur leurs produits n’avaient même pas pignon sur rue, il s’agissait parfois de simples agents de fabriques parlant un peu anglais et qui se faisaient passer pour les leaders du secteur. D’autres avaient effectivement bien la qualité de fabricant avec quelques machines, mais n’avaient aucun service export, pas même une secrétaire parlant anglais. Mais ils voulaient exporter à tout prix ! Ma visite était une véritable aubaine pour eux, j’étais le partenaire étranger idéal pour créer ou développer leurs exportations.
Je devais donc sélectionner les fabricants en fonction de leur niveau d’anglais, de leurs équipements et de leur capacité à livrer un produit fini répondant aux attentes de la clientèle européenne. Tous me promettaient de mettre en place un tel système, mais comme le dit le proverbe italien, « Roma non fu fatta in un giorno » (Rome n’a pas été bâtie en un jour) et je ne me berçais donc guère d’illusions à ce sujet.
Je dus donc faire une sélection « impitoyable » des partenaires potentiels et des contacts, lesquels fondirent comme beurre au soleil pour se réduire finalement à une véritable peau de chagrin.
Je proposais donc aux 3 ou 4 sociétés en mesure de répondre aux attentes de la clientèle de me faire parvenir dans un premier temps leur collection pour étude, ce qu’ils firent très rapidement dès mon retour en Europe.
Fort de ces contacts pris à Daegu, je visitai Lee à Séoul avant mon retour en France en lui imposant cette fois la remise du contrat de coopération signé afin de poursuivre mon activité avec lui. Nous nous étions mis d’accord sur toutes les conditions, j’avais deux exemplaires du contrat avec moi, déjà dûment signés par moi-même. Pendant plus de douze heures, j’implorai qu’il apposât sa signature en bas de chaque contrat, ce que Lee refusa, même tard dans la soirée.
Je compris alors enfin que Lee n’était pas disposé à poursuivre une coopération à long terme avec moi et que je n’étais pour lui qu’une simple « opportunité » afin qu’il puisse développer ses affaires en Europe sur le court terme. À mon départ, avec un immense regret, je lui annonçai que nous ne pourrions plus coopérer. Lee me proposa donc de me conduire à l’aéroport de Séoul pour prendre mon vol vers Paris le lendemain matin. La nuit portant conseil, j’espérais encore qu’il signât ce fameux contrat avant de nous séparer dans l’aérogare. Mais Lee ne vint même pas me chercher le lendemain matin à l’hôtel, il envoya l’un de ses salariés qui me conduisit à l’aéroport.
Lee avait été enchanté que je l’introduise auprès de nouveaux clients, mais c’est tout. Ayant les coordonnées de tous les clients visités ensemble, il lui fut très facile par la suite d’entretenir ces contacts et de développer encore davantage son chiffre d’affaires avec eux.
Quant à moi, ne fabriquant pas, j’avais tout perdu : les clients, les commissions sur les affaires traitées, etc. Les commissions étant d’environ 20 % selon les volumes traités, elles avaient été de toute façon insuffisantes pour équilibrer mes comptes financiers. Je devais donc encore puiser dans mon capital personnel pour poursuivre mon activité et assurer la promotion des produits coréens en Europe.
De retour en France, je recevais très rapidement les collections de 4 « fabricants coréens », j’écris « fabricants » entre « guillemets », car en Corée, seuls les vrais fabricants « fabriquent », c’est-à-dire qu’ils ont des métiers à tricoter ou à tisser pour produire les textiles en rouleaux. Aucun d’entre eux n’est vraiment « verticalisé », c’est-à-dire qu’aucun d’entre eux ne maîtrise la production dans son ensemble, en amont et en aval. Les rouleaux sont revendus à des « converting companies » (des sociétés exportatrices qui transforment les rouleaux en produits finis : teinture du tissu, découpe, impressions de logos ou d’images, mise sous emballages individuels, etc.). Ces sociétés ont également un service de facturation export.
Ces « converting companies » peuvent soit exporter elles-mêmes (cas de Dahmmi), soit exporter via des « trading companies » (souvent une ou deux personnes seulement dans un bureau, mais quelque peu bilingues, coréen-anglais).
