J’ai rien vu venir - Marie Dubrou - E-Book

J’ai rien vu venir E-Book

Marie Dubrou

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Beschreibung

Deux amies quinquagénaires découvrent le célibat, amorçant ainsi le début d’une comédie de la vie. Charlotte, en pleine reconversion amoureuse, incarne à la fois la fragilité et le dynamisme. Elle navigue entre aventures et rencontres ultras positives et hilarantes dans des lieux de vacances. Sidonie, dotée d’une force et d’une imprévisibilité indomptables, nous entraîne dans une frénésie de soirées entre copines et de voyages rythmés par des commentaires mordants et drôles. Au fil des pages, les histoires de Charlotte et Sidonie résonnent avec le vécu de toutes les femmes, offrant un regard piquant nappé d’humour sur la vie et les relations.



À PROPOS DES AUTRICES

Marie Dubrou & Sophie Rosselli se lancent dans l’aventure littéraire avec leur duo d’héroïnes. Dans leurs récits, elles conjuguent doutes, rires et autodérision, partageant ainsi leur vision du monde empreinte de l’humour du Sud. Entre les pages de leurs histoires, l’amitié, l’amour et les péripéties s’entrelacent, offrant aux lecteurs un voyage aussi divertissant qu’enrichissant.

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Marie Dubrou & Sophie Rosselli

J’ai rien vu venir

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Marie Dubrou & Sophie Rosselli

ISBN : 979-10-422-2558-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

Ces petites histoires de vie n’ont jamais existé.

Charlotte, Sidonie, Ella, Cécile, Pauline et les autres n’existent pas.

Vous n’avez rien vu venir ?

Vous y avez cru ?

Vous auriez aimé que tout soit vrai ?

Il n’y a aucune chronologie dans les événements, les rencontres. Les lieux sont bien réels, les personnages sont ceux que l’on s’approprie, que l’on s’invente, que l’on structure avec son propre prisme.

C’est vous c’est moi.

Charlotte est fragile, délurée, désabusée parfois, rayonnante, toujours et surtout imaginative au point d’avoir inventé toutes ces histoires. Une bourgeoise en reconversion amoureuse, un quotidien plein d’aventures et de personnages dans des lieux de vacances.

Sidonie est le drone de sa propre vie, figée et spectatrice des événements, imprévisible et forte, drôle et acide à la manière des filles du sud, elle livre à la manière d’un clash ses billets d’humeur courts et percutants, parfois amers.

La vie est ainsi faite. Ne rien voir venir fait partie du jeu.

La vie a beaucoup plus d’imagination que nous. François-Truffaut.

Un grand merci à toutes celles et tous ceux qui liront ces histoires et ces billets dans leur lit, sur un canapé, dans un avion, dans un bus, un métro, merci à vous qui esquissez un sourire, un rire peut-être. On ne vous connaît pas, mais vous ressemblez à Charlotte et à Sidonie, c’est certain.

Aventures I

Charlotte

(Par Marie Dubrou)

1

L’étape 1

Tout part de là

Playlist : L’épine, Juliette Armanet. Jalouse, Mademoiselle K.

Sur le lit, l’iPad. Sous la douche, lui.

Sur l’iPad, la merde.

Le début de la merde dans ma vie.

Le on/off, goodbye chamallow life.

Welcome dans la vraie vie !

Un beau message d’amour transi, adressé à une inconnue.

Mon cerveau ramolli du matin réfute cette idée. Non c’est une erreur, mais qui lui envoie ce message ? Impossible ! Qui est-elle ?

Tout se brouille dans mon cerveau, je fais un déni total.

Je ne dis rien.

Je suis pétrifiée.

Sortie de douche.

Beau.

Habillage. Chemise blanche, costume, sexy.

Pétrifiée.

Petit-déj rapide, mais ensemble.

Pétrifiée.

Je t’aime.

À ce soir.

Pétrifiée.

Tu rentres tard ?

Oui tard bien sûr il faut bien subvenir aux besoins de cette tribu qui abuse de tout. Je rigole…

Pétrifiée.

À ce soir alors, ne m’attend pas, couche-toi.

Pétrifiée.

Je me précipite sur l’iPad, je n’arrive plus à ouvrir le message. Il l’a effacé ou alors j’ai cauchemardé.

