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"Illusoires exils enchaînés" narre le périple d’une femme, du royaume Kongo jusqu’à la Martinique, à la recherche de sa jumelle enlevée. Dans ce récit, l’auteure plonge le lecteur dans l’ère coloniale, suivant l’héroïne dans sa quête de liberté, aux côtés d’autres esclaves issus d’une mosaïque de peuples africains, unis dans leur lutte contre l’oppression de leurs bourreaux.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Régine Chardon a entrepris, par le biais de ce récit historique romancé, de rendre un hommage à tous ceux et celles qui ont surmonté les épreuves de l’arrachement avec une remarquable résilience et une force inébranlable.
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Régine Chardon
Illusoires exils enchaînés
Roman
© Lys Bleu Éditions – Régine Chardon
ISBN : 979-10-422-2198-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce roman aurait pu s’intituler :
« Autant en emporte le temps d’exils », à contrepied de ce pavé rendu célèbre en occident extrait d’une mare boueuse de par son tableau ou son absence de tableau qui caricature des Africains, arrachés à leurs familles, à leur terre natale, leur déni, voire leur invisibilité sur fond de guerre pour la suprématie blanche, afin que se poursuive la jouissance de leurs privilèges sans partage, farcie de racisme décomplexé, où l’on vit en constance le mépris d’une race envers une autre dont le rôle immuable est un labeur de serviteurs et de servantes chosifiés, donc d’esclaves des décennies durant, sans relâche, imperturbables souffre-douleur et marches pied permanents supportant d’abjectes insultes.
Alors, je l’ai intitulé
« Illusoires exils enchaînés. » Ma sœur perdue.
Car il fut illusoire de calculer nos destins…
Il fut illusoire de nous assujettir à une histoire écrite et bien ficelée.
Il fut illusoire de croire en une quelconque universalité.
Il fut illusoire de tenter de vils et honteux masquages de vérités.
Les peuples parviennent à arracher leur liberté chérie, en brisant leurs chaînes.
Les mensonges se dévoilent, des langues se retournent et se délient…
Cet écrit, parti d’un fait réel, révèle pour moi la nécessité du retour à l’unicité de la famille, de l’obligation de liberté, et par-delà, la préservation des valeurs traditionnelles, de la prise de conscience culturelle ainsi que de la spiritualité ancestrale.
Celles qui volèrent en éclats avec ces crimes – plus grands génocides de l’Histoire de l’humanité, car ils durèrent plusieurs siècles – que furent l’esclavage et la Traite négrière, et également de l’esclavage arabo-musulman qui débuta en premier en Afrique subsaharienne, avec son cortège de violences (rapts, exils définitifs, viols, travaux et conversion religieuse forcés, mais aussi son lot de mutilations sexuelles masculines)…
Indéniablement l’Afrique nous a plantés, arrosés, fait pousser et a donné tous ces fruits que nous sommes, toutes ces graines que nous portons en nous et que nous nous devons d’essaimer.
Un beau jour, il y a quelques années de cela, dans la commune du Vauclin en Martinique, au terme d’une dictée dans la langue locale qu’organisait une association culturelle, je fis la rencontre d’une jeune femme qui me raconta son histoire familiale.
Elle portait un patronyme originaire d’Afrique, précisément originaire de l’ancien royaume Kongo et l’histoire de sa famille veut qu’au moment des razzias par les négriers, sa grande tante ainsi que sa jumelle aient été séparées et conduites vers deux habitations sucrières différentes et réduites en esclavage.
Cette histoire l’ayant bouleversé, elle jura de mettre un point d’honneur à revenir sur leur trace à partir de son patronyme conservé.
J’ai ainsi voulu à travers ce récit historique romancé leur rendre hommage à toutes les trois, mais encore à toutes celles et à tous ceux que la violence de l’arrachement a tenté de détruire, à leur résilience, à leur force.
« Ainsi que dans un vieux véhicule aux amortisseurs maintes fois reprisés, je fais partager au lecteur chaque inégalité des chemins de mes personnages, mais aussi chaque égalité. »
Dans son film documentaire diffusé tardivement sur la chaîne Arte ce 1er février 2022, le réalisateur haïtien Raoul Peck (également ancien ministre de la Culture dans son pays) martelait aussi que « une terre sans peuple n’existe pas » pour parodier et faire un pied de nez aux mensonges perpétrés puis inlassablement perpétués selon lesquels certains auraient « découverts » l’Amérique ou d’autres terres prétendument « vierges » de tous êtres humains « dignes de ce nom.
Ainsi, au nom de cette arrogante prétention, l’Europe, cette partie de monde sûre d’elle, de ses « découvertes » et qui avait tenté d’évaporer d’autres mondes, s’est-elle arrogé le droit de fouler aux pieds moult civilisations multiséculaires et s’est rendue coupable d’inimaginables massacres demeurés encore impunis, les protagonistes, se justifiait-elle, ayant, quant à eux, disparus, niant ainsi toute justice pour pouvoir asseoir la pleine jouissance de leurs descendants grâce à notre labeur forcé, puis de notre dépendance vis-à-vis de ceux-ci.
Ce petit roman historique sans prétention vient s’ajouter à la liste exhaustive d’autres qui ont ouvert la voie à des oreilles et des esprits non aguerris,
En dépit de jugements expéditifs et arbitraires, les protagonistes de cette histoire ont au moins pu interjeter appel par un plaidoyer cinglant sur le non-sens d’un massacre lourd de conséquences, en arrachant leur liberté, en dépit d’un retournement de cerveaux savamment orchestré.