Les « converters » prennent une marge de 30 % à 50 % pour couvrir leurs frais, elles en ristournent une partie aux traders export pour les rémunérer. Ceci est le système courant en Corée dans le secteur de la microfibre.
En cas de collaboration avec un agent international, les « converters » baissent leur profit pour partager leur marge avec l’agent et lui permettre de couvrir ses dépenses basiques. Elles augmentent rarement leurs prix et par voie de conséquence, les prix proposés par l’agent restent donc très souvent identiques à ceux des « traders et des converters ».
À la réception des nouvelles collections en France, je fis donc un premier choix en fonction de la qualité des produits, des prix et de la réactivité des partenaires en Corée.
Dans un premier temps, seuls deux partenaires potentiels me parurent valables : un petit « converter » de Daegu pour la souplesse de livraison (World Trade Fashion Optical), parfaitement bilingue anglais de surcroît et Seoul Products, parlant merveilleusement bien la langue de Shakespeare, ce qui est très rare en Corée. Ce dernier avait une fantastique collection de produits finis, parfaitement conditionnés dans divers emballages très attractifs et de goût très occidental.
Je pris donc de suite la décision d’introduire ces deux nouveaux partenaires dans ma clientèle.
Très sympathique et très tourné vers l’étranger, World Fashion Optical, M. Kim, vendait déjà très bien ses microfibres en Amérique du Sud et en Russie, marchés relativement captifs puisqu’il n’avait à l’époque aucun concurrent, ni coréen, ni chinois sur ces marchés assez porteurs, surtout dans les gammes de prix peu élevés qu’il proposait. Kim était donc très heureux que je puisse l’introduire sur les différents marchés européens, ce que je fis de mon mieux, en lui apportant des commandes très rapidement et très régulièrement dans les microfibres premier prix.
Simultanément, je proposais les microfibres de Seoul Products, M. Yu, car ce dernier était très bien introduit sur le marché nord-américain, mais il n’avait presque aucune relation d’affaires en Europe.
Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes : il n’y avait aucune concurrence entre ces 2 « converters », World Fashion Optical et Seoul Products. Je pouvais donc commercialiser leurs produits à ma guise sur le marché européen. Les importateurs m’accordaient leur confiance, ce qui me permit en deux ans et en repartant de zéro de réussir à recouvrer le chiffre d’affaires perdu avec Dahmmi.
Ces 2 « converters » me signèrent sans sourciller le contrat en bonne et due forme. Lié par un contrat, j’avais totale confiance en eux.
World Fashion Optical / M. Kim
Les affaires se développaient bien et j’en étais très heureux afin d’asseoir concrètement notre présence à moyen terme sur le marché européen.
Toutefois et très curieusement, au bout d’un an et demi de coopération, World Fashion Optical commença à effectuer des livraisons de moins en moins qualitatives, ce qui entraîna une perte de confiance de la part de certains de nos clients. Je découvris ensuite, via mes clients, que ces derniers recevaient des offres « en direct » de la part de World Fashion Optical, lequel refusait ensuite de me commissionner sur les affaires traitées en direct dans la clientèle que je lui avais apportée ! Je perdais donc peu à peu ma crédibilité en clientèle et perdais également tout le fruit de mon travail. Les commissions résiduelles, tout à fait insuffisantes pour faire fonctionner correctement ma société Dailytec (charges fixes d’entreprise, voyages, salons professionnels…) m’obligeaient à nouveau à « puiser » dans mon capital pour pérenniser mon entreprise.
Pendant un an, je tentais de faire comprendre à Kim que cette façon de travailler n’était pas correcte, mais il me disait qu’il n’y avait aucune raison de me commissionner sur les affaires traitées en direct avec mes clients. Et, pis encore, la plupart de mes clients de l’époque jouaient le jeu avec Kim afin d’obtenir des rabais de prix allant jusqu’à –20 %, ce qui ne permettait donc plus à Kim de me commissionner sur les affaires traitées avec eux.
Le chiffre d’affaires avec Kim n’étant pas encore très important dans ses gammes bon marché, mon entourage me conseilla fortement de rompre mes relations commerciales avec Kim, ce qui me coûterait beaucoup moins cher qu’un bon procès bien gagné. Je suivis donc les conseils qui me furent prodigués et ne le regrette pas à ce jour, malgré tout le manque à gagner sur les affaires traitées en direct par KIM avec mes clients. J’aurais en effet continué à investir en pure perte, en puisant, encore et toujours, dans mes capitaux personnels pour promouvoir les microfibres coréennes de « World Fashion Optical » !