Ce n’est pas possible, pas moi, pas lui, pas nous.

Pétrifiée.

Je n’arrive plus à ouvrir le message, il a disparu. C’est sûr, j’ai cauchemardé.

C’est sûr et certain.

C’est du déni.

Ce n’est pas possible. Voilà, c’est décidé, ça n’a pas existé.

C’est l’étape 1.

C’est l’étape 1, mais dans les faits c’est plutôt la deuxième étape, car la première étape c’est celle où il n’y a plus d’enfant à la maison, celle où l’on vit à deux comme un jeune couple, sauf qu’on est plus vieux, celle où on profite, paraît-il… De quoi ?

« Sais-tu à quel point cette fille est incroyable, elle est intelligente, tu sais ! » (crois-tu que j’en doutais), car oui, bien sûr, je la connais la coiffeuse du quartier, « elle mène de front sa carrière (enfin… son salon de coiffure tu veux dire Thom ?) et ses 3 enfants. »

Cette phrase prononcée plusieurs mois auparavant tourne quand même en boucle dans la tête de Charlotte.

Non pas elle !

Non quand même !

Enquête discrète.

Elle te plairait à toi, Jennyfer, celle de chez Bigoudis ?

Non, bien sûr, bien sûr que non !

Alors pourquoi ce message ?

Ça, ce sont les questions que Charlotte ne lui a jamais posées.

Car on ne trompe pas Charlotte, elle est trop belle, trop intelligente, drôle, son couple est parfait. Elle aussi a une belle carrière, Charlotte est une héroïne, les autres ne sont que des figurantes.

Charlotte a surtout beaucoup trop d’ego. Charlotte est donc bien installée dans son déni, et personne ne viendra la déloger.

Charlotte a 28 ans à son actif avec cet homme si sexy, sportif, si performant, si irremplaçable. Charlotte et Thom, couple mythique inébranlable, un modèle de réussite aux yeux de tous.

Et bien si… D’évidence, une fausse blonde à rayures (balayage mal fait), coiffeuse de quartier à l’accent prononcé, avait désormais toute l’attention de Thom, ce n’était pourtant que le début.

Le scénario allait démarrer encore plus fort. Thom était peut-être sous le charme d’une coiffeuse de quartier, il y en avait pourtant une autre tapie dans l’ombre qui allait sauter comme une grenade à la tête de Charlotte, bientôt, sans lui laisser le temps de s’installer dans son déni confortable.

Est-il normal d’offrir un hamster à son fils en lui affirmant qu’il s’agit bien de la petite souris chargée de lui apporter la fortune ?

— Elle n’a pas de queue cette souris maman !

— On s’en fout ! Toi tu n’as pas d’incisives et personne ne trouve ça bizarre ! Eh bien, c’est pareil, il ne faut pas le lui faire remarquer. Elle n’a pas de queue, la pauvre, elle pourrait se vexer. Trottinette entra donc dans la maison avec le statut de petite souris banquière sans queue et par là même je confirmais mon statut de mère parfaite.

Mon modèle. Celui que j’avais créé depuis 28 ans avec Thom chaque jour avec ma tribu, drôle, déjantée, insouciante et aimante.

Je n’allais pas me laisser voler tout ça.

Cette même tribu qui aujourd’hui me demande par SMS un virement urgent, car cette putain de banque bloque ma carte bleue et je ne sais pas pourquoi. Cette même tribu qui envoie des SMS, tu es où ? Séquestrée ? Pourquoi tu ne réponds pas maman ? Vite, c’est urgent ! Si je tarde plus de 10 minutes à répondre. Cette même tribu qui jouait avec Trottinette et pour qui je joue la partition du déni, cette tribu bien plus lucide que moi qui ne comprend pas comment je peux être à ce point aveugle.

Je suis Charlotte.

Mère bourgeoise CSP ++, tout bien comme il faut.

Études supérieures, grande école. Excellent boulot. Deux enfants remplis de défauts tout comme je les aime. Un mari parfait rempli de défauts tout comme je les aime aussi.

Des voyages, une belle maison, des amis, du sexe souvent, en tout cas tous les jours ou presque, jamais eu d’amant.

