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"Fresque sociale de conjoints résilients réunis et ravis" est un recueil de dix récits palpitants mettant en scène des couples et des familles en été 2023, confrontés aux enjeux actuels de la société. Leur détermination à relever les défis, qu’il s’agisse de transitions professionnelles, de relations intergénérationnelles, et bien plus encore, vous captivera.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Pour
Christelle Le Roy, la littérature est un moyen de dessiner une trajectoire, de se fixer une orientation pour l’avenir. Dans "Fresque sociale de conjoints résilients réunis et ravis", elle vous invite à revivre en miroir des moments clés de votre vie, à inventer et à méditer sur le monde qui vous entoure.
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Christelle Le Roy
Fresque sociale de conjoints résilients réunis et ravis
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Christelle Le Roy
ISBN : 979-10-422-1437-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
En ce matin de solstice d’été, Thibault et Nathalie se sont réveillés aux premières lueurs du jour. Nus dans la cuisine, ils prennent un thé et quelques fruits. Ils échangent un regard complice. Ensuite, ils s’habillent en tenue de sport. Thibault empoigne le sac à dos contenant la gourde, les casquettes et le cadenas symbolique tandis que Nathalie ferme les portes de l’appartement et démarre son chronomètre. Ils dévalent les escaliers des trois étages de l’immeuble. Ils se sentent exaltés. L’objectif est de parcourir le quartier, le lac et la levée du Cher en marche rapide, de 7 h à 8 h, tout en consacrant un temps confortable à la fin de la boucle sur la passerelle piétonne franchissant le Cher.
Arrivés sur la passerelle « Fil d’Ariane » et en surplomb de l’îlot aux frênes et aux orties géantes, ils s’arrêtent. Ils observent le reflet de la tour Marianne dans la rivière en aval. Ils savourent ce moment romantique et s’enlacent tendrement. Thibault pose son sac. D’autres cadenas sont déjà accrochés sur la rambarde par d’autres couples. Depuis combien de temps ? Combien de couples se sont arrêtés ici, comme eux aujourd’hui ? Étaient-ils résilients, réunis, ravis, nourris d’espoir et de projets ? La passerelle est en service depuis vingt-deux ans. En 2001, date de mise en service de la passerelle, chacun traçait un autre chemin. Ce cadenas-ci est leur talisman sur le Cher.
Pendant tout le printemps, ils ont discuté, ajusté et choisi minutieusement la symbolique de ce geste, au-dessus de l’eau, source de vie. De commun accord, ils ont fait graver sur le cadenas :
« Thibault & Nathalie, EE 2023 ».
Les passants et badauds se demanderont probablement pourquoi ce EE et pas le dessin d’un cœur... C’est qu’il est une déclinaison foisonnante de leur amour. Il réunit à la fois leur combat pour en arriver ici aujourd’hui et leurs aspirations : engagement environnemental, enseignement & élévation, ensemble & épanouis, enfants enchantés, entraide & estime.
Le lecteur de ce court chapitre 1 pourra découvrir le couple Thibault & Nathalie selon trois variantes. Aux chapitres suivants 2, 3 et 4, il s’agit respectivement de quarantenaires, de cinquantenaires et de soixantenaires.
Les chapitres 5 à 11 sont des nouvelles indépendantes.
Ils sont tous les sept à l’arrêt du tramway Pont Volant en ce dimanche après-midi. Les deux jeunes de Thibault viennent à Tours un week-end par mois et la moitié des vacances scolaires chez leur père.
Ils ont 13 et 16 ans. Ils sont fiers de la confiance que leur père leur accorde en les laissant voyager seuls en train depuis cette année : le réseau fil bleu jusqu’à la gare du centre-ville de Tours, puis le train TER direct jusqu’à Lyon Part Dieu où leur mère les attendra.
Les enfants de Nathalie sont plus jeunes : 12, 8 et 5 ans. Ils sont en garde alternée du vendredi au vendredi. Le papa habite à 800 mètres de leur résidence, ce qui facilite l’organisation du linge, de l’école et du périscolaire.
Les deux grands partis, ils décident de poursuivre à pied la promenade jusqu’au parc éco-ludique de la Gloriette, de visiter le potager collectif et les herbes aromatiques. L’enfant de 8 ans a un herbier à apporter lundi à son enseignante : menthe, marjolaine, romarin, aneth. Également, la cour du groupe scolaire a été débitumée pendant les vacances d’hiver 2023. L’équipe pédagogique expérimente les sols vivants. En mars, ils se sont fait livrer de gros bourrelets de paille, de branchages et de compost pour expérimenter la culture de fruits et légumes en lasagnes. Méthode intéressante, qui a fait l’objet de l’admiration des parents. D’ailleurs, avec quelques parents bénévoles, les enseignants ont construit un hôtel à insectes en palettes, briques, pommes de pin, brindilles et toiture d’ardoises. Chaque enfant avait d’abord dessiné la maison à insectes de son imaginaire, assorti d’un petit texte en rimes et le préau s’est transformé en hall d’affichage d’images et poèmes. Les séances de récréations des enfants en avril et mai se sont allongées et transformées en ateliers de jardinage encadrés par des agents de la métropole du service des espaces verts. Ils ont planté des courgettes, des tomates, des betteraves rouges, des groseilles, des fraises et des framboises.