Seoul Products / M. Yu
Très haut de gamme, sa collection plaisait beaucoup à nos clients, malgré les prix assez chers qui provoquaient souvent un frein notoire à la concrétisation des premières ventes. Mais Seoul Products disposait également d’une très vaste gamme de microfibres, unies, imprimées, gaufrées et d’une panoplie considérable d’images quadri de très haute qualité, imprimées sur microfibres et présentées dans des emballages très luxueux. Il disposait vraiment de tout un attirail de produits auxquels finissaient par succomber presque tous nos clients !
Seoul Products avait en outre une collection complète de microfibres à usage nettoyage maison et auto avec une extension sur les microfibres utilisées dans le secteur cosmétique, domaine que je ne connaissais pas, mais où tout était encore à développer. En quelque sorte, une collection « tout en un » avec tous les avantages que ceci représentait.
Cette collection me motivait beaucoup, j’aimais vendre de beaux produits, très qualitatifs, surtout dans notre clientèle située en Allemagne, laquelle recherchait assidûment des articles très haut de gamme.
Malgré la cherté de nos prix, notre chiffre d’affaires doublait chaque trimestre et j’entrevoyais de réelles perspectives de devenir à moyen terme en Europe avec Seoul Products l’un des 3 leaders incontournables sur le marché de la microfibre.
Toutefois, au bout de 18 mois, et à ma grande surprise, la situation commença à se dégrader.
J’envoyais chaque mois à Seoul Products mes relevés de commissions mensuels, lesquels avaient toujours été réglés sous 2 ou 3 jours par Seoul Products. Mais peu à peu Seoul Products se mit à contester ces relevés en m’informant que le taux des commissions dues était inférieur à celui que je mentionnais sur mes états, alors que je n’avais même pas baissé les prix en clientèle !
Dans certains cas, il me précisait que les clients n’avaient pas encore payé leurs factures. Dans d’autres cas, il en invoquait un paiement partiel seulement et ne pouvait donc pas encore me rémunérer sur les ventes effectuées.
Enfin, Seoul Products me disait également que le cours du dollar avait baissé et qu’il n’était donc pas en mesure d’honorer la totalité du paiement de mes commissions.
Par ailleurs, pratique qui me semblait dorénavant tout à fait coréenne, Seoul Products omettait ou oubliait tout simplement de me commissionner sur les réassorts de commandes clients, directes ou indirectes.
Il compliquait à merveille les comptes de commissions que je lui adressais, lesquels étaient régulièrement supervisés par notre expert-comptable. La situation s’enlisait chaque jour davantage et les commissions finirent par ne plus jamais m’être virées en France !
Après en avoir longuement parlé à la mission économique française de Séoul, celle-ci me recommanda d’utiliser les services de leur conseil juridique, Kim & Chang, dont Maître Li, franco-coréen, était le directeur.
Parfaitement trilingue coréen, anglais, français, j’avais trouvé le bon interlocuteur en la personne de Maître Li et de ses collaborateurs. Le dossier fut donc confié à Kim & Chang et les procédures durèrent plus d’un an. Lorsque Seoul Product fut condamné à nous régler les commissions, nous avons appris qu’il venait de revendre sa société Seoul Products à une autre société coréenne… et que son directeur, M. Yu, était parti s’installer définitivement en Californie pour se consacrer exclusivement au marché américain !!!
En toute bonne foi, les repreneurs de Seoul Products ont informé Kim & Chang qu’il leur était impossible de me régler les montants dus par leur prédécesseur. Via Kim & Chang, ils proposèrent donc de me régler une indemnité forfaitaire de 10 000 USD, ce qui était tout à fait insignifiant au regard des sommes dues. Toutefois, et après analyse de la situation financière du repreneur, Kim & Chang insista vivement pour que j’accepte puisque la nouvelle société n’était absolument pas en mesure d’aller au-delà et qu’en cas de refus de ma part, je n’obtiendrais absolument rien… Je finis donc par accepter ce triste « deal », malgré les pertes que cela impliquait pour ma société Dailytec.