L’autoroute du bonheur et donc, paraît-il, un atypisme de ma tribu, de lui, de moi, de nous.

Une énergie hors du commun, un intérêt pour tout, une envie de rire de tout, de dévorer le temps. Cette énergie même qui aujourd’hui me manque terriblement.

Je m’ennuie. Rien ne bouge comme avant.

Mes amants m’ennuient.

Car oui, j’oubliais, du coup maintenant, j’ai des amants.

Je suis devenu comme la plupart des femmes de 50 ans, l’étape 2 m’a rendue célibataire.

Un jour comme ça. J’ai basculé dans ce statut, ce jour il n’y a ni Trottinette, ni le lapin, ni le cours de danse, ni le bulletin scolaire à signer, ni le costume à récupérer au pressing, ni le resto ce week-end avec les copains, ni le petit déjeuner ensemble même à 5 h du matin pour ne rien rater et parler de tout, de rien, juste se voir se sentir.

Charlotte se lève désormais entre 5 h et 6 h du matin, non pas pour ne rien manquer d’une belle journée et sentir qui que ce soit, mais juste parce qu’elle dort mal, elle dort mal parce qu’elle dort seule, elle ne le sait pas encore, mais viendra le jour où elle dormira bien, parce qu’elle dort seule.

Pour le moment, son monde s’est effondré d’un coup.

Elle a eu beau faire l’autruche, persuadée qu’être malheureuse ne durera qu’un temps et que rien ne peut détruire ce qu’ils ont créé, que rien n’était plus fort, qu’il va revenir.

Elle se trompe, dans la vraie vie, celle de Thom, Charlotte n’était pas le cheval gagnant.

Depuis quelque temps, elle n’avait plus la saveur de la nouveauté, elle le renvoyait sans le savoir à ses peurs les plus enfouies.

Vieillir. Ensemble ou pas, peu importe, elle était présente chaque jour et avait encore des projets d’avenir avec lui, elle devenait le témoin du temps qu’ils avaient passé, elle ouvrait la porte de l’épisode qu’il ne voulait pas affronter, vieillir. Il fallait donc l’éliminer.

Peu importe qui la remplacerait, elle serait dans tous les cas, plus flatteuse loin du train-train, avec la saveur de la nouveauté de la construction d’une nouvelle tribu dont il serait le guide.

Charlotte ne le savait pas encore, mais on ne lutte pas contre la peur du temps qui passe.

L’amour n’est pas inconditionnel, il suppose une admiration mutuelle sans être dépendant, il suppose de la réciprocité en équilibre précaire. Charlotte avait perdu l’équilibre.

Thom s’était raccroché aux branches. Qui étaient ses maîtresses ?

Peu importe, elles étaient devenues virtuelles pour Charlotte qui continuait à faire l’autruche jusqu’à ce qu’une maîtresse décide de devenir bien réelle.

Voilà donc la grenade qui arrive.

C’est à travers le SMS d’un mari trompé et jaloux que Charlotte réalisa que Thom la trompait vraiment, pour de vrai, rien de virtuel à tout ça.

Les faux soirs de boulot qui finissent dans de beaux hôtels c’était donc avec cette fille, une amie, enfin elle le croyait jusqu’à présent.

C’est toujours comme ça, paraît-il. Et alors ? On s’en branle de savoir si c’est toujours comme ça !

On parle de Charlotte là !

Ça ne peut pas être d’une telle banalité ! Ben si, exit l’ego.

Le SMS intimait Charlotte de tenir son mari ou alors ça allait mal se passer. C’est à ce moment-là que Charlotte découvrit sa personnalité de bandit Corse insoupçonnée.

Qui était ce sombre connard pour venir lui mettre sous le nez ce qu’elle s’évertuait à ignorer. Elle l’appela, et telle une chef de gang elle se surprit à le menacer de devenir son pire cauchemar si lui où sa pouffiasse de femme refaisait intrusion dans sa vie.

Elle hurla sa haine et son mépris à cet homme cocu, trahi, elle lui parla comme un vrai bandit, « je vais te calibrer, te dépecer, et à part une tache de merde au fond de ton slip rien ne viendra rappeler à personne que tu étais un homme ! » Voilà… C’était dit… Le ton était donné.

