J’avais un rêve : une grande et belle famille - Lise Peron - E-Book

J’avais un rêve : une grande et belle famille E-Book

Lise Peron

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Beschreibung

Jane est une enfant timide et solitaire qui lutte pour trouver sa place au sein d’une famille où sa mère la rejette et sa sœur aînée la tourmente. Malgré ces difficultés, elle trouve refuge à l’école, plongeant avidement dans l’univers des livres, et du réconfort dans la musique lorsque la famille déménage en ville. Ce récit est une histoire émouvante d’espoir et de résilience, où chaque épreuve est surmontée par la force de l’amour et de la passion.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Après plusieurs tentatives infructueuses, Lise Peron a enfin pu réaliser son premier ouvrage : "30 histoires pour s’endormir avec Pipo". Encouragée par cette réussite, elle se plonge avec enthousiasme dans ce nouvel ouvrage qui promet d’être tout aussi captivant.

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Couverture

Page de titre

Lise Peron

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’avais un rêve : une grande

et belle famille

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Lise Peron

ISBN : 979-10-422-2986-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai versé quelques larmes,

Traversé quelques déserts,

mais j’ai surtout ressenti

beaucoup de joie et de fierté

auprès de mes enfants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À mon mari

J’avais un rêve : une grande et belle famille

 

 

 

 

 

Je me tenais au bras de mon mari, sous un soleil de plomb, loin des membres de la famille réunie autour de la sépulture de mon beau-père. Famille réduite à peau de chagrin si l’on considère le peu de ses membres présents à la cérémonie. Les amis et autres connaissances étaient plus nombreux. Mon beau-père avait été très populaire au sein de la communauté des sapeurs-pompiers.

Ma mère jouait à la perfection son rôle de veuve éplorée, oubliant, le temps des obsèques, sa conduite inqualifiable. Ignorant ostensiblement depuis des mois la maladie qui rongeait son époux, elle avait été très occupée à faire la fête. Sortir, dépenser, faire la fête, se plaindre de sa condition de femmes malheureuse… Et bien décidée à ne s’imposer aucune contrainte. Surtout pas la phase d’accompagnement final de l’homme qui lui avait assuré confort et sécurité pendant plus de trois décennies. À défaut de lui témoigner de l’affection, elle aurait pu lui en être reconnaissante et le soutenir durant cette période douloureuse.

Ma plus jeune sœur semblait aussi très affectée par cette disparition. Ou bien était-ce les remords qui la chagrinaient à ce point ? Elle avait toujours été excellente comédienne, cela devait lui servir encore aujourd’hui.

C’était la mythomane par excellence. Chacune des phrases qu’elle prononçait devait être analysée, étudiée par ses interlocuteurs pour essayer de trier le vrai du faux. C’était épuisant.

Comme d’habitude, elle était omniprésente, monopolisait l’attention. Il paraît même qu’elle avait convié voisins et amis à venir trinquer chez elle, à la mémoire du disparu. Comme toujours incontournable, personne n’aurait pu organiser la cérémonie mieux qu’elle. C’était la seule personne capable de s’occuper de tout. La plus odieuse, la plus hypocrite, en tout cas à mes yeux. Il fallait qu’elle soit au centre de l’attention générale, quelles que soient les circonstances. Tout comme aujourd’hui.

Toutes deux vêtues de noir et en larmes, elles oubliaient qu’elles avaient ignoré le défunt pendant des mois, voire des années, dès que la maladie et l’impotence l’avaient rattrapé.

Elles étaient inconsolables.

Cora, l’unique fille du défunt, vint me saluer. C’était sûrement la plus affectée par cette disparition, la plus sincèrement dans la peine.

Mon frère était là aussi, dans son costume de sapeur-pompier. « Il fait une chaleur là-dedans », me confia-t-il en aparté. Lui ne jouait pas la comédie. La disparition du beau-père était regrettable, mais c’était dans l’ordre des choses, sauf que ça aurait pu attendre encore un peu.

Mais il avait « bien vécu » et sa santé en avait été altérée. Aujourd’hui, il partait sûrement sans regret et c’était tant mieux pour lui. Chacun construit sa vie comme il le souhaite.