Quelques semaines plus tard, je reçus donc de Kim & Chang un virement bancaire de 10 000 USD, lequel couvra tout juste les honoraires d’avocat que j’avais préalablement réglés à Kim & Chang.
Et pour comble, l’année suivante en visitant le Salon Vision Expo à New York, je rencontrai à nouveau et par hasard M. Yu de Seoul Products dans les couloirs du Salon, lequel me supplia de reprendre la coopération avec moi sur le marché européen. J’ai pris de suite « mes jambes à mon cou » et me suis enfui à toute vitesse !
Tout comme au jeu de l’oie, je revenais encore à la case départ, mais mon patrimoine s’était déjà assez fortement « volatilisé » par tous les investissements que j’avais déjà réalisés pour promouvoir ces sociétés coréennes sur le marché européen.
Société New Clean/Séoul – M. K. K. Ju
C’est alors que je fus abordé par K. K. Ju, ancien directeur export « sédentaire » de Dahmmi, lequel avait démissionné deux ans auparavant de son poste chez Dahmmi en vue de créer sa propre société New Clean dans le secteur de la microfibre en Corée.
J’avais eu l’occasion de travailler avec K.K. Ju chez Dahmmi. Il suivait tous mes dossiers export avec une très grande rigueur et une extrême précision. K.K. Ju n’était pas un commercial, son niveau d’anglais était assez faible, mais il possédait une assez bonne maîtrise de l’anglais écrit. Il avait par ailleurs acquis chez Dahmmi une solide expérience dans le secteur de la microfibre, à tous niveaux et pour tous usages.
K. K. Ju m’avait vu travailler de façon très intense chez les clients, il me savait très bien introduit en clientèle et savait que j’étais très dynamique au niveau de l’export de terrain, notamment sur les salons professionnels où sont regroupés sous un seul et même toit la plupart des grands importateurs.
K.K. Ju n’avait pas de « présence active chez les clients » et son message était difficile à faire passer en clientèle. Mais il était un excellent technicien de la microfibre et possédait de nombreuses relations à Séoul et à Daegu chez les fabricants et façonniers divers.
K.K. Ju avait besoin de moi, j’avais besoin de lui. Nous décidâmes donc de collaborer et K.K. Ju signa de suite le contrat avec Dailytec pour le monde entier, à l’exception d’environ 20 clients qu’il souhaitait traiter en direct. J’acceptai ceci sans aucun problème et nous avons donc listé sur notre contrat les clients auxquels je ne pouvais donc faire d’offre via Dailytec.
Nos connaissances respectives du marché nous permirent donc de développer très rapidement un chiffre d’affaires conséquent. Compte tenu du fort développement de nos ventes, je décidais donc de parcourir presque toute l’Europe, les salons professionnels en priorité, afin d’accélérer le processus d’introduction des collections de New Clean. Compte tenu des pratiques de Seoul Products que nos clients connaissaient bien pour la plupart, la majorité d’entre eux décidèrent de collaborer avec nous au cours des deux années qui suivirent. Nombre de clients avaient en effet déjà des collections bien établies sur le marché et ne pouvaient pas les changer du jour au lendemain, surtout dans les secteurs traditionnels tels que l’optique ou le nettoyage maison et auto.
En fin de première année, notre croissance fut très forte grâce à l’apport de nouveaux clients, d’autant plus forte que Dahmmi venait de déposer son bilan, pour des raisons très diverses. Dahmmi avait voulu grandir trop vite, il faisait des investissements commerciaux sans limite et sans commune mesure avec son chiffre d’affaires et ses marges. Il venait aussi de s’installer dans de nouveaux locaux très onéreux à Séoul. Il commença à se retrouver en difficultés financières à compter de 1998 et son dumping sur les prix pour éliminer ses concurrents le précipita finalement en dépôt de bilan.
K. K. Ju de chez New Clean et moi-même Baudouin DUPONT de chez Dailytec, avions donc tout espoir de récupérer tous les clients qui recherchaient activement un nouveau fournisseur très qualitatif pour remplacer Dahmmi. Notre chiffre d’affaires ne cessa donc de croître et K.K Ju manifestait beaucoup de rigueur dans le paiement de nos commissions, ce qui me rassurait beaucoup.