Charlotte eut en quelques minutes des envies de torture sur cet abruti et sa femme. C’est normal ça, vous croyez ?

C’est la question qui la taraudait et l’avait conduite d’urgence chez une psychologue.

La psychologue, je ne l’aime pas.

Elle ne mémorise pas, je crois. Enfin… C’est sûr. C’est certain.

Elle confond les personnages. Elle n’écoute pas.

Il y a la coiffeuse à rayures, il y a la femme mariée et le mari que je veux dépecer, il en a peut-être même une nouvelle, il y a la terre entière à qui j’en veux.

Elle confond tous les personnages. Elle n’écoute pas mes angoisses et mes questions, je sors de ses séances avec plus de questions qu’en y entrant, ça ne peut donc pas être bon pour moi. Je continue à vouloir dépecer l’autre abruti.

Ça avance, ça mûrit, paraît-il… Y a du mieux, la haine s’estompe… Que de phrases débiles !

Et si la solution c’était comme me le rabâche toute la journée ma copine Sidonie (grande croqueuse d’hommes sans remords ! jamais !) : se remettre en selle. J’ai rien à régler moi, en fait chez la psy !

Je n’ai pas besoin de psy, je suis juste très énervée.

Y a-t-il une position sexuelle plus propice au retour de l’estime de soi et du bonheur ?

Le missionnaire avec un inconnu va-t-il solutionner mes nuits entières de questionnement ? L’envie va-t-elle revenir, la libido en berne va-t-elle d’un coup s’exciter et réapparaître ? Qu’est-ce que j’ai loupé, pourquoi je n’y arrive pas moi ! Comme Sidonie !

Les questions reviennent toutes les nuits, comment se débarrasser d’un corps, comment écraser une Fiat 500 chez un ferrailleur, comment dépecer une rivale, aura-t-il de l’empathie si je coupe les jambes de sa maîtresse, me verra-t-il comme un monstre ou comme une héroïne.

La psy dit que c’est normal. Moi je trouve ça glauque, donc, la solution réside peut-être dans la levrette ! C’est peut-être celle-ci la position qui va me remettre en selle me redonner le moral, une remise en selle d’urgence s’impose ! Sidonie et toutes les copines sont formelles.

Le télescopage du bandit Corse et bête de sexe est insupportable ! Où est passée la vraie Charlotte ?

Comme dans le jeu pour les enfants « Où est passé Charlie », retrouver Charlotte est une urgence.

Pourtant rien n’avance et ce foutu jeu de cartomancie cher à Sidonie, confirme ce que la vie m’inflige déjà depuis 3 ans ! Merde ! C’est injuste ! Un espoir peut-être ?

Charlotte tire encore des cartes. Une rencontre ? Éphémère… Quand ? Où ? Comment ? Il a des poils ? Ben quoi…

Cette question de poils à son importance merde ! Ça aiguille un peu…

Pour voir qui me tourne autour. Personne ! Tu le sais bien. Si, quelques cinglés bien sûr.

Lequel parmi les tarés du SMS, Tinder addicts, est sur les rangs de ce tarot maudit ?

On s’esclaffe, petit point de précision de taille, Charlotte ne s’abaisse pas à s’inscrire sur les réseaux depuis 3 ans, je ne suis pas une marchandise en solde !

Car oui, Charlotte a des idées très arrêtées sur le consumérisme sexuel lié à l’inscription sur un site de rencontres.

Le comportement déplacé, des soi-disant super copains célibs trop classes, intelligents et tout et tout qui vont te plaire, c’est sûr, cette phrase entendue 100 fois, la fait douter de tout, elle n’est jamais intéressée.

Qu’est-ce qui dans ma tenue ou mes propos a pu parfois faire penser à ces merveilleux spécimens remplis de testostérone que je suis une personne tarifée ?

Rien ! Pourtant, dans leur comportement, ils tentent, ils n’ont pas de temps à perdre.

Certains ont plus de désillusion que prévu, ils veulent tout tenter, mauvaise pioche ! Pas avec moi ! Pourtant mon statut de nouvelle célibataire pourrait m’autoriser toutes les folies, car oui, 50 ans, célibataire, c’est s’exposer à tous les cinglés, bien-sous-tous-rapports qui par le miracle de la vie, après avoir été en couple sages et respectueux, se révèlent de fieffés goujats déglingués en quête de tout ce qu’ils n’ont pas encore fait et qui leur passe par la tête, qu’il leur faut faire à tout prix avant de mourir !