L’acculturation a la vie dure, cependant, la vraie Histoire, sans fards, telle la nature, refait surface…
J’écris mon histoire pour ne pas disparaître, pour que vous ayez en mémoire ces lieux que j’ai traversés, ces gens qui m’ont aimé, ceux qui ont tenté de me ravager, et tous ceux qui ont peuplé mon existence, ces maux dont j’ai été victime et ces mots par lesquels j’ai pu survivre, de l’autre côté de notre monde.
Ma sœur jumelle et moi n’étions alors que des adolescentes qui apprenions de nos parents.
Ne doutant pas un seul instant qu’ils pensent toujours à nous, se souviennent de leurs enfants adorés, et qu’ils sachent aussi que jamais je ne les oublierai, même de l’autre côté de notre monde, jusqu’à la fin de mon existence et au-delà, car nous sommes convaincus que nous nous rencontrerons un jour, que notre descendance s’en souviendra et perpétuera alors notre souvenir, notre mémoire, car la vie ayant un sens, il en restera des traces, des souvenirs, des connexions, un indémodable héritage de culture, de traditions et de liberté.
Ainsi, la nostalgie de la hauteur du passé contrastait tant avec la bassesse de notre présent, de notre réalité et il m’était limpide de percevoir que cet état de servitude dans lequel nous avions été plongés, devait être un chapitre à refermer rapidement, qu’il n’aurait jamais dû débuter, qu’il ne devait pas perdurer, et qu’il ne doit non plus être le pan de l’Histoire à retenir principalement, de l’autre côté de notre terre, mais sur lequel nous devons méditer, afin de remplir cette obligation morale qui consiste à se souvenir de cet évènement tragique et ô combien douloureux, à commémorer nos morts, résister et pour se souvenir que…
Nous exigeons le respect, celui que l’on a gagné au-dessus de siècles qui nous contemplent.
Car nous devions prestement nous prendre en main, maintenant et après, tout en nous maintenant dans l’unité, en dépit de la diversité de peuples amenés là, provenant de nos déserts ou de nos forêts verdoyantes, de nos multiples traditions ancestrales et de nos rituels, de nos danses et de nos chants, de nos rires et de nos couleurs codifiées, des sonorités de nos balafons et de nos tam-tams, de nos koras et de nos mvets, tout en nous tenant par la main, en nous donnant des coups de main et fuir ces mains qui nous donnaient tant de coups, pendant un temps si long.
Nous devions, en dépit de ce sinistre voyage qui nous a été imposé, cet innommable crime, nous lever, le faire cesser et de réclamer justice et réparation !
Il était plus qu’impérieux de les dépasser, et nous défaire du monde de ces gens qui avaient pris le parti d’occulter le nôtre, de tenter de nous détruire en nous faisant tant de mal, en croyant, sur des terres fragiles, loin des nôtres, espérer calculer nos destins, de contrôler nos esprits ainsi que nos corps.
Notre liberté impliquait aussi le respect de nos corps et de nos âmes.
Car notre état naturel n’impliquait pas de demeurer dans cet état de servitude qui nous avait été imposé par la force tout en prétextant qu’il s’agissait d’un « commerce » !
Prétendant tout connaître du monde, ils étaient cependant incapables de reconnaître notre humanité, l’ont saccagée pendant un temps aussi long, partout où ils sont passés, se sont appliqués à user de leur science afin de parvenir à réaliser la pire pensée du monde humain :
Imaginer qu’un homme peut être inférieur à un autre homme, et lui appartenir !
(Retirés de notre milieu originel, contraints de nous reproduire précocement et en désordre, nous avons été rendus dépendants pour leur rendement, leurs affaires, ainsi que pour leur bon plaisir)…
Il convient alors de s’interroger sur l’humanité de ces gens qui se sont abaissés et rendus coupables d’une telle ignominie !
Au surplus, en nous faisant accroire :
– que nos divers systèmes de spiritualité ne sont que viles sorcelleries et que les leurs, de la pure magie blanche !
– Que notre Histoire ne débutait qu’à compter de ce grand brigandage qu’ils avaient inventé !
– Que notre futur se profilait de manière incertaine !
– Que notre savoir n’était qu’une pure source de superstition !
– Que la couleur de notre peau se résumait à l’apparente résultante d’une malédiction !
– Que nos cheveux aux hauts pouvoirs spirituels, défiant pourtant les lois de la gravité et qui se prêtent à de multiples possibilités capillaires, n’étaient qu’une honte de la nature et que nous devions les camoufler ou imiter les leurs !
– Que l’expression de notre joie, notre culture, n’était que violence !
– Que notre rêve, simple utopie !
Au surplus de tout cela, ils riaient lorsque nous pleurions, et pleuraient, lorsqu’à notre libération, nous explosions de joie, « au moment où la liberté chantait dans nos cœurs » comme l’avait dit notre frère Boukman.
Pensaient-ils alors recevoir l’autre joue que nous leur tendrions, ainsi que de vifs remerciements de notre part ?
— Pourraient-ils faire perdurer leurs mensonges en nous faisant accroire à un hypothétique « commerce » avec nos rois qui, nous ayant sciemment vendus aux leurs, que nos royaumes croissaient de cet échange si fructueux, qu’on en ressentirait les retombées dans les temps futurs ?
— Qu’ils étaient en tous points supérieurs à nous, que nous étions faits pour les servir, et que leur place était ainsi garantie d’office dans un paradis auquel nous devions croire ?