Ma sœur aînée, dans ses vêtements multicolores, se voyait de loin. Elle avait toujours aimé se faire remarquer, elle aussi, et n’avait pas failli à la règle pour l’enterrement du beau-père. Dans sa tenue bariolée, elle arborait toujours cet air arrogant et dédaigneux à la fois. Hautain.

Je remarquai qu’elle aussi se tenait à l’écart. Elle ignorait superbement tout le monde et traversait la foule de sa démarche guindée, écrasant les badauds de ce regard empreint de mépris qui n’appartenait qu’à elle.

Clotilde se serait-elle brouillée avec sa mère ? Ce serait très surprenant, me dis-je, faisant référence au passé, à notre histoire… notre enfance, mon enfance.

Une enfance dont les plus lointains souvenirs remontent à mes jeunes années dans ce petit village de la Brie encore si cher à mon cœur d’adulte sexagénaire.

Cette bourgade n’était pas très grande. Hormis l’église et la mairie-école, il y avait l’épicerie-tabac-billard où l’on pouvait trouver tout ce dont une famille modeste pouvait avoir besoin dans nos campagnes.

On vivait chichement, avec parcimonie, dans le monde rural. Personne ne s’en plaignait.

Il y avait aussi trois grosses fermes situées aux deux extrémités de la route principale du bourg. À bien y réfléchir, il n’y avait pas beaucoup d’autres rues. Deux autres fermes étaient excentrées, au milieu des champs.

Pour compléter le confort des villageois, un boucher sillonnait régulièrement nos rares voies de communication avec son camion frigorifique.

Une annexe de la poste était installée au rez-de-chaussée du domicile d’un agent qui collectait le courrier et détenait un stock de timbres pour répondre à la demande. Le facteur assurait le lien avec tout ce petit monde rural et la ville voisine.

 

J’étais une petite fille désireuse de plaire à ses parents et surtout à sa mère, car notre père n’était pas souvent là. Il fallait beaucoup travailler pour entretenir une famille dont la femme restait au foyer pour élever ses enfants.

À bien y réfléchir, je ne me sentais jamais très à l’aise en présence de notre père.

Ma sœur, d’un an mon aînée, était beaucoup plus grande et plus costaud que moi, particulièrement chétive, paraît-il. Dans ses colères envers moi, ma mère employait souvent l’expression « la naine » pour me désigner, terme tellement péjoratif et cruel dans sa bouche hostile.

 

Le fils des fermiers voisins organisait régulièrement des courses entre les deux sœurs. Chaque fois, je m’efforçais de courir à toute vitesse sur mes jambes trop courtes. Souvent, dans ma précipitation, je m’affalais brutalement sur le chemin rocailleux qui passait devant la maison. Je revenais en sanglotant et mon regard se dirigeait invariablement vers ma mère, quêtant sa sympathie, un minimum de compassion, d’empathie, de tendresse. Pourquoi pas quelques encouragements, voire un petit sourire ?

Immanquablement, je me heurtais à son regard narquois puis elle tournait les talons pour aller s’occuper ailleurs et, par là même, me signifier son indifférence à mon chagrin et ma douleur.

Je ne comprenais pas cette attitude, mais il est certain que cela calmait mes sanglots dans la seconde où je croisais son regard dépourvu de chaleur, à défaut de soigner mes genoux écorchés.

Si j’avais la chance de ne pas tomber et d’arriver la première, je lui souriais de toutes mes dents de lait, espérant trouver dans ses yeux une approbation, une lueur de fierté ou tout simplement un sourire. En vain ! Même pas un petit compliment.

Je me sentais rejetée.

Ne disait-elle pas, en parlant de moi, « Elle, elle est à part » ? Ce qui ne semblait pas être un compliment, mais plutôt une tare. Je ne comprenais pas.

 

J’étais en visite à la ferme voisine avec mon père quand je rencontrai Bayard pour la première fois. C’était un immense cheval noir. Du haut de mes trois ans, je le trouvais gigantesque et restai bouche bée devant l’animal somme toute très calme. Il était vraiment impressionnant, majestueux. Ses grands yeux sombres me sondaient sous ses longs cils noirs.

Timidement, j’osais lui caresser, ou plutôt, lui toucher la jambe. Il hennit doucement, à ma grande stupeur.