Problématique du temps qui passe, encore et toujours le constat a de quoi dégoûter de la drague…

Pourtant le bonheur est toujours au rendez-vous et la vie est belle, Charlotte le percevait chaque jour un peu plus grâce à sa tribu, à ses amies.

Ce soir-là là, Sidonie était investie d’une mission de la plus haute importance annoncer la bonne nouvelle d’une nouvelle ère qui s’ouvrait :

J’ai un nouveau jeu de tarot, du super fiable celui-là ! Si ça c’est pas de la nouvelle importante !

Enfin, on va voir venir !

Et bien non.

Rien que des cartes plus horribles les unes que les autres sortent de ce fichu jeu de tarot.

Tu crois vraiment au tirage des cartes toi ? C’est un truc pour les crédules ça !

Bon dis quand même, on sait jamais…

Ah oui… Mais du coup… Il m’arrive vraiment rien ? Vraiment ? Rien de rien ? Décomposée… Gênée… À 3 h du matin, Sidonie cherche toujours comment annoncer à ses amies passablement éméchées que non rien n’arrivera de beau, pas plus pour Christelle que pour Charlotte.

Charlotte et Christelle sont allongées sur le lit, autour de Sidonie qui, assise en tailleur, tous les chakras ouverts, a le sérieux d’un grand marabout.

Les mains tremblantes, Christelle tire les cartes et des successions d’échecs, de galère en tout genre.

Charlotte, vautrée nonchalamment sur le côté du lit, proposa alors d’aller dès le lendemain chez Leroy Merlin acheter une corde et procéder à un suicide collectif façon secte des MILF NRVV : « Non Repérées et Vénérées à leur juste Valeur. »

Car non, rien n’y faisait, Sidonie tentait de minimiser l’échec sans y parvenir en cherchant dans un vocabulaire ésotérique les mots les plus justes pour signifier le vide sidéral de la vie de ses amies tout en les ménageant.

Au final, il fallut se rendre à l’évidence, et en riant elle cria : « Y a rien dans ta vie ! Tu vas rencontrer personne ! Ton amoureux du moment n’est qu’un leurre ! Tu vas en chier grave ! »

Point final !

Éclat de rire général, les trois copines sont des habituées du bonheur, de la réussite des émotions intenses que procure la satisfaction d’une vie personnelle et professionnelle réussie, car oui, même chez les winneuses chez les championnes de la réussite et du bonheur, un jour, sans qu’on le voie venir, ça tombe.

Charlotte décida qu’il était temps de rire encore plus, exit les cartes.

Elle décida de raconter à ses amies ses bas instincts de vengeance.

Voilà une recette imparable pour provoquer l’hilarité du Conseil des Sages.

Car oui, il s’agissait bien ce soir-là d’un énième Conseil des Sages.

Assises sur un canapé où vautrées sur un lit, notre positionnement circulaire hebdomadaire autour d’un thé, d’un verre de rosé ou de sushis livrés par ce « décidément trop canon de livreur », notre positionnement légitimait le sérieux de nos réunions.

Nous envisagions au cours de ces réunions tout être masculin qui de près ou de loin nous approchait, car oui c’était du sérieux tout ça.

Nos réunions étaient scénarisées telles des réunions de La Rome antique, mais nous étions plus efficaces que des sénateurs Romains débauchés et avinés (même si parfois notre tendance à la dégustation abusive de vin blanc nous jouait des tours).

Nous débattons, nous tranchons, nous avançons des stratégies extrêmes qui ne verront jamais le jour.

Le seul but ce soir-là de notre conversation semblait être un mea culpa généralisé, après le fiasco des tirages de carte successifs.

Je racontais donc mon tour venu, dans le détail, ma réaction basse, mais ô combien jouissive.

Celle que j’avais eue quelques jours plus tôt face à un flacon de shampoing.

Voilà, une fois encore, la proximité tellement douce et agréable de mon ancienne vie avec Thom allait me conduire à faire n’importe quoi.

Quoi ? Vous ne l’avez jamais fait ! Je me drapais dans ma dignité toute feinte devant le Conseil des Sages déjà hilare.