Thibault et Nathalie se sont contentés de mettre quelques jardinières sur leur balcon : des azalées, géraniums et tomates cerises. Le plus difficile est d’appliquer un arrosage quotidien. Néanmoins, la tâche n’est pas insurmontable.
Ils ont la quarantaine. Thibault habite avec Nathalie depuis dix-huit mois. Tout est allé très vite, alors que rien ne présageait l’ouragan qui avait failli l’anéantir. Thibault avait passé son enfance en Franche-Comté. Diplôme d’ingénieur en poche, il était fier d’entrer dans la grande entreprise Alstom aux usines de production des turbines à gaz à Belfort. Sa vie professionnelle était paisible, sereine. C’est à ce moment qu’il a fondé une famille et acheté un grand pavillon près de Montbéliard. Au fracassant rachat de l’entreprise par General Electric, il s’est senti dépouillé de ses savoir-faire, de sa confiance en lui. Il devient agité, angoissé, taciturne. En 2020, pendant le confinement de la pandémie covid, il devine que son service allait être lourdement réorganisé et son poste supprimé. L’entreprise a bu le calice jusqu’à la lie. Aujourd’hui encore, l’actualité le confirme. Lui, individuellement, il a eu la sensation d’être roulé dans la farine. Mais son échec et sa fuite en avant lui ont été salvateurs.
À la maison, l’ambiance devint électrique. Le couple n’était plus un havre de paix, d’amour et de tendresse. L’épouse de Thibault prit un amant. Stupéfaction. Il sentit le gouffre s’ouvrir sous ses pieds. Tomber, ou s’envoler à tire d’ailes ? Il trouva un refuge en novembre 2020, sur internet : s’inscrire sur un site de rencontre. Sa lueur d’espoir. Envisager une nouvelle vie. Tirer un trait sur les désillusions. Il discuta pendant trois mois en virtuel avec Nathalie et pris sa décision. Le premier semestre 2021 fut chargé émotionnellement : expliquer aux enfants la séparation des parents, enclencher la procédure de divorce, vendre la maison. Heureusement, le territoire frontalier avec la Suisse permit une vente plutôt rapide. Mais il fallut déménager en appartement. Son épouse quitta son amant. Mais cela ne suffit pas à ressouder leur couple. La confiance était altérée. Ils redoutaient l’avenir ensemble, dans l’impermanence ambiante, les montagnes russes émotionnelles et les sols mouvants.
Elle était acerbe depuis la vente de la maison. De plus, il n’offrait plus un salaire confortable au maintien de leur train de vie passée avant la crise sanitaire. Avant ce marasme, ils se payaient des vacances à l’étranger, en outre-Atlantique, deux fois par an : ils avaient ainsi visité Cuba, les Antilles, New York, Boston, Montréal… De toutes les façons, leurs ados et préados se rebiffaient à présent contre ces vacances déraisonnables, voire criminelles envers les générations futures. Comme ils y allaient fort les jeunes ! Ils ne mâchaient pas leurs mots. Étaient-ils ingrats ?
Bref, le socle familial s’effondrait en même temps que les jeunes se révoltaient : collège en grève le vendredi, marche contre le réchauffement climatique, en soutien à la jeune militante suédoise Greta Thunberg !
Étaient-ils lucides et réalistes ? Manifestement, oui. Déstabilisé et en période de chômage en 2021, Thibault s’était documenté : il avait lu les rapports du GIEC. Oui, il s’agit bien d’un dérèglement climatique d’ampleur. Pas de refuge possible derrière le scepticisme ! Constat local, la rivière du haut-Doubs est à sec. Il n’avait jamais vu ça. Une catastrophe écologique pour les frayères. La nécessité de relever les cotes des barrages pour soutenir les étiages et préserver la vie des poissons. La violence des orages, les grêlons gros comme des balles de ping-pong ! Le manque de neige en hiver. Il s’était inscrit à des ateliers de controverses sociétales et il avait calculé son bilan carbone annuel : une catastrophe écologique ! Il avait suivi des formations sur la communication non violente, la controverse, l’assertivité.