Toutefois, repartant à nouveau de zéro, je devais travailler énormément, visiter les divers salons professionnels 4 fois par mois pour recontacter tous les clients, leur faire nos offres très rapidement dans différentes langues étrangères juste après les salons afin de leur prouver que nous avions un service absolument irréprochable. Je pouvais vraiment compter sur New Clean qui travaillait à la perfection, et New-Clean pouvait compter sur mon dynamisme pour l’introduire en clientèle le plus rapidement possible.
Tous ces efforts portèrent leurs fruits. Dès l’année 1999, New-Clean et Dailytec étaient devenus des acteurs incontournables du marché de la microfibre et les comptes de Dailytec commençaient enfin à s’équilibrer, après tant d’années de travail acharné et d’investissements financiers effectués par moi-même pour promouvoir les partenaires et les produits coréens.
Hélas, après 18 mois de travail intensif, les habitudes coréennes refirent irrémédiablement surface chez K.K. Ju. Il me demanda de renoncer à certains de mes clients, souhaitant faire du « direct deal » (vente en direct) avec eux. Certains clients me contactaient pour savoir où en étaient les commandes qu’ils avaient passées directement chez New Clean. K.K Ju ne me répondait pas, il en informait les clients en direct après réception de mes relances.
K.K. Ju devint également moins conciliant avec nos clients. Suite à quelques mauvaises livraisons, très rares en Corée, il n’acceptait pas de remplacer les marchandises défectueuses et j’indemnisais donc les clients pour maintenir de bonnes relations commerciales avec eux sur le long terme.
Peu à peu, K.K. JU grignotait les clients de Dailytec en leur faisant discrètement des offres de nouveaux produits sans que je ne m’en reçoive nous en étions tout simplement arrivés à la politique du « direct deal », K. K. Ju estimant que Dailytec n’y avait pas sa place.
Les commissions importantes dues à Dailytec s’évanouirent rapidement, ne laissant à Dailytec que les commissions sur les petites affaires traitées. Je décidais donc d’investir encore financièrement mes capitaux propres afin de pouvoir poursuivre mon activité. Mais en fin d’année 1999, je commençais à être tout simplement désabusé, « je n’avais plus du tout le cœur à l’ouvrage ».
J’étais également honteux vis-à-vis de certains clients qui commençaient à être mal livrés, mais je ne pouvais plus continuer à rembourser par moi-même ces mauvaises livraisons, leur qualité devenue médiocre incombant à New Clean.
Toutefois, j’ai eu la chance que l’un de nos clients importants règle à cette époque sa facture non pas à New-Clean, mais directement à Dailytec, ce qui me permit de suite de rembourser partiellement tous les clients ayant émis des réclamations sur leurs livraisons. Je reçus la gratitude de clients, mais les foudres de New Clean qui m’en réclama le remboursement, ce que je me refusais à faire puisque je n’avais pas bénéficié de ces montants financiers. Je les avais tout simplement utilisés pour procéder aux remboursements exigés par les clients !
De plus, nos commissions n’ayant pas été réglées par New Clean sur 2 semestres, j’avais également demandé à notre avocat Kim & Chang de les réclamer, mais en vain. New Clean s’y refusait. Je fus donc dans l’obligation de garder le solde du paiement de notre client important afin de me rembourser de la totalité des frais juridiques réglés par Dailytec à notre avocat Kim & Chang et de me régler, mais vraiment très partiellement, les commissions qui m’étaient encore dues par New Clean. Le reste ne fut que pure perte pour moi.
Les relations se dégradèrent donc très vite avec New Clean qui refusa de livrer nos clients.
Je me retrouvais donc avec toute une clientèle fidélisée que je ne pouvais plus livrer…
Un nouveau défi se présentait donc une fois de plus pour moi… Que faire dans pareille situation ?