Je me retrouvais donc chez Thom, avec ma fille, et quelques proches qui ce jour-là étaient venus nous prêter main-forte pour son déménagement d’étudiante. Nous allions récupérer un canapé Ikea qui achevait sa carrière chez Thom.

Il en avait fait du chemin ce petit Suédois en kit, d’étudiants à jeunes actifs, prêté à des copains en cours de divorce quelques années auparavant (c’était donc ça la destinée d’un Klippan…) puis récupéré par Thom installé dans ce trois-pièces, privé par la force des choses de notre sublime canapé 12 places en lin et plumes trop confortable, tu sais celui de chez ce designer…. Et de notre maison trop belle elle aussi, oups… Je m’égare !

Mais il doit sacrément l’aimer pour renoncer à moi et à tout ça non ? Oui, oui, ok vous avez raison…

On s’en fout, vous avez raison, je sais.

Donc, je me dirigeais vers la salle de bains de ce petit appartement qui un temps lui avait servi de garçonnière et qui certainement lui servait toujours de piège à maîtresses de temps en temps, du moins j’aimais le penser.

Je m’installais donc pour un pipi bien mérité, et là… Le flash ! Sur le rebord de la baignoire, bien ordonnés, des flacons de shampoing, au milieu de gels douche, un flacon de shampoing, le flacon de shampoing spécial cheveux colorés.

La fameuse boule de rage, les picotements des mains qui me transpercent, mais… On se colore les cheveux ?

On a peur de voir ses petits cheveux blancs ?

On n’assume pas son âge ?

Et là, le réflexe, l’instinct !

Celle qui n’était que virtuelle devenait en un instant réelle, un travesti c’est sûr… Une Quechua en polaire voilàààà ! Une moche.

Elle avait donc des cheveux colorés, et moi, j’allais illico contribuer à rendre sa belle couleur un peu terne.

Ils sont bizarres mes cheveux non ?

En ce moment, elle ne sent pas un peu bizarre l’eau de la douche ? Non ?

Ils ont mis quoi L’Oréal dans leur shampoing ? J’aime pas trop l’odeur.

Toute cette fine analyse s’est effectuée en moins d’une seconde dans ma tête. J’attrapais le flacon, je défonçais littéralement le capuchon afin de dégager la partie la plus large du goulot, toute cette perfection de mouvement réalisée bien sûr en simultané avec un stop pipi.

Merci ! Mon périnée ultra musclé.

Une telle rapidité dans l’analyse, décision, action, vous laisse tous sans voix ! C’est factuel.

Voici donc un shampoing, additionné de pipi.

Orgasmique !

Je refermais le capuchon non sans mal et réalisais avec satisfaction la réussite de ma vengeance.

OR-GAS-MI-QUE.

J’avais bien entendu les mains très odorantes et le bas des manches de mon sweat-shirt imbibé de ma propre pisse, peu importe.

J’avais ma vengeance. Le Conseil des Sages s’esclaffait en se tapant sur les cuisses, et moi, fière de mon petit succès, je réalisais à quel point à 53 ans, je n’avais pas prévu tout ça.

Je réalisais à quel point les copines contribuent au bonheur.

2

Le pied à l’étrier

Playlist : Dans l’univers, Vanessa Paradis Nekfeu ;

Stop this flame, Celeste.

Dieu a dû un jour jouer aux osselets, et il a balancé tout ça en vrac, et d’un seul coup dans la bouche de Karine. Bam ! C’est méchant, gratuit, mais tellement vrai.

Karine était cette fille un peu vulgaire, inintéressante, commençant toutes ces phrases par un claquement de langue sur son palais, et ajoutant des « non, mais écouteeeee là c’est ouffff », à chaque début de phrase.

Karine la blonde, Karine et ses racines noires de 10 cm sur le crâne, ses dents en osselets, son maquillage années 80 trop appuyé et sa culture Voici Gala ; pourquoi avait-elle l’honneur, le bonheur de se réveiller le matin avec un amant visiblement amoureux, qui dixit notre échelle de Richter féminine obtenait la note de 10 alors qu’elle… plafonnait plutôt à 2 sur 10 pourquoi elle et pas moi ?