Le fermier et mon père s’amusaient de mon trouble puis l’agriculteur m’installa d’autorité sur le dos de l’animal. « Tiens-toi là, fit-il en m’indiquant la crinière soyeuse. On va faire une petite promenade. »

J’obtempérai, consciente de la chance que j’avais de me tenir sur le dos de ce géant magnifique.

Et nous voilà partis, moi trônant sur ma monture obscure et les deux autres encadrant le cheval, pour une merveilleuse balade d’au moins 100 mètres. Je n’oublierai jamais ces quelques minutes d’émerveillement. Merci à Bayard et à son maître.

 

Mon petit frère est arrivé quand j’avais trois ans. Nous passions beaucoup de temps ensemble. Dans les années 50, il n’y avait pas d’école maternelle dans les campagnes et nous n’étions scolarisés qu’à 5 ans.

J’appris donc à me faire une petite place entre ma sœur, déjà très dure avec moi, et mon petit frère.

 

Ma marraine, une jeune fille du village, m’offrit une poupée avec de longs cheveux nattés. C’était un merveilleux cadeau pour moi, mais très rapidement, Clotilde s’en est emparée et, trop heureuse de m’ennuyer, se mit à la balancer dans tous les sens en la tenant par les tresses. Après quelques minutes de ce traitement sauvage, la chevelure synthétique se décolla et je me retrouvai avec une poupée scalpée que ma mère enfouit aussitôt parmi les ordures à brûler, ponctuant son geste d’un « T’avais qu’à ranger tes affaires ».

Je me tins coite pour éviter d’être grondée davantage et je n’eus pas d’autre poupée.

 

Un jour merveilleux où nous étions tous partis nous promener avec notre père, celui-ci trouva sur le bord du chemin, perdu dans les hautes herbes par un promeneur malchanceux, un harmonica qu’il me tendit en m’encourageant à souffler dedans.

Je fus très surprise d’entendre des sons sortir de cet objet que je ne connaissais pas et, ravie, je m’époumonais dans une cacophonie jusqu’au retour à la maison.

C’est à cet instant que je remarquai l’attitude réprobatrice de ma mère. Elle était furieuse. Les lèvres pincées, elle contenait difficilement son envie de m’interrompre par une baffe ou des cris… ou les deux. Comprenant que ma prestation ne lui avait pas plu, je m’empressais de ranger l’instrument dans un coin de la chambre. Le lendemain, il avait disparu. Je n’avais pas su trouver la cachette idéale.

D’instinct, je savais qu’il valait mieux ne pas demander où il était. De toute façon, ma mère était de très mauvaise humeur, comme souvent en ma présence, et ce n’était pas le moment de la titiller.

 

Une autre fois, notre père emmena toute la famille à la pêche. C’était une grande promenade à faire le long de la rivière qui passait tout en bas du chemin menant à la gare. J’adorais ces moments où nous étions tous ensemble, où il n’y avait pas de cris ni d’énervement ni de colère. Ces instants étaient précieux, mais trop rares.

Ce jour-là, nous marchions en file indienne dans les hautes herbes, d’autant plus hautes pour moi que je n’étais vraiment pas grande, mais je m’efforçais vaillamment de suivre pour ne pas ralentir les grands, comme une bonne gamine exemplaire que je voulais être.

Je m’extasiais devant la profusion de marguerites et autres fleurs des champs pointant leur corolle dans le pré que nous traversions. Le soleil rendait le panorama encore plus réjouissant pour les yeux et j’en oubliai de regarder où je posais les pieds.

Ce qui devait arriver ne se fit pas attendre. Je dus m’empierger dans une racine et m’affalai de tout mon long dans la végétation qui cachait quelques orties au milieu des hautes herbes.

Mes hurlements arrêtèrent la procession et ma mère, hors d’elle, siffla : « Tu ne peux pas faire attention, relève-toi et regarde où tu marches, bonne à rien. » Mon père ne broncha pas. Ma sœur marchait devant, indifférente à la scène. Je n’avais d’autre choix que de suivre la procession familiale, sanglotant silencieusement, les bras et les jambes en feu.

Les orties ne pardonnent pas. Qui s’y frotte s’y pique selon un adage bien connu.