Lors d’un entretien avec le KOTRA à Paris, les membres du KOTRA prirent connaissance de tous mes déboires en Corée. Ils me dirent que ce qui m’était malheureusement arrivé en Corée était également arrivé à bon nombre de Coréens avec leurs partenaires français ! Maigre consolation pour moi…
Néanmoins et à très juste titre, me sembla-t-il, le KOTRA me recommanda très vivement de me lier avec un partenaire coréen exclusif et de créer ensemble une société de droit coréen en Corée afin que pareille aventure ne se reproduise plus jamais. J’écoutais très attentivement les conseils prodigués par le KOTRA et au fil des semaines, je me rendis compte que ceci serait sans doute l’unique solution pour ne plus être confronté à des Coréens opportunistes qui ne souhaitaient que bénéficier de mon introduction en clientèle pour faire ensuite, le moment venu, « main basse sur la Joconde »…
Huit semaines de réflexion intensive occupèrent mon esprit.
Je visitai le salon SILMO à Paris fin octobre 1999, bien déterminé cette fois à trouver un coréen fiable et honnête, mais comment donc le trouver dans toute cette jungle de partenaires coréens potentiels, à mentalité de « nouveaux riches » et avides d’argent sur le court terme ?
Lors du salon SILMO (optique-lunetterie) fin octobre 1999, je visitais pendant 4 jours tous les clients actuels et potentiels en leur présentant mes anciens échantillons de microfibres tout en leur stipulant qu’une nouvelle collection était en cours de préparation pour lancement en janvier 2000.
Je prenais un gros risque, n’ayant plus aucun partenaire en Corée ! Mais il convenait d’être présent à ce salon pour garder le contact avec toute la clientèle, je n’avais guère le choix.
Le dernier jour du salon était consacré entièrement à mes recherches de nouveaux partenaires coréens et chinois parmi les exposants. Mais je me heurtais à deux difficultés majeures.
Les fabricants ou « converters » importants exposaient déjà dans tous les salons mondiaux et ne me proposaient que leurs miettes, c’est-à-dire que leur clientèle étant déjà bien existante parmi les gros importateurs, ils ne me laissaient donc que les petits clients qu’ils n’avaient guère le temps de prospecter eux-mêmes. Une fois de plus, je réalisais que le temps et les montants financiers à investir seraient hors de proportion avec les résultats escomptés et je ne pouvais donc donner une suite favorable à leurs propositions.
Les petits exposants avaient beaucoup d’ambition, ils souhaitaient effectivement jouer un jour et surtout très vite dans la cour des grands. Toutefois, l’image qu’ils donnaient sur leur stand n’était guère des plus reluisantes et je pressentais qu’ils s’adonnaient davantage au « spot business » (business court-terme) pratiqué avec opportunisme lors des salons, mais qu’à leur retour en Asie le facteur éloignement jouerait beaucoup en leur défaveur. Là encore, il m’aurait fallu investir beaucoup de temps pour les former aux exigences du marché européen et ensuite injecter beaucoup de capitaux pour lancer les opérations à partir de France.
Afin de tester la véritable motivation de mes interlocuteurs sur le long terme, je leur proposais donc une association avec moi, soit en Corée, soit en France, avec un investissement minimum de leur part. Tous me répondirent que dans ce cas ils préféraient faire leurs propres affaires directement eux-mêmes, sans collaboration aucune avec un « étranger ». Ceci est le reflet de la tradition en Corée, envahie depuis des siècles par des étrangers, japonais et chinois notamment, qui n’ont jamais laissé une très bonne impression sur leur passage. Il suffit de se souvenir des excuses publiques récentes du gouvernement japonais envers de la Corée pour prendre conscience du comportement passé des Japonais en Corée et les traces que tout ceci a laissées dans la mémoire collective coréenne. Les Américains ne firent guère mieux et nombreuses furent les victimes de leurs agissements, dont certains ont laissé de très profondes blessures et cicatrices dans la société coréenne. Je n’en dirai guère davantage, il suffit de lire tous les livres qui ont été écrits à ce sujet.
Les Européens, quant à eux, paraissent « lointains » pour les Coréens, ils ont une approche tout à fait différente du business, ils laissent en outre les Coréens très perplexes sur toute forme de coopération avec un Occidental. Les différences notoires de langue et surtout de culture, et la « non-maîtrise de l’anglais courant » par la plupart des Coréens sont également autant de barrières freinant les Coréens à s’engager dans un partenariat possible avec un Occidental.