Pourquoi jamais moi ? Mon tour allait venir. Ce jour-là, j’ai remis le pied à l’étrier.

Le fameux pied à l’étrier. Par une chaleur digne du désert saoudien en juillet, je me dirigeais vers un haut lieu de la rencontre romantique.

Vers l’endroit le plus glamour de la ville la plus hype. Sexy à souhait, telle Vanessa Paradis dans l’arnaqueur.

C’est donc en tongs, ruisselante de transpiration, les cheveux attachés par une pince agrémentée d’un tournesol et encore mouillée d’un bain dans la piscine, vêtue d’une robe de plage en éponge minable, pas maquillée, que je me rendais à la station-service du supermarché Leclerc du village.

Une antilove parfaite.

Le décor est planté, on nage dans le glamour.

On est en juillet, les voitures s’accumulent pour faire le plein à prix coûtant, veille de week-end de grand départ.

Au milieu de cette transhumance estivale, un homme grand, très grand, très très très très grand, cinquantenaire, me regarde pendant qu’il fait son plein d’essence.

Nous partageons la même pompe, ça crée des liens… Je l’entends me dire : je ne fais jamais ça…

Quoi ? Le plein d’essence ? Il a des employés pour ça, lui ?

Je n’ai jamais abordé une femme dans la rue et encore moins dans une station essence, ses yeux riaient en disant ça.

Moi je le regardais figée comme toujours. Alors c’était ça mon karma ? Ma rencontre à moi ce n’était pas à Ibiza, ni dans un lieu romantique qui sent l’herbe fraîchement coupée, la mer et le sable chaud, non… moi ça sent le gasoil, le McDo d’à côté et je suis forcée d’écouter le Monsieur puisque accrochée à mon pistolet à la même pompe, je le laisse me harponner sans m’en rendre compte.

Je jette un coup d’œil à sa voiture rien de clinquant, une DS 7, noire, sobre, pas de Porsche clinquante en vue.

Le monsieur est habillé d’une chemise blanche manches retroussées, d’un short en jean et de Stan Smith. Sobre.

À l’avant, un jeune homme de 20 ans sa copie parfaite. Sobre.

Ça sent le départ en vacances avec papa, il me sourit encore, le sourire de celui qui sait qu’il vient de marquer au fer rouge sa proie.

Il a terminé. Moi aussi.

Et là comme dans un film, il me parle de son départ en vacances dans le Var, depuis Paris, la route est longue, de son arrêt chez des amis à Nîmes ce soir, je l’écoute bouche ouverte, il me dit attendez s’il vous plaît, j’ai quelque chose à vous donner.

Je reste là, les bras ballants alors qu’il me tend sa carte de visite sortie de son vide-poche de voiture.

Son fils en profite pour lui lancer un : « on reste ici ? C’est cool un parking pour commencer les vacances ! »

Les voitures de derrière s’impatientent, j’attrape la carte.

— Je n’ai jamais fait ça. Je vous prie de m’excuser, mais on ne sait jamais… La vie est bizarre parfois.

Je remontais dans ma voiture, le cœur battant comme une collégienne, les papillons dans la tête peut-être, ailleurs c’est sûr !

Je démarre, tout en me maudissant d’avoir été aussi peu prévoyante et d’avoir eu l’air d’une bohémienne tout droit sortie d’une caravane.

Voilà, un gentleman t’aborde et toi on dirait que tu arrives de la plage des Saintes-Maries-de-la-Mer un jour de procession à la Vierge !

Alors que je conduisais vite pour aller comme prévu prendre un petit apéro chez des amis chanceux d’être en couple et heureux au quotidien (oui, ça existe, ils en sont la preuve vivante, je le jure), je me rendis compte que la carte du monsieur avait un petit air très chic.

Sans lunettes je ne voyais rien, mais elle était déjà calibrée pour une CSP ++… sobre et chic.

Quel dommage ! Il était beau ! Il avait l’air drôle, classe, cultivé, sportif, etc., etc. Je pouvais le fantasmer, je ne le reverrai jamais !

— Fais voir sa carte.

— Voilà, tiens.

Long silence… Puis le rire de tous y compris du mari de Cécile et même d’un de ses fils de 20 ans et d’un de ses amis.