 

C’est vrai que ma mère n’était pas très souriante, mais je me souviens de ce jour où il y avait des travaux sur la route qui passait devant chez nous et des ouvriers qui ne parlaient pas très bien le français. L’un d’eux, celui qui semblait diriger toute l’équipe, engagea la conversation avec ma mère qui se tenait sur le pas de la porte, toute souriante.

Nous n’y prêtions guère attention jusqu’au moment où il extirpa de sa poche, à la manière d’un magicien, un énorme paquet de bonbons. Je n’en avais jamais vu autant de toute ma vie. Ma sœur et moi étions ébahies devant cette apparition et ma mère, plus avenante que jamais, ordonna à ma sœur d’aller partager avec moi dans le jardin attenant. Puis ils disparurent dans la maison.

Nous avions reçu l’ordre de ne pas déranger. Il n’y avait pas de danger, nous avions un trésor entre les mains. Nous nous installâmes dans la remise en ruine qui agonisait dans le fond du jardin pour une orgie de sucrerie à laquelle nous n’étions vraiment pas habituées.

Cela dura un bon bout de temps avant que je commence à ressentir les effets de cette débauche de sucre. Mon estomac n’en pouvait plus et je me tortillais en réclamant de l’eau. Ma sœur se précipita aussitôt dans la maison, oubliant la consigne et en bonne balance qu’elle était, informa notre génitrice de ma conduite inqualifiable ; j’avais trop abusé des sucreries et j’en payais le prix !

Quand ma mère me tomba dessus à bras raccourcis, elle n’avait plus le sourire. Une fois de plus, je l’avais mise en colère et le gentil monsieur aux bonbons avait disparu. Je fus consignée dans la chambre pour le reste de la journée, avec mes maux de ventre pour seule compagnie.

 

Puis je fis mon entrée à l’école communale. C’était un grand bâtiment au fond d’une petite cour fermée par des grilles. Au centre se trouvait le bureau de la mairie et, à l’étage, le logement du couple d’instituteurs qui sévissait à cette époque. De chaque côté, une classe. À droite, celle des petits jusqu’aux cours élémentaires et à gauche, celle des grands jusqu’au certificat d’études.

N’ayant pas été préparée à ce bouleversement, j’étais terrifiée. Je compris vite que je n’aurais pas le soutien de Clotilde dans cette étape de ma vie. La cour grouillait d’enfants qui hurlaient dans toutes les directions. Les bousculades me contraignirent à me réfugier dans un recoin du préau, espérant que le calme revienne rapidement.

Ma sœur avait rejoint ses amies et ne se souciait pas de cette idiote de Jane en détresse. Au contraire, cela semblait beaucoup l’amuser, et ses camarades aussi.

Dans la classe des petits, une grande table ronde était installée au fond de la pièce et réservée à la section enfantine, aujourd’hui remplacée par les classes maternelles. C’est autour de cette table que je découvris les lettres de l’alphabet et les chiffres. J’étais perdue au milieu de tous ces enfants et me réfugiais dans l’apprentissage de ces nouvelles connaissances distillées à tous grâce à l’école publique.

Je progressais rapidement. La maîtresse d’école me félicitait régulièrement pour mes résultats, m’encourageant à poursuivre mes efforts dans ce sens. Je me sentais bien en classe.

Ma grande sœur faisait déjà figure de « lanterne rouge » de la classe, selon l’expression favorite de l’institutrice qui ne ratait jamais une occasion de me citer en exemple auprès de mon aînée.

Elle n’aurait jamais dû. Clotilde s’empressa de me le faire payer.

Si elle ne m’avait pas trop malmenée auparavant, dans la cour de récréation, je devins vite son souffre-douleur. Elle et ses amies ne manquaient pas une occasion de me ridiculiser et mes copines devenaient très vite les amies de Clotilde pour ne pas devenir ses cibles.

J’appris donc à rester seule dans mon coin, piégée par cette timidité maladive qui m’empêchait de me défendre avec efficacité et de m’affirmer davantage.

Quant à ma mère, contrairement à ce que j’espérais, elle ne fit aucun cas de mes bons résultats scolaires. Pourtant, l’enseignante ne tarissait pas d’éloges à mon encontre, mais cela ne faisait qu’attiser l’animosité de notre mère à mon égard.