Je me retrouvais donc à nouveau bredouille. À la fin du salon, je décidai de me rendre sur le stand d’un ami français de l’époque, Richard Catala, qui avait monté une petite société d’optique à Wenzhou en Chine avec son amie chinoise Catherine (Yuwei en chinois) qu’il épousa par la suite. Richard adorait fonctionner au 100 % champagne pendant les salons professionnels et j’étais certain d’être très bien reçu sur son stand, ce qui fut le cas. Je terminai donc ce salon Silmo dans une ambiance très conviviale avec Richard et tous les représentants de son réseau de vente en Europe.
Sur le stand de Richard, je reconnus immédiatement un Coréen que j’avais déjà croisé inopinément l’année précédente sur ce même stand, mais que je ne connaissais pas du tout. Ce Coréen était blotti dans le coin du stand, très réservé, voire timide, assis sur une petite chaise à côté de sa valise d’échantillons qu’il n’ouvrait pas.
Nous avons alors engagé la conversation ensemble après nous être présentés mutuellement :
« Anyonggaseo (bonjour, je m’appelle Alex KIM “KIM Byung-Jin” en coréen. »
« Hello, my name is Baudouin DUPONT, I am French and I am a friend of Richard (bonjour, je m’appelle Baudouin Dupont, je suis français et un ami de Richard). »
Dans la société coréenne « confucéenne » très traditionnelle où chacun se retranche derrière son âge, sa fonction ou son appartenance à un groupe ethnique, social ou familial, les relations sont toujours très difficiles à établir de façon spontanée.
La personne plus jeune s’inclinera à vie devant une personne plus âgée, même de quelques mois son aînée. Le salarié respectera à vie son chef devant lequel il s’inclinera en permanence, en faisant force courbettes à la coréenne et en se retirant de trois pas en arrière, face à son interlocuteur, avant de pivoter pour lui tourner le dos et en prendre congé. La personne la plus jeune ne fumera pas devant son aîné, sauf si celui-ci l’invite à le faire. Il en va de même pour l’alcool que les Coréens boivent à volonté le soir ou le week-end avec des amis qui sont « leurs égaux » afin d’éliminer tout l’immense stress accumulé pendant la journée, souvent en raison de l’excès de travail couplé du respect des règles très strictes et presque immuables du protocole coréen.
« Enchanté de te connaître », répondis-je à Alex KIM.
« Et puisque tu es un ami de longue date de Richard, faisons donc fi du protocole ».
Alex restait toutefois réservé, emprisonné au départ dans le carcan des traditions coréennes. Je lui disais qu’après avoir voyagé dans le monde entier, j’étais devenu « un citoyen du monde » et que je n’avais cure des codifications de chaque pays, codifications que je me m’évertuais toutefois à tenter de respecter dans les pays que je visitais afin de ne pas trop choquer mes interlocuteurs.
Alex me dit qu’il travaillait seul dans un tout petit bureau à Daegu-Corée en tant qu’agent « trader » pour un petit-sous-traitant coréen en montures optiques. Il n’avait alors que 2 petits clients aux États-Unis, l’un en Floride et l’autre à Hawaï. Par la suite, j’eus l’occasion de rencontrer celui de Floride qui nous a réservé à tous deux un accueil très convivial pendant les 3 jours passés chez lui. Richard invitait donc gratuitement Alex sur son stand à chaque salon afin de lui présenter quelques-uns de ses clients en vue de l’aider. Mais cantonné dans un recoin du stand avec une petite valise qu’il n’ouvrait que si les clients le lui demandaient ne permettait pas à Alex KIM de générer un très fort enthousiasme de la part des clients prospects !
Alex avait un avantage énorme : il parlait et écrivait couramment l’anglais. Il l’avait appris avec des soldats américains lors de son service militaire pendant plusieurs mois aux Philippines, anglais qu’il avait continué à pratiquer par la suite. Il avait travaillé un certain temps pour une entreprise franco-coréenne de Séoul, spécialisée dans l’importation de vins français pour le marché coréen, ce qui lui valut une pratique quotidienne de la langue de Shakespeare, le français étant très rarement utilisé en Corée, voire inexistant.