— Non, mais quoi ! Tu as vu qui c’est le mec !

— Non, fais voir, j’avais pas mes lunettes, car oui à 50 ans, on ne met pas que des lunettes de soleil.

— C’est Etienne V. le PDG de VDI le numéro 1, le seul, l’unique, le number one, number one des number one !

— Mais qu’est-ce qu’il foutait donc à la pompe chez Leclerc à 800 km de Paris en voiture ? New York, Miami, je veux bien ! Hong Kong pourquoi pas, pas la station-service Leclerc de cette petite ville du sud de la France, non c’est impossible !

— Il allait à Nîmes et dans le Var. Et quoi ? Vous voulez quoi ? Je ne vais pas lui téléphoner non plus ?

— Ben si justement.

— Non.

— Si.

— Non.

— Si.

La soirée passa ainsi, j’étais incapable de réaliser que c’était LE moment.

Pourtant j’étais sortie de mon état dépressif depuis déjà un moment, j’étais prête. Il l’avait dit le Doc.

Toute la soirée tourna autour de : faut lui envoyer un message ou pas ?

Même Théo le fils de 20 ans de mon amie s’employait à me préparer un « SMS d’accroche qui fait mouche à coup sûr » que je balayais d’un regard blasé.

En rentrant chez moi, je préparais un SMS en une minute, le message, le premier message du reste de ma vie, car comme dirait Daho tout peut changer aujourd’hui. Le premier message post célib.

Important : L’envoyer pour validation à la team de la veille…

Verdict :

— Voilàààààà ! C’est parfait ça !

Le SMS était simple : « vos vacances sont, je l’espère à la hauteur de vos attentes, le Var ne déçoit jamais. »

On était déjà dimanche après-midi toujours au bord de la piscine chez mes amis avec la team au grand complet, le moment était historique.

J’avais besoin d’encouragements pour envoyer ce message !

Ça y est, c’est parti !

Pour la première fois de ma vie, je me lance dans une véritable opération de séduction virtuelle.

Moqueries de la team, cœur qui bat, réponse immédiate et sans équivoque, directe, franche.

« Je suis comblé, Zodiac autour de l’île de Porquerolles ce matin, escorté par deux dauphins, accepteriez-vous de venir chasser le dauphin avec moi un de ces jours ? »

C’est un dingo ou quoi ?

C’est quoi cette accroche bizarre il veut chasser le dauphin, c’est quoi la métaphore, c’est nul cette réponse.

Encore une fois, Charlotte décortiquait une situation, une parole, pour en faire un argument imparable et justifier le refus de le rencontrer.

Pourtant, cette fois-ci c’était différent, c’était le moment d’y aller, elle répondit donc à ce SMS :

— Je ne chasse jamais le dauphin ni d’ailleurs aucun animal, auriez-vous par hasard une autre activité à proposer ? (Saloooooope ! crièrent en chœur tous mes amis.)

Ah ! Merde, trop tard, c’est envoyé.

Réponse bien entendu.

— Je suis tout disposé à vous emmener balader autour des îles sans velléité de chasse d’aucun animal, soyons fous, deux inconnus partent en zodiac et passent une journée magique. Se baigner seuls dans une crique, ne chercher rien d’autre que le plaisir de passer une merveilleuse journée.

C’est LE PLAN, nous l’appellerons le plan, cela vous convient ?

— Improbable, mais tentant, je me jette dans votre guet-apens, qu’allons-nous faire si nous ne chassons pas le dauphin ?

— Je vous l’ai dit, c’est LE PLAN je suis joueur je propose le Scrabble, ça vous convient ?

Je vous trouve très atypique Charlotte, vous m’avez fait rire dès l’instant ou je vous ai vu.

Je vous imagine, je vous fantasme depuis cette fameuse station-service donc allons-nous baigner, jouer au Scrabble en mer, j’adore le Scrabble… Bien sûr, on écoutera en boucle sous le soleil exactement de Gainsbourg, ça vous va toujours ?

— Vous êtes joueur, vous aimez flirter par SMS, c’est autre chose de se retrouver pour chasser le dauphin.

— Au fait, vous faites quoi dans la vie à part tourner la tête des touristes aux stations-service ?

— Je suis danseuse de flamenco et vous ?

— Réparateur de mobylette.