Bref, à l’été 2021, sa décision était prise : rompre ses anciens paradigmes, construire et se réinventer ailleurs. Son ex partait s’installer à Lyon avec les enfants et démarrer un nouveau travail. Elle devenait mère célibataire assumée. Pour sa part, il choisissait de partir en Indre-et-Loire et il avait en projet de candidater sur des postes en développement des énergies renouvelables photovoltaïques ou en biomasse. Surtout, il espérait un nouvel amour solide et durable auprès de Nathalie.
Durant tout le mois de juillet 2023, les deux jeunes de Thibault sont chez leur père, tandis que le mois d’août sera avec leur mère. Ils suivent l’actualité concernant Greta Thunberg. La militante suédoise de vingt ans attendait son premier procès, qui s’est tenu le lundi 24 juillet en Suède, pour son « refus d’obtempérer » du 19 juin, en participant au blocage du port de Malmö, en choisissant de coincer les entrées et sorties. Malgré les injonctions de la police pour le retour à la normale, les véhicules et les camions-citernes ont été immobilisés. Mais de quel état normal s’agit-il ? Greta estime que son action est légitime face à la situation d’urgence climatique, c’est ce qu’elle a défendu devant les tribunaux.
Plus jeunes et moins radicaux que la jeune Suédoise, les deux adolescents sont néanmoins convaincus de l’urgence de sauver la planète. De manière concrète pour les transports, ils ont annoncé la couleur à Thibault et à son ex : « les voyages en avions, n’y comptez pas ! Ce sera sans nous. Les grands trajets en voiture, on n’en veut pas. Le rail et le vélo, on y va ! ». Ils ont même leur slogan : « Let’s go pour la vélorution ! » En pleine innovation frugale au début de l’été, ils ont esquissé leur nouvelle idée du voyage pour le futur : le tricycle à roulette. Ils aimeraient en construire une maquette avec une boîte en carton et des allumettes. C’est une sorte de camper bike pour des roads-trips en mini-caravane sur les véloroutes de France. Thibault est admiratif. Au moins, ses jeunes auront un bilan carbone annuel particulièrement faible dans le futur. En plus, ils semblent le savourer avec grande joie !
Ils se sont rencontrés lors du Grand Déj à Dijon en septembre 2021. C’est le rendez-vous annuel grand public des associations et des clubs lors du 1er week-end de rentrée scolaire. Thibault animait un stand solidaire pour les personnes nouvellement arrivées dans la région ou ayant traversé une situation de burn-out. À la pêche à la ligne, les messages piochés permettaient en général d’engager une conversation personnelle et de présenter des actions de l’année à venir : retrouver la confiance en soi, obtenir des conseils pour rédiger un CV, se préparer à l’oral avec un recruteur, atelier assertivité, écoute d’un grand témoin, atelier bilan carbone individuel et familial, groupe de réflexion sur notre rythme futur, bilan de compétences, acquisition de savoir-être et de savoir-faire, créativité, convivialité, entraide.
Nathalie s’exclame, en déroulant son papier :
— J’ai pioché « rythme de vie ! ». Il y aurait beaucoup à dire…
Thibault s’approche.
— Bonjour, bienvenue au stand. Si tu le veux, présente un mot sur ton parcours, tes attentes, tes projets.
— J’ai fait des études techniques et participé à de belles réalisations en aménagements de quartiers. Mon métier a substantiellement évolué. Le rythme s’est accéléré. Les réformes successives gouvernementales nous ont éloignés du terrain, tant les ingénieurs, que les techniciens-concepteurs, les paysagistes, les contrôleurs de travaux. J’éprouve de la déception. Cela me pèse l’orientation bureaucrate des métiers d’aujourd’hui.
— As-tu envisagé de changer d’employeur ou tout simplement de faire une pause ?
— J’ai encore la foi en l’intérêt général. J’ai une posture d’encadrement d’équipes. Ça a été épuisant durant le confinement. Depuis six mois, nous avons eu des séminaires de conduite du changement, de résilience des organisations, de mise en place du lean-management.
— C’est-à-dire ?
— C’est inspiré de Toyota. Les méthodes des entreprises entrent dans la fonction publique : toujours davantage de performance, une course sans fin à la rentabilité avec moins de moyens. Nous sommes abrutis de lecture diagonale, de protocoles qualité, de dossiers traités sans répit… Ce modèle nous conduit à la saturation, aux yeux rougis et à des maux musculo-squelettiques à force de manier la souris, de scruter les écrans et de jongler avec les multiples fenêtres. On n’a même plus le temps d’apprécier le travail accompli, de partager nos expériences autour d’un café, de s’inscrire à des journées de formation, de faire de vraies pauses vacances sans consulter ses mails. J’en ai perdu le sommeil. Les délais nous prennent dans un étau. J’ai l’impression d’être pompier de situations de crises successives.
— Je suis triste pour toi. As-tu besoin de clarifier tes aspirations ?