Dès mon premier entretien avec Alex, je sentis en lui un garçon très ouvert et très curieux sur les pays occidentaux, même s’il ne s’y rendait jamais, sauf lors des salons professionnels. Il était très poli, très courtois, très bien élevé et je sentis de suite qu’Alex avait un profond sens du respect de l’autre et de l’éthique. Mais il restait très timide, très réservé et ma personnalité était tout à l’opposé de la sienne. Rompu aux contacts internationaux, je n’hésitais jamais à « foncer » sur les stands des exposants pour présenter mes microfibres aux directions marketing ou achats. J’invitais donc Alex à me joindre pendant quelques minutes sur les stands des environs et il était très surpris de me voir parler anglais, allemand, français, espagnol, italien et même quelques mots d’arabe sur ces divers stands.
Dans la soirée, je proposais donc à Alex KIM de travailler avec moi dans le secteur de la microfibre, secteur qu’il ne connaissait absolument pas. Mais je m’évertuais à dire à Alex que ceci n’était pas un problème, il avait la chance unique de vivre à Daegu, capitale de la production des microfibres en Corée avec tous les fabricants à sa porte, dont la grande majorité était tout à fait inconnue sur les marchés export, puisqu’ils faisaient leurs affaires via des « traders ou des converters » (intermédiaires ou transformateurs).
« Je viendrai très prochainement à Daegu pour te former à ce métier, car le temps presse pour moi, je n’ai plus aucune collection à vendre en clientèle. Entretemps, et puisque tes affaires dans la lunetterie ne marchent absolument pas, investis donc ton temps dans la recherche d’usines de production de microfibres, tu te chargeras du “sourcing” (approvisionnements) et du suivi des productions, et pour ma part, je m’occuperai, à mes propres frais, de leur distribution en Europe et aux États-Unis. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Un mois plus tard en novembre 1999, je recevais les premiers échantillons moissonnés par Alex KIM un peu par ci, un peu par-là, à Daegu. Mais en ouvrant le colis, ma déception fut très des plus grandes. Hormis 3 articles, aucune microfibre n’était vraiment qualitative. Pris par le temps, je devais faire mes offres aux clients dès que possible en vue de la nouvelle collection de janvier 2000. Je demandais donc à Alex de m’envoyer immédiatement par DHL une centaine d’échantillons des 3 articles qui me paraissaient, non pas les meilleurs, mais les moins mauvais, afin de démarrer l’activité de suite et d’éviter ainsi toute rupture commerciale avec mes clients.
Alex m’envoya donc les échantillons ainsi que leurs prix auxquels j’ajoutai une commission de 20 %, Alex bénéficiant de prix coréens spéciaux dès le départ chez les partenaires fabricants. Nos prix finaux étaient donc très compétitifs et je ne souhaitais pas prendre de marge supérieure à 20 % afin de rester impérativement dans les prix du marché. Je savais très bien que cette maigre marge de 20 % était insuffisante pour équilibrer mes comptes, mais je visais déjà nos clients « grands comptes » afin de pouvoir dégager quand même certains profits par la suite sur les volumes réalisés. Je commençai donc à faire mes offres aux clients dès mi-novembre 1999 en leur précisant, pour les faire patienter, qu’il ne s’agissait que de la première partie de nos collections janvier-février 2000.
Quant à moi, je restais très peu satisfait de ces quelques articles, je téléphonais à Alex KIM que je viendrai chez lui en urgence en janvier/février 2000 pour visiter les fabricants avec lui et leur présenter ce que je recherchais en termes de qualité, coloris et emballages.
Alex vint me chercher à l’aéroport de Daegu et me conduisit directement à mon hôtel. Il m’avait réservé la plus belle chambre dans l’hôtel traditionnel de Daegu, avec vue directe sur le très beau lac de Daegu. Nous avons passé toute la soirée ensemble au restaurant pour discuter des clients, des marchés et des attentes des clients afin de finaliser au mieux nos rendez-vous débutant deux jours plus tard, la première journée étant consacrée au travail ensemble dans son bureau.
Après un petit-déjeuner très copieux « à la coréenne », avec divers petits plats de légumes, viandes diverses, soupes épicées, desserts et fruits, Alex me conduisit à son bureau, situé dans un immeuble ancien de Daegu. Ma première impression ne fut guère des meilleures : les ascenseurs étaient vieillots, les couloirs vétustes et non repeints et la porte du petit bureau dans un état vraiment tristounet, toute griffée et recouverte d’une peinture d’un autre âge.